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ORGANISATION DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE.-SECT. 6, ART. 1, § 2.

pût être augmenté, si celui des élèves paraissait l'exiger; que, des trois professeurs, l'un enseignât l'histoire ecclésiastique, l'autre le dogme, et le troisiéme la morale évangélique; qu'enfin chaque Faculté de théologie eût à sa tête un doyen choisi parmi les professeurs. Malgré cette disposition formelle, jamais il n'y eut en France autant de Facultés de théologie que d'églises métropolitaines : ainsi, sous le premier empire, le nombre des églises métropolitaines était de neuf, et il s'élève aujourd'hui à dix-huit, y compris l'archevêché d'Alger; cependant l'on ne compte encore en France que six Facultés de théologie catholique établies dans les villes de Bordeaux, de Lyon, d'Aix, de Rouen, de Toulouse et de Paris.

351. L'enseignement de la théologie a eu, en France, ses beaux jours, aux siècles de Gerson et de Bossuet. Certes les questions théologiques, telles que les a posées et traitées Saint-Augustin, touchent à tout ce qu'il y a de plus profond et de plus subtil dans la métaphysique, et sont, à ce point de vue, et comme la métaphysique elle-même, d'une éternelle actualité; mais elles n'ont pas été maintenues à cette hauteur, et en se rapetissant sous le formalisme scolastique, elles ont perdu de leur importance. L'affaiblissement et le déclin des croyances religieuses ont achevé de les faire déchoir du rang qu'elles occupaient entre toutes les autres formes de la vie intellectuelle. Aussi les Facultés de théologie n'ont-elles pas atteint le but que l'on s'était proposé en leur faisant officiellement une part dans l'enseignement supérieur : la plus grande partie du clergé catholique luimême leur a toujours été, il faut le dire, hostile ou indifférente, 1o parceque l'on a considéré que l'enseignement auquel elles étaient consacrées faisait double emploi avec celui organisé dans les grands séminaires; 2° parce qu'elles n'ont jamais reçu cette consécration suprême qui s'appelle l'institution canonique, de telle sorte que, suivant plusieurs évêques, l'on ne peut y voir que des écoles purement civiles, à qui l'église n'avait pas donné le droit d'enseigner en son nom et de conférer des grades.

352. L'enseignement théologique officiel n'ayant, faute de l'institution canonique, aucune autorité doctrinale, et les diplòmes que délivrent les Facultés de théologie n'étant d'aucune utilité pour le clergé, les ecclésiastiques ont été par là même détournés de les fréquenter, et c'est ainsi que les cours, privés de leurs auditeurs naturels, se sont faits dans la solitude, ou devant des auditeurs en majorité laïques qui n'étaient accidenteilement attirés que par le talent du professeur. Cependant l'autorité civile n'a rien négligé pour faire refleurir l'enseignement théologique qu'elle constituait. D'abord, elle a donné peu à peu à cet enseignement un développement sensible: ainsi, outre le dogme, la morale et l'histoire ecclésiastique, le gouvernement y a fait entrer, depuis plusieurs années déjà, le droit canon, l'écriture sainte, la langue hébraïque, et, à Paris, l'éloquence sacrée. D'un autre côté, toute garantie semble avoir été donnée au clergé en ce qui concerne le mode de nomination des professeurs, puisque, en vertu d'une modification admise à l'art. 7 du décret du 17 mars 1808, les professeurs des Facultés de théologie catholique ne sont nommés par l'empereur que sur la proposition de 1 archevêque diocésain. Le gouvernement a encore employé d'autres moyens de relever et de soutenir les Facultés de théologie: ainsi tantôt il a essayé de rendre les grades en théologie obligatoires pour les curés, les chanoines, les vicaires généraux et même pour les évêques (V. ord. 25 déc., 1830); tantôt il a encouragé le zèle des professeurs et celui des étudiants par des témoignages de bienveillante largesse; mais rien n'y a fail. Aussi, après les événements de 1848, n'a-t-on pas été surpris ni ému, lorsque la commission de l'Assemblée constituante, chargée de l'examen du budget de 1849, proposa de supprimer les Facultés de théologie en laissant provisoirement aux professeurs, au lieu d'un traitement proprement dit, de simples indemnités de 3,000 fr. à Paris, et de 2,000 fr. dans les départements. Ces conclusions furent adoptées par l'immense majorité de l'assemblée, et eurent, en outre, pour conséquence de faire ajourner indéfiniment l'organisation de la Faculté de théologie de Toulouse qui était en suspens depuis plusieurs années, et de ne faire confier qu'à de simples chargés de cours la plupart

V. aussi pour d'autres détails
des chaires vacantes à Paris.
M. Pradier, la Question religieuse en 1682, 1790, 1802 et 1848,
Paris 1849, in-8°, p. 204 et suiv.

