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tution purement de droit civil, et contraire à la loi naturelle et au droit des gens qui ne permettent pas qu'on s'enrichisse au détriment d'autrui, et que nul puisse être, sans son propre fait, dépouillé de ses biens (V. aussi Grotius, De jure belli et pacis, lib. 2, cap. 4); mais Puffendorf (Droit de la nature et des gens, chap. 12, §§ 9 et 11) et Vattel (Droit des gens, liv. 2, chap. 11, no 141) ont fait prévaloir l'opinion que la prescription est de droit naturel « La nature, dit ce dernier auteur, n'a point ellemême établi la propriété des biens, et en particulier celle des terres; elle approuvé seulement cette introduction pour l'avantage du genre humain. Dès lors, il serait absurde de dire que le domaine et la propriété une fois établis, la loi naturelle puisse assurer au propriétaire quelque droit capable de porter le trouble dans la société humaine. Tel serait le droit de négliger une chose qui lui appartient, de la laisser pendant un long espace de temps, sous toutes les apparences d'un bien abandonné ou qui n'est point à lui, et d'en venir enfin dépouiller un possesseur de bonne foi, qui l'aura peut-être acquise à titre onéreux, qui l'aura reçue en héritage de ses pères, ou comme la dot de son épouse, et qui aurait fait d'autres acquisitions, s'il eût pu connaitre que celle-là n'était ni légitime ni solide. Loin de donner un pareil droit, la loi naturelle prescrit au propriétaire le soin de ce qui lui appartient, et lui impose l'obligation de faire connaître ses droits pour ne point induire les autres en erreur elle n'approuve sa propriété, elle ne la lui assure qu'à ces conditions. S'il la néglige pendant un temps assez long pour qu'il ne puisse être admis à la réclamer, sans mettre en péril les droits d'autrui, la loi naturelle ne l'admet point à la revendiquer (Conf. Merlin, yo Prescr., sect. 1, § 1; MM. Vazeille, Tr. des prescr., ch. 1, no 5; Troplong, sur l'art. 2219 c. nap.; Marcadé, même art., no 4.-Il paraît à M. Troplong que la prescription, du moins en tant qu'elle vient consacrer une poscession qui, dès l'origine, était de bonne foi, a son principe dans le droit naturel, et que le droit arbitraire n'a fait que déterminer la mesure du temps à l'expiration duquel se trouve la déchéance.

Quant à la prescription établie en faveur de celui dont la possession a été de mauvaise foi dans l'origine, c'est de la loi positive que M. Troplong la fait dériver. L'usurpation ne peut se légitimer par elle-même; il faut l'intervention d'un élément nouveau pour la dépouiller de son vice. Cet élément nouveau, c'est une raison d'utilité publique, qui veut qu'il y ait un terme au delà duquel on ne puisse demander compte aux citoyens de l'origine de leur fortune et de leur condition. Sans cela, rien de certain, rien de stable, plus de sécurité. L'intérêt public exige donc qu'une possession qui a duré longtemps ne puisse être l'objet d'investigations scrupuleuses. Le droit a aussi ses mystères, et il y a des secrets qu'il défend de pénétrer. D'ailleurs, celui qui néglige sa propriété mérite peu d'intérêt, tandis que celui qui a possédé pendant longtemps mérite d'être amnistié.

Mais cette distinction nous semble tendre à amoindrir le rôle du droit naturel, lequel, sans se préoccuper de la bonne ou de la mauvaise foi, a dû, après un certain temps, repousser le trouble que les réclamations d'un possesseur ancien et négligent tendraient à jeter au sein de la société, avec non moins d'énergie qu'il a dû faire respecter la situation du possesseur présent, ancien et paisible.

- Nous persistons donc à penser, sans distinction aucune, que la prescription est de droit naturel; qu'on l'a justement appelée la patronne du genre humain, et qu'on peut dire d'elle, avec autant de raison que de la chose jugée (V. ce rnot, no 3), qu'elle est un port assuré contre la tempête des controverses judiciaires.

37. La prescription prend-elle place dans le droit international, et peut-elle être opposée de nation à nation? Cette question est résolue affirmativement par Vattel, liv. 2, no 147, et par le Rép. de Merlin, v° Prescrip., sect. 1, § 1-3°. V. Droit naturel et des gens, no 84; Traité internat.

Il s'est présenté, relativement à la prescription qui résulte de la possession, une question de droit international très-intéressante. Quand deux Etats ont tracé les limites séparatives de leurs souverainetés dans une province limitrophe, le bornage qui a eu lieu en exécution de l'acte politique qui a fixé les limites, peut-il être invoqué pour repousser la prétention formée par une commune, afin de prescrire la propriété d'un terrain qui, par suite du bornage, a cessé de faire partie du territoire de l'Etat auquel appartient cette commune? - Il a été jugé qu'à moins de

