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867. Mais il a été décidé d'autre part que les actes dressés par les secrétaires des commissariats civils établis en Algérie en vertu de l'art. 57 de l'arrêté du 30 déc. 1842, seulement valables comme actes sous seing privé, ne peuvent produire les

qu'aux termes d'un arrêt de la cour de cassation du 10 avril 1838, leur validité quant à leur existence avant la célébration du mariage, était subordonnée à l'examen et à l'appréciation des circonstances et des faits invoqués; qu'il suit de là que pour l'avenir l'intervention d'un notaire a été ordonnée pour assurer à ces conventions, d'une part leur fixité quant à leur teneur, et d'autre part leur certitude quant à leur véritable date; qu'il y a donc à examiner si le contrat dont se prévaut la dame Rouve reunit ces diverses conditions; - Attendu, à ce sujet, qu'appert dudit acte, on voit qu'il a été reçu le 8 juill. 1854 en la forme des actes notariés, c'est-à-dire dans un lieu public en présence de quatre témoins; qu'il en a été gardé minute et qu'expédition en a été délivrée aux parties intéressées; Attendu, d'un autre côté, qu'il est positif que ce contrat a été reçu par un fonctionnaire public; qu'il présente donc tous les caractères voulus pour lui donner une réelle authenticité; qu'à la vérité, il faut bien le reconnaître, cela ne saurait suffire pour constituer la validité de l'acte en litige; qu'il faut encore que celui devant qui il a été passé ait pu avoir qualité pour cela;

Attendu sur ce point que, sainement entendu, l'art. 57 de l'arrêté ministériel du 30 déc. 1842, sur le notariat en Algérie, doit lever toutes les difficultés; qu'on y lit, en effet, que dans celles des villes où sont établis des commissariats civils et où il n'existe pas de notaire, les secrétaires des commissariats recevront et rédigeront en la forme des actes notariés, les conventions des parties qui requerront leur ministêre à cet effet; Attendu par suite qu'aucun notaire n'étant encore établi à Setif en juillet 1854, et y ayant un commissaire civil, son secrétaire a eu évidemment compétence pour recevoir et rédiger le contrat de mariage de la dame Rouve; que, sans doute, on oppose qu'en présence du code Napoléon et de la loi de ventôse an 11, l'arrêté ministériel dont excipe la dame n'était pas obligatoire, et que dans tous les cas l'auteur dudit arrêté n'a pu avoir en vue que les contrats que les parties auraient pu se consentir elles-mêmes; Attendu sur le premier moyen que c'est une erreur de prétendre surtout à l'époque où il est intervenu, que ledit arrêté n'avait aucune force législative; qu'il a, au contraire, été de jurisprudence certaine que pour tous les cas, pour tous les objets qui avaient été réglementés, soit par le chef du gouvernement, soit par le ministre de la guerre, c'étaient ces réglements et ces ordonnances qui étaient et devaient être seuls en vigueur, nonobstant toutes dispositions contraires dans les lois de droit commun; que cela est vrai, surtout lorsque ces ordonnances ou ces arrêtés étaient organiques, c'està-dire qu'ils servaient de base, comme dans l'espèce, à la profession qu'il s'agissait de créer et de régir dans tous les cas et circonstances où elle devait être exercée; qu'il est donc hors de doute que la faculté donnée aux sécrétaires des commissaires civils, était légale et devait produire son effet; qu'il suffisait pour cela d'un côté qu'il n'y eût pas de notaire dans la localité, et de l'autre qu'il y eût un commissaire civil; que cela étant, les parties n'avaient pas à se préoccuper si à une certaine distance, alors surtout qu'elle était éloignée, un notaire était ou non établi; que se trouvant dans le cas prévu, il leur était loisible de profiter des dispositions que le ministre compétent avait introduites en leur faveur; que ladite objection ci-dessus posée doit donc être écartée, qu'il doit en être de même de la deuxième; qu'il est à remarquer, en effet, que l'expression employée dans l'art. 57 de l'arrêté précité, exprime une pensée générale et absolue; que l'auteur se sert du mot convention, mot générique qui s'applique évidemment à tout ce qui peut faire l'objet d'un contrat entre parties, et notamment même si l'on veut s'en tenir à la lettre, à la nature de celui en litige; qu'effectivement, il est à considérer que c'est précisément ce terme qui se trouve dans l'art. 1394, dont les époux Daveley excipent pour désigner les accords dont il s'agit aujourd'hui ; qu'aucune distinction, et par conséquent aucune restriction, ne sauraient être admises dans les pouvoirs conférés aux commissaires civils, et en vertu desquels celui de Sétif a procédé en juillet 1854; - Attendu, au reste, que le législateur algérien n'a pu ni dù vouloir les faire, qu'on en sera convaincu si on se reporte à l'époque où ledit arrêté a été rendu, époque où les communications étaient si difficiles et parfois si dangereuses; qu'il faut dire, dès lors, avec toute l'autorité de la raison, que voulant subvenir aux besoins de la situation, le ministre a dû le faire amplement et de manière à ce qu'aucun intérêt ne fût en souffrance; que s'agissant d'une colonie où il fallait activer l'avenir, il n'a pu envisager les choses qu'à un point de vue pratique qui pût donner satisfaction à toutes les nécessités; que l'une des plus impérieuses est celle qui concernait les mariages; qu'il importait, en effet, de les faciliter en donnant aux époux le moyen de faire préliminairement constater sur place leurs conventions; qu'il est donc naturel de penser que ce droit a été et dû être compris dans le mandat donné aux secrétaires des commissaires civils; que rien ne saurait donc s'opposer jusqu'à présent à ce que le contrat

effets d'un acte notarié; et, par exemple, les secrétaires des commissariats civils ne sauraient constituer valablement une affectation hypothécaire (Alger, 28 mai 1858) (1).

