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raient pour les représenter avec distinction en sacrifiant les autres. On n'a pas songe que le nombre des riches est infiniment petit, si on le compare à la masse presque générale de ceux qui, vivant avec des facultes très-bornées, sont le plus exposés à toutes les inégalités et à tous les besoins. On a perdu de vue le père de famille, qui, sous un humble toit, n'a pour patrimoine qu'un sol à peine suffisant pour la nourriture et l'éducation de sa famille. Dejà courbé sous le poids des années, il ne pourrait suffire à un travail devenu trop pénible, s'il n'employait les bras du plus âgé de ses enfants aussitôt qu'ils ont quelque force. Cet enfant laborieux commence dès lors à être l'appui de sa famille: c'est à la sueur de son front que ses frères devront les premiers secours avec lesquels ils apprendront des professions industrielles, et que ses sœurs devront les petits capitaux, fruit de l'economie, et qui leur auront procuré des établissements utiles.-Croira-t-on que c'est la vanité qui détermine ce père de famille à donner quelque récompense à celui de ses enfants qui s'est sacrifié pour le bonheur de tous, et à conserver dans ses mains, autant que la loi le lui permet, un héritage sur lequel une nouvelle famille ne pourrait s'élever et prospérer, s'il était divise en trop petites portions?-L'intention de ceux qui ont interdit les dispositions au profit des héritiers est sans doute estimable; mais il est impossible de méconnaître leur erreur. — Déjà même la loi du 4 germ. an 8 autorisa les libéralités au profit des enfants ou autres successibles du disposant, sans qu'elles soient sujettes à rapport, pourvu qu'elles n'excedent pas les bornes prescrites.-Cette règle a été maintenue.

29. Pour bien connaître la quotité disponible, et celle qui est réservée aux enfants ou aux ascendants, il était nécessaire, d'une part, de désigner les biens auxquels s'applique la faculté de disposer, et, de l'autre, de regler le mode de réduction qui doit avoir lieu, si les dispositions excèdent la quotité fixée.

30. La faculté de disposer ne se calcule pas seulement sur les biens qui restent dans la succession apres les dettes payées, il faut ajouter à ces biens ceux que la personne décédée a donnés entre-vifs. On n'aurait pas mis de bornes fixes aux liberalités de disposer, si on n'avait pas eu égard à toute espèce de disposition. - II est sans doute du plus grand intérêt pour la société que les propriétés ne restent pas incertaines c'est de leur stabilité que dependent et la bonne culture et toutes ses améliorations. Mais déjà il a été prouvé que la transmission d'une partie des biens aux héritiers en ligne directe est une des bases de l'ordre social. Les père et mère et les enfants ont entre eux des devoirs qui doivent être remplis de préférence à de simples libéralités; l'accomplissement de ces devoirs est la condition tacite sous laquelle ces libéralités ont pu être faites ou acceptées; et dans le cas même où les donations n'auraient pas, lorsqu'elles ont été faites, excédé la quotité disponible, les donataires ne seraient point par ce motif préférables à des héritiers directs, s'il s'agit pour les premiers d'un pur bénéfice, et pour les autres d'un patrimoine nécessaire. La diminution survenue dans la fortune du donateur ne saurait même être présumée l'effet de sa malveillance envers le donataire. Ce sont ces motifs qui ont fait regarder comme indispensable de faire comprendre dans la masse des biens sur lesquels se calcule la quotité réservée par la loi, ceux qui auraient été donnés entre-vifs. On doit même y comprendre les biens dont la propriété aurait été transmise aux enfants dans le cas du divorce; il ne peut jamais en résulter pour eux un avantage tel que les autres enfants soient privés de la réserve légale. - Il ne doit être fait aucune déduction à raison du droit des enfants naturels; ce droit n'est point acquis avant la mort, et c'est, sous le titre de créance, une participation à la succession.

31. Les biens sur lesquels les enfants ou les ascendants doivent prendre la portion que la loi leur réserve étant ainsi déterminés, on avait à régler comment ces héritiers exerceront cette reprise lorsque les biens, libres de dettes et déduction faite des dons et des legs, ne suffiront pas pour remplir la quotité réservée. Il est évident que ce retour sur les legs ou donations n'est admissible que de la part de ceux au profit desquels la loi a restreint la faculté de disposer proportionnellement au droit qu'ils auraient dans la succession.

32. Si maintenant on examine quelles sont, dans le cas d'insuffisance des biens libres de la succession, les dispositions qui doivent être en premier lieu annulées ou réduites pour que la quotite réservée soit remplie, il ne peut y avoir de doute sur ce que la réduction ou l'annulation doit d'abord porter sur les legs. - Les biens légués font partie de la succession; les héritiers au profit desquels est la réserve sont saisis par la loi dès l'instant où cette succession est ouverte. Les legs ne doivent être payés qu'après l'acquit des dettes et des charges; la quotité réservée par la loi est au nombre de ces charges. — Chaque légataire ayant un même droit aux biens qui lui sont légués, l'équité veut que cette sorte de contribution soit faite entre eux au marc le franc.

33. Si néanmoins le testaleur avait déclaré qu'il entendait que certains legs fussent acquittés de préférence aux autres, les légataires ainsi préférés auraient un droit de plus que les autres, et la volonté du testateur ne serait pas exécutée si les autres legs n'étaient pas entièrement epuises pour remplir la réserve legale avant qu'on pût réduire ou annuler les legs préférés. On exige seulement, pour prévenir toute contestation sur cette volonté du testateur, qu'elle soit déclarée en termes exprès.

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34. Il restait à prévoir le cas où tous les biens de la succession, libres de dettes, et tous les biens légués, auraient été épuisés sans que la réserve légale fut encore remplie. Les donations entre-vifs doivent-elles alors, comme les legs, être réduites au marc le franc? On peut dire que, pour fixer la quotité réservée, on fait entrer dans le calcul des biens qui y sont sujets la valeur de tous ceux qui ont été donnés, sans égard aux diverses époques des donations, parce que chacune d'elles, et toutes ensemble, ont contribué à épuiser le patrimoine. Mais il est plus conforme aux principes que les donations soient réduites, en commençant par la plus récente, et en remontant successivement aux plus anciennes. En effet, on n'a pas, dans les premières donations, excédé la mesure prescrite, si les biens donnés postérieurement suffisent pour remplir la réserve légale. Si la réduction portait sur toutes les donations, le donateur aurait un moyen de révoquer en tout, ou par de Nouvelles donations, celles qu'il aurait d'abord faites. D'ailleurs, lorsqu'il s'agit d'attaquer des propriétés qui remontent à des temps plus ou moins éloignés, l'ordre public est intéressé à ce que la plus ancienne proprieté soit maintenue de préference. C'est le fondement de celle maxime: Qui prior est tempore potior est jure. Ces principes, déjà consacrés par l'ordonnance de 1731 (art. 34), ont été maintenus.

35. On a aussi conservé cette autre disposition de la même loi, suivant laquelle, lorsque la donation entre-vifs réductible a été faite à l'un des héritiers ayant une réserve légale, il peut retenir sur les biens donnés la valeur de la portion qui lui appartiendrait comme héritier dans les biens non disponibles, s'ils sont de la même

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36. Quant aux créanciers de celui dont la succession s'ouvre, ils n'ont de droit que sur les biens qu'ils y trouvent; ces biens doivent toujours, et nonobstant toute réserve legale, être épuisés pour leur payement: mais ils ne peuvent avoir aucune prétention à des biens dont leur débiteur n'était plus propriétaire. Si les titres de leurs créances sont antérieurs à la donation, ils ont pu conserver leurs droits en remplissant les formalites prescrites. Si ces titres sont postérieurs, les biens qui dès lors étaient par la donation hors des mains de leur débiteur n'ont jamais pu être leur gage. Il paraît contraire aux principes de morale que l'on puisse recueillir, même à titre de réserve, des biens provenant d'une personne dont toutes les dettes ne sont pas acquittées; et la consequence semble être que si le créancier ne peut pas, à cause du droit de propriété du donataire, avoir action contre lui, au moins doit-il exercer ses droits contre l'heritier sur les biens recouvrés par l'effet de la réduction. Si on s'attachait à l'idée que celui qui a le droit de réduction ne doit pas avoir de recours contre les donataires, à moins que les biens dont ceux-ci auraient été évincés ne devinssent le gage des créanciers du défunt, il vaudrait autant donner à ces créanciers contre les donataires une action directe que de l'accorder aux héritiers pour que les creanciers en profitent; ou plutôt alors, comme il no s'agirait réellement que de l'intérêt des créanciers, on ne devrait pas faire intervenir les héritiers pour dépouiller les donataires au profit des créanciers : ceux-ci d'ailleurs pourraient-ils espérer que les héritiers se porteraient à exercer un parcil recours? leur délicatesse ne serait-elle pas autant engagée à ne pas détruire le droit de propriété des donataires qu'à payer les créanciers? et si les héritiers manquaient de délicatesse, ne leur serait-il pas facile de traiter, à l'insu des créanciers, avec des donataires qui ne chercheraient qu'à se maintenir dans leur propriété?

