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non militaires auteurs ou complices des crimes et délits militaires, et, en vertu de la loi du 9 août 1849, art. 8, aux auteurs ou complices des crimes et délits contre la sûreté de l'Etat, contre la constitution, contre l'ordre et la paix publique, quelle que soit leur qualité (V. Place de guerre nos 28 et suiv., 35 et suiv.; circ. min, guerre 28 juill. 1857, D. P. 57.3. 69).

§ 3. ·De la compétence en cas de complicité.

892. Le règlement de la compétence présentait de sérieuses difficultés au cas où plusieurs individus justiciables de tribunaux différents auraient coopéré à un même crime ou délit. Dans un tel cas, fallait-il disjoindre les causes? Si la disjonction est impossible en ce qu'elle pourraît amener des décisions contradictoires et empêcher que la lumière se fit sur le fait punissable, devant quelle juridiction devait-on renvoyer tous les accusés ou prévenus? Le code de 1857, conforme à la législation et à la jurisprudence précédentes, décide la question de compétence en faveur des tribunaux du droit commun. Le juge d'épée est juge exceptionnel; d'une autre part, le militaire ne cesse pas d'être citoyen en devenant soldat. Lors donc qu'il y a conflit de juridiction en raison de la qualité différente des prévenus ou des accusés, soit comme complices, soit comme auteurs principaux, la justice exceptionnelle doit fléchir devant la justice du droit commun. Tel est le principe de la loi nouvelle. L'art. 76 dispose: «Lorsque la poursuite d'un crime, d'un délit ou d'une contravention comprend des individus non justiciables des tribunaux militaires et des militaires ou autres individus justiciables de ces tribunaux, tous les prévenus indistinctement sont traduits devant les tribunaux ordinaires, sauf les cas exceptés par l'article suivant ou par toute autre disposition expresse de la loi. » V. Organis. marit., no 1064 et suiv.

$93. Ce principe n'a pas triomphé sans difficulté. Dans une circonstance mémorable, qui est restée un événement politique, le gouvernement de 1850 crut devoir soustraire au jugement des tribunaux français le chef d'une entreprise contre la sûreté de l'Etat, et livrer les complices à la justice ordinaire. Pour réagir contre ce que l'opinion d'alors estimait être une acte arbitraire, le jury de Strasbourg acquitta tous les accusés, militaires et simples citoyens, après quelques minutes de délibération. Le gouvernement s'émut et crut voir dans ce fait un symptôme alarmant pour l'ordre public. Pour conjurer ce qu'il regardait comme un danger sérieux, il proposa une loi de disjonction de la procédure en vertu de laquelle, lorsqu'une même accusation comprendrait tout à la fois des militaires et des simples citoyens, les premier eussent été renvoyés devant les conseils de guerre et les seconds devant la juridiction ordinaire. Mais, comme le rappelle M. Béranger (rapport à l'Académie sur la répression pénale), des voix puissantes s'élevèrent du sein de la législature pour démontrer que le principe de l'indivisibilité des procédures, le plus ancien de notre droit pénal, avait toujours été respecté, même dans les temps de révolution et de despotisme militaire; que, d'ailleurs, ce principe avait pour but d'assurer une justice complète et de ne laisser aucun coupable impuni; tandis que la disjonction y substituait une justice partielle, contraire tout à la fois à l'intérêt de l'accusation et à la défense des accusés, livrant ceux-ci aux embarras d'une double juridiction qui nécessite un double jugement, lequel nuit àl'autorité de la chose jugée par la contradiction qui peut exister entre les deux décisions. Le projet de loi fut repoussé et le principe contraire, qui etait celui de l'ancienne législation, fut maintenu dans la loi de 1857.

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(1) (Min. pub. C. Dépigny.) - LA COUR; Vu les art. 527 et 552 c. inst. crim.;-Vu l'art. 227 du même code;-Vu les lois des 3 pluv. an 2, 2e complémentaire an 5, 22 mess. an 4 et l'avis du conseil d'Etat du 30 therm. an 12, approuvé le 7 fruct. suivant; - Attendu qu'il résulte des faits de prévention consignés dans les mémoires respectifs du procureur du roi et du capitaine rapporteur, que le 22 mars dernier, vers les sept beures et demie du soir, le sieur Dépigny, lieutenant au 57e régiment de ligne, en garnison à Montauban, sortant d'un café, s'arrêta pour uriner dans un lieu rapproché d'un nommé Fraissinet, qui était avec Anne Maurette, sa fiancée, sur la porte de la veuve Cogne, tante de ladite Maurette ; que Fraissinet se plaignit du procédé par des mots grossiers auxquels répartit le steur Dépigny; qu'après

