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faut pas cependant la confondre avec le droit qu'elle est destinée à protéger. Si elle a la même origine, elle n'a pas toujours le même objet; par exemple, lorsque au lieu d'un corps certain qui était dû, elle ne tend qu'à faire obtenir une somme d'argent. En outre, quant à son origine même, l'action ne suppose pas seulement l'existence du droit, mais le refus d'y déférer, ou le fait d'un tiers qui implique la négation de ce droit. - Il est donc vrai de dire, avec M. Berriat Saint-Prix, que « soit que l'on considère l'action comme un moyen de réclamer en justice..., soit qu'on la considère comme un droit de poursuivre en justice, elle a quelque chose de distinct, et du droit qui en est la source, et de la demande judiciaire par laquelle elle est exercée. »

69. A proprement parler, les actions sont des droits particuliers qui naissent de la violation des autres droits, et qui tendent, soit à faire cesser cette violation, soit à en faire réparer les effets. Du reste, le législateur n'a pas toujours employé le mot action dans le même sens; quelquefois il l'a employé comme désignant le droit de poursuivre (V. c. civ. 137, 475, 950, 1304, 1456, 1524, 1965 et 2262; c. pr. 401); souvent aussi il l'a pris pour synonyme de demande, d'instance. V. c. civ. 25, 183, 307, 164, 1342; c. pr. 426.

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70. L'action fait partie de notre patrimoine : elle est un bien transmissible et divisible, du moins en général. — Comme transmissible, l'action passe aux héritiers, qui, réciproquement, sont chargés de répondre aux actions dont leur auteur était tenu : aussi l'art. 887 c. civ. déclare-t-il que les titres exécutoires contre le défunt, le sont également contre l'héritier.

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1. L'action est divisible, lorsque telle est la nature du droit auquel elle s'applique, et peut être exercée par chacun des héri tiers pour sa part, de même que chacun n'est tenu personnellement que dans la même proportion. - Il est vrai qu'il peut être poursuivi hypothécairement pour le tout; mais cela ne contrarie point absolument le principe de la divisibilité, puisque l'héritier condamné a, dans ce cas, contre ses cohéritiers, un recours en remboursement de ce qu'il a payé au delà de sa part virile. V. Obligation.

72. Le principe de la divisibilité de l'action a été appliqué par la cour suprême à une action en revendication d'un immeuble formée par des cohéritiers ou copropriétaires; et il a été jugé qu'en cas d'acquiescement de la part de quelques-uns des demandeurs à un jugement qui a rejeté la demande, ce jugement ne peut être infirmé, et la revendication admise au profit des autres, que pour

(1) Espèce:(Chevalier et Vincent C. Berthelot.)-Le 20 août 1789, vente par Chevelet du domaine de Cordionnais à Gilles Berthelot et à la veuve Berthelot, sa belle-sœur. En 1792, Chevelet vend le même domaine à Chevalier. Après le décès de la veuve Berthelot, ses quatre enfants et Gilles Berthelot, leur oncle, ont demandé la nullité de la vente de ce domaine faite à Chevalier, qui lui-même en avait déjà passé revente à la veuve Vincent.-Divers jugements, dont l'un notamment du 30 pluv. an 4, ont maintenu la veuve Vincent dans la propriété du domaine dont il s'agit.

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Sur l'appel que les Berthelot ont interjeté, la veuve de Julien, l'un des quatre enfants Berthelot, décédé, a déclaré, tant en son nom comme héritière pour partie de son mari qu'au nom de son fils mineur, acquiescer au jugement du 30 pluviôse an 4; et, quelque temps après, René, autre enfant Berthelot, étant aussi décédé sans postérité, elle acquiescé également au jugement dont était appel pour la portion revenant à son fils et à elle-même dans cette succession. Ces désistements, acceptés par Chevalier et la veuve Vincent, ne laissaient plus en cause que Gilles, Pierre et Françoise Berthelot. Néanmoins, par arrêt du 12 janvier 1808, la cour de Rennes, infirmant le jugement du 30 pluviôse an 4, et prononçant la nullité de la vente et revente faites à Chevalier et à la veuve Vincent, a réintégré Gilles, Pierre et Françoise Berthelot dans la propriété de la totalité du domaine de Cordionnais, sans en distraire les portions qui revenaient à la veuve et au fils de Julien Berthelot.