353. Sous le ministère de M. de Falloux, la réorganisation
des Facultés de théologie fixa d'une manière toute particulière
l'attention et l'examen de l'administration de l'instruction pu-
blique. Un projet de réorganisation, émané d'une commission
qui avait choisi pour rapporteur M. Jean Reynaud, consista à
créer trois grandes écoles de théologie à Paris, à Lyon et à
embrassant un certain nombre de provinces ecclésiastiques. Les
Toulouse; chacune de ces écoles avait sa circonscription propre,
archevêques et les évêques de ces provinces auraient formé le
haut conseil de l'école, que devait présider l'évêque diocésain,
sous le titre de chancelier: ce conseil d'après des règlements
généraux, approuvait les programmes des cours, nommait, sus-
pendait et révoquait les professeurs. On voit que l'autorité
civile était destituée de toute participation au gouvernement
de l'école. Des négociations furent à la veille de s'engager
avec la cour de Rome pour obtenir son adhésion à ce plan de
nements empêchèrent qu'il y fût donné aucune suite. Sous le
réorganisation de l'enseignement ecclésiastique; mais les évé-
ministère de M. Fortoul, on revint à cette réorganisation, mais
en faisant rentrer dans un plan nouveau les six Facultés de
théologie qui existent en France, et en y introduisant des dis-
nomination et la révocation des professeurs et dans la dé-
positions relatives à l'intervention du gouvernement dans la
livrance des grades. Ce n'était plus, comme on voit, le plan
auquel on s'était arrêté en 1849; mais tout fut encore ajourné
par la mort soudaine de M. Fortoul. Les lenteurs ainsi ap-
portées à la réorganisation des Facultés de théologie ont eu
lieu, du reste, sans préjudice de certaines mesures réparatrices
qui ont été prises par le gouvernement pour indemniser les
professeurs du tort à eux fait en 1848. C'est ainsi que leur
traitement a été reporté à 4,000 fr. dans la faculté de Paris,
et à 3,000 fr. dans les facultés des départements.

V.

354. Signalons encore comme se rattachant à l'enseignement ecclésiastique un décret du 22 mars 1852 qui a institué dans l'église Sainte-Geneviève une communauté de six chapepelains, nommés au concours pour trois ans, durant lesquels ils pouvaient se former à l'art de la prédication. Mais l'institution n'a conservé que peu d'années son organisation primitive; six traitements de 2,400 fr. et d'autres crédits qui lui étaient attribués ont été transportés, sous forme de bourses, à l'école ecnombre de jeunes prêtres envoyés à Paris par leurs évêques clésiastique des Carmes, où ils servent à entretenir un certain pour y perfectionner leur instruction et se rendre capables d'obtenir les grades en théologie ou dans les autres Facultés. M. Ch. Jourdain, Rapport cité, p. 165. 355. Il reste à dire quelques mots des Facultés de théologie On a vu que le décret du 17 mars 1808 avait protestante. décidé qu'il serait créé deux Facultés de théologie protestante à Strasbourg et à Genève ; une autre Faculté avait été fondée à Montauban pour les calvinistes, et se trouve mentionnée dans l'art. 6 du décret du 17 sept. 1808 : elle a remplacé pour la France la Faculté de théologie calviniste de Genève. Les deux Facultés de Strasbourg et de Montauban ont des cours sur le dogme, la morale, l'histoire ecclésiastique et l'exégèse biblique ; mais il existe à Strasbourg une chaire d'éloquence sacrée qui manque à Montauban en revanche cette dernière Faculté possède des cours d'hébreu, de littérature grecque et de philosophie morale que ne possède pas Strasbourg, et qui auraient fait double emploi dans cette dernière ville avec ces mêmes cours qui sont faits au séminaire protestant (V. pour plus de détails sur les règlements d'études et de discipline des facultés de théologie protestante de Strasbourg et de Montauban, M. Rendu, Code universitaire, 3e édit., p. 518 et suiv.). des bourses payées par le trésor public aux Facultés de Strasbourg et à Montauban a été porté, en 1822, de trente-six à soixante dont la moitié est partagée en demi-bourses. - En 1860, le traitement a été porté à 4,000 fr. pour les professeurs de la Faculté de Montauban.

Le nombre

356. La nomination aux chaires vacantes dans les Facultés de théologie protestante a lieu par décret de l'empereur, sur

deux listes de candidats, dressées, l'une par la Faculté où la vacance existe, et l'autre par le conseil académique du ressort. Une lettre de M. Duruy au recteur de l'académie de Strasbourg, écrite à l'occasion de la nomination de M. Colani à la chaire d'éloquence sacrée de la faculté de cette ville, a fait connaître l'esprit libéral qui devait présider aux choix du gouvernement, el la règle de conduite dont il entendait ne pas se départir pour les nominations de professeurs. « Le gouvernement, a dit le ministre de l'instruction publique, tient trop à respecter la liberté religieuse des églises pour intervenir dans des discussions dogmatiques. Il ne mettrait certainement pas un pur philosophe dans une place réservée à un théologien, pas plus qu'il n'aurait le droit de faire monter un protestant ou un juif dans une chaire de théologie catholique. Mais du moment que les autorités légalement constituées se déclarent pleinement satisfaites des principes théologiques d'un candidat, la tâche de l'administration est singulièrement facilitée. Son principal devoir, en pareil cas, n'est plus que de rechercher si le candidat a toutes les qualités requises pour le professorat. >>

§ 3.-Facultés de droit.

357. Le rétablissement des écoles de droit date de la loi du 22 vent. an 12 (13 mars 1804): en 1808, elles ont été incorporées à l'Université impériale sous le nom de Facultés. Les premières Facultés de droit furent établies dans les villes de Paris, bijon, Turin, Grenoble, Aix, Toulouse, Poitiers, Rennes, Caen, Bruxelles, Coblentz et Strasbourg. Par suite du démembrement du premier Empire, les Facultés de Turin, de Bruxelles et de Coblentz cessèrent de figurer parmi les établissements destinés à l'enseignement, en France, de la science du droit, et l'on ne compta plus que neuf Facultés de cet ordre mais tout récemment le nombre s'est augmenté par suite de la création de deux nouvelles Facultés de droit à Nancy et à Douai (décr. 9 janv. 1864, D. P. 64. 4. 25, et 28 avr, 1865, D. P. 65. 4. 30; V. aussi décr. 17 sept. 1864, D. P. 64. 4. 118). Cette double création n'a rien coûté à l'Etat, les villes s'étant engagées, en cas d'excédant des dépenses annuelles sur les rétributions scolaires exigées des étudiants, à verser au trésor le montant de la différence, et ayant d'ailleurs fourni les bâtiments qu'elles ont appropriés aux besoins de l'instruction publique et dont elles ont pris à leur charge la réparation et l'entretien.