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894. Jugé sous l'ancienne législation et par application de la loi du 22 mess. an 4: 1o que lorsqu'un militaire et un individu non militaire sont prévenus du même delit, ils doivent être tous deux jugés par les tribunaux ordinaires; le tribunal militaire, saisi de la cause, ne peut statuer à l'égard du militaire, et renvoyer le non-militaire devant les juges ordinaires (Crim. cass. 29 frim. an 13, MM. Seignette, pr., Vermeil, rap., intér. de la loi, aff. Bunicourt); 2o Que les conseils de guerre sont incompétents pour connaître d'un crime, tel qu'un vol, imputé à plusieurs accusés, si parmi eux il se trouve une seule personne non militaire; l'affaire doit alors être portée aux tribunaux criminels ordinaires (Crim. cass. 18 avr. 1811, MM. Barris, pr., Busschop, rap., aff. Parent); 3o Qu'aucun individu non militaire ne peut jamais être traduit devant la juridiction militaire, alors même qu'il serait prévenu d'avoir participé à un délit purement militaire (Crim. cass. 2 mai 1817, MM.Barris, pr., Busschop, rap., aff. Bardel et Lebel); 4° Qu'un individu non militaire ni assimilé aux militaires ne peut, sous aucun prétexte, être traduit devant les tribunaux militaires (Crim. cass. 17 nov. 1852, MM. Ollivier pr., Isambert, rap., aff. Didier Denis; du même jour, quatre arrêts semblables); 5o Qu'un tribunal militaire, incompétent à l'égard d'un prévenu non militaire, doit se déclarer incompétent à l'égard de tous les autres prévenus de ce délit, même s'ils sont militaires (Crim. cass. 12 vend. an 14, MM. Viellart, pr., Seignette, rap., aff. Bavière);-6° Que lorsqu'un individu, non militaire à cette époque, commet un faux en faisant un faux acte de naissance, et en se faisant inscrire sous un faux nom au contrôle, pour remplacer dans le service militaire un jeune soldat, et qu'il a eu pour complice un militaire, ils doivent être traduits tous deux devant les tribunaux criminels ordinaires, et non devant les conseils de guerre; et que lorsque, par suite du même faux, les deux mêmes individus ont commis, envers le père de celui dont le nom a été emprunté, des escroqueries et tentatives d'escroquerie, soit conjointement, soit séparément, ces délits étant la suite des faits principaux auxquels ils sont connexes, c'est aussi aux juges ordinaires à en connaitre (Crim. règl. de jug. 7 mai 1824, MM. Bailly, pr., Chasle, rap., aff. Eckerlé C. Pernot); — 7° Que la juridiction ordinaire, seule compétente pour connaitre d'une prévention dirigée, à raison du même fait, contre un militaire et un non militaire, est la même pour les deux prévenus, dans le cas même où ils se trouveraient passibles de peines différentes, si le droit de prononcer l'une et l'autre peine rentre dans les attributions de cette juridiction; et, par exemple, lorsque le fait est de nature à entraîner la peine de la reclusion contre le militaire, c'est à la cour d'assises qu'il appartient d'en connaître, alors même qu'une peine correctionnelle pourrait seule être prononcée contre le non-militaire (Crim. cass. 19 janv. 1856, aff. Vovart, D. P. 56. 1. 125; Crim. règl. de jug., 19 janv. 1856, aff. Christophe, D. P. 56. 1. 128). — V. Organ. mar., no 1066.

895. D'un autre côté, il a été jugé, avec raison: 1o que lorsqu'un délit commis par un militaire, sans être connexe à un délit postérieur commis par un non-militaire, est seulement corrélatif à celui-ci, en ce sens que c'est le premier qui a occasionné le second, cette circonstance ne suffit pas pour faire attribuer la connaissance des deux délits aux tribunaux ordinaires, par application de la loi du 22 mess. an 4; il n'appartient, dans ce cas, qu'aux conseils de guerre de statuer sur le délit imputé au prévenu militaire (Crim. règl. de jug. 18 juill. 1828) (1); 2o Que le crime de corruption prévu et puni par

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l'échange de quelque injures, Fraissinet jeta deux ou trois pierres ou briquetons, dont une est dite avoir atteint le sieur Dépigny, máis sans occasionner ni blessure ni contusion; que ce dernier tira son épée, poursuivit Fraissinet dans la maison de la veuve Cogne, voulut se faire ouvrir la porte de la chambre où Fraissinet s'était réfugié et qu'il avait fermée sur lui; que le sicur Dépigny envoya chercher un caporal à la caserne de son régiment qui était situé près de là; que le caporal étant arrivé, la porte fut ouverte sur les nouvelles intimations ou menaces du sieur Dépigny, qui s'empara de la personne de Fraissinet, le conduisit au corps de garde de la caserne, où il prit plusieurs sousofficiers et soldats, et se mit à leur tête, soit comme commandant, soit comme accompagnant l'escorte, pour conduire Fraissinet à l'hotel de

l'art. 177 c. pén. est complétement distinct du crime corrélatif prévu et puni par l'art. 179 du même code; par suite, le corrupteur non militaire et le militaire corrompu doivent être renvoyés, l'un devant la cour d'assises, l'autre devant le conseil de guerre (Orléans, 8 juill. 1864, aff. Lamanille, D. P. 64. 2.148). De même, l'achat par un non-militaire d'effets d'équipement ou de munitions n'est pas un fait de complicité de la vente de ces effets par le militaire : ce sont deux délits distincts qui doivent être poursuivis séparément, le premier devant les tribunaux ordinaires, le second devant le conseil de guerre (V. suprà nos 875, 876).

$96. L'art. 76 de la loi du 9 juin 1857 ne s'occupe que de régler la compétence des tribunaux appelés à juger. Il s'est élevé, sous l'empire de l'ancienne législation, une difficulté sur le point de savoir si le principe d'indivisibilité s'oppose à ce qu'un militaire soit poursuivi devant un conseil de guerre, quand le juge d'instruction ou la Chambre d'accusation ont décidé qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre ce militaire et ses complices. La question paraît devoir été résolue affirmativement. La décision du juge d'instruction et de la chambre d'accusation a un caractère judiciaire qui doit profiter à tous les prévenus. Il y a lieu alors à l'application de la maxime: Non bis in idem.