convention contraire établie en forme de loi, le bornage des pro priétés privées situées sur la frontière est indépendant de la délimitation des souverainetés et des territoires, opérée en exécu-cution d'un traité diplomatique; que, par suite, ces propriétés privées restent sous l'empire du droit civil, et peuvent s'étendre au delà de la limite politique par l'effet de la prescription ou autrement (Cass. 8 fév. 1842, aff. com. de Marckolsheim, V. Lois, no 95). 38. La question de savoir si la prescription était du droit des gens, et si, en conséquence, elle pouvait être invoquée par l'étranger, était fort controversée sous l'ancien droit. On distinguait entre la prescription immémoriale et la prescription ordinaire. Quant à la possession immémoriale, il paraissait hors de doute qu'elle était du droit des gens (V. Dunod, part. 1, chap. 13). Relativement à la possession ordinaire, Pothier soutient la négative, Prescription, n° 20. Un arrêt du parlement de Paris, du 25 juin 1728, a admis une étrangère à prescrire une hérédité en France; mais la rédaction de l'arrêt ne permet pas de savoir s'il à jugé que la prescription ordinaire appartient au droit des gens, ou si elle est un des droits civils dont les étrangers jouissaient en France. En effet, M. Gilbert de Voisins, qui avait conclu à l'admission du moyen de prescription, avait soutenu que le droit d'opposer la prescription était un secours accordé par la loi pour maintenir les contrats du droit des gens, dont l'étranger pouvait exciper. Il n'avait pas voulu entrer, dit-il, dans l'examen de la grande question de savoir si la prescription est du droit des gens, parce qu'elle est reçue par toutes les nations, comme essentielle à la sûreté des patrimoines, ce qui l'à fait appeler la patrone du genre humain. - Merlin pense qu'en France, sous le code Napoléon, les étrangers jouissent de tous les droits civils qui sont accessoires aux contrats du droit des gens dont ils sont capables. «Or, qu'est-ce, dit-il (Rép., vo Prescript., sect. 1, § 8, no 1), que la prescription, si ce n'est, pour me servir des expressions de M. l'avocat général Gilbert, un secours accordé par la loi pour maintenir les contrats du droit des gens? » La question ne peut plus s'élever depuis la loi du 14 juill. 1819 qui ne laisse pas de doute sur la capacité qu'a l'étranger d'acquérir, et, par conséquent, de prescrire, à quelque titre que ce soit, de la même manière que les Français.-V. Dr. civ., no 195. 39. Avant l'abolition de la mort civile, par la loi du 31 mai 1854, on avait pensé que la prescription ne pouvait servir au mort civilement qu'à l'égard des droits dont là loi ne l'avait point dépouillé (M. Vazeille, no 23). Ainsi, capable d'acquérir à titre onéreux, de contracter des obligations, il pouvait aussi prescrire le domaine des choses et la libération des dettes, mais il ne pouvait acquérir par prescription la qualité et les droits d'héritier, de légataire ou donataire (Conf. MM. Troplong, no 36; Marcadé, art. 2219, no 4).

40. Il n'existe, suivant Merlin (Rép., yo Préscript., sect. 1, § 1, no 3), aucune différence essentielle entre ce qu'on appelle la déchéance et la prescription considérée comme un moyen de se libérer. Ainsi, d'après cet auteur on peut dire, par exemple, que la faculté de former opposition à un jugement par défaut, que celle d'interjeter appel, etc., etc., sont prescrites après les délais fixés par les articles 57 et 443 c. proc. La conséquence évidente de cette doctrine est que les déchéances sont susceptibles de l'application de toutes les règles propres aux prescriptions libératoires, à moins que la loi n'en dispose autrement. Tout en reconnaissant qu'il y a beaucoup de príncipes communs entre la prescription et la déchéance, M. Troplong, n° 27, fait voir qu'elles diffèrent en ce que, entre autres dissemblances, la déchéance peut, au lieu de n'engendrer qu'une exception, servir de base à une action (c. nap. 1188); en ce qu'elle opère de plein droit, à moins d'une disposition contraire expresse; en ce qu'on ne peut pas toujours renoncer à une déchéance acquise (V. les conclusions remarquables de M. NiciasGaillard, D. P. 50. 1. 240, 2e col.).—Il a été jugé, par application des principes en matière de prescription, que la déchéance qui atteint le porteur d'un billet à ordre à défaut d'assignation donnée au souscripteur dans la quinzaine de la notification du protêt, est interrompue par l'assignation donnée devant un tribunal incompétent aux termes de l'art. 2246 c. nap. (Caen, 1er fév. 1842, aff. Delomosne, V. Effets de comm., no 721).

41. La prescription est-elle une manière d'acquérir la pro

priété? On le nie et l'on soutient qu'elle n'est que la preuve légale d'une acquisition ou d'une libération antérieure. Cela n'est pas exact. En effet, la prescription donne évidemment le droit d'acquérir les choses dont on n'est pas propriétaire et de se libérer des dettes qu'on n'a pas payées. Sans doute, ce qui légitime la prescription, la cause pour laquelle elle est entrée dans la loi, est la présomption qu'un domaine depuis longtemps possédé a été acquis par contrat et qu'une dette qui n'a pas été réclamée pendant un grand nombre d'années a été payée; mais la raison d'être d'une institution n'est pas l'institution elle-même. Il est certain que celui qui prescrit un domaine en devient propriétaire par suite du temps écoulé, et non pas en vertu d'un contrat qui peut n'avoir jamais existé, et celui qui se libère d'une dette par la prescription, ne le fait pas en vertu d'une quittance qui peut ne lui avoir jamais été donnée. C'est donc un des modes d'acquérir la propriété, et le code Napoléon déclare, avec raison, art. 712, que la propriété s'acquiert par la prescription. Au reste, tous les auteurs anciens sont d'accord sur ce point que la prescription confère le domaine plein et entier (Domat, liv. 3, sect. 2, no 1; Dunod, part. 1, chap. 14; Pothier, Cout. d'Orléans, tit. 4, intr., nos 30 et 31; V. aussi MM. Troplong, no 28, et Marcadé, art. 2219, no 2.-Contrà, M. Mourlon, Répétitions écrites, Prescrip., p. 5). 42. La prescription a un effet rétroactif qui fait supposer que l'acquéreur a été propriétaire pendant tout le temps de sa possession. Ainsi, 1° les fruits échus dans les cinq dernières années ne pourraient être répétés par le propriétaire contre lequel on a prescrit;-2o Les hypothèques consenties par l'acquéreur pendant le délai de la prescription priment celles qu'il a consenties depuis l'expiration de ce délai.;-3o Les hypothèques conférées par le véritable propriétaire pendant la possession de l'acquéreur s'évanouissent comme le droit du propriétaire luimême, du jour où la prescription s'accomplit.