Il va être traité successivement: 1o de l'objet de l'enseignement dans les facultés de droit; 2o de l'organisation du professorat, des examens et de la collation des grades dans ces mêmes facultés.

358. 1° Objet de l'enseignement. Lors de la création des Facultés de droit, il fut décidé par la loi organique du 22 vent. an 12, art. 2, que l'on y enseignerait: 1° le droit civil français dans l'ordre établi par le code civil, les éléments du droit naturel et des gens et le droit romain dans ses rapports avec le droit français; 2o le droit public français et le droit civil dans ses rapports avec l'administration publique, et 3o la législation criminelle et la procédure criminelle et civile. Un décret du quatrième jour complémentaire de l'an 12 (21 sept. 1804) portait en outre, dans son art. 10, ce qui suit : « Un professeur enseignera tous les ans les institutes de Justinien et le droit romain. - Trois professeurs feront, chacun en trois ans, un cours complet sur le code civil des Français, de manière qu'il y ait un cours qui s'ouvre chaque année. Dans la seconde et dans la troisième année, outre la suite du code civil des Français, on enseignera le droit public Français et le droit civil dans ses rapports avec l'administration publique.- Un professeur fera un cours annuel de législation criminelle et de procédure criminelle et civile. » Ce programme de l'enseignement du droit, tel qu'il fut ainsi tracé à l'origine, laissait beaucoup à désirer, et n'était pas, tant s'en faut, à l'abri des plus sérieuses critiques : d'abord il était fort incomplet en ce qu'il ne comprenait pas des matières trèsimportantes, et de l'utilité la plus pratique, telles, par exemple que les matières du droit commercial, en second lieu, il imprimait aux cours de droit romain une direction très-dangereuse en prescrivant d'enseigner ce droit dans ses rapports avec le droit français, comme si ce n'était pas là un ordre d'idées dans TOME XXXIV.

lequel il fallait se garder, au contraire, d'attirer, au début de leurs études, des jeunes gens inexpérimentés! Ce n'est pas tout. N'était-il pas illusoire de n'accorder à un professeur que le court espace d'une année pour faire cumulativement l'exposé de la législation criminelle, de la procédure criminelle et de la procédure civile ? Quant à l'insuffisance scientifique de ce même programme, elle est manifeste: à ce point de vue, il y manquait bien des éléments, et notamment un cours sur les origines historiques du droit français, un cours de Pandectes, un cours d'économie politique, un cours d'introduction générale aux études juridiques, consacré aux vues d'ensemble et philosophiques, et aux questions de méthode, et qui est connu en Allemagne sous le nom de Méthodologie, etc.

Une grande marge restait donc ouverte aux améliorations et au développement à introduire en France dans l'enseignement du droit. Sous la Restauration, un pas fut fait dans cette voie importante: c'est ainsi que, pendant cette période, des chaires de droit commercial furent établies dans les Facultés de droit de Paris (ord. 24 mars 1819, art. 5), de Caen et de Poitiers (ord. 10 déc. 1823), de Toulouse (ord. 18 sept. 1822), de Goenoble (ord. 11 nov. 1829), de Strasbourg (ord. 9 mai 1830). C'est ainsi encore que des chaires spéciales de droit public et administratif furent fondées, pendant la même période, à la faculté de droit de Paris (ord. 2 mars 1819, et 19 juin 1828), de Toulouse (ord. 27 sept. 1829) et de Caen (ord. 16 déc. 1829). L'ordonnance précitée du 19 juin 1828, concernant l'enseignement du droit public et administratif à Paris, voulait que le professeur chargé de ce cours y fit connaître les attributions des diverses autorités administratives, les règles à suivre pour procéder devant elles, et les lois et règlements d'administration publique sur les matières soumises à l'administration. Ce fut enfin sous la Restauration que la Faculté de Paris fut partagée en deux sections qui devaient comprendre les cours suivants : 1° six cours de droit civil, que cette Faculté a toujours conservés depuis ; 2o des cours de droit des gens, de droit romain, de procédure civile et criminelle, de code de commerce, de droit administratif, d'histoire philosophique du droit, et même un cours d'économie politique, qui fut toutefois supprimé peu de temps après sa fondation (ord. 24 mars 1819).

359. Sous la monarchie de Juillet, les études juridiques continuèrent de prendre un essor rapide : des cours de droit constitutionnel, de législation pénale comparée et d'introduction générale à l'étude du droit furent successivement ouverts à Paris (ord: 22 août 1834, 12 déc. 1837, 25 juin 1840); des cours de droit commercial à Rennes, Dijon et Aix (ord. 16 fév. 1831 et 9 janv. 1832); des cours de droit administratif à Poitiers, Aix, Dijon, Grenoble, Rennes, Strasbourg et Toulouse (ord. 2 sept. 1832, 1er déc. 1835, 12 déc. 1837). Mais ce n'étaient là que des améliorations partielles tout l'avenir des études juridiques dépendait d'une question tout à fait générale qui n'avait rien de moins pour objet qu'une réorganisation de tout l'enseignement dans son ensemble, et qui attendait depuis longtemps sa solution. Ce fut pour préparer cette solution que, dès 1838, M. de Salvandy institua une commission des hautes études de droit dont il fit, en 1845, lors de son second ministère, confirmer les pouvoirs en la chargeant d'examiner toutes les difficultés relatives à la répartition des matières de l'enseignement, à la création de nouvelles chaires, à la collation des grades, et enfin au recrutement du professorat. Dans le même temps et dans le même but, des jurisconsultes étaient envoyés au delà du Rhin, pour étudier les règlements et l'état des universités allemandes, et parmi les plus précieuses indications recueillies à l'étranger, qui furent le résultat de ces missions, il est juste de citer en première ligne le rapport qu'adressa au ministre M. Ch. Vergé sur l'organisation de l'enseignement du droit et des sciences politiques et administratives dans quelques parties de l'Allemagne, et particulièrement en Prusse et en Wurtemberg (Paris 1846, in-8°). Enfin les Facultés de droit furent appelées elles-mêmes à fournir à l'œuvre que l'on poursuivait le tribut de leurs lumières, et c'est ce qu'elles firent en adressant au ministre des délibérations fortement motivées sur tous les points qu'il s'agissait d'élucider.