897 Mais que doit-il arriver si le juge d'instruction déclare qu'il n'y a pas lieu à suivre seulement contre le complice non militaire ni assimilé? Il a été jugé 1° que lorsque, sur une instruction commencée contre deux individus, dont l'un est militaire, la juridiction d'instruction de droit commun est amenée à reconnaître qu'il n'y a lieu à suivre contre l'inculpé non militaire, elle doit renvoyer l'affaire devant un conseil de guerre; et elle excède ses pouvoirs lorsque, sous prétexte que la juridiction ordinaire une fois saisie doit continuer de l'être,

ville, au bureau de police; que, sur ces entrefaits, des groupes d'individus s'étaient formés; que le nombre s'était successivement augmenté; que l'escorte avait été serrée, forcée par menaces et voies de fait, ce qui avait procuré à Fraissinet, auquel, à cet égard, il n'est rien imputé de personnel, la faculté de s'évader;

Attendu que, de l'ensemble de tous ces faits, il ne résulte que trois délits: violation de domicile; 2o l'arrestation arbitraire ; 3° l'a.taque, la résistance avec violence et voies de fait contre la force publique, sauf l'appréciation des circonstances, et, pour caractériser ce délit d'après l'art. 209 c. pénal, si cette force publique agissait pour l'execution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique ;

Que ces trois délits sont corrélatifs, en ce sens que le troisième n'aurait pas eu lieu si les deux premiers, et le deuxième notamment, n'avaient pas été commis; mais qu'ils ne présentent entre eux aucune connexité, telle qu'elle est déterminée et fixée par l'art. 227 c. inst. crim.; - Qu'en supposant même qu'on voulût caractériser délit la scène antécédente entre Dépigny et Fraissinet à cause du jet de pierres commis par ce dernier, dans les circonstances données, cette qualification n'établirait qu'une corrélation, et non une connexité avec les délits postérieurs, puisque Fraissinet ne pourrait, sous aucun rapport, être complice de la violation de domicile dont Dépigny serait prévenu, ni d'une arrestation arbitraire exercée contre lui-même; Attendu enfin que le sieur Depigny, lieutenant au 57 regiment de ligne en garnison à Montauban, était à sa garnison et à son corps, au jour des delits dont il est prévenu; qu'il n'a aucun complice non militaire, et que, dès lors, il ne doit être jugé, à raison des délits dont il est prévenu, que par les tribunaux militaire; -En conséquence, renvoie, etc.

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Du 18 juill. 1828.-C. C., ch. crim.MM. Bailly, pr.-Brière, rap. (1) (Min. pub. C. Rival.) LA COUR; Vu le réquisitoire du procureur général, et les pièces jointes ; Attendu que, par suite de l'évasion de l'hôpital militaire de La Rochelle, de deux militaires condamnés aux travaux publics, évasion qui a eu lieu dans la nuit du 25 au 24 septembre dernier, l'autorité militaire a fait arrêter les nommés Louis Renou, infirmier dudit hôpital, et Pierre Rival, soldat au 36o régiment de ligne, prévenu d'avoir favorisé cette évasion par négligence; qu'une instruction a été commencée par le juge d'instruction de l'arrondissement de la Rochelle, sur la réquisition du procureur du roi contre ces deux individus, et que concurremment, une instruction a été pareillement commencée contre les mêmes, par le capitaine rapporteur du premier conseil de guerre permanent de la 12e division militaire, sur l'ordre qu'il en avait reçu du lieutenant général des armées du roi, commandant ladite division militaire;

Que, le 10 octobre, la chambre du conseil du tribunal de première

elle maintient la compétence de cette juridiction (Crim. règ. de jug. 19 fév. 1829) (1); — 2o Que de même, si l'information dirigée contre un militaire accusé d'un délit commis de complicité avec un non-militaire, aboutit à une ordonnance de nonlieu au profit de ce dernier, le prévenu militaire se trouve, comme conséquence nécessaire, ramené devant ses juges naturels (Crim. règl. de jug. 10 août 1854, aff. Plançon, D. P. 54. 1. 386; Crim. cass. 8 sept. 1859, aff. Dahaman, D. P. 59. 1. 516); 3° que par suite, lorsqu'une information militaire rencontre des indices de complicité à la charge d'un individu étranger à l'armée, il y a eu lieu, non de provoquer une décision d'incompétence du conseil de guerre, mais de surseoir à l'instruction de l'affaire, jusqu'à ce que le juge d'instruction (la chambre du conseil avant la loi du 17 juil. 1856) ou la chambre des mises en accusation ait statué sur la question de complicité (même arrêt du 10 août 1854); -4° Que lorsque le juge d'instruction, statuant sur une poursuite dirigée simultanément contre un prévenu civil et contre des prévenus militaires, a déclaré n'y avoir lieu à suivre contre le premier, et a, par suite, renvoyé les prévenus militaires devant le conseil de guerre, la chambre d'accusation ne peut, au cas où elle infirme la décision de non-lieu, réformer en même temps le chef de décision relatif aux militaires, qu'autant que, par les termes de son opposition, le ministère public a attaqué l'ordonnance du juge d'instruction dans son entier; elle commet une violation de la chose jugée si, le ministère public n'ayant attaqué l'ordonnance que quant à la décision de non-lieu, elle se saisit de la poursuite même à l'égard des militaires, sans user à cet effet de son droit d'évocation (Crim. cass. 24 mai 1867, aff. Luce, D. P. 67. 1. 415).

898. Toutefois, il avait été décidé antérieurement que la loi du 22 mess. an 4, qui veut que la juridiction criminelle ordinaire soit seule compétente, lorsqu'un individu non militaire

instance de la Rochelle a rendu une ordonnance conforme au réquisitoire du procureur du roi, par laquelle elle a ordonné la mise en liberté de Louis Renou, et la continuation des poursuites contre Pierre Rival; et ce par le motif, à l'égard de Louis Renou, que cet individu n'est point, par le fait, infirmier de l'hôpital militaire, n'étant point commissionné par cette administration, ni approuvé par elle, mais simplement nommé et gagé par la supérieure de cet hôpital pour soigner les malades des salles Saint-Charles et Saint-Côme, et non pour les surveiller, et parce qu'au fond, rien ne prouve que Louis Renou ait procuré et facilité l'évasion des deux condamnés; et à l'égard du soldat Pierre Rival, a autorisé le procureur du roi à continuer les poursuites, et ce, par ce motif qu'il était préposé à la garde des condamnés, et qu'aux termes de la loi du 22 mess. an 4, la juridiction ordinaire, une fois saisie conformément à l'art. 2 de ladite loi, ne peut devenir incompétente par la mise hors de cause de l'inculpé non militaire; que, par suite, le juge d'instruction a décerné un mandat d'amener contre Pierre Rival;