868. Enfin, le chap. 6 de l'arrêté de 1842 se termine par

de la dame Rouve puisse produire son effet; qu'il existe cependant une dernière objection; qu'elle est tirée de l'un des paragraphes de l'art. 57; que ce paragraphe porte effectivement que les actes dont est question, ne vaudront que comme écrit sous signature privée ; que cet argument, il faut le reconnaitre, a une valeur réelle; et, ce qui surtout semble lui donner plus de force, c'est ce qui a été édicté pour un cas analogue dans l'art. 56; qu'on y voit, en effet, que s'étant occupé du cas où le notaire établi, serait empêché, absent ou décédé, le ministre a bien donné aux mêmes fonctionnaires le droit de remplacer cet officier public, mais qu'il déclare en même temps dans cette circonstance que ses actes vaudront comme actes notariés; que de là, on tire cette conséquence, que dans sa pensée, comme dans ses expressions, il a existé une différence notable entre ces divers actes, différence toute au désavantage de celui produit par la dame Rouve; que cela est vrai ;

Attendu, toutefois, que la portée de cette argumentation ne saurait être aussi grande que le prétendent les époux Daveley; qu'effectivement tout ce qu'on peut induire de la clause qui veut que le contrat dont il s'agit ne vaille que comme écrit sous signature privée, c'est non parce qu'il n'a pas l'authenticité désirable, mais seulement qu'il ne peut emporter par lui-même l'exécution parée; que toute autre interprétation ne peut être admise; qu'il suffit pour cela de faire quelques rapprochements; qu'ainsi, s'il est vrai que, au contraire du cas prévu dans l'art. 56, le fonctionnaire qui a reçu le contrat de la dame Rouve n'a pu en délivrer une grosse, il a du moins été autorisé à en fournir, non plus seulement une copie certifiée, mais bien une expédition, ce qui est différent; que, d'un autre côté, on se demande dans quel but, tandis qu'il exigeait que l'acte, confié par l'art. 57 à la rédaction de secrétaires de commissaires civils, fût entouré de toutes les garanties d'authenticité et de publicité en la forme, le ministre eût voulu cependant qu'au fond il ne constituat en tout et pour tout qu'un simple écrit privé; que lui prêter une intention aussi absolue, c'est l'accuser d'avoir voulu une chose contradictoire, ce qui ne saurait être; qu'il est, dès lors, plus rationnel d'admettre que l'auteur dudit arrêté a été plus conséquent avec ce qu'il voulait faire, et que, par suite, si par un motif que l'on n'a pas à rechercher, il a pensé que l'acte qu'il s'agissait de recevoir en vertu de l'art. 57, devait être restreint dans son effet quant à son exécution, il ne constituait pas moins un de ces contrats qui, sous le rapport principal, celui de l'authenticité, devait avoir toute sa force et sa valeur; que cela pouvait être, puisque étant choisi précisément pour suppléer le notaire non encore établi, il était naturel que celui qui avait qualité pour procéder à sa place, eût jusqu'à un certain point l'autorité; que c'est aussi pour cela que le ministre donne au fonctionnaire qu'il indique, le droit de rédaction; qu'il veut, en outre, qu'il soit gardé minute, laquelle devra être déposée dans les archives du secrétariat; que ces prescriptions sont remarquables, qu'elles démontrent, en effet, l'importance que l'auteur de l'arrêté a attaché aux actes dont il s'occupait; qu'il ne faut donc pas confondre ce cas avec celui prévu par l'art. 54 c. pr. civ.; qu'effectivement les deux situations n'ont rien de commun; qu'ainsi, en France, il n'y avait nulle nécessité de donner au juge de paix, par suite de l'établissement d'un notaire dans la localité, tout autre mandat que celui qui lui a été conféré, tandis qu'il a été démontré ci-dessus combien au contraire, vu l'absence de tout notaire, il importait en Algérie que dans la circonstance le pouvoir des secrétaires des commissaires civils fût élargi;

Attendu, au reste, que voulut-on établir entre les deux cas une analogie et même une identité complète, que la défense de la dame Rouve n'en serait pas amoindrie; qu'il est, en effet, à considérer que lorsqu'ils se sont occupés de la portée dudit art. 54, tous les auteurs, moins un, n'ont pas hésité à soutenir que le procès-verbal dressé par le juge de paix et contenant les accords des deux parties, était par lui-même un acte authentique, ledit acte étant reçu par un fonctionnaire public compétent et avec les solennités requises et remplissant ainsi toutes les conditions exigées par l'art. 1317 c. nap.; qu'à plus forte raison doit-il en être de même pour le contrat de la dame Rouve, puisqu'il réunit, à un degré plus complet encore, tout ce qui est prescrit pour que cedit article reçoive dans l'espèce son application; - Attendu, dans ces circonstances, que ce serait tort que le contrat de mariage de la dame Rouve serait repoussé; qu'il importe peu qu'il ait été ou non revêtu de la formule exécutoire; que la dame Rouve n'en avait pas besoin pour requérir une inscription hypothécaire, etc.