43. La prescription éteint-elle l'obligation naturelle? La négative a été soutenue par Pothier et par Merlin. Le premier s'explique ainsi (Tr. des oblig., no 196): « Une obligation civile, lorsque le débiteur a acquis contre l'action quelque fin de nonrecevoir, puta... par le laps de temps acquis par la prescription, peut aussi être regardée comme obligation purement naturelle tant que la fin de non-recevoir subsiste et qu'elle n'a pas été couverte. >> - « La loi qui déclare une dette prescrite, dit Merlin, Rép., vo Mainmorte, § 7, no 5, n'en ôte pas l'actif au créancier; elle ne fait qu'opposer une barrière aux poursuites qu'il voudrait faire contre le débiteur. Cela est si vrai que la prescription est généralement reconnue pour n'être qu'une exception, et que le juge ne peut la suppléer d'office quand le débiteur néglige de s'en prévaloir.» Cette opinion a été suivie par M. Delvincourt, t. 2, p. 453, notes.-Depuis, M. Troplong, nos 29 et s., a soutenu, au contraire, avec une grande richesse scientifique, que l'obligation naturelle était éteinte par la prescription.-« Aux termes de l'art. 1234 c. nap., dit-il, la prescription est placée sur la même ligne que le payement, la remise volontaire, etc., comme cause d'extinction des obligations. De plus, l'art. 2219 définit la prescription un moyen de se libérer. De ces deux textes rapprochés et combinés, il résulte qu'il ne reste rien de l'obligation, quelle est anéantie dans sa cause et dans ses effets. » — M. Henrion avait dit aussi dans le Répertoire, vo Prescript., sect. 1, § 2: La prescription éteint toutes sortes d'obligations, parce que la loi l'a ainsi voulu et qu'elle l'a pu. Mais cela est exprimé d'une manière générale et sans distinguer entre l'obligation civile et l'obligation naturelle; et c'est à l'égard de celle-ci seulement que la question s'agite. Nulle part le code Napoléon ne définit l'obligation naturelle, car cette définition était périlleuse et pouvait enchaîner la conscience du juge. Mais on peut dire cependant, sans crainte de se tromper, que l'obligation naturelle est celle que proclame la conscience et à laquelle la loi positive refuse une action. Or, y a-t-il une obligation qui parle plus haut dans le for intérieur que celle de ne pas puiser dans un laps de temps écoulé le droit de spolier autrui? - M. Duranton fait remarquer, d'ailleurs, avec raison, t. 21, no 107, qu'il ne faut pas tirer de l'art. 1234 une conséquence outrée quant à l'obligation civile elle-même, car il doit se coordonner avec les textes spéciaux sur la prescription, qui en déterminent la nature et les effets, et auxquels il renvoie positivement à ce sujet. Or, l'art. 2219 dit que la prescription,

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qu'il définit, est un moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps et sous les conditions déterminées par la loi; et l'une de ces conditions, c'est que la prescription soit opposée par la partie ou par ses créanciers. le juge ne peut pas la suppléer d'office. C'est donc simplement un moyen de faire une acquisition ou d'obtenir sa libération, mais à la charge de l'opposer, de la faire valoir.-L'art. 1234 dit bien aussi que les obligations s'éteignent par la nullité et la rescision, et néanmoins tant que l'action en nullité ou en rescision n'est pas exercée et qu'il n'y est pas statué, l'obligation infectée du vice de violence, d'erreur, de dol ou d'incapacité, subsiste toujours. A l'objection tirée de ce que la prescription n'est qu'une exception et que si elle n'est pas opposée par la partie, le juge ne peut la suppléer, M. Troplong répond que, dans le cas où le débiteur renonce à la prescription, ce n'est pas en vertu d'une obligation naturelle que se fera le payement; que c'est l'obligation civile qui subsistera dans toute sa force; que l'obligation civile se survit à elle-même, et qu'elle puise dans la volonté du renonçant une force nouvelle, une vigueur qui la rajeunit, etc., etc.; ce qui veut dire, en d'autres termes, qu'elle n'a pas cessé d'exister. - Or on peut répondre avec avantage à M. Troplong, que si l'obligation civile a duré jusqu'à ce que la prescription ait été opposée, celui qui acquitte la dette faisant absolument la même chose que s'il n'opposait pas la prescription, satis'ait non-seulement à une obligation naturelle, mais même à une obligation civile.-A l'objection tirée de ce que, dans le cas de mauvaise foi, la prescription semble contrarier la pureté du droit naturel; qu'en statuant dans des vues d'utilité publique, la loi qui la consacre n'a pas prétendu influer sur les règles de justice, qu'ainsi si l'obligation est éteinte civilement, elle subsiste naturellement, M. Troplong répond qu'il n'est pas nouveau en jurisprudence que la loi civile force le droit naturel à abdiquer. Cela est vrai, dans ce sens seulement qu'elle le laisse sans action, mais elle n'empêche pas qu'il ne profite des bons mouvements de la nature humaine, et c'est avec grande raison que M. Duranton oppose ici à M. Troplong ces textes du droit romain si souvent répétés: Naturalia quidem jura semper firma atque îmmutabilia permanent, § 11. Inst. De jure naturali gent et eiv.- Jus civile in totum à jure naturali recedere non debere (L. 6. ff., De just. et jure; M. Duranton, loc. cit.; V. en outre M. Poujol, Tr. des oblig., § 2, no 105, qui combat aussi l'opinion de M. Troplong, et Marcadé art. 2219, no 4).

44. Peut-on répéter une dette prescrite que l'on a payée par erreur? Les auteurs les plus estimés soutiennent l'affirmative. M. Toullier fait observer à ce sujet (Droit civil expliqué, t. 6, no 74, ad notam), « que l'erreur de celui qui paye une dette prescrite peut n'être pas, et n'est pas ordinairement une erreur de droit. Peu de personnes ignorent qu'une dette est prescrite par le laps de trente années; mais on peut ignorer l'époque précise de la dette et la payer, dans l'ignorance qu'elle remonte au delà de trente ans; c'est alors une erreur de fait. Si le créancier dont la créance est éteinte abuse sciemment de cette erreur, et à plus forte raison si c'est lui qui l'a fait naître, on ne peut douter que le débiteur ne puisse répéter la somme condictione indebiti. On convient, suivant Dunod (p. 110), que si le débiteur a été engagé à payer par surprise ou dol, s'il ne savait pas que la prescription était acquise, il peut répéter; au contraire, s'il le savait, s'il n'a point été engagé à payer par surprise, on présume qu'il a voulu décharger sa conscience, et qu'il avait des raisons qui l'obligeaient à payer, et comme il pouvait renoncer à une prescription acquise (2220), la bonne foi ne lui permet pas de répéter ce qu'il a payé volontairement » (Conf. M. Duranton, t. 21, no 107); Merlin (vo Prescription, sect. 1, § 3) avait déjà enseigné que la répétition ne peut être admise, quand il n'y a eu ni dol ni surprise. « Le débiteur a pu renoncer à la prescription, dit-il, dès qu'elle était complète; et la bonne foi, les principes mêmes, ne lui permettent pas de répéter ce qu'il a payé volontairement. » — V. aussi M. Marcadé, art. 2219, no 4.-Il nous semble que la répétition, surtout quand on n'a aucun titre, et que le payement a été fait sans surprise, ne doit pas être accueillie.-V. no 62 et vo Oblig.