Attendu que, sur la connaissance officielle de cette ordonnance, donnée par le procureur du roi au lieutenant général commandant la 12 division militaire, un conflit de juridiction a été déclaré au procureur du roi, par une lettre du lieutenant général commandant, du 16 oct. dernier, et qu'en conséquence il est sursis à toute instruction ultérieure sur cette affaire, par les deux autorités civile et militaire, jusqu'à ce qu'il ait été statué par règlement de juges; que, dans cet état, le cours de la justice est interrompu, et qu'il importe de le rétablir;

Vu les art. 526 et suiv. c. inst crim.; la loi du 13 brum. an 6, et celle du 22 mess. an ; Attendu que la chambre du conseil du tribunal de la Rochelle a ordonné la mise en liberté de Louis Renou, et qu'il est attesté, par le réquisitoire du procureur général en la cour, que l'autorité militaire a concouru à l'exécution de cette ordonnance; que, dès lors, la cour, n'ayant point à s'occuper du règlement de la compétence d'après la qualité dudit Renou d'infirmier en titre, ou de simple domestique de la supérieure de l'hôpital militaire de la Rochelle; que le soldat Pierre Rival est incontestablement, et par ce seul titre, justiciable de l'autorité militaire; que le tribunal de première instance de la Rochelle, en supposant même que Louis Renou ne fût point compris dans le no 9 de l'art. 10 de la loi du 13 brum. an 5, n'a point été saisi de la connaissance du délit imputé à Renou et à Rival. mais seulement la chambre du conseil de ce tribunal, qui, chargé de statuer sur la pré vention et la compétence, devait, dès qu'il n'y avait pas lieu à poursuite contre Renou, déclarer la juridiction civile incompétente, en ce qui concernait Pierre Rival, et le renvoyer devant la juridiction militaire;- En conséquence, sans s'arrêter, etc.; - Renvoie Pierre Rival, soldat au 36 régiment de ligne, devant le premier conseil de guerre permanent, etc.

Du 19 fév. 1829.-G. C., ch crim.-MM. Bailly, pr.-Brière, rap.

est accusé comme complice d'un militaire, doit recevoir son application lorsque, au moment où la compétence a été indiquée par un acte de la procédure, l'individu non militaire était en prévention conjointement avec le militaire, et quand même il arriverait que le militaire seul fût mis en accusation; ainsi, dans ce cas, le tribunal criminel ordinaire doit se déclarer compétent, et ne peut renvoyer l'affaire à un conseil de guerre (Crim. cass. 16 frim. an 12) (1).

899. Le militaire peut encore être renvoyé devant le conseil de guerre si son complice non militaire a été poursuivi et jugé séparément. Jugé: 1° que la connaissance d'un délit commis par un militaire, conjointement avec un citoyen non militaire, appartient aux tribunaux militaires, alors que ce dernier a été jugé avant qu'aucune poursuite n'eût été dirigée contre le militaire (Crim. règ. de jug. 13 mars 1855) (2); · 2o Que si parmi les prévenus d'un délit ou d'un crime, se trouvent des militaires et des non-militaires, la juridiction de droit commun est seule compétente pour statuer à l'égard de tous, mais en tant seulement qu'il peut encore être procédé simultanément contre les uns et les autres; qu'ainsi, un militaire prévenu d'un délit commis de complicité avec un non-militaire, ne peut plus être traduit que devant le conseil de guerre, lorsque le tribunal correctionuel devant lequel il était poursuivi avec son complice, a jugé séparément ce dernier par décision passée en force de chose jugée, après s'être déclaré incompétent, bien qu'à tort, à l'égard du prévenu militaire (Crim. règl. de jug. 23 août 1855, aff. Vovart, D. P. 55. 1. 349).-V. aussi Organ. marit. nos 1057.

900 Il y a certains faits qui, constituant des délits mili taires lorsqu'ils sont commis par des militaires, n'ont aucun caractère de culpabilité, s'ils sont commis par des individus n'appartenant point à l'armée. En pareil cas, ces derniers ne pourraient être considérés ni poursuivis comme complices. Tel serait, par exemple, le cas où un citoyen non militaire aurait excité ou provoqué à un acte d'insubordination envers un supérieur. Le militaire pouvant seul être poursuivi, c'est alors la juridiction militaire qui devient compétente. Mais s'il y avait lieu à poursuivre le militaire et son complice pour les mêmes faits mais punis par des lois différentes; par exemple, si le militaire avait outragé par geste un officier dans l'exercice de ses fonctions, comme chef de poste de sûreté ou comme dépositaire de la force publique, tandis que le complice non militaire aurait excité à ces voies de fait et pris part au délit en frappant luimême le supérieur, il y aurait lieu de traduire les deux préve

L'in

(1) Espèce: - (Min. pub. C. Pradal.)-Pradal, capitaine de recrutement, avait été prévenu d'avoir favorisé, à prix d'argent, la réforme de plusieurs conscrits qui n'avaient point d'excuses legitimes. struction faite contre lui devant le conseil de guerre, introduisit contre Guibert, non-militaire, des charges qui le mirent en prévention de complicité. Le conseil de guerre, se conformant alors à l'art. 2 de la loi du 22 mess. an 4, renvoya les deux prévenus devant la juridiction ordinaire. Le directeur du jury de Lyon rendit une ordonnance de compétence, qui traduisit Pradal et Guibert devant un jury d'accusation. Mais, d'après la déclaration de ce jury, Pradal fut mis seul en accusation. Traduit devant le tribunal criminel du département du Rhône, Pradal soutint qu'attendu qu'il était militaire, qu'il était poursuivi pour un délit militaire, et que, par l'effet de la déclaration du jury d'accusation, il était seul en prévention, il devait être renvoyé devant l'autorité militaire. Le tribunal criminel se déclara incompétent, el ordonna que Pradal serait renvoyé en état d'accusation devant le conseil de guerre. Pourvoi. Arrêt.