Ce qui ressort avec évidence de ces recherches et tra178

vaux préparatoires, c'est qu'il y avait nécessité et urgence:

à constituer sur une base beaucoup plus large les cours de droit criminel et de procédure civile, ce qui devait permettre au professeur de procédure civile, qui aurait été déchargé de l'enseignement du droit criminel, de comprendre dans son cours un exposé au moins succinct de notre organisation judiciaire, l'histoire de la procédure, les principes généraux des actions, et d'y joindre des exercices pratiques (V. Délibérations des facultés, p. 22 et 72); A donner à l'enseignement du droit administratif l'appui de quelques autres branches du même ordre de connaissances et d'études, sans aller toutefois jusqu'à faire des sciences administrative et politique, comme le voulaient quelques-uns, une Faculté nouvelle où la diplomatique et toutes ses branches, le droit des gens, le droit international, l'histoire des traités, le droit public de l'Europe moderne, le droit maritime, l'étude des codes et des juridictions militaires, celle de tout notre système de gouvernement et d'administration, notre régime financier, l'économie politique, les institutions comparées des grands gouvernements étrangers, el jusqu'au droit ecclésiastique auraient été sérieusement professés (V. rapport au roi, du 29 juin 1838; Délibérations des facultés, p. 3 et 5, et M. Oudot, Lettres à M. Giraud sur l'enseignement du droit, p. 365 et suiv.);-A favoriser davantage dans les Facultés de droit les études historiques et philosophiques, sans autoriser toutefois les professeurs à entraîner et à retenir leurs élèves dans la région de l'érudition pure et de la métaphysique abstraite (V. MM. Oudot, loc. cit., p. 350; Bonnier, Revue de dr. fr. et étr., numéro de mars 1846); —A fonder dans les Facultés de droit des chaires d'économie politique (M. de Lafarelle, V. Compte rendu des séances et trav. de l'Acad. des sc. mor. et pol., par MM. Loiseau et Vergé, livrais. de juillet 1846).

Les universités allemandes ne marchandent pas à la jeunesse studieuse le nombre et la diversité des cours destinés à la science juridique; qu'il nous soit permis d'emprunter ici au rapport déjà cité de M. Vergé (p. 10 et s.) quelques détails curieux à ce sujet. Pendant l'exercice 1844-1845, on en comptait à Berlin, pour cinq cents étudiants environ, plus d'une centaine; à Heidelberg le même nombre pour quatre cent soixante-quinze étudiants; à Bonn, pour deux cent trente étudiants, soixante cours; à Greifswald, pour trente-sept, vingtquatre cours, et tout cela sans tenir compte des cours de philosophie du droit, de droit naturel, d'économie politique et de statistique qui avaient lieu dans la faculté de philosophie et que les étudiants devaient ou pouvaient suivre. Ces différents cours, ainsi que l'a constaté M. Vergé (loc. cit.), portaient soit sur des matières générales, comme le droit des gens, le droit public allemand, le droit privé allemand, le droit ecclésiastique, les Institutes, les Pandectes, etc., soit sur des matières spéciales, comme les fragments d'Ulpien, les Institutes de Gaïus, l'histoire de la littérature juridique, la biographie des plus grands jurisconsultes, la Germania de Tacite, considérée comme introduction à l'histoire du droit allemand, etc. Dans la centaine de cours juridiques qui sont professés à l'Université de Berlin on en voit figurer sur le mariage, sur les successions, sur quelques théories du droit civil. Mais n'est-ce pas là un excès de fractionnement? N'y a-t-il pas prolixité et perte de temps à retenir des étudiants pendant tout un semestre ou pendant une année, sur des portions de matières de droit qui, pour être exposées, n'exigent que quelques leçons substantielles ? Et d'un autre côté, la plupart des professeurs étant forcés, par suite de cette multiplicité de cours, de monter en chaire plusieurs fois par jour, ne se trouvent-ils pas par là même épuisés, et sujets à perdre la verve qui est si nécessaire pour vivifier un enseignement oral? De fort bons esprits l'ont pensé (V. MM. Oudot, loc. cit., p. 335, et Bonnier, ubi suprà), et, pour notre compte, nous nous associons à ces objections et à ces critiques.

De tous ces travaux préparatoires sortit un projet de loi qui fut présenté par M. de Salvandy à la chambre des pairs dans la séance du 9 mars 1847. D'après ce projet, l'enseignement des Facultés de droit devait comprendre deux sortes de cours : 1o des cours fondamentaux, savoir: l'introduction générale à l'étude du droit, ou droit naturel, le code civil, le code de procédure civile, le code d'instruction criminelle et le code

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pénal, le code de commerce, le droit administratif, le droit romain, particulièrement les Institutes de Justinien; — 2o des cours spéciaux, savoir : l'histoire du droit ancien et moderne, les Pandectes, le droit des gens, le droit maritime, le droit constitutionnel, l'économie politique, l'histoire des traités, les législations comparées. C'était là, il faut le reconnaître, un programme qui élargissait singulièrement l'horizon de l'enseignement dans les facultés de droit; mais survinrent les événe➡ ments de 1848, et le lendemain de la chute de la monarchie de Juillet, il ne fut plus question de ce plan qui était si favorable au développement de l'enseignement juridique.