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Du 19 janv. 1865. c. d'Alger, 2o ch.-MM. Marion, pr.,- Durand, av. gen., c. contr.-Chabert-Moreau et Sabatéry, av. (1) (Troncy et autres C. N...). LA COUR; l'art. 57 de l'arrêté du 30 déc. 1842, sur le notariat, investit les secrétaires des commissariats civils du droit de recevoir et rédiger, en la forme des actes notariés, les conventions des parties qui requièrent leur

une disposition qui, pour plus de sécurité, donne aux parties intéressées le droit de déposer au greffe du tribunal de première instance du ressort des expéditions des actes notariés, collationnées et signées par le notaire et légalisées par le président du tribunal de la résidence de cet officier public (art. 58). 869. On sait que l'ordonnance du 15 avril 1845 avait divisé le territoire de l'Algérie en territoires civils, mixtes et arabes. Les notaires établis jusqu'alors résidaient dans les territoires civils; un arrêté ministériel du 20 oct. 1845 décida que des notaires seraient institués dans les territoires mixtes. Cette dernière division ayant disparu et les territoires mixtes ayant été réunis aux territoires civils, il en résulte que les dispositions spéciales auxquelles l'arrêté du 20 oct. 1845 soumettait les notaires des territoires mixtes ont cessé d'être en vigueur, l'application de cet arrêté n'ayant plus d'objet.

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870. La légalisation, c'est-à-dire l'attestation de la vérité des signatures apposées sur les actes publics par les officiers publics ou magistrats qui les ont dressés ont lieu en Algérie selon les règles observées en France. Cependant il y a aux règles générales quelques dérogations et additions rendues nécessaires par la situation politique et administrative de l'Algérie. Ainsi relativement aux actes privés passés dans l'intérieur des provinces, un arrêt du gouverneur, du 19 mars 1836, dispose :-«Art. 1. Les actes provenant de l'intérieur des provinces ne pourront servir dans les transactions passées sur le territoire occupé par les troupes françaises, s'ils ne sont pas certifiés véritables par le cadi du lieu, légalisés par le bey de l'arrondissement dans la circonscription duquel ils ont été faits, et s'ils ne sont revêtus, en outre, du visa du chef de l'administration civile et, à son défaut, du commandant des troupes françaises en résidence au chef-lieu du beylik. »

871. Un décret du 19 ́oct. 1859 commet le soin de donner des légalisations aux juges de paix concurremment avec les présidents des tribunaux civils dans certaines localités. Ce décrét est ainsi conçu :- Art. 1. Dans les localités autres que les chefs-lieux de tribunaux de première instance, les juges de paix de l'Algérie sont autorisés à légaliser, concurremment avec les présidents de ces tribunaux, les signatures des notaires et celles des officiers de l'état civil de leurs cantons respectifs.

872. Les actes reçus au civil par les autorités militaires sont légalisés par les magistrats français. Ainsi les extraits des acles reçus par les commandants de place, conformément à l'arrêté du 29 sept. 1848, doivent être légalisés par les présidents des tribunaux de première instance auxquels ressortissent les diverses circonscriptions du territoire militaire, en exécution de l'arrêté du 8 mai 1852. Les signatures des officiers de l'armée faisant fonctions d'officiers de l'état civil en territoire militaire devront, en conséquence, à chaque changement de ces fonctionnaires, être adressées au président du tribunal de première instance compétent (circ. du gouv. gén., du 27 juin 1853).

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ministère, il est expressément déclaré au § 2 que les actes ainsi rédigés ne vaudront que comme écrits sous signature privée; qu'on ne saurait dès lors leur attribuer la force de l'exécution parée ni de la constitution de l'hypothèque que l'art 2127 c. nap. n'attribue qu'aux actes authentiques passés devant notaire; que c'est ainsi d'ailleurs que la doctrine et la jurisprudence ont constamment interprété l'art. 54 c. pr. contenant une disposition textuellement analogue sur les conventions consenties en conciliation devant le juge de paix et qui n'ont force que d'obligations privées; Attendu que le § 5 de l'article précité réserve aux secrétaires des commissariats civils les attributions excep. tionnelles qui leur sont conférées par l'arrêté du 18 déc. 1842, en matière d'inventaire, et dont l'art. 79 dispose qu'à défaut de notaire ils en rempliront les fonctions pour dresser, en présence du commissaire civil, l'inventaire, conformément aux règles tracées par les art. 942 et TOME XXXIV.

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875. L'art. 1 de la loi du 16 juin 1831 porte que le domaine national, en Algérie comme dans la métropole, comprend le domaine public et le domaine de l'Etat. Ainsi que nous l'avons dit, vo Domaine public, no 1, le domaine public consiste, en général, dans l'ensemble des choses qui ont pour destination d'être consacrées à l'usage ou à la protection de tous, et qui, en raison même de cette destination et tant qu'elle dure, n'appartiennent privativement à personne, pas même à l'Etat, lequel n'exerce en ce qui le concerne qu'une espèce de possession au nom et dans l'intérêt du public. Rappelons d'ailleurs à cet égard une observation que nous avons déjà faite eodem verbo, no 11 c'est que la circonstance qu'une chose servant à l'usage public produit en même temps quelques avantages, quelques perceptions utiles au trésor, n'empêche pas qu'elle ne doive retenir la qualification de dépendance du domaine public, du moment que sa destination principale n'en a pas moins uniquement pour but le service public. - Toute autre chose est le domaine de l'Etat : c'est l'ensemble des biens mobiliers ou immobiliers qui appartiennent à la nation, dont elle jouit propriétairement comme tout propriétaire jouit de ses biens, et qui ont pour destination principale, non de servir à l'usage du pu.... blic, mais de produire des revenus. Pour plus de détails sur cette distinction fondamentale, applicable en Algérie comme dans la métropole, V. vi▪ Domaine de l'Etat, no 1, 35 et suiv., Domaine public, nos 1, 9 et suiv.

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876. Les départements et les communes ont, de même que la nation, outre leurs biens ordinaires qui sont l'objet d'une véritable appropriation, des biens inalténables et imprescriptibles qui forment leur domaine public.

877. D'après ce qui précède, la présente section se divise donc naturellement en trois articles : Dans le premier, on étudiera le domaine public national proprement dit; dans le second, il sera traité du domaine de l'Etat; enfin, le troisième aura pour objet le domaine départemental et le domaine communal. ART. 1. Du domaine public.