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LA COUR;

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Vu aussi l'art. 2

Vu l'art. 456 code 5 brum. an 4; de la loi du 22 mess. an 4; Attendu que l'ordonnance de compépétence, rendue par le directeur du jury de l'arrondissement de Lyon, le 16 fruct. an 11, était conforme aux règles prescrites par cet art. 2 de la loi du 22 mess.; - Que, lors de cette ordonnance, un individu non militaire était en prévention du même délit conjointement avec Pradal; Que la juridiction ordinaire, saisie par cette ordonnance, l'avait donc été dans les termes de la loi, et que, dès lors, elle ne pouvait devenir incompétente par les modifications réelles ou personnelles que le procès pouvait recevoir des événements ultérieurs; - Qu'ainsi le tribunal criminel du département du Rhône devait procéder aux débats et au jugement contre Pradal, militaire, quoique, par l'effet de la déclaration du jury d'accusation, cet individu fût seul demeuré dans la prévention; Que l'ordonnance de compétence, légitime dans ses éléments, s'opposait irrévocablement à tout renvoi de ce militaire devant la juridiction extraordinaire ; - Que du renvoi prononcé par le

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nus devant la juridiction du droit commun pour leur être fait à chacun l'application de la loi qui les concerne (Contrà, M. Chénier, Introd., p. 258).

901. Le principe de l'art. 76 souffre plusieurs exceptions. L'art. 77 dispose: « Tous les prévenus, indistinctement, sont traduits devant les tribunaux militaires : 1° Lorsqu'ils sont tous militaires ou assimilés aux militaires, alors même qu'un ou plusieurs d'entre eux ne seraient pas justiciables de ces tribunaux, en raison de leur position au moment du crime ou du délit ; 2o S'il s'agit de crimes ou de délits commis par des justiciables des conseils de guerre et par des étrangers; 3o S'il s'agit de crimes ou délits commis aux armées en pays étranger; -4° S'il s'agit de crimes ou délits commis à l'armée sur le territoire français, en présence de l'ennemi. »>— La première exception contenue dans cet article s'applique aux militaires en congé, en retraite ou laissés dans leurs foyers (nos 832 et s., 846). Il faut supposer encore qu'il s'agit d'un crime ou délit du droit commun; car s'il s'agissait d'un délit militaire, le conseil de guerre serait compétent de droit et non en vertu de l'exception de l'art. 77.

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902. Les art. 78 et 79 disposent : « Art. 78. Lorsqu'un crime ou un délit a été commis de complicité par des individus justiciables des tribunaux de l'armée de terre, et par des individus justiciables des tribunaux de la marine, la connaissance en est attribué aux juridictions maritimes, si le fait a été commis sur les vaisseaux et autres navires de l'Etat, ou dans l'enceinte des ports militaires, arsenaux ou autres établissements maritimes. Art. 79. Si le crime ou le délit a été commis en tous autres lieux que ceux qui sont indiqués dans l'article précédent, les tribunaux de l'armée de terre sont seuls compétents. Il en est de même, si les vaisseaux, ports, arsenaux, ou autres établissements maritimes où le fait a été commis se trouvent dans une circonscription en état de siége» (V. Organ. marit., no 1067).

ART. 4.-De l'instruction et de la procédure devant les conseils de guerre.

903. L'instruction et la procédure militaires sont réglées dans tous leurs détails par la loi de 1857. Ces détails ne sont guère susceptibles d'analyse. D'ailleurs ils ont été reproduits dans la loi plus récente qui a réglé l'instruction et la procédure devant les tribunaux maritimes. La plupart des observations que nous avons

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tribunal criminel du département du Rhône, il est résulté qu'une ordonnance de compétence légalement rendue, dont l'annulation n'a pas été et ne pouvait pas être prononcée, et qui n'a pas cessé d'exister, n'a pas reçu néanmoins la plenitude d'exécution qui lui appartenait; il en est résulté encore la disposition étrange du jugement du tribunal criminel du département du Rhône, du renvoi d'un individu devant l'autorité militaire, pour être jugé par elle sur une mise en accusation prononcée dans l'exercice de la juridiction ordinaire; D'où il suit que le jugement du tribunal criminel du département du Rhône, rendu le 28 brumaire dernier, portant renvoi de Pradal devant le conseil de guerre, est en contravention aux règles de compétence établies par la loi, et à l'art. 2 de la loi du 22 mess.; - D'après ces motifs, casse. Du 16 frim. an 12.-C. C., sect. crim.-MM. Viellart, pr.-Barris, rap. (2) (Min. pub. C. Ferrant). LA COUR ; Vu les art. 527 et suiv. c. inst. crim., et les lois des 3 pluv. an 2, 22 mess. an 4 et 13 brum. an 5; Attendu que, si Motte Dardel, citoyen non-militaire, et A.-J. Ferrant, militaire, avaient été poursuivis conjointement comme auteurs ou complices du même délit, les tribunaux ordinaires auraient été seuls compétents, d'après les dispositions formelles de l'art. 2 de la loi du 22 mess. an 4; mais que tout étant consommé en ce qui concerne Motte-Dardel, dès lors le militaire ne pouvait être poursuivi qu'isolément, et jugé par les tribunaux militaires, d'après les dispositions formelles de la loi du 5 pluv. an 2, de celle du 15 brum. an 5, et de l'art. 1 de la loi du 22 mess. an 4; que le débat devant la cour royale ayant compromis le militaire Ferrant, les réserves du procureur général contre lui, et dont il lui a été donné acte, ne pouvaient produire d'autre effet que celui de la dénonciation à l'autorité militaire, ce qui a eu lieu; Attendu que le militaire Ferrant sous le drapeau, puisqu'il remplissait une fonction militaire qui lui était légalement conférée par les chefs du corps auquel il appartenait ; Statuant par règlement de juges, renvoie Ferrant devant le conseil permanent de révision de la dix-neuvième division militaire.