37. L'action de l'héritier contre le donataire, et les biens donnés qui sont l'objet de ce recours, sont également étrangers à la succession. Le titre auquel l'héritier exerce ce recours remonte au temps même de la donation: elle est présumée n'avoir été faite que sous la condition de ce retour à l'héritier, dans le cas où la réserve ne serait pas remplie. C'est en conséquence de cette condition primitive de retour que l'heritier reprend les biens sans charges de dettes ou hypothèques créées par le donataire; c'est par le même motif que l'action en réduction ou revendication peut être exercée par l'héritier contre les tiers détenteurs des immeubles faisant partie de la donation et aliénés par le donataire, de la même manière et dans le même ordre que contre le donataire lui-même. Il faut donc considérer l'héritier qui evince un donataire entre-vifs comme s'il eût recueilli les biens au temps même de la donation. — S'il fallait admettre d'une manière absolue qu'un héritier ne peut recueillir à titre gratuit des biens de celui qui a des créanciers, sans en faire l'emploi au payement des dettes, il faudrait dire que toutes donations entre-vifs sont susceptibles d'ètre révoquées par des dettes que le donateur aurait depuis contractées c'est ce qui n'a été admis dans aucune législation. Il est sans doute à regretter que des idées morales se trouvent ici en opposition avec des principes qu'il serait bien plus dangereux de violer; ce sont ceux sur le droit de propriété nonseulement de l'enfant ou de l'ascendant, mais encore des autres intéressés. En voulant perfectionner la morale sous un rapport, on ferait naître la corruption sous plusieurs autres.

38. Après avoir ainsi réglé les qualités requises pour donner et recevoir, après avoir fixé la quotité disponible et avoir indiqué le mode à suivre pour les reductions, la loi s'occupe plus particulièrement d'abord des donations entre-vifs, et ensuite des testaments; elle prescrit les formes de chacun de ces actes; elle établit les principes sur leur nature et sur leurs effets. - C'est ici que tous les regards se fixent sur ces lois celebres qui contribueront à rendre immortelle la mémoire du chancelier d'Aguesseau. Les ordonnances sur les donations et sur les testaments ont été, comme le nouveau code, le fruit de longues méditations; elles n'ont également été adoptées qu'après avoir consulté le vœu de la nation par le seul moyen qui fût alors possible, celui de prendre l'avis des magistrats et des jurisconsultes. Les rédacteurs du code ont eu recours aux dispositions de ces lois avec le respect qu'inspirent leur profonde sagesse et le succes dont elles ont été couronnées.

39. Dans les donations entre-vifs, on distingue les formalités à observer dans les actes qui les contiennent et celles que l'on peut nommer extérieures. - Les formalités à observer dans ces actes ont un double objet, celui de les constater et celui d'en fixer la nature. On n'admet comme légalement constatés les actes portant donations entre-vifs que quand ils sont passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats. La minute doit rester entre les mains du notaire; elle ne doit être délivrée ni au donateur, ni au donataire. La donation entre-vils est un acte par lequel celui qui l'accepte s'engage à en remplir les conditions: il ne doit être au pouvoir ni de l'une ni de l'autre des parties de l'anéantir, en supprimant l'acte qui en contient la preuve. C'est encore parce que toute donation entre-vifs est considérée comme un engagement réciproque, qu'il est indispensable que les deux parties y interviennent, celle qui donne et celle qui accepte cela est conforme au droit romain, qui ne regardait point comme encore existante une libéralité, lorsque celui pour qui elle était destinée l'ignorait ou n'y avait pas

consenti.

40. L'acceptation étant une condition essentielle de toute donation, on a dù exiger qu'elle fût en termes exprès. Il en résultera, sans qu'il ait éts besoin d'en faire une disposition, que les juges ne pourront avoir aucun egard aux circonstances dont on prétendrait induire une acceptation tacite et sans qu'on puisse la présumer, lors même que le donataire aurait été présent à l'acte de donation et qu'il l'aurait signé, ou quand il serait entré en possession des choses données. Il était seulement une facilité qui n'avait rien de contraire à ces principes et qu'on ne pouvait refuser sans mettre le plus souvent un obstacle insurmontable à la faculté de disposer; c'est surtout au milieu des mouvements du commerce et lorsque les voyages sont devenus si communs, que les parents les plus proches et les amis les plus intimes sont exposés à vivre dans un grand éloignement. On a voulu prévenir cet inconvenient, en permettant l'acceptation par un acte postérieur ou par une personne fondée de la procuration du donataire, en regardant cette procuratica comme suffisante, soit qu'elle porte le pouvoir d'accepter la donation faite, soi qu'elle contienne un pouvoir general d'accepter les donations qui auraient été ou qui pourraient être faites.

41. De longues controverses avaient eu lieu entre les auteurs, sur le point de savoir si le donateur doit avoir la liberté de révoquer la donation qui n'est point encore acceptée. Les uns soutenaient que si on ne fixe point au donataire un délai dans lequel il ne soit plus admis à l'acceptation, le donateur ne peut point lui ôter cette faculté en revenant contre son propre fait. Les autres pensaient que jusqu'à l'acceptation l'acte est imparfait et ne saurait lier le donateur. Cette dernière opinion est la plus juste; elle avait été confirmée par l'ordonnance de 1731 et elle est maintenue.

42. Quoiqu'une donation soit toujours, indépendamment des conditions qui peuvent y être mises, regardée comme un avantage au profit du donataire, il suffit cependant que ce soit de la part de ce dernier un engagement, pour que la capacité de contracter, ou les formalités qui y suppléent, soient exigées. Si le donataire est majeur, l'acceptation doit être faite par lui, ou en son nom par la personne fondée de sa procuration.

43. S'il est mineur non émancipé, ou s'il est interdit, elle sera faite par son tuteur, conformément à ce qui est prescrit au titre de la minorité. Si le mineur est émancipé, son curateur l'assistera. On a même voulu éviter que, pour des acles toujours présumés avantageux, les mineurs fussent victimes des intérêts personnels ou de la négligence de ceux que la loi charge d'accepter. Les liens du sang et l'affection ont été considérés comme étant à cet égard un mandat suffisant; et sans porter atteinte soit à la puissance paternelle, soit à l'administration des tuteurs, tous les ascendants de l'un et de l'autre sexe, et à quelque degré qu'ils soient, auront le pouvoir d'accepter pour leurs descendants, même du vivant des père et mère, et quoiqu'ils ne soient ni tuteurs, ni curateurs du mineur, sans qu'il soit besoin d'aucun avis de parents.

44. Les bonnes mœurs et l'autorité du mari ont toujours exigé que la femme mariée ne pût accepter une donation sans le consentement de son mari, ou, en cas de refus de son mari, sans autorisation de la justice. En imposant cette condition aux femmes mariées en général, on n'admet d'exception ni pour celles qui ne seraient point en communauté avec leurs maris, ni pour celles qui en seraient séparées par jugement.

45. Depuis que, par les heureux efforts de la bienfaisance et du génie, les sourds et muets ont été rendus à la société, ils sont devenus capables d'en remplir les devoirs et d'en exercer les droits. Le sourd et muet qui saura par l'écriture manifester sa volonté pourra lui-même, ou par une personne ayant sa procuration, accepter une donation. S'il ne sait pas écrire, l'acceptation devra être faite en son nom par un curateur qui lui sera nommé pour remplir cette formalité.

46. Quant aux donations qui seront faites aux hospices, aux pauvres des communes, ou aux établissements d'utilité publique, elles seront acceptées par leurs administrateurs, lorsque le gouvernement, qui veille aux droits des familles comme à l'intérêt des pauvres, les y aura autorisés.

47. Après avoir ainsi prescrit les formalités de l'acte même de donation, la loi règle celles qui sont extérieures. Plusieurs dispositions de l'ordonnance de 1731 sont relatives à la tradition de fait des biens donnés. Cette formalité avait été établie dans plusieurs coutumes, mais elle n'était point en usage dans les pays de droit écrit; elle n'ajoute rien ni à la certitude, ni à l'irrévocabilité des donations entre-vifs. La règle du droit romain, qui regarde les donations comme de simples pactes, est préférable; elle écarte des difficultes nombreuses et sans objet. La donation dûment acceptée sera parfaite par le seul consentement des parties, et la propriété des objets donnés sera transférée au donataire, sans qu'il soit besoin d'autre tradition.