45 Une dette prescrite ne se compense pas avec une autre dette contractée après la prescription acquise. Quæcumque enim per exceptionem perimi possunt, in compensationem non veniunt,

L. 14, D., De comp. (Dunod, p. 100; Pothier, des Obligat., no 606; Merlin, Rép., vo Compensation, § 2, no 9, Quest. de droit, vo Papier monnaie, § 4, et vo Dettes, § 6, no 2; M. Troplong, no 34).-Toutefois, il est évident que lorsque deux créances exigibles se sont compensées de plein droit, avant qu'elles fussent prescrites, une des parties ne peut, après la compensation opérée, opposer le moyen de prescription. C'est ce qui a été jugé en matière d'enregistrement (Rej. 31 janv. 1855, aff. hér. d'Aligre. D. P. 55. 1. 120).

46. La prescription éteignant l'obligation, il semble d'abord impossible de faire renaître le contrat par la novation (V. Dunod, part. 1, chap. 14). Mais de même que lorsque le débiteur renonce à opposer la prescription, le contrat subsiste, qui empêche les parties de s'entendre pour laisser vivre l'obligation primitive, et la remplacer ensuite par une nouvelle? (Conf. Merlin, vo Novation, § 3, et M. Troplong, no 34.)

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SECT. 2.- De la renonciation à la prescription.— De la renonciation expresse. · De la renonciation tacite. - Quelles personnes peuvent renoncer.— Des effets de la renonciation. 47. Lorsque le temps nécessaire pour prescrire s'est écoulé, on peut renoncer au droit ainsi acquis.· Cum sit juris antiqui omnes licentiam habere his quæ pro se introducta sunt renuntiare (L. 29, C, De pactis). · - Mais cette faculté ne peut être exercée avant que la prescription soit accomplie. C'était l'opinion commune sous l'ancien droit. Voici les raisons que l'on en donnait : «<1° La prescription est utile à la société des hommes en général; 2o les lois qui l'autorisent forment un droit public auquel il n'est pas libre de déroger par convention, tant qu'il n'est pas appliqué à chaque fait particulier. On dit droit public parce que le droit commun est vraiment tel, et par conséquent hors la disposition des particuliers, tant qu'il n'en résulte pas pour eux des droits formés et acquis; il ne devient privé que par l'application qu'ils s'en font, et ce n'est qu'alors qu'il peut être changé par la volonté de l'homme (Merlin, Rép., vo Prescription, sect. 1, § 5. no 1). L'art. 2220, c. nap., consacre formellement cette doctrine: On ne peut renoncer d'avance à la prescription. «Il y a en effet, dit M. Troplong, dans la renonciation anticipée à la prescription quelque chose qui trouble le bien public, qui encourage la faute ou l'incurie, et déroge à une loi d'utilité générale.»-En outre, la clause de renonciation à la prescription deviendrait de style dans tous les actes, et la prescription établie dans l'intérêt de l'ordre public n'offrirait plus qu'un secours illusoire à la société. C'est ainsi qu'un débiteur ne peut pas renoncer valablement dans un contrat, au bénéfice de cession (c. 1268; V. aussi le discours de M. BigotPréameneu, p. 70, no 9; M. Marcadé, art. 2220, no 1).—Ce sont là les véritables raisons de décider, et c'est à tort qu'on a voulu faire résulter l'interdiction de renoncer à la prescription non acquise, d'une prétendue défense de renoncer à un droit non ouvert. Le contraire est établi par l'art. 1130 c. nap., qui décide en principe que les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation. Il n'en excepte que les stipulations relatives à une succession non ouverte. « Anciennement, dit M. Duranton, no 115, dans plusieurs de nos coutumes, les filles renonçaient très-bien aux successions futures de leur père et mère, moyennant une dot, et cependant on ne pouvait pas alors plus qu'aujourd'hui renoncer à la prescription non acquise. »V. à cet égard le code prussien, no 31.

48. Non-seulement il n'est pas permis de renoncer par un titre exprès à la prescription qui n'est pas acquise, mais la convention qui, en accordant un droit en exclue un autre, n'empêcherait pas de prescrire ce dernier droit. Ainsi, il a été jugé que, bien que dans un titre primitif, le droit de pacage dans une forêt eût été concédé à une commune, avec cette clause qu'elle ne pourrait prétendre aucun autre droit, elle a pu prescrire le droit de glandée dans la même forêt (Req. 9 nov. 1826, aff. Sancy, V. infrà, no 437-1°). Cette clause équivalait à la clause prohibée d'une renonciation d'avance aux effets d'une prescription.

49. Il n'est pas défendu de stipuler, pendant le cours de la prescription, qu'on n'entend pas, pour prescrire, se prévaloir du temps qui a couru. C'est là une renonciation à un droit acquis qu'on peut toujours faire, mais on ne pourrait pas renoncer par

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ce même acte à profiter du temps qui resterait à courir pour que la prescription fût acquise; seulement le temps écoulé ne comptera plus pour la compléter, ou plutôt c'est une prescription nouvelle qui commencera (MM. Troplong, 45; Duranton, 117; Marcadé, art. 2220, no 1).

50. Lorsque deux parties qui se disputent un droit sont convenues de rester dans le statu quo jusqu'à ce que le litige ait été décidé, on a pu voir là un acte qui suspendait régulièrement la prescription. En effet, le but direct de l'acte n'était pas de renoncer à la prescription qui pouvait courir, mais de créer un état de choses qui, tant qu'il existait, empêchait les parties d'agir, et dès lors suspendait la prescription.-Ainsi il a été jugé que la convention intervenue entre le concessionnaire d'un droit de péage dont le droit de cession est contesté et le redevable, dans le but de suspendre toutes poursuites jusqu'à ce qu'il eût été statué par le conseil d'Etat sur l'existence du titre de concession, a suspendu la prescription de ce droit (Req. 22 juin 1853, aff. Thial, D. P. 53. 1. 302).