Du 13 mars 1835.-C. G., ch. crim.-MM. Bastard, pr.-Brière, rap.

présentées en expliquant l'organisation de la justice maritime (V. Organis marit., nos 1015 et suiv.) sont donc applicables à la loi militaire. Nous nous y référons. Nous nous contenterons ici de faire connaître l'économie de la loi de 1857, en appelant l'attention sur ses dispositions les plus importantes.

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904. En réglant l'instruction et la procédure militaires, le législateur de 1857 a suivi autant qu'il l'a pu le code d'instruction criminelle, et c'est en empruntant à ce code ses dispositions qu'il faudrait combler les lacunes qui pourraient apparaître dans la loi militaire. Partout, dit le rapport, où l'intérêt militaire, qui est aussi la garantie de la société, n'a pas été évident, où il n'a pas commandé une dérogation à la loi générale, c'est la disposition du code d'instruction criminelle qui a prévalu. L'instruction et la procédure sont différentes selon qu'elles ont lieu pour l'état de paix ou pour l'état de guerre ou de siége. Les règles spéciales de procédure pour les conseils de guerre aux armées, dans les localités déclarées en état de guerre ou en état de siége sont précisées dans les art. 153 à 154 du code de 1857. Sauf ces exceptions, la procédure établie pour l'état de paix doit être suivie devant ces conseils de guerre (art. 152).L'instruction et la procédure ont différentes phases et ont pour objet 1° la recherche et la constatation des crimes et délits; 2o l'instruction et la mise en jugement; 3° l'examen et le jugement des accusés; 4o les voies de recours contre les décisions des conseils de guerre; 5° l'exécution des jugements.

905. Les actes qui préparent les jugements des conseils de guerre, c'est-à-dire ceux qui consistent à rechercher les délits, à en rassembler les preuves, sont confiés aux officiers faisant fonctions d'officiers de police judiciaire militaires, désignés dans les art. 83 et suiv. Ces dispositions sont empruntées, sauf les différences résultant des situations et des personnes, aux règles du droit ordinaire. Elles étaient déjà écrites dans les lois du 12 mai 1793, tit. 6, art. 1 à 19, et du 13 brum. Jan 5, art. 9 et suiv. Quand un justiciable d'un conseil de guerre a été mis en état d'arrestation, le capitaine, faisant devant le conseil de guerre fonction de rapporteur, procède aux actes d'instruction avec l'assistance du greffier. Il interroge le prévenu, après quoi il avertit celui-ci du droit qu'il a de faire choix d'un défenseur (art. 109). Le procès-verbal d'information est communiqué à ce dernier (art. 112). Le rapporteur rend compte ensuite à l'officier commandant de l'état de la procédure (art. 97, 108). Les divers actes de cette procédure que nous résumons ainsi sommairement sont réglés en détail par la loi militaire. Il suffit d'appeler l'attention sur quelques-unes de ses dispositions.

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907. A défaut des officiers de la police judiciaire militaire, le soin de rechercher les crimes et les délits, d'en rassembler les preuves et de procéder à tous actes d'instruction appartient aux officiers de la police judiciaire ordinaire (art. 93 et 87). Tout chef militaire investi d'un commandement supérieur, comme les commandants et majors de place, les chefs de corps ou de service dans le génie et l'artillerie, les membres du corps de l'intendance peuvent requérir les officiers de police judiciaire de faire les actes d'information et d'instruction ayant pour objet de constater les crimes et délits, et même procéder à ces acles eux-mêmes (art. 85). Le caractère des attributions des officiers de police judiciaire militaire est analogue à celui des juges d'instruction (art. 86 et s., 100 et s.)

908. Les officiers de police judiciaire militaire ne peuvent faire procéder à une arrestation que sur l'ordre du supérieur de l'individu qui a commis un crime ou un délit, à moins que le crime ou le délit ne soit flagrant, auquel cas tout officier de police militaire ou civil peut procéder ou faire procéder à l'arrestation (art. 88). Lorsque, pour opérer une arrestation, il est nécessaire de pénétrer dans un établissement civil ou un domicile privé, l'officier de police judiciaire militaire adresse ses réquisitions au magistrat de l'ordre civil, lequel est tenu d'y

déférer. L'arrestation dans un domicile privé a lieu alors dans les formes exigées par le code d'instruction criminelle (art. 89, 91). Mais ces formes ne sont pas exigées au cas de flagrant délit, ou s'il doit être procédé à l'arrestation dans une circonscription en état de guerre ou en état de siége (art. 87, 89, 153).

909. Il y a dans le droit pénal militaire un principe que nous avons déjà vu en traitant de la justice maritime. Aucune poursuite devant un conseil de guerre ne peut avoir lieu que par l'ordre du général commandant la division dans les divisions territoriales en état de paix (art. 99). Cet ordre est donné soit d'office, soit sur le vu des actes d'instruction. Il est exigé à peine de nullité de la poursuite et des décisions qui seraient prises à l'égard de l'individu accusé. Il en était de même so us le régime de la loi du 13 brum. an 5 . —II a été jugé sous l'empire de cette loi 1° qu'un individu ne peut être traduit devant un conseil de guerre qu'en vertu d'un ordre d'informer émané du commandant militaire et qu'après convocation du conseil par le commandant (Crim. cass. 15 mars 1850, aff. Capanna, D. P. 50.1.95); 2° Qu'aucune loi n'autorise le conseil de guerre qui se déclare incompétent, à renvoyer le prévenu, en état de mandat d'arrêt, devant le général de la division (Crim. cass. 26 avr. 1838, aff. Pujol, V. no 830-4°; V. aussi Conf., à l'égard des conseils de révision, Crim. cass. 13 août 1855, aff. Lemerle, no 957-3°); -3° Qu'un conseil de guerre est suffisamment saisi de la connaissance de tous les faits constatés dans les résultats d'une enquête, par l'ordre qui lui est donné de statuer sur les faits de l'enquête, lors même que ces fails n'étaient pas compris dans l'ordre d'informer primitif (Crim. cass. 26 nov. 1842, aff. Fabus, V. no 803-20). — V. Organis. marit., no 1017.