Pourvoi de la part de Chevalier et de la veuve Vincent, pour violation de Part. 403 c. pr., et de l'art. 1217 c. civ., en ce que la cour de Rennes regardé comme indivisible l'action en revendication du domaine dont il Jagit, et a déclaré Gilles, Pierre et Françoise Berthelot, propriétaires de Pintégralité de ce domaine, nonobstant les désistements de la veuve de Julien Berthelot et de son fils.-Les défendeurs à la cassation répondaient qu'ayant conjointement attaqué la vente faite à Chevalier, leur action était en effet indivisible; qu'il fallait que la vente fut déclarée nulle ou valable pour la totalité; que, par le désistement de la veuve et du fils de Julien Berthelot, Chevalier et la veuve Vincent n'avaient point été subro

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les portions de l'immeuble litigieux afférentes à ces derniers (Cass., 16 janv. 1811) (1). (Cass., 16 janv. 1811) (1). V. Acquiescement.

ART. 2.

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· Des actions personnelles, réelles et mixtes. 73. L'art. 59, § 1, du code de procédure semble n'envisager les actions personnelles, réelles et mixtes que sous le rapport du tribunal compétent pour en connaître; mais la distinction de ces actions n'a pas ce seul intérêt pour objet. Fondée sur la nature même des choses et sur la différence essentielle des droits qu'on veut acquérir, et admise par toutes les législations, elle a pour but dans notre droit, comme dans le droit romain et celui de tous les peuples, de marquer et définir le caractère et l'étendue de l'action elle-même, dont les effets varient selon quelle est personnelle, réelle ou mixte. C'est là, à vrai dire, le principal aspect de cette distinction, bien que nous ne voulions pas en méconnaître l'intérêt sous le rapport de la compétence. C'est aussi en envisageant sous le rapport plus large dont nous venons de parler la division des actions, que Justinien considérait, ainsi qu'on l'a dit plus haut, no 30, cette division comme fondamentale et la plus importante de toutes celles en assez grand nombre qu'admettaient, comme on l'a vu, les lois romaines. 74. Quoiqu'il soit difficile de parler de l'une de ces trois espèces d'actions sans faire plus ou moins indirectement connaître les caractères des deux autres, nous croyons devoir cependant, pour faciliter les recherches, les traiter successivement en trois paragraphes distincts.

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75. L'action personnelle est celle qui dérive soit de la loi, soit d'un contrat ou d'un quasi-contrat, soit d'une disposition à titre gratuit, soit d'un délit ou quasi-délit, et en général de tout fait quelconque produisant un droit et une obligation personnelle : Obligationes, dit Gaïus dans la loi 1. ff., De obl. et act., aut ex contractu nascuntur, aut ex maleficio, aut proprio quodam jure ex variis causarum figuris. L'obligation qui donne naissance à l'action personnelle constitue ce que les anciens interprètes du droit sont convenus d'appeler, dans un langage assez peu correct, un droit à la chose ou jus ad rem, par opposition au droit dans la chose, jus in re, qui est le principe de l'action réelle. L'action personnelle suit la personne et même ses héritiers comme l'ombre suit le corps, dans quelque position qu'ils se trouvent, et alors même que la chose promise ne serait plus en leur pouvoir, à la différence de l'action réelle qui cesse avec la détention de la chose qui en est l'objet. C'est de l'action personnelle que Loyseau, liv. 2,