878. On sait déjà que le domaine public, en Algérie comme dans la métropole, est l'ensemble des choses qui ont pour destination d'être consacrées à l'usage ou à la protection de tous, et qui, en raison même de cette destination et tant qu'elle dure, n'appartiennent privativement à personne, pas même à l'Etat.-Cette matière du domaine public en Algérie comprendra deux paragraphes dont l'un sera consacré à l'énumération des éléments qui le constituent, et le second aux règles de son administration, et aux améliorations ainsi qu'aux exten

945 c. pr.; Attendu, en outre, que l'art. 56 du susdit arrêté du 30 déc. attribue aux actes reçus par ces secrétaires le caractère d'actes authentiques, mais dans le cas spécial où un notaire établi dans la localité serait absent ou légalement empêché et que, sur la demande expresse des parties et avec l'autorisation du procureur impérial, il est remplacé soit par le greffier du tribunal de première instance, soit par celui de la justice de paix, et, à défaut, par le secrétaire du commissariat civil, mais à la charge d'insérer dans l'acte dressé, ou dans les grosses ou expéditions, l'autorisation délivrée par le procureur impérial et l'empêchement du notaire; Attendu que cette exception, entourée de tant de précautions par le législateur et celle déjà mentionnée en matière d'inventaire, confirment de plus fort le principe posé dans l'art. 57 précité; Par ces motifs, confirme.

Du 28 mai 1858.-C. d'Alger, 2e ch.-M. Bertora, pr. 118

sions successives qu'il a reçues depuis l'époque de la conquête | postérieurement; du sol algérien par la France.

§ 1. Des choses dont se compose le domaine public.

879. Aux termes de l'art 2 de la loi du 16 juin 1851, le domaine public, en Algérie, se compose, en premier lieu, « des biens de toute nature que le code civil et les lois générales de la France déclarent non susceptibles de propriété privée. » A ce premier point de vue, les éléments du domaine public nous sont fournis 1o par l'art. 2 de la loi des 22 nov.-1er déc. 1790 (V. Domaine de l'Etat, p. 89); 2o par l'art. 13 de la loi du 8 juill. 1791 (V. Place de guerre, p. 928); 3o par les art. 538 et 540 c. nap.-V. pour le commentaire de ces dispositions et pour l'énumération de ces diverses catégories de dépendances du domaine public, vo Domaine public, nos 12 à 42.

880. C'est improprement, selon nous, que le législateur de 1851 se sert du mot biens pour qualifier ici les choses qui sont des dépendances du domaine public: on ne peut, en effet, considérer comme biens que les choses qui peuvent être l'objet d'une appropriation exclusive, soit au profit des particuliers, soit au profit de l'Etat et tel n'est pas le caractère des choses qui servent à l'usage de tous, et qui, à ce titre, et tant que dure cette destination, appartiennent au domaine public. On doit reconnaître toutefois que, si elles cessaient de servir à l'usage du public, elles seraient seulement susceptibles de devenir des biens. C'est ainsi, par exemple, que le sol d'une ancienne route, d'une route déclassée, devient, à partir du moment où elle a perdu sa destination, susceptible d'appropriation exclusive, et passe d'abord, avec ce nouveau caractère, dans le domaine de l'Etat, d'où elle peut passer, soit par aliénation, soit par prescription, comme tout autre bien faisant partie de ce dernier domaine, dans le patrimoine des particuliers.

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881. Le domaine public, d'après la loi de 1851, se compose en outre « des canaux d'irrigation et de desséchement exécutés par l'Etat ou pour son compte dans un but d'utilité publique, et des dépendances de ces canaux; des aqueducs et des puits à l'usage du public. » Ce n'est encore là que l'application des principes du droit commun. La destination de ces choses étant principalement de servir à l'usage du public, leur imprime, en effet, par là même, le caractère de dépendances du domaine public. Toutefois il a été jugé : 1o que lorsque l'administration a vendu une propriété sur laquelle se trouvent des puits construits en maçonnerie, et qu'elle n'a fait à cet égard aucune réserve, la propriété en est transférée à l'acquéreur : que la circonstance, découverte postérieurement, que ces puits se reliaient par des conduits souterrains à un des aqueducs publics amenant l'eau à la ville, ne peut en rien altérer le droit de propriété de l'acquéreur et faire considérer les puits comme une propriété publique (Alger, 4 juin 1850, M. de Vaulx, pr., aff. Negroni); 2° Que quant à la propriété des conduits et canaux souterrains, d'une part, aucune des parties n'en ayant connaissance lors de la vente, l'acquéreur ne peut revendiquer de plein droit cette propriété; d'autre part, nonobstant les prescriptions des art. 552, 555, 1615 c. nap., les principes par eux posés ne sont point absolus, notamment en ce qui concerne les canaux d'amenée et de fuite des eaux d'où suit qu'à défaut de titre l'administration bénéficiaire de la prise d'eau doit être réputée propriétaire des conduits qui l'amènent à l'aqueduc, dont ils ne sont, en ce cas que l'accessoire (même arrêt).