360. La seule mesure à laquelle le gouvernement républicain attacha son nom fut l'établissement d'une école d'administration qu'il rattacha au collège de France (V.arrêté du 8 mais 1848); c'était là réaliser en dehors des facultés de droit une partie des améliorations que M. de Salvandy s'était proposé d'introduire dans l'enseignement de celles-ci. On devait enseigner à l'école d'administration le droit politique français et le droit politique comparé, le droit international et l'histoire des traités, le droit privé, le droit administratif, l'histoire des institutions administratives françaises et étrangères, la statistique et l'économie générale. Ces deux dernières branches d'études faisaient l'objet de cinq cours, confiés à autant de professeurs, qui avaient pour mission spéciale d'exposer l'état de la population, celui de l'agriculture et de l'industrie, le développement des travaux publics, l'économie des finances et du commerce. Mais les bons administrateurs, les administrateurs vraiment utiles au pays ne pouvant se former que par la pratique plus ou moins longue des hommes et des affaires, il est évident que l'école d'administration n'atteignait pas par elle-même le but en vue duquel elle avait été fondée; d'un autre côté, le gouvernement ne pouvant offrir, à ceux qui avaient suivi les cours de cette école, que des emplois obscurs et peu rémunérés, on devait s'attendre à voir décroître le nombre des auditeurs disposés à faire l'espèce de noviciat administratif dont il s'agit; l'établissement nouveau n'avait donc pas une raison d'être suffisante; aussi fut-il supprimé dix-huit mois après sa fondation par la loi du 9 août 1849.

361. Sous le régime impérial, plusieurs mesures ont eu pour objet de développer l'enseignement du droit dans les Facultés. Par l'art. 15 du décret du 10 avr. 1852, les étudiants en droit furent astreints à se faire inscrire à deux cours de la Faculté des lettres. En 1852 et en 1853 on aagrandi l'enseignement du droit romain: les chaires des pandectes ont reçu le titre de chaires de droit romain; à Paris, une chaire nouvelle a été fondée pour cet enseignement, et dans toutes les facultés le même cours, à partir de la même époque, a embrassé deux années au lieu d'une seule, ce qui a permis aux professeurs de compléter l'explication des Institutes par des textes choisis dans le Digeste, dans le Code et dans les Novelles (V. décr. du 8 déc. 1852, D. P. 52.4. 251, et arrêté min. du 4 fév. 1853). L'ancienne chaire de droit constitutionnel, que l'illustre Rossi, sous la monarchie de Juillet, occupait avec tant d'éclat, n'a pas été toutefois rétablie à la Faculté de Paris. On a essayé seulement de combler cette grave lacune dans l'enseignement actuel du droit, en donnant plus d'extension au cours du droit administratif tel a été l'objet d'un arrêté ministériel du 31 décembre 1862, aux termes duquel le cours de droit administratif doit comprendre des notions générales et sommaires sur l'organisation et les attributions de l'autorité administrative, sur la hiérarchie de ses agents, de ses conseils et de ses juridictions, sur les différentes natures de contributions publiques, sur leur assiette et leur recouvrement, et qui a prescrit en outre aux professcurs d'approfondir tout ce qui touche à la séparation des pouvoirs, aux conflits, aux appels comme d'abus, aux mises en jugement. D'un autre côté, des chaires de droit français étudié dans ses origines féodales et coutumières ont été établies à Toulouse (V. décr. 10 mars 1859, D. P. 59. 4. 25) et à Paris (V. décr. 18 oct. 1859, D. P. 59. 4. 116); mais il est à regretter que, dans cette dernière Faculté, la chaire nouvelle n'ait fait que remplacer la chaire tout aussi utile, suivant nous, d'introduction générale à l'étude du droit, laquelle a été supprimée. On ne peut enfin qu'applaudir à la création, à Paris,

d'un cours d'économie politique (décr. 17 sept. 1864, D. P. 64. 4. 117), tout en se demandant pourquoi les Facultés de province ne sont pas toutes dotées de ce même enseignement.

862. Il résulte des développements mêmes qui précèdent qu'il existe encore dans l'enseignement du droit, tel qu'il est organisé en France, de regrettables lacunes; mais il est juste de faire observer que l'inconvénient auquel donnent lieu ces lacunes est atténué par suite de l'institution des agrégés près les Facultés de droit (V. plus bas, no 566). Ces agrégés, dont les fonctions sont celles des anciens professeurs suppléants, sont chargés de faire des conférences, en conformité de l'art. 2 du décret du 22 août 1854 (arrêté 10 janv. 1855). Le ministre de l'instruction publique expliquait ainsi le but de ces conférences: a Féconder par le travail personnel des élèves les leçons données du haut de la chaire; habituer les étudiants à tirer des conséquences logiques des principes qui font l'objet de l'enseignement, et à saisir les diverses applications de ces principes; exercer les jeunes gens par des interrogations fréquentes, à développer leur pensée et à répondre aux examens; tel est le but des conférences de droit » (circ. 10 janv. 1855). Ces conférences, qui sont facultatives pour les étudiants, donnent lieu à la perception d'un droit fixé d'abord à la somme annuelle de 150 fr. (décr. 22 août 1854, art. 22), réduite plus tard à 60 fr. (décr. 18 mars 1859). Sur cette somme, 50 fr. sont prélevés au profit des maîtres chargés des conférences (même décr.). En outre, les agrégés peuvent faire des cours complémentaires, sur l'avis du doyen et avec l'autorisation du ministre de l'instruction publique, et, en utilisant ainsi leur zèle et leur science, ils y trouvent eux-mêmes leur compte, puisque ces cours, s'ils sont fails avec talent et succès, créent en leur faveur un titre qu'ils peuvent faire valoir plus tard pour être nommés professeurs titulaires de la faculté à laquelle ils sont attachés : en fait, on a donc introduit dans l'organisation des facultés de droit un élément qui a pour résultat d'y étendre l'enseignement, sans accroître indéfiniment le nombre des professeurs titulaires et des charges de l'Etat.