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910. Cette garantie que la loi de l'an 5 donnait aux justiciables des conseils de guerre est passée dans l'art. 108 de la loi de 1857. Ainsi, d'après la loi actuelle, quand une plainte est formée, c'est le général commandant la division qui ordonne l'instruction (art. 99); quand l'instruction est terminée, c'est lui qui ordonne la mise en jugement (art. 108); plus tard, lorsque le jugement aura été rendu, c'est encore lui qui sera chargé de le faire exécuter (art. 150, 151). Cette étendue de pouvoirs, attribués au général commandant la division, a rencontré de vives résistances tant dans le sein de la commission que devant le corps législatif. Elle a été attaquée comme offrant de graves inconvénients et imposant une responsabilité périlleuse au général lui-même. On a exprimé la crainte que le pouvoir attribué au commandant de la division ne l'exposât à toutes sortes de sollicitations. On ajoutait que quand une instruction avait été commencée contre un accusé, il n'y avait qu'un jugement qui pût le laver complétement, et qu'ainsi ce pouvoir donné au commandant était contraire à l'intérêt des accusés eux-mêmes. Ces objections n'ont triomphé ni dans la commission de la loi 1857 ni devant le corps législatif. Il a été répondu en faveur du système consacré par la loi que le | préjugé populaire n'était pas d'accord avec cette manière d'envisager la situation de tout homme qui a comparu devant un tribunal criminel. «Quand un homme a été traduit devant un tribunal, et lors même qu'il a été acquitté, le souvenir de la poursuite s'attache à lui, disait le commissaire du gouvernement. Plus tard, s'il se trouve en contact avec des hommes qui n'auraient pas pour lui de sympathie, on saura bien lui rappeler ce triste souvenir. — Pour parvenir à la confection des comptes rendus sur la statistique criminelle que publie chaque année le ministère de la justice, on a établi des registres sur lesquels sont mentionnés les antécédents judiciaires des individus repris de justice; c'est là ce qu'on appelle le casier judiciaire. Les simples poursuites n'y sont pas relatées; mais s'il y a eu mise en accusation, mention en est faite. Tout le monde comprendra combien il est grave pour un militaire, même reconnu innocent, d'être noté sur un document de cette nature, dont les extraits sont envoyés dans la commune de chacun de ceux qui y figurent. » - Quant à l'objection tirée de la responsabilité que la loi imposait au commandant de la division, les rapporteurs de la loi y répondent en faisant observer que le commandant n'avait ici d'autre pouvoir que celui que le code d'instruction criminelle donne en matière ordinaire aux chambres d'accusation. Puis il

ajoutait «Il faut préciser comme les choses se passent. Une plainte est formée contre un militaire par un chef de corps ou par un simple citoyen; le général regarde la plainte comme sérieuse; il ordonne une information. Le militaire est arrêté. Le rapporteur et le commissaire impérial sont d'accord; tout le monde croit à la culpabilité. Comment supposer qu'aujourd'hui le général puisse signer de sa main une décision ordonnant qu'il n'y aura pas mise en jugement ? Ce serait admettre qu'il pourrait manquer à son honneur et à sa conscience. >>

911. Le système de la loi paraît le seul qui pût être suivi. Il a l'avantage de rapprocher le système de la loi militaire de celui du code d'instruction criminelle. D'après ce code, dans toutes poursuites contre un individu accusé d'un crime, l'instruction est provoquée par le procureur impérial et faite par un juge l'instruction terminée, la chambre des mises en accusation décide si l'intérêt de la justice commande qu'il soit donné suite à la poursuite. Ici, c'est le commandant qui représente la chambre des mises en accusation. D'ailleurs l'attribution du commandant, comme celle des chambres d'accusation, ne s'exerce pas elle-même sans garantie. Dans le cas où le général commandant la division juge qu'il n'y a pas lieu de donner suite à une plainte, il doit motiver sa décision en faisant connaître si c'est faute de gravité ou de précision des faits intentés, ou bien parce que ces fails ne constitueraient, à son avis, ni crime ni délit. Néanmoins, il doit faire reprendre les poursuites, s'il survient des renseignements de nature à modifier sa première opinion (circ. min. guerre, 28 juill. 1857, D. P. 57. 3. 69). La décision sur la mise en jugement doit aussi être motivée (même circ.). Dans la pratique, quand une décision d'un général commandant une division militaire, portant refus de saisir le conseil de guerre d'une plainte contre un prévenu militaire sous prétexte que l'affaire serait de la compétence des tribunaux ordinaires, a fait naître un conflit négatif, c'est devant le général commandant une autre division que, dans le cas de cassation, la chambre criminelle renvoie le prévenu pour être procédé à nouveau à son égard (Crim. cass. 8 avr. 1869, aff. Decagny, D. P. 70, 1re part.).

912. L'ordre d'informer, qui est donné par le général commandant la division dans les divisions territoriales en état de paix, est donné, à l'égard des justiciables des conseils de guerre aux armées et dans les places de guerre en état de siége, par les autorités chargées de la formation de ces conseils (art.154). Si l'inculpé est colonel, officier supérieur ou maréchal de France, l'ordre d'informer est donné par le ministre de la guerre (art. 99).

13. La loi explique en détail les formes en lesquelles doivent avoir lieu l'interrogatoire de l'accusé et l'audition des témoins (art. 103 et suiv.), et ce qui est relatif aux mandats judiciaires de comparution et d'amener, que le rapporteur peut décerner contre l'accusé (art. 105). En général, on peut dire que les fonctions du rapporteur sont celles du juge d'instruction dans l'ordre civil, et que celles du commissaire impérial sont analogues à celles du procureur impérial. Le commissaire impérial provoque l'instruction et le rapporteur en accomplit les actes.