48. Une autre formalité extrinsèque avait été introduite par le droit romain; c'est celle connue sous le nom d'insinuation. On avait ainsi rendu publiques les donations pour eviter les fraudes, soit par la supposition de pareils actes, surtout entre les proches parenis, soit par la facilité de tromper des créanciers qui ignoraient ces alienations. En France, la formalité de l'insinuation a été admise et ordonnée par une longue suite de lois; elles n'ont point aplani toutes les difficultés que leur exécution a fait naître. L'ordonnance de 1731 avait levé plusieurs doutes sur l'application de la peine de nullite des donations pour lesquelles cette formalité n'avait pas été exécutée, sur la nécessité de la remplir dans les divers lieux du domicile et de la situation des biens, sur le mode d'insinuation, sur les délais prescrits et sur les effets de l'inexécution dans ces délais. Des lois interpretatives de l'ordonnance de 1731 ont encore été nécessaires, et une simple formalité d'enregistrement était devenue la matière d'un recueil volumineux de lois compliquées. Toute cette législation relative à la publicité des actes de donations entre-vifs est devenue inutile depuis que, par la loi qui s'exécute maintenant dans toute la France, non-seulement ces actes, mais encore toutes les autres aliénations d'immeubles, doivent être rendus publics par la transcription sur des registres ouverts à quiconque veut les consulter. L'objet de toutes les lois sur les insinuations sera donc entierement rempli, en ordonnant que lorsqu'il y aura donation de biens susceptibles d'hypothèques, la transcription des actes contenant la donation devra être faite aux bureaux des hypothèques dans l'arrondissement desquels les biens seront situés. Quant aux meubles qui seraient l'objet des donations, ils ne sauraient être mis au nombre des gages que les créanciers puissent suivre, il n'est aucun des différents actes par lesquels on peut aliener des meubles qui soit assujetti à de semblables formalités. L'insinuation se faisait, non-seulement au lieu de la situation des biens, mais encore à celui du domicile cette dernière formalité n'ayant point été jugée nécessaire dans le système général de la conservation des droits des créanciers, il n'y avait pas de motif particulier pour l'employer dans le cas de la transmission des biens par donations entre-vifs; on peut s'en reposer sur l'activité de ceux qui auront intérêt de connaître le gage de leurs créances ou de leurs droits. Quant aux héritiers, l'inventaire leur fera connaître, par les titres de propriété, quels sont les biens; et dans l'état actuel des choses, il n'est aucun héritier qui, ayant le moindre doute sur le bon état d'une succession, ne commence par vérifier, sur les registres du lieu de la situation des biens, quelles sont les aliénations.

49. Les personnes qui sont chargées de faire faire la transcription, et qui par ce motif ne pourront opposer le défaut de cette formalité, sont les maris, lorsque les biens auront été donnés à leurs femmes; les tuteurs ou curateurs, quand les donations auront été faites à des mineurs ou à des interdits; les administrateurs, quand elles auront été faites à des établissements publics. Les femmes ont dù, pour la conservation de leurs droits, être autorisées par la loi à faire procéder seules à la formalité de l'inscription, quand elle n'aura pas été remplie par les maris.

50. La question de savoir si les mineurs et ceux qui jouissent du même privilege peuvent être restitues contre le défaut d'insinuation des donations entre-vifs

n'était clairement décidée ni par le droit romain, ni par les anciennes ordonnances. Il y avait à cet égard une diversité de jurisprudence; et l'ord. de 1731, conformement à une déclaration du 19 janv. 1712, avait prononcé que la restitution n'aurait pas lieu, lors même que les tuteurs ou autres administrateurs seraient insolvables. Cette règle a été confirmée: elle est fondée sur le principe que si les mineurs ont des priviléges pour la conservation de leur patrimoine, et pour qu'ils ne soient pas surpris par les embûches tendues à la fragilité de leur âge, ils ne doivent pas être dispensés du droit commun, lorsqu'il s'agit seulement de rendre, par des donations, leur condition meilleure.

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51. On a examiné la question de savoir si les donations entre-vifs, qui n'auraient point été acceptées pendant la vie du donateur, et qu'il n'aurait pas révoquées, peuvent valoir comme dispositions testamentaires. - On peut dire que la volonté de donner est consignée dans l'acte de donation; que si le donataire n'a été, par aucune révocation, dépouille du droit d'accepter, le donateur est mort sans avoir varié dans son intention de lui faire une libéralité; que la volonté de l'homme qui se renferme dans les bornes légales doit être respectée. Mais cette opinion n'est pas admissible lorsque, pour les testaments, la loi exige une plus grande solennité que pour les donations entre-vifs. Le donateur, par acte entre-vifs, ne peut dès lors être présumé avoir entendu faire une disposition testamentaire, pour laquelle cet acte serait insuffisant; et, dans aucun cas, il ne doit lui être permis de se dispenser ainsi de remplir les formalités prescrites pour les testaments.

52. Il n'existe point de donation entre-vifs, à moins que le donateur ne se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte. De là ces maximes que donner el retenir ne vaul, et que c'est donner et retenir, quand le donateur s'est réservé la puissance de disposer librement de la chose donnée. On en fait l'application, en décidant que la donation entre-vifs ne peut comprendre que les biens présents du donateur. On avait, dans l'ord. de 1731, déclaré nulle, même pour les biens présents, la donation qui comprenait les biens présents et à venir, parce qu'on regardait ses dispositions comme indivisibles, à moins que l'intention contraire du donateur ne fût reconnue. — Il est plus naturel de présumer que le donateur de biens présents et à venir n'a point eu intention de disposer d'une manière indivisible; la donation ne sera nulle qu'à l'égard des biens à venir.

55. Les conséquences des maximes précédemment énoncées sont encore que toute donation entre-vifs, faite sous des conditions dont l'exécution dépend de la seule volonté du donateur, est nulle;

54. Qu'elle est également nulle si elle a été faite sous la condition d'acquitter d'autres dettes ou charges que celles qui existaient à l'époque de la donation, ou qui étaient exprimées dans les actes;

55. Que si le donateur n'a pas usé de la faculté de disposer, qu'il s'était réservée à l'égard d'une partie des objets compris dans la donation, ces objets n'appartiendront point au donataire;

56. Et que toute donation d'effets mobiliers doit être rendue certaine par un état estimatif annexé à la minute de la donation.

57. La réserve d'usufruit et le retour au profit du donateur n'ont rien de contraire à ces principes.

58. Il n'y a d'exception à l'irrévocabilité que dans les cas où le donateur aurait manqué à des conditions formellement exprimées, ou que la loi présume avoir été dans l'intention du donateur. -- La révocation pour cause d'inexécution des conditions exprimées est commune à toutes les conventions. Mais il est deux autres conditions que la loi a exprimées; la première, que le donataire ne se rendrait pas coupable d'actes d'ingratitude, tels que si le donateur avait pu les prévoir, il n'eût point fait la donation; et la seconde, qu'il ne lui surviendrait point d'enfants.

59. On a déterminé les cas dans lesquels les donations pourront être révoquées pour cause d'ingratitude : ce sera lorsque le donataire aura attenté à la vie du donateur, lorsqu'il se sera rendu coupable envers lui de sévices, délits, ou injures graves, lorsqu'il lui aura refusé des aliments.

60. Les donations en faveur de mariages sont exceptées, parce qu'elles ont aussi pour objet les enfants à naître, et qui ne doivent pas être victimes de l'ingratitude du donataire.

61. Quant à la révocation par survenance d'enfants, on la trouve établie dans le droit romain par une loi célèbre (Si unquam, cod. De Revoc. donat.). Elle est fondée sur ce qu'il est à présumer que le donateur n'a point voulu préférer des étrangers à ses propres enfants. En vain oppose-t-on à un motif aussi puissant qu'il en résulte une grande incertitude dans les propriétés, que les enfants peuvent ne survenir qu'un grand nombre d'années après la donation, que celui qui donno est présumé avoir mesuré ses libéralités sur la possibilité d'avoir des enfants, que des mariages ont pu être contractes en considération de ces libéralités. Ces considerations ne sauraient l'emporter sur la loi naturelle, qui subordonne toutes les affections à celles qu'un père a pour ses enfants. Il n'est point à présumer qu'il ait entendu, en donnant, violer des devoirs de tout temps contractés envers les descendants qu'il pourrait avoir, et envers la société. Si une volonté pareille pouvait être présumée, l'ordre public s'opposerait à ce qu'elle fût accueillie. Ce sont des principes que le donataire ne saurait méconnaître. Il n'a donc pu recevoir que sous la condition de la préférence due aux enfants qui naîtraient. La règle de la révocation des donations par survenance d'enfants a été maintenue telle que dans l'ord. de 1731 on la trouve expliquée et dégagée des difficultés qu'elle avait fait

naître.