363. 2o Organisation du professorat; examens et collation des grades. - Chacune des premières Facultés de droit qui furent établies en France avait cinq professeurs, au traitement fixe de 3,000 fr., et deux suppléants qui recevaient 1,000 fr.: les uns et les autres étaient nommés au concours. Le ministre de l'instruction publique avait pour mission d'instituer les sujets qui, dans les concours, avaient obtenu la majorité des suffrages (V. décr. 17 mars 1808, art. 32). L'art. 25 de la loi du 22 ventôse an 12 avait d'ailleurs disposé d'une manière générale que nul ne pourrait, quatre ans après la formation des écoles de droit, être reçu professeur ou suppléant de professeur s'il n'a été reçu docteur et ne représente les lettres visées dans une Faculté de droit; un arrêté du 9 octobre 1819 supposait toutefois qu'un professeur pût ne pas être docteur. Une exception à la règle d'après laquelle les professeurs étaient nommés au concours a toujours été néanmoins admise pour le cas où il s'agit d'une chaire de nouvelle création dans ce dernier cas, c'est le ministre qui nomme le professeur pour la première fois (V. décr. 17 mars 1808 art. 7, et aussi décr. du 4 complémentaire an 12, art. 14).—Il a été décidé que l'arrêté ministériel

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(1) (Bugnet, etc. C. Rossi.) - LOUIS-PHILIPPE, etc.; Vu les décrets des 17 mars 1808 et 15 nov. 1811; Considérant que notre ministre de l'instruction publique, par arrêté du 23 août 1854, a nommé professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de Paris le sieur Rossi, naturalisé Français par ordonnance du 13 du même mois et pourvu d'un diplôme de docteur en droit delivré par le même ministre; Qu'au jour où le sieur Rossi s'est présenté devant la Faculté de droit de Paris pour y être installé, cinq des professeurs de cette Facuité ont demandé qu'il fût sursis à cette formalité jusqu'à ce que le nouveau professeur ait justifié de sa qualité de Français et du diplôme de docteur visé dans une école de droit française; Que, la Faculté de droit ayant refusé d'accueillir l'opposition et procédé à l'installation, les professeurs dissidents ont déclaré protester; Que, sur le vu de cette protestation, le conseil royal de l'instruction publique, par une délibération appouvée de notre ministre de l'instruction publique, a décidé que la protestation n'était point fondée, attendu que le sieur Rossi est naturalisé Français et pourvu d'un diplôme régulier de doc

qui nomme ainsi un professeur, sans qu'il y ait eu de concours, à une chaire de nouvelle création, est un acte de pure adminis.. tration; qu'en conséquence on ne peut se pourvoir devant le conseil d'Etat par la voie contentieuse contre un acte semblable, ni contre la décision du conseil de l'Université qui, en rejetant la réclamation, déclare que le professeur dont la nomination est critiquée réunit toutes les conditions légales d'aptitude (Cons. d'Et. 23 oct. 1835) (1).

264. Le mode de nomination des professeurs par la voie du concours a soulevé dans ces derniers temps bien des objections. Mais, suivant nous, on a presque toujours mal posé la question ainsi il ne s'agit pas de savoir si ce mode de nomination ne présente pas en lui-même quelques inconvénients, comme il s'en trouve dans toutes les combinaisons des hommes, mais bien d'examiner si ces inconvénients ne sont pas infiniment moindres que ceux auxquels donneraient lieu l'application d'un autre système. Mais en l'absence du système de concours il y a un mode de nomination qui peut mieux se soutenir que le précédent, et qui consisterait à choisir les professeurs sur des présentations faites par certains corps savants. Ce dernier mode de nomination a eu pour partisan habile et convaincu M. Laboulaye (de l'Enseignement du droit en France, p. 52); toutefois il offre des inconvénients réels que M. Oudot (loc. cit. p. 404 et suiv.) a parfaitement mis en lumière. Aussi le mode de nomination par la voie du concours a-t-il prévalu durant près d'un demisiècle. Ses formes ont été successivement réglées par les statuts des 18 avril 1809, 10 mai 1810, 21 déc. 1818, 10 mai 1825, et par les règlements des 2 mars 1840 et 29 juin 1841. — Il a été jugé, sous l'empire de ces règlements, que des professeurs à une Faculté de droit n'ont pas qualité pour attaquer, en leur nom personnel, par la voie contentieuse, l'arrêté par lequel le ministre de l'instruction publique désigne la Faculté devant laquelle doit s'ouvrir un concours pour la nomination à une chaire vacante à la Faculté dont lesdits professeurs font partie, et pour demander la nullité des opérations qui en ont été la suite (cons. d'Et. 7 mars 1849, aff. Bidard. D. P. 49. 5. 69).