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51. On ne peut renoncer aux déchéances établies par la loi dans l'intérêt public pour accélérer la marche des affaires. C'est ainsi qu'on ne pourrait, par aucun acte de procédure, renoncer par avance à opposer la péremption (V. Péremption, no 31). Le droit de renoncer à la péremption acquise est incontestable (c. pr. 599, V. eod., nos 175 et s.). Mais en est-il de même de toute autre déchéance? Oui, suivant Merlin, Rép., vo Prescription; à moins, ajoute, avec raison, M. Troplong, no 51, que la déchéance ne se lie à quelque principe d'intérêt public. Conf. M. Marcadé, art. 2220, no 4. De là est née la question si controversée de savoir si dans le cas où l'intimé n'oppose pas la fin de non-recevoir résultant de la tardiveté de l'appel le juge peut la suppléer d'office. Cette question a été traitée vo Appel civil, no 1150.

52. Il faut remarquer que c'est seulement aux prescriptions établies par la loi qu'il est défendu de renoncer avant qu'elles soient acquises. Ainsi, au cas où, dans un contrat, on aurait fixé un délai dans lequel une des parties serait tenue d'exercer une faculté sous peine de déchéance, une nouvelle stipulation pourrait, avant le termeé chu, proroger ou supprimer le délai conventionnel. L'ordre public n'est en rien intéressé là-dedans. C'est ainsi que M. Troplong, no 44, a décidé, avec raison, que, bien que, dans une vente à réméré, les parties soient convenues que le rachat s'exercera dans deux ans, l'acquéreur peut, avant l'expiration de ce délai, proroger la faculté de rachat, pourvu que le délai légal de cinq ans ne soit pas excédé (Conf. M. Marcadé, art. 2220, no 1).

53. On ne peut pas abréger par un contrat le délai légal d'une prescription. Ce serait en réalité y renoncer d'avance, puisque la loi a fixé le temps qui la constitue, et que lorsque le délai légalement fixé n'est pas accompli, elle n'est pas acquise: on ne peut pas, par une convention, déroger à une disposition d'ordre public (Paris, 19 déc. 1849, aff. comp. de l'Union, D. P. 50. 2. 40).

54. Il semble qu'avant que la prescription soit acquise par un débiteur contre son créancier, un tiers puisse intervenir pour garantir le créancier contre toute prescription. En effet, cette stipulation n'empêche pas la prescription d'être acquise au débiteur. La garantie donnée par le tiers est une obligation autre que celle contractée entre le créancier et le débiteur, et pourra ellemême être prescrite.-V. Effet de commerce, no 855.

55. Aux termes de l'art. 2221 c. nap., la renonciation à la prescription est expresse ou tacite.-MM. Troplong, no 52, et Duranton, no 119, enseignent que la renonciation expresse est celle qui résulte de la déclaration explicite renfermée dans un acte faisant preuve de son contenu. On a remarqué, il nous semble avec raison, que cela n'est point exact, et que la renonciation expresse peut résulter de toute déclaration, soit écrite, soit purement verbale. «La doctrine de ces auteurs ferait croire, dit M. Marcadé, art. 22202222, no 5, que, pour la renonciation à la prescription, la preuve est soumise à des règles particulières et ne peut se faire que par écrit, tandis qu'il n'en est rien. Les moyens de preuve sont ici les mêmes que partout ailleurs; et toute déclaration faite de l'abandon du droit sera dès lors efficace, non-seulement 1o quand elle sera formellement consignée dans un acte; mais aussi 2o quand elle sera avouée par son auteur; 5o quand, déniée par lui, elle sera prouvée par témoins avec simple commencement

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de preuve par écrit; 4° enfin, quand elle sera constatée, même par simple témoignage, s'il ne s'agit pas de plus de 150 fr. >> Il doit être, au reste, bien compris que la renonciation expresse à une prescription ne peut pas être assimilée à un acte de confirmation ou de ratification, et qu'elle n'a pas besoin pour être valable d'être conforme aux prescriptions de l'art. 1338 c. nap. Elle n'est subordonnée, dans sa forme, à aucune condition substantielle (Rej. 8 mars 1855, aff. Capdeville, D. P. 54. 1. 336).

56. Inutile de dire que la renonciation, soit expresse, soit tacite, doit émaner d'une volonté libre. Elle est présumée telle Jusqu'à preuve contraire (Conf. M. Troplong, no 54).—Ainsi, il a été jugé que la renonciation à une prescription acquise n'emporte avec elle aucune présomption de dol, fraude ou violence capable de faire annuler une transaction dans laquelle elle se trouve comprise (Cass. 12 vend. an 6) (1).

57. Le renonçant doit avoir agi avec connaissance de cause. La renonciation à une prescription qu'on ignorait serait nulle, pourvu toutefois que le renonçant prouvât son ignorance (Conf. M. Troplong, no 55, V. no 44), laquelle, au reste, ne se présume pas.

58. Quels sont les caractères de la renonciation tacite? D'après l'art. 2221, elle résulte d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis. «Pour que des faits emportent renonciation, dit Merlin, Rép., vo Renonciation, il faut qu'il en résulte une volonté manifeste de renoncer, c'est-à-dire que ces faits soient directement et à tous égards, contraires au droit et au privilége.»-Cela est juste, mais ce serait aller trop loin que d'exiger, avec un arrêt de la cour de cassation du 15 déc. 1829 (V. Effets de commerce, no 810), que la renonciation tacite à la prescription fût prouvée par des aveux, affirmations ou consentements, et de se refuser à ce qu'elle fût établie par induction. Cette doctrine ne laisserait subsister aucune différence entre la renonciation expresse et la renonciation tacite. Celle-ci doit pouvoir s'établir par induction puisque la renonciation tacite résulte, aux termes de la loi, de faits qui supposent l'abandon du droit (Conf. MM. Troplong, no 56; Marcadé, art. 2220-2222, no 5).