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62. Les règles particulières aux donations entre-vifs sont suivies de celles qui concernent spécialement la forme et l'exécution des dispositions testamentaires. L'institution d'héritier était, dans les pays de droit écrit, l'objet principal des testa. ments. Dans l'autre partie de la France, la loi seule faisait l'héritier, l'institution n'y était permise qu'en considération des mariages. Plusieurs coutumes n'avaient même pas admis cette exception. Elles avaient toutes réservé aux parents, les unes sous le titre de propres, et les autres sous ce titre et même sous celui d'acquêts ou de meubles, une partie des biens. Cet ordre n'etait point en harmonie avec celui des affections naturelles. Il eut donc été inutile et même contraire au maintien de la loi d'admettre pour l'institution d'héritier la volonté de l'homme, qui eût toujours cherché à faire prévaloir le vœu de la nature. -Ces différences entre les pays de droit écrit et ceux de coutumes doivent disparaître lorsqu'une loi commune à toute la France donne, sans aucune distinction de biens, la même liberté de disposer. L'institution d'héritier y sera également permise. Le plus grand défaut que la legislation sur les testaments ait eu chez les Romains, et depuis en France, a été celui d'être trop compliquée. On a cherché les moyens de la simplifier. - On a donc commencé par écarter toute difficulté sur le titre donné à la disposition. La

estament vaudra sous quelque titre qu'il ait été fait, soit sous celui d'institution d'héritier, soit sous le titre de legs universel ou particulier, soit sous toute autre dénomination propre à manifester la volonté.

63. On a seulement maintenu et expliqué une règle établie par l'ord. de 1735 (art. 77). Un testament ne pourra être fait conjointement et dans le même acte par deux ou plusieurs personnes, soit au profit d'un tiers, soit à titre de donation reciproque et mutuelle. Il fallait éviter de faire renaître la diversité de jurisprudence qui avait eu lieu sur la question de savoir si, après le décès de l'un des testateurs, le testament pouvait être révoqué par le survivant. Permettre de le révoquer, c'est violer la foi de la réciprocité; le déclarer irrévocable, c'est changer la nature du testament, qui, dans ce cas, n'est plus réellement un acte de dernière volonté. Il fallait interdire une forme incompatible, soit avec la bonne foi, soit avec la nature des testaments.

64. Au surplus, on a choisi dans le droit romain et dans les coutumes les formes d'actes qui ont à la fois paru les plus simples et les plus sûres. Elles seront au nombre de trois le testament olographe, celui fait par acte public et le testament mystique. Ainsi les autres formes de testaments, et, à plus forte raison, les dispositions qui seraient faites verbalement, par signes ou par lettres missives, ne seront point admises.

65. Le testament olographe, ou sous signature privée, doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Cette forme de testament n'était admise dans les pays de droit écrit qu'en faveur des enfants. Au milieu de toutes les solennités dont les Romains environnaient leurs testaments, un écrit privé ne leur paraissait pas mériter assez de confiance; et s'ils avaient, par respect pour la volonté des pères, soumis leurs descendants à l'exécuter lorsqu'elle serait ainsi manifestée, ils avaient même encore exigé la présence de deux témoins. Devait-on rejeter entièrement les testaments olographes? Cette forme est la plus commode, et l'expérience n'a point appris qu'il en ait résulté des abus qui puissent déterminer à les faire supprimer. Il valait donc mieux rendre cette manière de disposer par testament commune à toute la France.

66. On a seulement pris une précaution pour que l'état de ces actes soit constaté. Tout testament olographe doit, avant qu'on l'exécute, être présenté au juge désigné, qui dressera un procès-verbal de l'etat où il se trouvera et en ordonnera le dépôt chez un notaire.

67. Quant aux testaments par actes publics, on a pris un terme moyen entre les solennités prescrites par le droit écrit et celles usitées dans les pays de coutume. -Il suffisait, dans ces pays, qu'il y eût deux notaires ou un notaire et deux témoins; on avait même attribué, dans plusieurs coutumes, ces fonctions à d'autres personnes publiques ou à des ministres du culte. Dans les pays de droit écrit, les testaments nuncupatifs écrits devaient être faits en présence de sept témoins au moins, y compris le notaire. La liberté de disposer ayant été en general beaucoup augmentée dans les pays de coutume, il était convenable d'ajouter aux précautions prises pour constater la volonté des testateurs; mais en exigeant un nombre de témoins plus considérable que celui qui est nécessaire pour atteindre à ce but, on eût assujetti ceux qui disposent à une grande gêne, et peut-être les eût-on exposés à se trouver souvent dans l'impossibilité de faire ainsi dresser leurs testaments.- Ces motifs ont déterminé à régler que le testament par acte public sera reçu par deux notaires en présence de deux témoins, ou par un notaire en présence de quatre témoins.

68. L'usage des testaments mystiques ou secrets était inconnu dans les pays de coutume; c'était une institution à propager en faveur de ceux qui ne savent pas écrire, ou qui, par des motifs souvent plausibles, ne veulent ni faire leur testament par écrit privé, ni confier le secret de leurs dispositions. Elle devenait encore plus nécessaire quand, pour les testaments par acte public, on exige dans tous les cas la présence de deux témoins, et qu'il doit même s'en trouver quatre, s'il n'y a qu'un notaire. Mais, en admettant la forme des testaments mystiques, on ne pouvait négliger aucune des formalités requises dans les pays de droit écrit. On doit craindre dans ces actes les substitutions de personnes ou de pièces : il faut que les formalités soient telles que les manœuvres les plus subtiles de la cupidité soient dėjouées, et c'est surtout le nombre des témoins qui peut garantir que tous ne sanraient entrer dans un complot criminel. On a donc cru devoir adopter les formalités des testaments mystiques ou secrets, telles qu'on les trouve énoncées dans l'ordonnance de 1735.

69. On a voulu rendre uniformes les formalités relatives à l'ouverture des testaments mystiques. Leur présentation au juge, leur ouverture, leur dépôt seront faits de la même manière que pour les testaments olographes. On exige de plus que les notaires et les témoins par qui l'acte de suscription aura été signé, et qui se trouveront sur les lieux, soient présents ou appelés.

70. Telles sont en général les formalités des testaments. Mais il est possible que le service militaire, que des maladies contagieuses, ou des voyages maritimes, mettent les testateurs dans l'impossibilité d'exécuter à cet égard la loi; cependant, c'est dans ces circonstances où la vie est souvent exposée qu'il devient plus pressant et plus utile de manifester ses dernières volontés. La loi serait donc incomplète si elle privait une partie nombreuse des citoyens, et ceux surtout qui ne sont loin de leurs foyers que pour le service de la patrie, d'un droit aussi naturel et aussi précieux que celui de disposer par testament. Aussi, dans toutes les legislations, a-t-on prescrit, pour ces differents cas, des formes particulières qui donnent autant de sûreté que le permet la possibilité d'exécution; celles qui déjà ont été établies par l'ordonnance de 1735 ont été maintenues avec quelques modifications qui n'exigent pas un examen particulier.

71. Après avoir prescrit les formalités des testaments, on avait à régler quels seraient leurs effets et comment ils seraient exécutés. Il n'y aura plus à cet égard aucune diversité. L'héritier institué et le légalaire universel auront les mêmes droits et seront sujets aux mêmes charges. -Dans les coutumes où l'institution d'héritier était absolument défendue, ou n'était admise que dans les contrats de mariage, il n'y avait de titre d'héritier que dans la loi même, ce qu'on exprimait par ces mots: le mort saisit le vif. Les légataires universels étaient tenus, lors même qu'ils recueillaient tous les biens, d'en demander la délivrance. Dans les pays de droit écrit, presque tous les héritiers avaient leur titre dans un testament; ils étaient saisis de plein droit de la succession, lors même qu'il y avait des légitimaires. -On peut dire, pour le système du droit écrit, que l'institution d'héritier étant autorisée par la loi, celui qui est institué par un testament a son titre dans la loi même, comme celui qui est appelé directement par elle; que dès lors qu'il existe un héritier par l'institution, il est sans objet et même contradictoire qu'il y ait un parent ayant cette qualité sans aucun avantage à en tirer; que le testament, re

vêtu des formes suffisantes, est un titre qui ne doit pas moins que les autres avoir son exécution provisoire; que la demande en délivrance et la mainmise par le parent qui est dépouillé de la qualité d'héritier, ne peuvent qu'occasionner des frais et des contestations que l'on doit éviter. Ceux qui prétendent que l'ancien usago des pays de coutume est préférable, lors même que la faculté d'instituer les héritiers y est admise, regardent le principe suivant lequel le parent appelé par la loi à la succession doit toujours être réputé saisi à l'instant de la mort, comme la sauvegarde des familles. Le testament ne doit avoir d'effet qu'après la mort, et, lorsqu'il a ete produit, le titre du parent appelé est certain; l'autre peut n'être pas valable, et il est au moins toujours susceptible d'examen. Le temps de produire un testament, pendant que se remplissent les premières formalités pour constater l'état d'une succession, n'est jamais assez long pour que la saisie du parent appelé par la loi puisse être préjudiciable à l'héritier institué. Ni l'une ni l'autre de ces deux opinions n'a été entièrement adoptée: on a pris dans chacune d'elles ce qui a paru le plus propre à concilier les droits de ceux que la loi appelle à la succession, et de ceux qui doivent la recueillir par la volonté de l'homme.