882. D'après la législation musulmane considérée dans son dernier état, telle qu'elle était appliquée dans l'Algérie avant la conquête: 1o c'était au propriétaire d'un terrain qu'appartenaient les eaux qui s'y trouvaient (réserves d'eau, bassins, citernes, sources, étangs, puits, eaux pluviales et torrentielles, flaques d'eau); 2o L'eau qui a son cours sur un terrain vague et celle qui provient des ravins, des montagnes, des champs incultes, n'était la propriété exclusive de personne : toutes choses égales d'ailleurs, le propriétaire le plus rapproché de ces eaux avait le droit d'en user le premier dans la limite de ses besoins ; mais le propriétaire inférieur, s'il avait fait des plantations, primait, quoique plus éloigné, le propriétaire supérieur qui n'avait pas fait de plantations ou qui ne les avait faites que

- 3° Quant à l'eau des grandes rivières et des fleuves dont le cours est permanent, elle n'appartient privativement à personne, tant qu'elle reste dans son lit; mais elle est l'objet d'un droit d'usage pour tous les riverains: elle ne tombait dans le domaine de l'appropriation particulière que lorsqu'on se l'était attribuée à l'aide de barrages et de tranchées (V. pour plus de détails les recherches de M. E. Robbe à ce sujet dans son Recueil de la jurisp. de la c. d'Alger, vol. 1867, p. 257 et suiv.). Voyons maintenant comment le législateur français, après la conquête, a réglé cette matière si importante Une disposition législative spéciale à l'Algérie, qui déroge aux principes du droit commun, est celle du § 3, art. 2, de la loi du 16 juin 1851 par laquelle il est fait attribution au domaine public « des lacs salés, des cours d'eau de toute sorte et des sources. » En France, on le sait, il n'y a que les cours d'eau navigables et flottables qui font partie du domaine public (V. c. nap., art. 558), et d'un autre côté, le propriétaire du sol a, en général, la propriété de la source, sauf les restrictions que comporte ce dernier droit de propriété, par application des art. 641 et 643 c. nap. (V. yo Eaux, nos 208 et suiv., 276, et vo Servitudes, nos 112 et s., 142 et s., 173 et s.). En Algérie, au contraire, toutes les eaux, quelles qu'elles soient et sans distinction, appartiennent au domaine public. Cette disposition de la loi spéciale, quelque absolue qu'elle soit dans ses termes, ne doit cependant s'entendre que des eaux qui viennent naturellement à la surface; car, ainsi que le fait observer M. Dareste, de la Propriété en Algérie, 2o édit., p. 34, les eaux qui n'arrivent qu'artificiellement à la surface appartiennent à l'auteur des travaux, sauf le droit de police et de surveillance qui est dévolu à l'administration. Il paraîtrait que cette solution est contestée par le domaine quand la source | évoquée par le travail d'un colon jaillit et coule aussi les colons réclament-ils une règle légale et sûre qui protége leur droit quand ils auront creusé et fait jaillir ou couler une eau souterraine.

883. Le motif de cette disposition qui, par dérogation au droit commun, a ainsi rangé parmi les dépendances du domaine public toutes les eaux, est qu'il y allait de l'avenir de l'Algérie: « Nous vous avons dit que les eaux seraient du domaine public, faisait observer à cet égard le général de Lamoricière, parce que nous voulons qu'on puisse les louer et non pas les aliéner, parce que nous voulons réserver les droits de l'Etat pour l'avenir, et pour les colons qui viendront, qui viennent tous les jours, parce que dans ce pays qui est désolé souvent par la sécheresse, si l'on aliénait la jouissance des eaux, l'Etat se trouverait à tel ou tel jour dans le plus grand embarras. >>-D'un autre côté, si la loi de 1851, en constituant le domaine public pour l'Algérie, paraît dépasser la mesure du droit généralement établi en ce qui concerne ce domaine, il est juste de reconnaître qu'elle ne fait que se soumettre, comme le disait M. Henri Didier dans son deuxième rapport à l'assemblée législative, « aux inévitables et permanentes nécessités du climat et du sol, là où la vie, autant que la fortune de tous, dans l'avenir et dans le présent, est intéressée au suprême degré à ce que les eaux, cet élément indispensable de salubrité et de production dispensé par la Providence d'une main si avare à l'Algérie, ne puissent jamais être détournées de la masse des propriétés com

munes. >>

884. Ce n'est pas toutefois sans une vive opposition que ce régime des eaux a été adopté pour l'Algérie: cette mainmise de l'administration sur tous les cours d'eau sans exception a été qualifiée, dans la discussion à l'assemblée législative, de principe détestable et funeste, par le représentant Raudot. « L'administration, ajoutait ce représentant, devient ainsi maîtresse de donner à l'un et d'ôter à l'autre. Les propriétaires n'ayant plus aucun droit légal, il n'y a plus de propriété inviolable, il n'y a plus que l'arbitraire. La colonisation sera impossible dans ces conditions. En France, le congrès de l'agriculture proteste contre les principes qu'on propose d'adopter pour l'Algérie. » On se rappelle que l'honorable M. Darblay, dont le nom fait autorité pour tout ce qui se rattache aux intérêts de l'agriculture, s'associa à ces critiques, qui depuis se sont perpétuées, et que nous trouvons reproduites et rajeunies dans une publication

de M. Barny, conseiller à la cour d'Alger, intitulée : du Régime des eaux en Algérie (V. p. 43 et suiv.).

885. Par un juste hommage au principe de non-rétroactivité, la loi du 16 juin 1831, après avoir classé parmi les dépendances du domaine public les lacs salés, les cours d'eau de toute sorte et les sources, déclare par la disposition finale de l'art. 3 que << néanmoins sont reconnus et maintenus tels qu'ils existent les droits privés de propriété, d'usufruit ou d'usage légalement acquis, antérieurement à la promulgation de la présente loi, sur les lacs salés, les cours d'eau et les sources: et les tribunaux ordinaires restent seuls juges des contestations qui peuvent s'élever sur ces droits. >> - En conformité de cette disposition, il a été jugé qu'antérieurement à la conquête, les sources et cours d'eau en Algérie étaient susceptibles de propriété privée, et que la loi du 16 juin 1851, dans son art. 3, a maintenu ces sortes de droits acquis (Alger, 21 juill. 1857, 1re ch., M. de Vaulx, 1er pr., aff. Grissolles C. l'Etat, Jurisp. de la c. d'Alger, par M. Robe, 1865, p. 140).