365. Il a été souvent question, durant la méme période, de faire arriver, par voie d'avancement et sans concours, des professeurs des facultés des départements à la Faculté de Paris; mais cette innovation proposée n'a jamais été admise dans la pratique, et il semble que l'on ne doive pas la regretter, puisqu'elle aurait pour résultat de ruiner et de découronner en quelque sorte les Facultés des provinces en leur enlevant leurs professeurs les plus éminents, c'est-à-dire de rendre ainsi de plus en plus excessive cette centralisation intellectuelle à Paris dont se plaignent déjà de fort bons esprits, et qui, en ellemême, ne paraît être ni juste, ni utile.

366. En 1852, la constitution du professorat dans les Facultés de droit a subi une grande modification: le concours fut aboli pour les chaires, et on lui substitua un mode de nomination qui a lieu sur une double présentation de candidats, l'une faite par la Faculté où existe la vacance, l'autre faite par le conseil académique (V. décr. 9 mars 1852, art. 1 et suiv.). En 1854, les professeurs suppléants, qui dataient de la fondation des écoles de droit, ont été remplacés par des agrégés (décr. 22 août 1854, art. 9); mais ceux-ci ont continué, comme les

teur;-Que, sur le pourvoi formé contre cette décision, les réclamants concluent par-devant nous à l'annulation de la décision attaquée et de la nomination du sieur Rossi à la chaire de droit constitutionnel, ou au renvoi de l'affaire devant la Faculté, pour qu'après production et appréciation de pièces il soit décidé si le sieur Rossi avait l'aptitude lé→ gale; Considérant que la décision attaquée du conseil royal de l'instruction publique n'est pas du nombre de celles qui, aux termes des décrets des 17 mars 1808 et 15 nov. 1811, peuvent nous être déférées en notre conseil d'Etat par la voie contentieuse; · Que l'arrêté par lequel le sieur Rossi a été nommé professeur est un acte de pure administration qui ne peut donner lieu à un recours par la voie contentieuse; Qu'il ne saurait y avoir lieu au renvoi devant la Faculté, laquelle est sans qualité pour apprécier la régularité d'un acte fait par notre ministre dans ses attributions et sous sa responsabilité;

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Art. 1. La requête des sieurs Bugnet, Demante, de Portetz, Ducaurroy et Duranton, est rejetée.

Du 23 oct. 1835.-Ord. cons. d'Et.-M. Vivien, rap.

anciens professeurs suppléants auxquels ils étaient substitués, d'être nommés au concours (décr. 22 août 1854, art. 10; statuts 20 déc. 1855, 19 août 1857, 2 fév. 1859). Ainsi, le système de la nomination par la voie du concours n'a pas été entièrement | abrogé, mais n'y a-t-il pas une certaine contradiction, ou au moins une certaine incohérence à considérer ce mode de nomination comme excellent pour le premier degré du professorat, et comme mauvais quand il s'agit de la nomination de professeurs titulaires? Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une institution d'agrégés nombreux et temporaires, telle qu'elle existe dans d'autres Facultés, qui a été établie dans les Facultés de droit; conformément à l'avis émis par les Facultés de droit d'Aix, de Caen, de Dijon, de Grenoble, de Paris, de Rennes et de Toulouse (V. Délibérations des facultés, p. 4, 13, 20, 43, 59 et 67), le nombre des agrégés est, au contraire, assez restreint dans les Facultés de droit, et ce titre est conféré à vie; seulement les agrégés, en vertu du décret organique, demeurent à la disposition du ❘ ministre, qui peut les attacher temporairement aux diverses facultés de l'Empire, selon les besoins du service.

367. On a déjà parlé, no 362, des cours complémentaires que les agrégés peuvent ouvrir sur l'avis du doyen de la Faculté à laquelle ils sont attachés et avec l'autorisation du ministre : ajoutons à cet égard que, chaque année, il est fait par le doyen un rapport sur les résultats de ces cours complémentaires, et que lesdits cours sont non-seulement utiles en ce qu'ils étendent l'enseignement du droit dans les Facultés, mais encore en ce qu'ils y entretiennent une émulation qui tourne au profit des études juridiques.

368. On a déjà fait observer que, dans le domaine de l'instruction supérieure, tout relève et dépend de l'Etat, et qu'aucune part n'y a été faite au principe de la liberté d'enseignement: raisonnant ici au point de vue particulier de l'enseignement du droit, on peut se demander pourquoi, si l'émulation est une bonne chose dans les Facultés où elle est excitée par la concurrence qui s'établit, entre les différents cours, on ne s'attacherait pas à la développer encore sur une plus grande échelle en facilitant une forte concurrence entre l'enseignement libre en dehors des Facultés et l'enseignement officiel de ces Facultés ellesmêmes. Pour notre compte, nous ne connaissons aucune objection sérieuse contre l'emprunt que l'on ferait à l'Allemagne des privat docenten : ainsi, suivant nous, le niveau des études juridiques ne pourrait que s'élever en France si les docteurs pouvaient, sous certaines garanties, devenir des privat docenten ouvrant pour les élèves des cours rétribués, et avaient le droit de délivrer des certificats d'assiduité à leurs cours qui pussent servir à leurs auditeurs pour se présenter et être admis aux examens. 369. Les professeurs, une fois nommés, doivent naturellement se renfermer dans l'exposé des matières qui sont du domaine de la chaire pour laquelle ils ont été institués; mais ontils, pour faire cet exposé, la liberté des méthodes? Un arrêté du 22 sept. 1822 a supprimé, pour les professeurs de droit civil français, cette liberté des méthodes en leur imposant un programme d'enseignement qui a pour base l'ordre même du code civil: il est incontestable que la distribution des matières, telle qu'elle est faite dans le code, n'a rien de scientifique, et à ce point de vue nous comprenons que d'excellents esprits aient vivement critiqué le programme d'enseignement que trace l'arrêté précité du 22 sept. 1822 (V. M. Oudot, loc. cit.; V. aussi Revue de droit franç. et étranger, t. 1 de 1844, p. 1 et suiv.). Néanmoins nous estimons qu'on risque de dérouter l'esprit encore inexpérimenté des élèves en bouleversant entièrement dans l'enseignement qui leur est fait l'ordre et l'économie générale du code civil: c'est donc avec raison, suivant nous, qu'il a été interdit aux professeurs de droit civil français de faire disparaltre dans leurs cours les points de repère que présentent les classifications générales des matières dans le code, et de transformer leur enseignement, sous prétexte de faire de la science et de la haute synthèse, en un labyrinthe où il n'est pas possible à des commençants de se retrouver; la synthèse d'ailleurs, en bonne méthode, ne doit venir qu'après l'analyse et l'exégèse, le commentaire des textes, et, pour comprendre la pensée du législateur, il n'est pas indifférent de respecter le plus possible l'ordre dans lequel ils se présentent dans la codification.