72. Lorsqu'au décès du testateur il y aura des héritiers auxquels une quotité de biens sera réservée par la loi, ces héritiers seront saisis de plein droit par sa mort de toute la succession, et l'héritier institué ou le légataire universel sera tenu do leur demander la délivrance des biens compris dans le testament. Lorsque l'héritier institué ou le légataire universel se trouve ainsi en concurrence avec l'héritier de la loi, ce dernier mérite la préférence. Il est difficile que dans l'exécution cela puisse être autrement. Ne serait-il pas contre l'honnêteté publique, contre l'humanité, contre l'intention présumée du testateur, que l'un de ses enfants on que l'un des auteurs de sa vie fût à l'instant de sa mort expulsé de sa maison, sans qu'il eût même le droit de vérifier auparavant le titre de celui qui se présente? Ce dernier aura d'aulant moins droit de se plaindre de cette saisie momentanée, qu'il recueillera les fruits à compter du jour du décès, si la demande en délivrance a été formée dans l'année.

73. Si l'héritier institué ou le légataire universel ne se trouve point en concurrence avec les heritiers ayant une quotité de biens réservée par la loi, les autres parents ne pourront empêcher que ce titre n'ait toute sa force et son exécution provisoire dès l'instant même de la mort du testateur.- Il suffit qu'ils soient mis à portée de vérifier l'acte qui les dépouille. Si cet acte a été fait devant notaires, c'est celui qui par ses formes rend les surprises moins possibles, et il se trouve d'avance dans un dépôt où les personnes intéressées peuvent le vérifier. - S'il a été fait olographe ou dans la forme mystique, des mesures ont été prises pour que les parents appelés par la loi aient la facilité de les vérifier avant que l'héritier institué ou le légataire universel puisse se mettre en possession.

74. Les testaments faits sous l'une et l'autre forme devront être deposés chez un notaire commis par le juge; on assujettit l'héritier institué ou le légataire universel à obtenir une ordonnance d'envoi en possession, et cette ordonnance ne sera délivrée que sur la production de l'acte du dépôt,

75. Quant aux charges dont l'héritier institué et le légataire universel sont tenus, les dettes sont d'abord prélevées, et conséquemment, s'il est en concurrence avec un héritier auquel la loi réserve une quotité de biens, il y contribuera pour sa part et portion, et hypothécairement pour le tout. Il est une autre charge qui n'était pas toujours aussi onéreuse pour l'héritier institué que pour le légataire universel. Dans les pays de droit écrit, l'héritier institué était autorisé à retenir, sous le nom de falcidie, le quart de la succession par retranchement sur les legs, s'ils excédaient la valeur des trois quarts. Les testaments avaient toujours été considérés chez les Romains comme étant de droit politique plutôt que de droit civil, et la loi prenait toutes les mesures pour que cet acte de magistrature suprême reçut son exécution; elle présumait toujours la volonté de ne pas mourir ab intestat. — Cependant, lorsque le testateur avait épuisé en legs la valeur de sa succession, les héritiers institués n'avaient plus d'intérêt d'accepter; l'institution devenait caduque, et avec elle tombait tout le testament. On présuma que celui qui instituait un héritier le préférait à de simples légataires, et l'héritier surchargé de legs fut autorisé, par la loi qu'obtint le tribun Falcidius, sous le règne d'Auguste, à retenir le quart des biens. Cette mesure fut ensuite rendue commune à l'héritier ab intestat, et à ceux même qui avaient une légitime. Ce droit a été consacré par l'ordonnance de 1735. Dans les pays de coutume, il n'y avait point de pareille retenue au profit des légataires universels, lors même que les biens laissés par le testateur étaient tous de nature à être compris dans le legs. La présomption légale dans ces pays était que les legs particuliers contenaient l'expression plus positive de la volonté du testateur, que le titre de légataires universels; ceux-ci étaient tenus d'acquitter tous les legs. Cette dernière législation a paru préférable; les causes qui ont fait introduire la quarte falcidie n'existent plus. La loi, en déclarant que les legs particuliers seront tous acquittés par les héritiers institués ou les légataires universels, ne laissera plus de doute sur l'intention qu'auront eue les testateurs de donner la préférence aux legs particuliers; s'il arrive que des testateurs ignorent assez l'état de leur fortune pour l'épuiser en legs particuliers, lors même qu'ils institueraient un héritier ou qu'ils nommeraient un légataire universel, la loi ne doit point être faite pour des cas aussi extraordinaires.

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76. Il est une autre classe de legs connus sous le nom de legs à titre universel; non qu'ils comprennent, comme le legs dont on vient de parler, l'universalité des biens, mais seulement soit une quote-part de ceux dont la loi permet de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous les immeubles, ou tout le mobilier, ou une quotité des immeubles, ou une quotité du mobilier.

77. Ces légataires, comme ceux à titre particulier, sont tenus de demander la délivrance; mais il fallait les distinguer, parce qu'il est juste que ceux qui recueillent ainsi à titre universel une quote-part des biens de la succession soient assujettis à des charges qui ne sauraient être imposées sur les legs particuliers; telle est la contribution aux dettes et charges de la succession, et l'acquit des legs particuliers par contribution avec ceux qui recueillent, sous quelque titre que ce soit, l'universalité des biens.

78. Lorsqu'il y aura un légataire à titre universel d'une quotité quelconque de tous les biens, on devra mettre dans cette classe celui qui serait porté dans le même testament pour le surplus des biens sous le titre de légataire universel.

79. Quant aux legs particuliers, on s'est conformé aux règles de droit commun, et on a cherché à prévenir les difficultés indiquées par l'expérience: il suffit de lire ces dispositions pour en connaître les motifs.

80. Il en est ainsi et de celles qui concernent les exécuteurs testamentaires, et de la révocation des testaments ou de leur caducité.

81. La loi établit des règles particulières à certaines dispositions entre-vifs ou de

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82. Il est encore un autre genre de dispositions qui doit avoir sur le sort des familles une grande influence: ce sont les partages faits par le père, la mère, ou les autres ascendants, entre leurs descendants; c'est le dernier et l'un des actes les plus importants de la puissance et de l'affection des pères et mères. Ils s'en rapporteront le plus souvent à cette sage répartition que la loi elle-même a faite entre leurs en fants; mais il restera souvent, et surtout à ceux qui ont peu de fortune, comme à ceux qui ont des biens dont le partage ne sera pas facile, ou sera susceptible d'inconvénients, de grandes inquiétudes sur les dissensions qui peuvent s'élever entre Jeurs enfants. Combien serait douloureuse pour un bon père l'idée que des travaux dont le produit devait rendre sa famille heureuse, seront l'occasion de haines et de discordes! A qui donc pourrait-on confier avec plus d'assurance la répartition des biens entre les enfants, qu'à des pères et mères, qui mieux que tous autres en connaissent la valeur, les avantages et les inconvénients; à des pères et mères, qui rempliront cette magistrature, non-seulement av. c l'impartialité de juges, mais encore avec ce soin, cet intérêt, cette prévoyance que l'affection paternelle peut seule inspirer?- Cette présomption, quelque forte qu'elle soit en faveur des pères et mères, a cependant encore laissé des inquiétudes sur l'abus que pourraient faire de ce pouvoir ceux qui, par une préférence aveugle, par orgueil, ou par d'autres passions, voudraient réunir la majeure partie de leurs biens sur la tête d'un seul de leurs enfants. Il a été calculé que plus les enfants seraient nombreux, et plus il serait facile au père d'accumuler les biens au profit de l'enfant preferé. Il eût été injuste et même contraire au but que l'on se proposait de refuser au père qui du partage entre ses enfants, pouvait disposer librement d'une partie de siens, l'exercice de cette faculté dans le partage même. C'est ainsi qu'il pentviter des démembrements, conserver à l'un de ses enfants l'habitation, qui pra continuer d'être l'asile commun, réparer les inégalités naturelles ou accidentelles: en un mot, c'est dans l'acte de partage qu'il pourra le mieux combiner, et en même temps realiser la répartition la plus équitable et la plus propre à rendre heureux chacun de ses enfants.