886. On remarquera toutefois que la disposition finale de l'art. 3 de la loi du 16 juin 1851 ne réserve les droits antérieurement acquis qu'en ce qui concerne les lacs salés, les cours d'eau et les sources, et que, sous ce rapport, elle n'assimile pas les aqueducs et les puits servant à l'usage du public à ces lacs salés, aux cours d'eau et aux sources: il semble donc résulter du texte de la loi que les droits antérieurement acquis n'ont été maintenus que sur des eaux dont la domanialité, à la différence de celle des aqueducs et des puits servant aux besoins des villes, ne provient pas d'une affectation aux besoins publics. - En conformité de cette interprétation, il a été jugé qu'en Algérie, soit avant, soit après la conquête, comme dans la loi romaine et dans la loi française, les eaux alimentaires des villes, avec leurs aqueducs, ont été considérées comme faisant partie du domaine public et non du domaine de l'Etat ou d'une commune, bien qu'elles fussent susceptibles de produire des perceptions utiles; qu'en conséquence elles sont inaliénables et imprescriptibles (Alger, 16 mars 1863, aff. Ali-ben-Hamoud, D. P. 66. 1. 302; 18 mai 1863, aff. Bakir-ben-Oman, D. P. 66. 1. 303).

887. L'Etat ne pouvant, d'après ce qui précède, disposer à titre de propriétaire des fontaines des villes ni de l'eau des aqueducs servant aux besoins du public, on en a conclu que le domaine de l'Etat, en Algérie, en concédant un immeuble affecté à l'exploitation d'un bain public maure, même dans le cas où il y aurait eu obligation prise de conserver cette affectation sous peine de résiliation ou de dommages-intérêts, n'a point conféré comme conséquence un droit de prise d'eau aux aqueducs publics de la ville d'Alger; par suite, qu'il ne saurait être tenu à garantie envers le concessionnaire ou ses ayants droit, à qui la ville d'Alger est en droit d'imposer une redevance pour prise d'eau aux aqueducs publics nécessaire à l'exploitation du bain (mêmes arrêts et sur pourvoi, Civ. rej. 28 mai 1866, D. P. 66.1.302 et 303; même pour deux autres arrêts semblables, aff. Mohammed-ben-El et aff. Hamoud-ben-Soliman).

SSS. La disposition finale précitée de l'art. 3 de la loi du 16 juin 1851 implique et suppose nécessairement que, dans la pensée du législateur, des droits de propriété privée ont pu, sous le régime antérieur, être valablement acquis en Algérie sur les lacs salés, les cours d'eau et les sources (mais non sur les aqueducs et les puits servant au public) par des particuliers, soit d'après le droit musulman, soit par application des dispositions du code Napoléon..

$89. En ce qui concerne d'abord la loi musulmane, elle semble avoir été interprétée, dans la pratique, en Algérie comme n'excluant pas d'une manière absolue les eaux du domaine d'une appropriation privée et exclusive: il existe, en effet, dans cette partie de l'Afrique, ainsi que le fait observer M. Henri Didier dans son deuxième rapport, une multitude de faits de propriété privée reconnus et consacrés par les siècles, au profit de tribus et de particuliers, sur un nombre infini de cours d'eau et de sources. El ces faits de propriété privée ne constituent pas une déviation de vrais principes du droit musulman, si l'on en croit du moins Si-Chadli, kadi de Constantine, qui a déclaré dans l'enquête ouverte par la commission de législation de l'Algérie, qu'en droit musulman le propriétaire de la terre est propriétaire

de la source, et si l'on en croit surtout le jurisconsulte Khalil, qui enseigne que, d'après la loi musulmane, les sources, les puits, les eaux pluviales et torrentielles existant sur une propriété privée appartiennent au propriétaire, et que les mêmes eaux, lorsqu'elles existent sur un terrain sans maître, appartiennent au premier occupant. Il n'y a que les cours d'eau, c'està-dire les fleuves et les rivières qui ne peuvent, d'après le droit musulman, être l'objet d'une appropriation privée et exclusive : mais ils ne sont pas pour cela rattachés au domaine du prince ou au beylick, et l'on ne voit pas que l'administration ait eu le droit, non-seulement d'en distribuer à son gré les eaux, mais d'imposer à ceux qui veulent en jouir telles ou telles conditions: un libre droit d'usage pour tous, un droit d'usage et de jouissance, affranchi de toute autorisation préalable, tel est, d'après la loi musulmane, à défaut du droit de propriété, le droit qui existe au profit des particuliers sur l'eau des fleuves et des rivières (V. pour les détails M. Barny, du Régime des eaux en Algérie, p. 14 et suiv.; V. cependant M. Dareste, p. 31 et suiv.). En ce qui concerne le droit français, la loi du 16 juin 1851, en supposant que, sous le régime antérieur, des particuliers ont pu, par application des dispositions du code Napoléon, acquérir sur des cours d'eau un droit de propriété privée, tranche d'une manière qui lie les tribunaux pour l'Algérie, une très-vive controverse qui existe encore en France relativement à la propriété des cours d'eau non navigables ni flottables: sans doute les plus imposantes autorités dans la doctrine se réunissent en faveur de l'opinion qui attribue aux riverains la propriété de ces cours d'eau; mais telle n'est pas l'opinion de Merlin, ni la nôtre, ni, ce qui est plus grave, de la cour de cassation, qui, par arrêt rendu en dernier lieu le 10 juin 1864, a jugé que les cours d'eau non navigables ni flottables n'appartiennent point, au contraire, aux propriétaires riverains, que l'usage en est commun à tous, mais que la propriété n'en est à personne (V. pour toute cette controverse vo Eaux, nos 208 et suiv.).