370. Les élèves ne sont admis aux examens de droit, à la suite desquels sont conférés les grades, qu'autant qu'ils ont pris le nombre des inscriptions prescrit pour chaque examen par les règlements et qu'il n'a pas été formé opposition pour défaut d'assiduité de leur part aux cours de droit qu'ils étaient dans l'obligation de suivre régulièrement. Dans chaque Faculté de droit, un secrétaire tient un registre, qui est parafé par le recteur de l'Académie, et sur lequel sont prises de suite, et sans aucun blanc, les inscriptions nécessaires pour fixer, reconnaître le temps d'études et être admis successivement aux différents examens. Il n'y a qu'un seul registre d'inscriptions. Le diplôme que doit produire chaque élève, dans les Facultés de droit, en prenant sa première inscription, est le diplôme de bachelier ès lettres, sauf toutefois le cas où, par application des art. 2 et 3 de l'ordonnance du 13 juin 1830, le conseil de l'instruction publique, pour des motifs graves, l'aurait autorisé à prendre sa première inscription, et en cas de nécessité même la seconde, mais jamais la troisième, avant d'avoir obtenu le diplôme dont il s'agit. Ajoutons dans un dernier ordre d'idées qu'aux termes de l'art. 3 d'un arrêté du 29 août 1846, les jeunes gens qui se sont inscrits antérieurement au 5 nov. à la Faculté des lettres pour l'examen du baccalauréat et qui n'auraient pas passé cet examen, ont été admis, sur le certificat de cette inscription dûment délivré, à prendre provisoirement une première inscription en droit, laquelle est annulée si, le 15 du même mois, ils n'ont pas déposé leur diplôme de bachelier ès lettres ou un certificat d'admission à ce grade. Les inscriptions ne peuvent être prises que dans les quinze premiers jours de chaque trimestre, et quand un étudiant a manqué l'inscription d'un trimestre, ce trimestre n'est pas compté dans son temps d'études, à moins qu'il n'obtienne du ministre l'autorisation de prendre rétroactivement l'inscription qui lui manque. Au commencement de chaque trimestre, le doyen de la Faculté de droit adresse au recteur de l'Académie la liste des élèves antérieurement inscrits qui n'ont pas pris l'inscription courante, et celle des élèves qui n'ont point passé leurs examens aux époques voulues par les règlements : le doyen donne connaissance de cette omission aux parents et tuteurs desdits étudiants. V. encore, pour d'autres détails, décr. des 4 complém. an 12, 23 avr. 1807; arrêtés des 13 oct. 1819, 26 oct. 1822 et 26 oct. 1838; statuts, 9 avr. 1825; circ. 25 oct. 1847.

371. Aux termes de l'art. 8 de l'arrêté du 26 oct. 1838 précité, tout étudiant qui demande à faire valoir devant une Faculté de droit des inscriptions prises devant une autre, doit produire, outre le certificat de bonne conduite exigé par l'ordonnance du 5 juill. 1820, un certificat d'assiduité délivré par le doyen et visé par le recteur; ce certificat demeure annexé en original, ainsi que le certificat de bonne conduite, au registre des inscriptions; il peut en être donné copie à l'étudiant. Un arrêté du 18 oct. 1847 autorise les recteurs à statuer directement sur les demandes de changement d'académie.

372. En 1835 et 1836, on comptait 4,900 élèves dans les Facultés de droit; deux ans après, il n'y en avait plus que 4,100 et 4,200. En 1849, le chiffre des inscriptions descendit à 3,863; en 1853, il fut de 3,944, mais il retomba en 1854 à 3,585, en 1855 à 3,231, en 1856 à 3,112. Le gouvernement venait alors d'imposer aux étudiants une obligation nouvelle, celle de suivre deux cours au moins de la Faculté des lettres (décr. 10 avr. 1852, art. 13); mais il paraît cependant que c'est moins à cette innovation qu'à l'attrait des carrières industrielles et à l'ambition des bénéfices qui s'y réalisent que l'on doit attribuer cette décroissance de la population scolaire dans les Facultés de droit. Une cause de cette décroissance, qui parait plus fondée, est l'augmentation considérable des frais d'inscription et d'examens qui a eu lieu en vertu du décret du 22 août 1854; par suite de cette augmentation, le baccalauréat et la licence en droit qui, sous l'empire du règlement de l'an 12, ne coûtaient, réunis, que 814 fr., ont coûté, depuis la nouvelle législation, 1,240 fr., y compris les frais d'inscriptions que les étudiants devaient prendre aux cours de la Faculté des lettres. Malgré tout cela, le chiffre des inscriptions n'a pas tardé à se relever: ainsi s'il est tombé, comme on vient de le dire, en 1856 à 3,112, il est remonté en 1858 à 3,199, en 1860 à

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