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83. Mais si l'un des enfants était lésé de plus du quart, ou s'il résultait du partage et des dispositions faites par preciput que l'un des enfants aurait un avantage plus grand que la loi ne le permet, l'operation pourra être attaquée par les autres intéressés.

84. Les démissions de hiens étaient usitées dans une grande partie de la France. Il y avait sur la nature de ces actes des règles très-differentes. Dans certains pays on ne leur donnait pas la force des donations entre-vifs; elles étaient révocables. Ce n'était point aussi un acte testamentaire, puisqu'il avait un effet présent. On avait, dans ces pays, conserve la règle de droit suivant laquelle on ne peut pas se faire d'héritier irrevocable, il n'y avait d'exception que pour les institutions par contrat de mariage. On craignait que les parents n'eussent à se repentir de s'être trop abandonnés à des sentiments d'affection, et d'avoir eu trop de confiance en ceux auxquels ils avaient livré leur fortune. Mais, d'un autre côté, c'etait laisser dans les pactes de famille une incertitude qui causait les plus graves inconvenients. Le demissionnaire qui avait la propriété sous la condition de la révocation se flattait toujours qu'elle n'aurait pas lieu. Il traitait avec des tiers, il s'engageait. il dépensait, il aliénait; et la révocation n'avait presque jamais lieu sans des procès qui empoisonnaient le reste de la vie de celui qui s'était démis, et qui rendaient sa position pire que s'il eût laissé subsister sa démission. On a supprimé cote espèce de disposition; elle est devenue inutile. Les pères et mères pourront dans les donations entre-vifs imposer les conditions qu'ils voudront; ils auront la même liberté dans les actes de partage, pourvu qu'il n'y ait rien de contraire aux règles qui viennent d'être exposées, et suivant lesquelles les démissions des biens, si elles avaient été autorisées, eussent été déclarées irrévocables.

85. Il est deux autres genres de donations qui toujours ont été mises dans une classe à part, et pour lesquelles les règles générales doivent être modifiées.-Ce sont ies donations faites par contrat de mariage aux époux et aux enfants à naître dc celle union, et les donations entre époux.

86. Toute loi dans laquelle on ne chercherait pas à encourager les mariages serait contraire à la politique et à l'humanité. Loin de les encourager, ce serait y mettre obstacle, si on ne donnait pas le plus libre cours aux donations, sans lesquelles ces liens ne se formeraient pas. Il serait même injuste d'assujettir les parents donateurs aux règles qui distinguent, d'une manière absolue, les donations entre-vifs des testaments. Le père qui marie ses enfants s'occupe de leur postérité; Ja donation actuelle doit donc être presque toujours subordonnée à des dispositions sur la succession future. Non-seulement les contrats de mariage participent de la nature des actes entre vifs et des testaments, mais encore on doit les considérer comme des traités entre les deux familles, traites pour lesquels on doit jouir de la plus grande liberté.-Ces principes sont immuables, et leurs effets ont dû être maintenus dans la loi proposée.-Ainsi les ascendants, les parents collatéraux des époux, et même les étrangers, pourront, par contrat de mariage, donner tout ou partie des biens qu'ils laisseront au jour de leur décès. Ces donateurs pourront prévoir le cas où l'époux donataire mourrait avant eux, et dans ce cas étendre leur disposition au profit des enfants à naître de leur mariage. Dans le cas même où les donateurs n'auront pas prévu le cas de leur survie, il sera présumé de droit que leur intention a été de disposer, non-seulement au profit de l'époux, mais encore en faveur des enfants et descendants à naître du mariage.

87. Ces donations pourront comprendre à la fois les biens présents et ceux à venir. On a seulement pris à cet égard une précaution dont l'expérience a fait connaître la nécessité. - L'époux auquel avaient été donnés les biens présents et à venir avait, à la mort du donateur, le droit de prendre les biens existants à l'époque de la donation, en renonçant aux biens à venir, ou de recueillir les biens tels qu'ils se trouvaient au temps du décès. Lorsque le donataire préférait les biens qui existaient dans le temps de la donation, des procès sans nombre, et qu'un long intervalle de temps rendait le plus souvent inextricables, s'elevaient sur la fixation de l'état de la fortune à cette même époque : c'était aussi un moyen de fraude envers des créanciers dont les titres n'avaient pas une date certaine. La faveur des mariages ne doit rien avoir d'incompatible avec le repos des familles et avec la bonne foi. Il est donc nécessaire que le donateur qui veut donner le choix des biens presents ou de ceux à venir appese à l'acte un état des delles et des charges alors existantes, et

que le donataire devra supporter; sinon le donataire ne pourra, dans le cas où il acceptera la donation, réclamer que les biens qui se trouveront à l'époque du décès. 88. Les donations par contrat de mariage pourront être faites sous des conditions dont l'exécution dépendra de la volonté du donateur. L'époux donataire est presque toujours l'enfant ou l'héritier du donateur. Il est donc dans l'ordre naturel qu'il se soumette aux volontés de celui qui a autant d'influence sur son sort; et si c'est un étranger dont il éprouve la bienfaisance, la condition qui lui est imposée n'empêche pas qu'il ne soit pour lui d'un grand intérêt de l'accepter.

89. Enfin un grand moyen d'encourager les donations par contrat de mariage était de déclarer qu'à l'exception de celles des biens présents, elles deviendraient caduques si le donateur survit au donataire décédé sans postérité.

90. Toutes les lois qui ont précede celle du 17 niv. an 2 ont toujours distingué les donations que les époux peuvent se faire entre eux par leur contrat de mariage, de celles qui auraient eu lieu pendant le mariage, Le mariage est un traité dans lequel les mineurs, assistés de leurs parents, ou les majeurs, doivent être libres de stipuler leurs droits et de régler les avantages qu'ils veulent se faire. Les sentiments réciproques sont alors dans toute leur énergie; et l'un n'a point encore pris sur l'autre cet empire que donne l'autorité maritale, ou qui est le résultat de la vie commune. La faveur des mariages exige que les époux aient, au moment où ils forment leurs liens, la liberté de se faire réciproquement, ou l'un des deux à l'autre, les donations qu'ils jugeront à propos..

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91. Il en est autrement des donations que les époux voudraient se faire pendant le mariage. Les lois romaines defendirent d'abord les donations entre époux d'une manière absolue. On craignait de les voir se dépouiller mutuellement de leur patrimoine par les effets inconsidérés de leur tendresse réciproque, de rendre le mariage vénal, et de laisser l'époux honnête exposé à ce que l'autre le contraignît d'acheter la paix par des sacrifices sous le titre de donations. Cette défense absolue fut modifiée sous le regue d'Antonin, qui crut prévenir tous les inconvénients en donnant aux époux la faculté de révoquer les donations qu'ils se feraient pendant le mariage. Cette doctrine a été suivie en France dans la plupart des pays de droit écrit. Dans les pays de coutume, on a conservé l'ancien principe de la defense absolue de toute donation entre mari et femme pendant le mariage, à moins que la donation ne fût mutuelle au profit du survivant; et encore cette espèce de donation était-elle, quant aux espèces et à la quantité de biens qu'elle pouvait comprendre, plus ou moins limitée. Ces bornes ont été, dans la plupart des coutu mes, plus resserrées dans le cas où, à l'époque de la dissolution du mariage, il existait des enfants, que dans le cas où il n'y en avait point. En modifiant ainsi la défense absolue, il résultait que la condition de réciprocité ou de survie écartait toute intention odieuse de l'un des époux de s'enrichir aux dépens de l'autre, et que les bornes dans lesquelles ces donations étaient resserrées conservaient les biens de chaque famille. On a pris dans ces deux systèmes ce qui est le plus convenable à la dignité des mariages, à l'interêt réciproque des époux, à celui des enfants. 92. Il sera permis à l'époux de donner à l'autre époux, soit par le contrat de mariage, soit pendant le mariage, dans le cas où il ne laisserait point de postérité, tout ce qu'il pourrait donner à un étranger, et en outre l'usufruit de la totalité de la portion dont la loi defend de disposer au prejudice des héritiers directs. — S'il laisse des enfants, ces donations ne pourront comprendre que le quart de tous les biens en propriété, et l'autre quart en usufruit, ou la moitié de tous les biens en usufruit seulement.

95. Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre-vifs, seront toujours révocables, et la femme n'aura pas besoin, pour exercer ce droit, de l'autorisation de son mari ni de la justice. - Cette loi donnant la faculté de disposer, même au profit d'un étranger, de tous les biens qui ne sont pas réserves aux héritiers en ligne directe, il n'eût pas été conséquent qu'un époux fút privé de la même liberte vis-à-vis de l'autre époux pendant le mariage. Tel est même l'effet de l'union intime des époux, que, sans rompre les liens du sang, leur inquietude et leur affection se portent plutôt sur celui des deux qui survivra, que sur les parents qui doivent lui succéder. On a donc encore suivi le cours des affections, en décidant que les époux ne laissant point d'enfants pourraient se donner l'usufruit de la totalité de la portion de biens disponible.