§ 2. De l'administration du domaine public.

890. Il ne peut être question, quand il s'agit de choses faisant partie du domaine public, de rechercher les formes et les règles que l'on doit observer pour leur aliénation; car, tant qu'elles appartiennent au domaine public, c'est-à-dire tant que dure leur destination de servir à l'usage ou à la protection de lous, leur aliénation est impossible: leur régime tout entier est subordonné au principe de cette inaliénabilité qui entraîne comme corollaire obligé celui de leur imprescriptibilité. — Ces deux caractères étant communs au domaine public de la métropole et au domaine public de l'Algérie, nous devons nous borner à renvoyer ici, pour tout ce qui les concerne, aux développements dans lesquels nous sommes entrés vo Domaine public, nos 43 à 65.

891. Lorsque des choses faisant partie du domaine public, ou considérées comme des dépendances de ce domaine, sont de nature à produire des fruits, elles peuvent être momentanément affermées. Les baux en ont lieu aux enchères publiques sur des cahiers de charges approuvés par le gouverneur général : ils sont faits dans la forme administrative et passés par le préfet. Ce n'est qu'exceptionnellement, et à raison de circonstances extraordinaires, que les baux peuvent être faits de gré à gré, avec l'autorisation préalable et spéciale du gouverneur général, sur l'avis du conseil de gouvernement (ord. des 9 nov. 1845, art. 4 et 6). Les baux dont il s'agit n'excèdent pas neuf ans. Ils sont essentiellement révocables sans indemnité. La cession ne peut en avoir lieu, à peine de nullité absolue, sans autorisation préalable du gouverneur (même ordonnance, art. 4, in fine, 7 et 8).

892. Des concessions d'eau sont accordées par l'administration aux particuliers.—A cet égard, il a été jugé que les cours d'eau de toute nature font partie du domaine public en Algérie, et que l'usager en vertu d'un droit concédé par l'Etat doit restreindre sa jouissance dans les conditions de son acte de concession; spécialement, que le concessionnaire d'un cours d'eau pour les besoins d'une usine (d'un moulin, dans l'espèce) n'a pas le droit d'employer une partie des eaux roncédées à l'irrigation

d'un jardin particulier et attenant à l'usine; par suite, que si, postérieurement aux travaux de dérivation et d'appropriation, exécutés dans ce but, l'usine et les jardins sont vendus séparément, l'acquéreur de l'usine a le droit d'interdire à l'acquéreur des jardins l'usage des eaux dont s'agit (Alger, 25 avr. 1866, M. Pierrey, pr., aff. Pradel C. Achak et Probst, V. Jur. de la c. d'Alger, 1866, p. 103).

893. On sent quelle est l'importance des concessions d'eau dans une contrée aussi exposée que l'Algérie à souffrir de la sécheresse. Un arrêté du 6 août 1832 disposait que tout propriétaire qui désire obtenir une concession d'eau des aqueducs publics, doit s'adresser par écrit à l'intendant civil qui, après avoir pris l'avis de l'ingénieur en chef et en avoir référé au conseil d'administration de la régence, statue sur la demande. Sous le régime administratif actuel, c'est le préfet qui statue, en conseil de préfecture, sur cette demande : la compétence spéciale des préfets avec l'assistance des conseils de préfecture, en cette matière, se trouve, en effet, établie par le décret des 27 oct.. 6 nov. 1858 (tableau B-28°, V. suprà, no 98)), et, sous ce derpier rapport, aucune innovation)ou dérogation ne se trouve dans les décrets des 10 déc. 1860 et 7 juill. 1864 intervenus en dernier lieu sur l'organisation administrative de l'Algérie.

894. L'autorisation d'une prise d'eau n'est point accordée gratuitement: elle a lieu moyennant une redevance annuelle payable à la caisse du domaine, par trimestre et d'avance. L'exécution des travaux de toute espèce, nécessaires pour uti liser la prise d'eau, est entièrement à la charge du concessionnaire, qui est obligé, pour cette exécution, de se conformer exactement à toutes les indications données par l'inspecteur des eaux. L'administration n'est chargée que d'entretenir les conduits principaux et les embranchements qui amènent l'eau aux fontaines publiques : l'entretien de tous les autres embranchements est à la charge de l'usager. Le même arrêté du 6 août 1832 décide, en outre, que si les besoins du service général l'exigent, le concessionnaire peut être privé d'une partie ou de la totalité des eaux, sans jamais, à l'occasion de cette privation temporaire ou définitive, pouvoir prétendre à aucune indemnité de la part du gouvernement. Mais on doit sans doute admettre, bien que cet arrêté ne le dise pas, que, dans ce cas, le concessionnaire est exonéré de tout ou partie de sa redevance suivant qu'il subit une privation totale ou partielle de la prise d'eau qui lui avait été accordée.

895. Un autre arrêté du 17 mars 1835, « Considérant que les eaux, dans l'ancienne régence d'Alger, n'ont jamais été l'objet d'une propriété privée; qu'elles étaient considérées comme une dépendance essentielle du domaine public, et que personne, quels que fussent son rang et sa condition, ne pouvait prétendre à en jouir privativement qu'en vertu d'une concession qui ne s'obtenait qu'à titre onéreux; que, depuis l'occupation du territoire d'Alger, il a pu être pratiqué abusivement dans les aqueducs publics des prises d'eau dont divers individus, soit dans la ville, soit dans la campagne, se seraient ainsi attribué la jouissance sans autorisation, et qu'il importe de mettre un terme à ces abus,» ordonne que, dans un certain délai, tous les particuliers qui jouissaient, à quelque titre que ce fût, d'une prise d'eau dans les aqueducs publics, seraient tenus d'en faire la déclaration et de produire, à l'appui de cette déclaration, les titres qui leur donnaient droit à cette jouissance. Le même * arrêté a ensuite décidé que, le délai expiré, toutes les prises d'eau particulières pour lesquelles il n'aurait été fait aucune production de titres, seraient immédiatement supprimées. Nous ferons observer que la doctrine établie dans le premier considérant de cet arrêté se trouve en pleine contradiction avec la disposition finale de l'art. 3 de la loi du 16 juin 1831 qui présuppose, au contraire, et admet implicitement que, sous le régime antérieur, des droits privés de propriété ont pu être valablement acquis sur les eaux, en Algerie, par les particuliers (V. plus haut, n°885).