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914 L'instruction terminée et la mise en jugement ordonnée par qui de droit, l'accusé comparaît devant le conseil de guerre. Toutes les formes prescrites pour l'examen et le jugement sont empruntées aux dispositions du code d'instruction criminelle. La loi de 1857 déclare même souvent s'en référer purement et simplement à ce code. Il y a cependant quelques dispositions particulières commandées au législateur par le caractère particulier de la juridiction dont il réglait la procédure. La loi de 1857 a posé les règles sur la publicité des débats et du jugement (art. 113), Sur la police de l'audience (art. 114), — Sur la répression des crimes et délits qui peuvent s'y commettre (art. 115, 116, 119), Sur la comparution de l'accusé (art. 117, 118), Sur les obligations du greffier (art. 118, 120, 121), — Sur les exceptions d'incompétence ou autres qui peuvent être proposées par l'accusé (art. 122, 125, 124), -Sur l'audition des témoins et le pouvoir discrétionnaire attribué pour certains faits au président (art. 125, 126), - Sur les incidents de faux témoignage à l'audience (art. 127), Sur l'obligation de ne point interrompre les débats une fois comTOME XXXIV.

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mencés (art. 129), Sur l'interrogatoire de l'accusé (art. 150), Sur le délibéré, la position des questions et le mode de votation des membres du conseil de guerre (art. 131 à 133), Sur le nombre de voix requis pour les jugements de condamnation (art. 154), — Sur les déclarations d'acquittement el d'absolution (art. 156 et 157), Sur la rédaction du jugement et les diverses mentions qu'il doit contenir (art. 140), Sur l'avertissement que le président doit donner au condamné du délai qui lui est imparti pour se pourvoir en révision (art. 141), — Sur l'exécution du jugement (art. 146, 150, 151),

915. Comme dans toutes les juridictions, les séances des conseils de guerre sont publiques (V. Jugement, nos 807 et s.); mais si cette publicité paraît dangereuse pour l'ordre et pour les mœurs, le conseil peut ordonner le huis clos (art. 150, V, eod., nos 816 et s., 826 et s.). Le huis clos doit être ordonné par jugement du conseil et non par simple décision du président (circ. min. de la guerre, 28 juill. 1857, D. P. 57. 3. 69). Dans le cas même où le huis clos est ordonné, la lecture des pièces dont parle l'art. 121 c. just. mil., et les avertissements qu'il prescrit, doivent avoir lieu publiquement, ainsi que la lecture de tout jugement, soit sur les incidents, soit sur le fond (c. just. mil. 156; même circ.).

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916 Il est en droit militaire un principe important qui ne perd jamais son empire. Tout subordonné est tenu au respect envers son supérieur, et les membres du conseil de cessent pas, à raison de leur qualité de juges, d'être cores comme supérieurs de l'accusé militaire. En vertu d'un autre principe qui est une véritable fiction légale, tout membre d'un conseil de guerre est considéré comme supérieur, même de ceux qu'il peut n'ètre appelé à juger qu'accidentellement. Delà une distinction notable entre les différents justiciables ou assistants au cas où ils se seraient rendus coupables de certains délits d'audience. Aux termes de l'art. 115, § 5, du code de 1857, lorsque les assistants ou les témoins se rendent coupables, envers le conseil de guerre ou l'un de ses membres, de voies de fait ou d'outrages ou menaces par propos ou gestes, ils sont condamnés séance tenante: 1° s'ils sont militaires ou assimilés aux militaires, quels que soient leurs grades ou rangs, aux peines prononcées par le présent code contre les crimes ou délits, lorsqu'ils ont été commis envers des supérieurs pendant le service; 2 S'ils ne sont ni militaires ni assimiles aux militaires, aux peines portées par le code pénal ordinaire. » On a signalé cette disposition comme une des plus graves de la loi, en ce qu'elle peut entraîner, séance tenante, une condamnation qui peut aller jusqu'à la peine de mort, contre un officier qui, appelé comme temoin, se serait rendu coupable d'un outrage ou d'une voie de fait envers un membre d'un conseil de guerre d'un grade inférieur au sien. Mais le principe l'a em-porté. « Celui-là même qui n'est pas revêtu du grade supérieur, a-t-on dit, puise son droit dans cette fonction de juge qui le rend vraiment supérieur de l'assistant, du témoin ou de l'accusé, puisqu'il est appelé ou peut être appelé à les juger tous; c'est ce qu'exprime le projet avec netteté et énergie quand il dit quels que soient leurs grades et rangs » (rapp. au corps législ.). V. Organ. marit., no 1051.

917. Nous n'avons qu'à nous référer à la loi du 9 juin 1857 pour les dispositions relatives au mode d'interrogatoire, de l'accusé, à l'audition des témoins, à la délibération, au mode de recueillir les voix des membres des conseils de guerre, et à la prononciation du jugement (art 125 et suiv.). Mais il importe de signaler la disposition de l'art. 110. Tout accusé est assisté d'un défenseur de son choix ou à défaut nommé d'office (art. 109). Le défenseur doit être pris parmi les militaires, les avocats et les avoués, à moins qu'il ne soit autorisé par le président à prendre un parent ou ami (art. 110). La disposition de l'art. 110 est ainsi une dérogation au droit commun. Pour faciliter l'exécution de l'art. 109 et pour éviter les pertes de temps, les présidents des conseils de guerre doivent désigner à l'avance les personnes réunissant les conditions de l'art. 110, parmi lesquelles seront pris les défenseurs d'office (circ. min. guerre 28 juill. 1857, D. P. 57. 3. 69). Depuis le code de 1857, le port du costume est considéré comme obligatoire pour les avocats appelés à exercer leur ministère devant les conseils de

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