94. Si l'époux laisse des enfants, son affection se partage entre eux et son épous, et lors même qu'il se croit le plus assuré que l'autre époux survivant ferait de la totalité de sa fortune l'emploi le plus utile aux enfants: les devoirs de paternité sont personnels, et l'époux donateur y manquerait s'il les confiait à un autre; il no pourra donc être autorisé à laisser à l'autre époux qu'une partie de sa fortune, et cette quotité est fixée à un quart de tous les biens en propriété, et un autre quart en usufruit, ou la moitié de la totalité en usufruit.

95. Après avoir borné ainsi la faculte de disposer, il ne restait plus qu'à prèvenir les inconvénients qui peuvent résulter des donations faites entre époux pendant le mariage. La mesure adoptée dans la législation romaine a paru préférable. On ne pourra plus douter que les donations ne soient l'effet d'un consentement libre, et qu'il ne faut les attribuer ni à la subordination, ni à une affection momentanée ou inconsidérée: quand l'époux, libre de les révoquer, y aura persisté jusqu'à sa mort; quand la femme n'aura besoin, pour cette révocation, d'aucune autorisation; quand, pour rendre cette révocation plus libre encore, et pour qu'on ne puisse argumenter de l'indivisibilité des dispositions d'un même acte, il est réglé que les époux ne pourront, pendant le mariage, se faire, par un seul et même acte, aucune donation mutuelle et réciproque.

96. Au surplus, on a maintenu cette sage disposition, que l'on doit encore moins attribuer à la défaveur des seconds mariages, qu'à l'obligation où sont les pères on mères qui ont des enfants de ne pas manquer à leur égard, lorsqu'ils forment de nouveaux liens, aux devoirs de la paternité. Il a été réglé que, dans ce cas, les donations au profit du nouvel époux ne pourront exceder une part d'enfant légitime le moins prenant, et que, dans aucun cas, ces donations ne pourront exceder lo quart des biens; il n'a pas été juge nécessaire de porter plus loin ces précautions. 97. Tels sont, législateurs, les motifs de ce titre important du code civil. Vous avez vu avec quel soin on a toujours cherché à y maintenir cette liberté si chère, surtout dans l'exercice du droit de propriete, que si une partie des biens est réservéo par la loi, c'est en faveur de parents unis par des liens si intimes et dans des proportions telles, qu'il est impossible de présumer que la volonté des chefs de famille en soit contrariée; qu'ils seront d'ailleurs les arbitres suprêmes du sort de leurs héritiers; que leur puissance sera respectée et leur affection recherchée; qu'ils jouiront de la plus douce consolation, en distribuant à leurs enfants, de la manière qu'ils jugeront le plus convenable au bonheur de chacun d'eux, des biens qui sont le plus souvent le produit de leurs travaux; qu'ils pourront même étendre cette aulo

rité bienfaisante et conservatrice jusqu'à une génération future, en transmettant à leurs petits-enfants ou à des enfants de frères ou de sœurs une partie suffisante de biens, et les préserver ainsi de la ruine à laquelle les exposerait la conduite ou le genre de profession des pères et mères. Vous avez vu avec quel soin on a conservé la faveur due aux contrats de mariage, et que la liberté des époux de disposer entre eux sera plus entière, qu'ils seront sur ce point plus indépendants l'un de l'autre ; ce qui doit contribuer à maintenir entre eux l'harmonie et les égards. Enfin, vous Avez vu que partout on a cherche à rendre les formes simples et sûres, et à faire cesser cette foule de controverses qui ruinaient les familles, et laissaient presque toujours les testateurs dans une incertitude affligeante sur l'exécution de leur volonte. C'est le dernier titre qui soit prêt à vous ètre présenté dans cette session. Puisse l'opinion publique sanctionner ces premiers efforts du gouvernement, pour procurer à la France un code propre à régenerer les mœurs, à fixer les proprietės, à rétablir l'ordre, à faire le bonheur de chaque famille, et dans chaque famille le bonheur de tous ceux qui la composent!

Rapport fait au tribunat par le tribun Jaubert, au nom de la section de législation, sur le projet de loi relative aux donations entre-vifs et aux testaments (séance du 9 for. an 11).

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98. La prérogative la plus éminente de la propriété, c'est le droit de la transmettre volontairement et à titre gratuit. - Quel objet pourrait exciter un plus grand intérêt chez tous les citoyens? Chacun a quelques facultés ou quelques esperances.- Tous souhaitent pouvoir exercer leur bienveillance envers ceux qui sont l'objet de leur affection. Aucun n'est étranger à cet orgueil attaché à l'empire que les hommes ont voulu s'assurer sur leurs propriétés, en se soumettant pour leurs personnes à la puissance publique. La matière des dispositions à titre gratuit est celle qui a le plus occupé les législateurs de tous les pays : c'est, en effet, le droit civil de chaque peuple qui doit régler cette transmission, puisque, la propriété réelle finissant avec l'homme, l'execution de sa volonté ne peut être garantie que par Ja protection de la societe. Cue grande partie de la France avait profité de la theorie des Romains, l'autre partie avait ses coutumes. Mais, soit en pays de droit écrit, soit en pays de droit coutumier, il y avait une jurisprudence interpretative.Encore, dans le même pays, quelquefois dans le même tribunal, la jurisprudence n'était pas toujours uniforme. Les trois grandes ordonnances du chancelier d'Aguesseau sur les donations, les testaments et les substitutions, avaient tranché de grandes difficultés; mais les lumières et le zèle de ce grand homme n'avaient pu rcmédier qu'à une partie du mal. Outre les obstacles résultants de la nature du gouvernement, il n'était pas alors permis d'espérer qu'aucune partie de la nation remoncât à ses lois.- Un effort general pouvait seul surmonter tant el de si grands obstacles. Aujourd'hui la nation n'a qu'une volonté. - Si aucun de nous ne peut oublier le pays dont la confiance lui a préparé l'entrée dans cette enceinte, il sait du moins que ce n'est pas des usages particuliers qu'il est chargé de défendre. Aussi nous devons vous l'annoncer, tribuns, le projet de loi dont votre section de législation m'a chargé de vous rendre compte, s'il est destiné à devenir le patrimoine commun, ne pourra jamais être considéré comme le triomphe d'une partie de la France sur l'autre.

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99. Plan du projet de loi. L'ordonnance du projet comprend toute la matière des dispositions entre-vifs et testamentaires. Il présente d'abord des vues générales sur la nature et l'effet des diverses dispositions. Il trace ensuite les règles sur la capacité de disposer et de recevoir.—Tous les Français qui ont le libre exercice des droits civils peuvent user du droit de disposer, mais tous ne peuvent pas l'exercer avec une égale latitude. Les mêmes regles ne peuvent pas être communes, et à l'individu qui a le bonheur d'avoir des enfants, et à celui qui, n'en ayant pas, jouit encore de la présence de son père, ou de sa mère, ou d'autres ascendants, et enfin à celui qui ne laisse ni descendants, ni ascendants.-Le projet de loi détermine les différentes réserves suivant la qualité, l'ordre et le nombre des personnes. Si la disposition est excessive, la loi fixe les règles d'après lesquelles F'équilibre devra être rétabli.—Après avoir embrassé presque du même coup d'ail les dispositions entre-vifs et les dispositions testamentaires, le projet trace les formes et les effets particuliers des unes et des autres. L'homme dispose de la totalité de ses biens, ou seulement d'une partie, ou enfin d'une chose déterminée : chacune de ces dispositions est organisée. Le caractère distinctif des dispositions entre-vifs, c'est l'irrévocabilité. Toutefois cette règle doit avoir quelques exceptions. y en a que la morale réclame, d'autres sont nécessaires pour l'intérêt de la société elle-même.-Les dispositions testamentaires sont essentiellement révocables; le mode de révocation sera réglé. Il était important de prévoir le cas où des héritiers de la volonté se trouveraient en concours avec des héritiers de la loi. -Le projet détermine leurs droits et obligations.

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Cet aperçu ne vous annonce, tribuns, que des règles générales et uniformes.Mais ne craignez pas que le projet se taise sur les prerogatives que certaines dispositions doivent tenir de la loi, et pour l'intérêt des mœurs publiques, et pour celui des unions légitimes.-Le projet s'occupe des partages que le père de famille veut lui-même organiser, des dispositions permises en faveur des petits-enfants et des neveux; il s'occupe aussi des dispositions en faveur du mariage.-Toutes les parties du projet ont obtenu l'assentiment de votre section de legislation. Elle vous doit compte de ses motifs.