896. Signalons encore un arrêté du 1er juill. 1835 portant création d'une commission des eaux et fontaines siégeant en la ville d'Alger, avec la mission: 1o de procéder à l'évaluation du volume d'eau habituellement nécessaire aux usages et établissements publics; - 2o De s'occuper de l'examen de tous les ti

tres, quelle qu'en fût l'origine, établissant une concession d'eau, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de la ville, en faveur de tous particuliers, propriétaires de maisons, jardins, usines, etc., et de former un état indicatif desdites concessions; — 3o De faire toutes propositions auxquelles donnerait lieu la nécessité de pourvoir, avant tout, aux besoins et consommation du public. Mais la commission établie par cet arrêté a cessé d'exister depuis l'organisation actuelle du service des eaux et forêts en Algérie et depuis les décrets qui ont rendu applicable à cette colonie le régime départemental de la métropole. Toutefois certaines dispositions en sont restées en vigueur, notamment les art. 6, 8 et 9 (V. infrà, no 900).

897. L'arrêté que nous venons de citer contenait aussi une disposition analogue à celle édictée par les arrêtés des 6 août 1832 et 17 mars 1835, en ce qu'elle fixait aux concessionnaires un délai de deux mois à partir de la publication pour produire leurs titres; mais il différait de ces mêmes arrêtés en ce qu'il ne prononçait pas d'avance, faute de production de ces titres dans le délai indiqué, la suppression de plein droit des prises d'eau non justifiées, mais se bornait à disposer qu'alors les concessionnaires pourraient, sur la proposition de la commission, étre déclarés déchus de tout droit au maintien de la concession qu'ils avaient obtenue. Le même arrêté confirme d'ailleurs fe principe de la précarité des concessions de prises d'eau : ainsi le volume des eaux concédées, à quelque époque que ce soit, à chaque particulier, continue de pouvoir être réduit ou même momentanément supprimé, si l'intérêt public l'exige. - V. les art. 3 et 4 dudit arrêté.

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898. Des francs-bords, dont la largeur a été fixée à 1 mèt. 50 cent., sont réservés de chaque coté sur toute la longueur des aqueducs et fontaines, et il a été interdit: 1o de faire, s'il s'agit de propriétés closes, aucune plantation d'arbres à moins de 8 mètres de la limite extérieure des francs-bords, sauf certains cas exceptionnels où il peut être accordé une autorisation spéciale, en vertu d'une délibération de la commission des fontaines; 2o D'introduire sur le terrain compris dans les francs-bords aucune espèce de culture, s'il s'agit de propriétés non closes.V. arrêtés 1er juill. 1835, art. 9, et 8 mars 1836, art. 1 et 2. 899. Mais il suffisait à l'intérêt public que de semblables servitudes fussent établies: cet intérêt public n'exige pas qu'il soit interdit au propriétaire, dont l'immeuble est traversé par un aqueduc, de se clore. Le droit de se clore, depuis la loi du 16 juin 1851, est inhérent à la propriété (conf. Alger, 18 juill. 1855, M. de Vaulx, pr., aff. Chauve). - Et c'est avec raison qu'antérieurement au régime créé par la loi du 16 juin 1851, la jurisprudence a considéré comme entaché d'excès de pouvoir un règlement de 1847, rendu en exécution de l'art. 3 de l'arrêté précité du 8 mars 1836, qui, en chargeant les ingénieurs des ponts et chaussées de faire procéder au tracé des francsbords et de faire démolir dans une largeur déterminée les murs de clôture existant en travers des aqueducs, disposait en outre que les propriétaires pourraient être autorisés, selon le cas, à clore leurs propriétés de barrières dont le mode de fermeture serait approuvé par l'administration (Alger, 9 nov. 1850, aff. Chauve). Il fut reconnu, lors de ce dernier arrêt, que le propriétaire d'un héritage traversé par un aqueduc a le droit de se clore, sous la seule obligation de laisser l'accès le plus libre possible aux agents et employés chargés de la surveillance de l'aqueduc et des francs-bords. Le cas de clôture était même prévu par l'arrêté précité du 1er juill. 1835, puisqu'il y est dit formellement (V. art. 9, dernier alinéa) que les agents désignés auront le droit de requérir, pourle service des eaux, l'entrée de tous les lieux clos. V. aussi M. de Ménerville, Législ. algér., p. 306, note 2.

900. L'arrêté précité du 1er juill. 1835 érige en délits ou en contraventions, réprimés par les peines qu'il établit : 1° toutes dégradations des canaux, des aqueducs et fontaines; 2o le dépôt dans les canaux de matières susceptibles d'altérer la pureté des eaux ; 3° l'encombrement pratiqué dans les canaux; 4° les prises d'eau effectuées sans titres de concession ou au delà du volume, concédé; 5o la conduite d'animaux aux regards des aqueducs publics pour s'y abreuver; 6o les empêchements opposés au libre cours des eaux, des sources, fontaines, ruisseaux

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