59. Mais si l'on peut raisonner par induction, il faut cependant que les faits soient significatifs, et que les déductions qu'on en tire soient précises et exactes. On ne pourrait pas, par| exemple, faire résulter une renonciation à la prescription d'intérêts de ce qu'un débiteur aurait demandé à son créancier une réduction de sa créance, telle que le chiffre de la créance serait resté supérieur à celui auquel elle aurait été réduite s'il avait invoqué la prescription des intérêts, ou de ce qu'étant marchand, ce débiteur a soutenu qu'il s'était libéré des intérêts en fournitures faites au créancier (Bourges, 18 mars 1825) (2).

(1) Espèce:-(Daubans C. Soubiran.)- LE TRIBUNAL; - Vu l'ordonnance du mois d'avril 1560;- Attendu que, d'après cette ordonnance, les transactions consenties entre majeurs ne peuvent être rescindées que pour cause de dol, fraude ou violence; que la transaction du 8 mai 1774 était passée entre personnes majeures; qu'il n'était prouvé aucun fait de dol, fraude ou violence; que la qualité des parties, ou le plus ou moins d'avantage qui pouvait résulter, en faveur d'une d'elles, de cette transaction, ne sont présentés par aucune loi comme des circonstances qui puissent vicier un acte qui paraît avoir été librement consenti; que la renonciation à la prescription est une faculté légitime, qui peut être exercée, sans emporter avec elle la moindre présomption de crainte; que les motifs qui ont déterminé les juges du tribunal du district de Vic à annuler la transaction du 8 mai 1774 ne reposent donc que sur une volonté arbitraire, qui a conduit ces juges à un excès de pouvoir dont l'effet est l'anéantissement d'un acte que la loi ne réprouva t point, et en dernière analyse, la violation de l'ordonnance du mois d'avril 1560; Casse, etc.

Du 12 vend. an 6.-C. C., sect. civ.-M. Barris, rap. (2) (Pouthes C. Desglaudes.) LA COUR; Considérant, sur la première question, que, suivant le sieur Desglaudes, le sieur de Pouthes aurait renoncé à user du moyen de prescription contre les intérêts qui lui sont demandés; qu'il fait résulter cette renonciation, 1o de la convention même par laquelle lui, Desglaudes, a réduit sa créance à 4,500 fr., somme à laquelle elle ne se fût pas élevée, si les intérêts de son capital avaient été prescrits; d'où il conclut que le sieur de Pouthes, sollicitant cette réduction, renonçait à tout moyen de prescription; 2o De ce que le sieur de Pouthes à dans un temps soutenu qu'il lui avait payé les intérêts en diverses fournitures, preuve qu'il n'entendait pas se TOME XXXVI,

60. Lorsqu'une partie peut craindre que l'on conclue d'un acte, prescription, elle peut protester contre cette intention, et la protestation a pour résultat de lui conserver le bénéfice de la prescription. Celui, par exemple, qui, en payant partiellement une dette, déclare ne pas reconnaître la dette pour le surplus, peut prescrire le surplus de la dette. Mais il faut que les protestations, pour avoir cet effet, ne soient pas inconciliables avec le fait qu'elles accompagnent. Si, en payant l'intégralité de ce que je dois, je protestais que je ne renonce pas à la prescription, il y aurait là une contradiction entre le fait et la protestation qui rendrait la protestation nulle. Il faut, en outre, pour que la protestation soit efficace, qu'elle ne soit pas purement de style (Conf. M. Troplong, nos 57 et suiv.).

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61. Nous allons examiner quels sont les actes principaux qui, lorsqu'il n'y a pas de protestation efficace, impliquent la renonciation à la prescription (V. aussi nos 571 et s.). D'abord le payement d'une dette prescrite élèverait une forte présomption de renonciation (Merlin, Rép., vo Prescription). — Mais s'il était prouvé par la quittance, ou par tout autre écrit du même genre, que le débiteur n'a payé que parce qu'il croyait qu'il n'y avait pas de prescription acquise, cette erreur de fait donnerait naissance à l'action rescisoire.-V. no 44.

62. Celui qui paye une partie de la dette prescrite renonce implicitement à la prescription pour le surplus (minima agnitione debiti tollitur præscriptio), à moins qu'il ne déclare en même temps ne reconnaître la dette que pour la somme qu'il paye. Nul doute, dès lors, que le payement d'une année d'arrérages d'une rente n'efface la prescription du fonds de cette rente; il effacerait même la prescription des quatre autres dernières années d'arrérages; mais son effet ne s'étendrait point au delà. La prescription des arrérages antérieurs est indépendante de celle du fonds de la rente. Renoncer à l'une, ce n'est point renoncer à l'autre.-Mais il faudrait établir que les arrérages ont été payés à celui qui avait qualité pour recevoir, et même il a été jugé que le payement pendant trois années consécutives des arrérages d'une rente depuis longtemps éleinte constitue un fait qui dans son isolement peut ne pas être considéré comme une renonciation tacite à la prescription (Req. 14 mai 1854, aff. Mollerat, V. no 460). · 63. Celui qui consent à une compensation de la dette prescrite, renonce virtuellement à la prescription. Ainsi il a été jugé que déclarer, en réponse à une sommation de payer une somme d'argent et de délivrer certains objets mobiliers, qu'on a des compensations à opposer, c'est renoncer à la prescription (Toulouse, 20 mars 1825) (3).

64. Celui qui a été déclaré propriétaire d'un immeuble, à la charge de payer une rente viagère à l'acquéreur évincé, ne peut pas opposer la prescription de cinq ans pour les arrérages