100. Règles générales.-On pourra disposer de ses biens à titre gratuit; mais ce ne sera que par donation entre-vifs ou par testament. La distinction des dispositions de derniere volonté en testaments, codicilles ou donations à cause de mort, ne subsistera plus; on ne connaîtra qu'une seule espèce de dispositions de dernière volonté elles s'appelleront testaments.

101. Pour qu'une disposition à titre gratuit soit valable, la transmission devra 'opérer directement et immédiatement de la part de l'auteur de la libéralité en faveur de celui qui en sera l'objet. Les substitutions étaient déjà réprouvées depuis 1792; elles seront à jamais prohibées. Ainsi le voulaient l'intérêt du commerce, celui de l'agriculture, et le besoin de tarir une trop abondante source de procès. 102. Néanmoins il faut bien entendre ce que la loi defend; ce n'est autre chose que ce qui était connu, dans l'ancien droit, sous le nom de fideicommis.-Je donne ou fegue ma maison à Pierre, à la charge de la rendre à Jean. C'est cette disposition qui sera nulle, même à l'égard de Pierre.-Mais il en serait bien autrement, si je ne fais que prévoir le cas où Pierre ne recueillerait pas lui-même l'effet de ma libéralité, ou parce que je lui survivrais, ou parce qu'il serait iscapable de recueillir, ou enfin parce qu'il ne voudrait pas accepter ma disposition; dans ces divers cas, je puis appeler Jean.-Cette disposition était connue autrefois sous le nom

de substitution vulgaire; elle sera autorisée, et avec raison, puisque, par cette transmission, il n'y a point d'intermédiaire entre l'auteur de la disposition et l'individu qui en est l'objet.

103. C'est par suite du même principe qu'il doit être permis de donner à l'un l'usufruit, et à l'autre la nue propriété.-En matière de disposition des biens, il ne peut y avoir de facultés que celles qui sont definies par la loi. Ainsi le projet ne s'expliquant pas sur l'ancienne faculté d'élire, le silence de la loi suffit pour avertir que cette faculte ne peut plus être conférée. Heureuse interdiction! Que de procès prévus! que d'actes immoraux épargnés à un grand nombre de ceux que l'exercice de cette faculté d'élire aurait pu intéresser!-L'homme peut donc disposer, pourvu qu'il le fasse, ou par une donation entre-vifs, ou par un testament, et qu'il s'agisse d'une transmission directe et immédiate. Il peut disposer purement et simplement, ou sous condition.

104. S'il se trouve dans l'acte des conditions impossibles par la nature des choses, ou s'il y a des conditions contraires aux lois ou aux mœurs, les conditions de cette espèce seront réputées non écrites, et l'acte sera maintenu, de quelque nature qu'il soit, on donation ou testament.

105. De la capacité.-Après les règles générales, le projet s'occupe de la capacité. Pour faire une donation entre-vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit. -Cet article a d'abord causé quelque surprise. Ne faut-il pas être sain d'esprit pour tous les actes? Si on le dit particulièrement pour les dispositions à titre gratuit, ne faudra-t-il pas alors organiser ce principe? Quelle sera la preuve admise? -Néanmoins l'article a été approuvé. C'est surtout sur les dispositions à titre gratuit que la liberté d'esprit et la plénitude du jugement sont nécessaires. - Le plus souvent l'homme ne dispose, surtout par testament, que dans ses derniers moments. Alors que de dangers pour le malade! que d'embúches de la part de ceux qui l'entourent!- La loi sur l'interdiction a pourvu au cas de démence; si la démence a été reconnue par jugement, ou si l'acte porte lui-même la preuve de la démence, il est nul. - Mais la demence est une privation habituelle de la raison.On peut n'être pas sain d'esprit et n'être privé de la raison que momentanément. Un individu non interdit peut avoir fait un acte qui présente tout l'extérieur de da liberté, tandis néanmoins qu'il était dans des circonstances tellement critiques pour son intelligence ou pour sa volonté, qu'il serait impossible de rester convaincu qu'il avait eu l'entière liberté de son esprit. Par exemple, si un homme avide avait profité d'un moment où un malade était en délire pour lui faire faire des dispositions, devrait-il jouir du fruit de ses manoeuvres ?-Le notaire et les témoins seront sans doute des surveillants fidèles : les notaires surtout tromperaient le vœu de la loi; ils se rendraient coupables d'une grande prévarication, s'ils ne commençaient par s'assurer du bon état de l'esprit des disposants; et il est probable que, quoique la loi ne l'ordonne pas, ils continueront d'insérer dans tous ces actes que le disposant leur a paru sain d'esprit et d'entendement. - - Mais enfin les notaires et les témoins ne sont pas les juges de cet état.

Il était d'autant plus important de ne pas omettre la règle sain d'esprit, que la Joi ne fixe aucune époque de survie, même pour les donations entre-vifs. C'est la forme de l'acte qui en détermine la nature à quelque époque de la vie qu'il soit fait : fût-ce même à l'instant qui précède la mort, l'acte conserve son caractère et produit son effet.-Quel sera là le mode de preuve? Il est impossible que la loi établisse des règles fixes et positives dans une matière où tout dépend des circonstances, qui varient à l'infini. La loi ne peut que laisser l'exécution dans le domaine des tribunaux. Toutefois les juges sauront combien il serait dangereux d'admettre indiscrètement des réclamations contre des actes dont l'exécution est le premier vœu de la loi. Ils ne manqueront pas de se prémunir contre les tentatives de l'intérêt personnel. En un mot ils n'admettront un pareil moyen que lorsque des circonstances décisives et péremptoires leur donneront la conviction morale et légale que le disposant n'était pas sain d'esprit.

106. Toutes personnes peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre-vifs, soit par testament. - Ce principe s'applique à tous ceux qui ont la jouissance des droits civils.-L'incapacité est un accident. Il n'y aura donc d'incapacité que celle qui est expressément determinée par la loi.

107. Incapacité absolue de disposer... 1° les mineurs âgés de moins de seize ans. 108. 2o Les interdits... Le titre de la majorité et de l'interdiction y avait déjà pourvu; il ne fait pas d'exception pour les intervalles lucides: ainsi il ne sera pas permis de distinguer. Il déclare nuis les actes qui seraient faits postéricurement à l'interdiction. Les actes antérieurs, même les testaments, doivent donc produire leur effet, à moins que la cause de l'interdiction n'existat notoirement à l'époque où ces actes ont été faits.

109. Incapacité relative de disposer.-1" Le mineur, âgé de seize ans, ne peut disposer par donation, puisqu'il ne peut pas aliéner; il pourra disposer par testament, mais seulement de la moitié des biens dont un majeur peut disposer; sage limitation qui concilie l'exercice de la faculté, qu'on ne pouvait enchaîner plus longtemps, avec les justes craintes qu'inspire la possibilité de la séduction. A l'avenir, plus de distinction sur la capacité de disposer entre les mineurs émancipes et ceux qui ne le sont pas. Si le mineur décede avant sa dix-huitième année, que deviendra la jouissance accordée aux père et mère jusqu'à l'âge de dixhuit ans par le titre de la puissance paternelle? Cette jouissance finira par le décès de l'enfant. Ce décès donnera lieu à un autre ordre de choses; le père et la mère succéderont à une partie de la propriété.

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110. 2o Les femmes mariées peuvent disposer par testament; mais elles ne peuvent donner entre-vifs sans être autorisées, ou par leur mari, ou par la justice, qu'elles soient communes on non communes en biens, ou séparées de biens, même par suite de la séparation de corps. Ce principe était déjà posé au titre du mariage. Les femmes se plaindraient-elles de cette gêne? Si les uns leur disent que la loi s'est défiée de leur jugement, et qu'il ne doit pas leur être permis d'affaiblir la dépendance dans laquelle elles sont placées par le mariage, d'autres leur diront qu'il était nécessaire de les garantir de leur propre sensibilité.

111. Incapacité de recevoir..... Incapacité absolue.

1o L'être qui n'aurait pas existé au moment de la donation ou à l'époque du décès du testateur. - Il suffit que l'être soit conçu, parce que celui qui est dans le sein de sa mère est réputé né toutes les fois qu'il s'agit de son avantage. Toujours faut-il qu'il naisse viable, autrement il serait réputé n'avoir jamais existé.

112. 2o Le tuteur. ... même après la majorité, à moins que le compte définitif de la tutelle n'eût été rendu et apuré, quoique le reliquat n'eût pas été encore payé, ou à moins que le tuteur ne fût ascendant du mineur.

113. Incapacité relative de recevoir. 1o Les enfants naturels.... Ils ne peuvent jamais rien recevoir au delà de ce qui leur est accordé au titre des succes

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