libérer par la prescription; 3° De ce que, lors des saisies-arrêts qu'il a fait faire entre les mains des débiteurs du sieur de Pouthes pour des sommes dans lesquelles il comprenait les intérêts de son capital, le sieur de Pouthes n'a pas prétendu qu'ils fussent prescrits;—4o Enfin, de ce qu'en première instance, le sieur de Pouthes n'a pas proposé le moyen de prescription; - Attendu que, pour prétendre qu'un individu a renoncé à un droit qui lui était acquis, il faut, si on n'a pas une renonciation formelle, qu'on puisse au moins lui opposer des faits tels qu'ils supposent l'abandon du droit acquis; que ceux allégués pour le sieur Desglaudes, fussent-ils légalement établis, auraient pu avoir lieu sans que le sieur de Pouthes eût entendu renoncer à se servir de la prescription; Quant au silence qu'il a pu garder à cet égard devant les premiers juges, attendu que l'art. 2224 c. civ. dispose que la prescription peut ètre opposée en tout état de cause, même devant le tribunal d'appel. Du 18 mars 1825.-C. de Bourges, 2e ch.-M. Delaméthérie, pr. (3) (Daussonne C. Daussonne.) - LA COUR; Attendu que, quoiqu'il se soit écoulé plus de trente ans depuis la demande formée par Thomas Daussonne, en délivrance des biens composant la succession de Marie Valette, il y a eu renonciation à cette prescription, l'acte nopar tific le 19 fév. 1825, à la requête de Gabriel Daussonne, à la dame James, épouse de Thomas Daussonne, en réponse à la sommation du 5 du même mois, puisque Gabriel y déclare qu'il entend opposer la compen-sation aux demandes qui lui sout faites relativement à la succession de Marie Valette; il a donc reconnu ses droits sur cette succession, puisqu'il n'oppose que la liquidation à faire pour fixer la consistance de ces droits;-Vidant le renvoi au conseil, rejette la fin de non-recevoir prise de la prescription, en ce qui concerne la succession de Marie Valette. Du 20 mars 1825.-C. de Toulouse, 1re ch.-M. Hocquart, 1er pr.

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biteur, des demandes qu'il a formées, des offres qu'il a formulées, etc. Mais lorsqu'il s'agit d'une déclaration faite en justice ou extrajudiciairement, il faut que les termes ne soient pas douteux. Ainsi il a été jugé que la déclaration faite par un débiteur qu'il ne doit rien, ne renferme pas une renonciation à la pres

échus de ladite rente, si un jugement, passé en force de chose jugée, a décidé que les fruits et revenus dont l'acquéreur évincé devrait rendre compte, seraient compensés avec les arrérages de la rente à lui due, et si, de plus, cette compensation a été acceptée formellement par acle extrajudiciaire (Rej. 19 janv. 1825) (1). 65. Consentir à la novation d'une créance prescrite c'est éga-cription (Cass. 19 avril 1815) (2); cette déclaration n'a pas lement renoncer à la prescription. Il en serait de même 1° si un débiteur donnait caution pour le payement de sa dette, car donner sûreté pour l'exécution d'une obligation, c'est en effet reconnaître qu'elle existe;-2o Si l'on demandait à profiter, par le moyen de la subrogation, de la créance prescrite, car on ne peut être subrogé qu'à un droit existant.-V. Req. 18 janv. 1821, V. Effets de com., no 845; M. Troplong, no 71.

66. Celui qui paye intégralement la dette, qui oppose une compensation, et qui consent à une novation, renonce, comme nous l'avons vu, d'une manière tacile, à la prescription. La renonciation tacite résulte encore des déclarations qu'a pu faire le dé

(1) Espèce :- (Delamothe C. Pillaut.) - Par deux actes de 1811, le sieur Delamothe crée deux rentes viagères, l'une de 140, l'autre de 440 fr. au profit de la demoiselle de Champigny, pour prix notamment de son domaine de la Dixme. Il n'est pas dit que ces rentes seront payées sans retenue; mais il est stipulé qu'elles le seront d'avance, et le premier de ces actes constate que la première année de la rente de 140 fr. a été payée sans retenue. -En déc. 1814, la demoiselle de Champigny vend le même domaine de la Dixme au sieur Pillaut, à qui elle cede en outre tous ses droits aux rentes viagères : elle décède un mois après. Pillaut se met en possession de la Dixme, et en jouit sans réclamation jusqu'en 1818, époque où Delamothe le regardant, ou feignant de le regarder comme fermier de ce domaine, lui signifie un congé, avec sommation de restituer les fruits perçus depuis sa mise en possession. Pillaut se prétend propriétaire; mais, le 18 déc. 1818, le tribunal de Chinon donne provisoirement cette qualité à Delamothe, sauf à Pillaut l'exercice de ses droits, à l'effet d'être payé des arrérages de rente viagère, en réduction des fruits dont il est débiteur. Ce jugement est confirmé par un arrêt de la cour d'Orléans, auquel Pillaut a acquiescé. Le 26 juill. 1819, Delamothe fait à Pillaut des offres réelles de la somme de 220 fr., pour moitié d'une année de la rente viagère de 440 fr.; il offre en outre toute compensation de droit des arrérages de rente avec les dépens auxquels Pillaut a été condamné. Le 4 août 1819, Pillaut fait sommer Delamothe de lui payer les arrérages des deux rentes. · Delamothe prétend alors que les dépens adjugés ne peuvent pas entrer dans les comptes à faire entre eux des jouissances et arrérages des rentes, et que le payement de ces arrérages se trouve compensé avec les fruits et revenus du domaine de la Dixme. Il paraît que, depuis, Delamothe s'est prévalu, à l'égard des arrérages remontant au delà de cinq ans, de la prescription portée en l'art. 2277, et qu'il a prétendu exercer la retenue du dixième sur les arrérages qu'il devait.

Quoi qu'il en soit, après une longue procédure et plusieurs jugements sur la reddition des comptes à régler entre les parties, le tribunal de Chinon a, par jugement du 8 fév. 1822, 1° reconnu Delamothe definitivement propriétaire du domaine de la Dixme, et Pillaut propriétaire des deux rentes viagères; 2o déclaré Delamothe non recevable dans ses moyens de prescription des arrérages, ainsi que dans ceux relatifs à la retenue du dixième sur lesdites rentes qu'il sera tenu de servir et payer sans aucune diminution. Appel par Delamothe, et, le 51 mai 1822, arrêt qui confirme ce jugement.

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Pourvoi de la part de Delamothe, 1o pour violation de l'art. 2277 c. civ., qui veut que les arrérages de rentes viagères et perpétuelles se prescrivent par cinq ans; 2o pour violation des lois du 5 déc. 1790 et 3 frim. an 7, aux termes desquelles la retenue a toujours lieu, à moins que le contrat ne porte la condition de non retenue. Arrêt. LA COUR; Sur le moyen fondé sur la violation de l'art. 2277 c. civ., aux termes duquel les arrérages de rentes viagères et perpétuelles se prescrivent par cinq ans ; Attendu, 1o que la compensation des fruits et revenus dont Pillaut avait été condamné à rendre compte, avec les arrérages des rentes viagères dont il s'agit, a été ordonnée par le jugement du tribunal civil de Chinon, du 18 déc. 1818, qui a acquis l'autorité de la chose jugée; - 2o Que Delamothe avait formellement accepté cette compensation par l'acte extrajudiciaire signifié à sa requête, le 5 août 1819; Sur le moyen pris de la violation des lois de déc. 1790 et 3 frim. an 7, suivant lesquelles la retenue sur les rentes avait toujours lieu, lorsque le contrat constitutif ne portait pas la condition de non-retenue; Attendu que les rentes viagères dont il s'agit au procès n'ont pas été créées sous l'empire des lois citées par le demandeur, mais ont été constituées depuis la publication de la loi du 3 sept. 1807, aux termes de laquelle tous les intérêts sont affranchis de la nécessité d'une stipulation de non-retenue de la contribution foncière;-Attendu, d'ailleurs, que la cour royale a pu, ainsi qu'elle l'a fait, considérer le payement intégral de la première année de la rente viagère de 140 fr. fait

paru incompatible avec celle de la prescription de la dette. «En effet, comme le dit M. Troplong, no 56, puisque la prescription est un moyen de libération, n'est-elle pas l'une de ces causes sur lesquelles on peut se fonder pour dire: je ne dois rien ? »

67. Mais un arrêt paraît avoir été trop loin lorsqu'il a jugé que l'adjudicataire souscripteur d'une traite à l'ordre d'un receveur général, pour payement d'une coupe de bois royaux, pouvait opposer la prescription. lors même qu'il aurait formé des demandes en réduction et décharge de son prix, lesquelles auraient été constatées par des arrêtés préfectoraux, et des décisions minis

par le demandeur au moment de la signature du contrat de constitution de ladite rente, les offres réelles par lui faites dans son acte extrajudiciaire du 26 juill. 1819 de la somme de 220 fr. pour la moitié de la rente de 440 fr., et l'acceptation également par lui faite des fruits et revenus du domaine de la Dixme, en payement et compensation des arrérages des rentes viagères, dans son acte extrajudiciaire du 5 août 1819, comme une reconnaissance formelle, et un aveu de sa part que lesdites rentes viagères avaient été constituées en exemption de retenue;-Rejette. Du 19 janv. 1825.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Poriquet, rap.Cahier, av. gen., c. conf.-Raoul et de Gatines, av.

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(2) Espèce : (Janson C. Leclerc.) — Des lettres de change tirées par Monclar au profit de Leclerc, et acceptées par Janson, furent protestées à leur échéance; et ce ne fut que plus de cinq ans après que Leclerc assigna Janson en payement de ces traites. Jugement par défaut qui condamna Janson à en acquitter le montant. Opposition de la part de ce dernier; il allégua d'abord plusieurs fins de non-recevoir, et soutint, au fond, qu'il ne devait rien. Leclerc répondit à ces moyens; et ce fut alors seulement que Janson se prévalut de la prescription de cinq ans etablie par l'art. 189 c. com. Nouveau jugement qui déclare Janson non recevable dans son exception, « attendu qu'il devait la proposer in limine litis; qu'avant de s'en prévaloir, il a prétendu ne rien devoir d'après les pièces qu'il a produites; et qu'il a par là fait abandon du moyen qu'il pouvait tirer de la prescription. >> Appel; et le 13 janv. 1815, arrêt confirmatif de la cour de Paris.

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Pourvoi pour violation de la première disposition de l'art. 2224 c. civ., et fausse application de la deuxième disposition du même article. La renonciation à la prescription, a dit le demandeur, ne doit pas êtra facilement présumée, car elle emporte aliénation; elle ne peut résulter que de circonstances graves, précises et concordantes qui ne se rencontrent nullement dans l'espèce. On n'est censé ne vouloir pas faire usage de la prescription que lorsqu'on emploie des moyens de défense qui y sont directement opposés; amsi, lorsque avouant une dette, on n'en a contesté que la quotité, la prescription n'est plus recevable; car étant fondée sur une présomption de payement, cette présomption s'évanouit devant l'aveu contraire du débiteur. Mais comment celui qui, dès le principe, a soutenu ne rien devoir, peut-il être réputé avoir renoncé à . la prescription? N'est-il pas évident au contraire que cette prétention de ne rien voir se concilie très-bien avec celle d'avoir prescrit la dette? Celui, disait M. Merlin, dans une espèce analogue à celle-ci, celui qui, après avoir essayé de prouver par des titres qu'il n'est plus débiteur, propose enfin la prescription, est censé tenir ce langage: «Je vous ai payé, et le payement que je soutiens vous avoir fait est présumé par le laps de temps que vous avez laissé écouler sans former votre demande.» Une pareille défense est aussi naturelle que légitime. Le défendeur a répondu que l'art. 2224 c. civ. permettait d'établir sur des présomptions la renonciation à la prescription; qu'une présomption qui supposerait cette renonciation ne pouvait être que le résultat des circonstances de la cause, de l'appréciation des faits et de l'interprétation des actes; que, dès lors, les cours et les tribunaux étaient souverains pour prononcer sur une question de cette nature, et que dès lors leur décision à cet égard n'était pas susceptible de cassation. Arrêt (apr. dél. en ch. du cons.). LA COUR; Attendu que la prétention d'une partie, de ne rien devoir, n'ayant en soi rien d'incompatible avec celle de la prescription de la dette ne peut être considérée comme une véritable renonciation à cette dernière exception, ni faire obstacle à ce qu'elle soit proposée en tout état de cause, ainsi que le permet l'article précité du code; que néanmoins, dans l'espèce, l'arrêt attaqué a écarté le moyen de prescription, quoique proposé par le demandeur devant les premiers juges, sur le seuĺ motif qu'ayant soutenu ne rien devoir, il était censé avoir abandonné ce moyen, ce qui est une fausse application de la seconde partie de cet article, et une violation manifeste de la première; Casse, etc. Du 19 avr. 1815.-C. C., ch. civ.-MM. Liborel, pr.-Boyer, rap.

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