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LA COUR ; Vu l'art. 403 c. pr. et l'art. 1217 c. civ.;- Et attendu que la veuve et le fils de Julien Berthelot, héritiers et représentants dudit Julien, icelui l'un des cohéritiers de Jeanne Tison, et, en cette qualité, copropriétaires ou prétendants droit au domaine dont il s'agit, se sont départis de toute prétention sur ce domaine et ont acquiescé aux jugements rendus contre eux, qui avaient adjugé la propriété de ce domaine à la veuve Vincent; qu'ils ont renouvelé ce désistement pour la portion qui leur était obvenue dans la succession de René Berthelot; que ces désistements ont été acceptés par Chevalier et la veuve Vincent, et que l'arrêt leur en a donné acte; - Que ces désistements ont eu l'effet de donner l'autorité de la chose jugée aux jugements que Chevalier et la veuve Vincent avaient obtenus en tout ce qui concerne ceux qui se sont désistés, et, d'anéantir les droits de ces derniers sur l'immeuble litigieux; que ces désistements doivent profiter à ceux qui avaient obtenu ces jugements, et qu'ils ne peuvent pas accroître la portion des autres copropriétaires qui ont seulement conservé les droits qui leur étaient propres ; Attendu que, d'après l'art. 1217 c. civ., les obligations sont divisibles, lorsqu'elles ont pour objet une chose qui, dans sa livraison, est susceptible de division, ce qui doit aussi s'appliquer aux actions tendantes à réclamer des immeubles qui, par leur nature, sont susceptibles de division; - D'où il résulte que l'arrêt attaqué a violé les lois ci-dessus citées, en annulant en entier le jugement du 30 pluviose an 4, et en adjugeant en totalité la propriété du domaine de la Cordionnais à Gilles, Pierre et Françoise Berthelot, sans en déduire les portions afférentes à la veuve et au fils de Julien Berthe- Casse, etc.

lot;

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Du 16 janv. 1811. - C. C., sect. civ. - MM. Delacoste, pr. d'âge. Audier-Massillon, rap.-Thuriot, av. gén., c. cont.-Chabroud, av.

une somme d'argent due pour balance de compte d'opérations de commerce (Req., 20 janv. 1841, aff. Galice, v° Compét. civ.).

79. Il n'en est pas de même de l'obligation de délivrer un corps certain. Aujourd'hui que, dans les principes de notre droit, la tradition n'est plus nécessaire comme autrefois, même à l'égard des immeubles, pour transférer la propriété, une obli

ch. 1, no 3, dit avec les anciens interprètes, pour marquer | Marcand, V. Compétence), et à l'égard d'une obligation de payer énergiquement son caractère, qu'elle s'attache comme la lèpre à la personne de l'obligé et de ses représentants, ossibus inhæret, sicut lepra cuti. Mais si elle suit la personne et ses héritiers, abstraction faite de la détention de la chose promise, elle ne peut atteindre qu'eux seuls, et sous ce rapport, elle diffère encore de l'action réelle qui, comme on le verra, suit la chose en quelque main qu'elle puisse passer et s'exerce contre tout possesseur,gation de cette nature produit immédiatement un droit réel, et par adversùs omnes. Il existe toutefois des actions personnelles qui ne passent pas aux héritiers: ce sont celles qui dérivent d'obligations exclusivement attachées à la personne de l'obligé, et il en est un certain nombre; mais il ne faut pas dire avec M. Bonjean, t. 2, p. 202, § 288, qu'en général les actions qui naissent des délits ou quasi-délits ne survivent pas à l'auteur du fait; cela n'est vrai que de l'action publique, mais nullement de l'action privée en réparation du dommage causé, qui ne se transmet pas moins aux héritiers et contre les héritiers que l'action résultant d'un contrat ou d'un quasi-contrat.

76. On voit par cette définition que les actions personnelles sont vraiment innombrables, et qu'il serait aussi impossible d'en présenter le tableau que d'indiquer toutes les obligations personnelles qui peuvent naître de la loi, des contrats ou des faits variés à l'infini qui constituent la vie des hommes réunis en société. Cette énumération, qui constituerait le droit tout entier, appartiendrait, si elle était possible', à la matière des obligations; elle n'aurait au reste qu'un faible intérêt : ce qu'il ya d'essentiel, c'est de se bien pénétrer de la nature du droit ou de l'obligation corrélative qui produit l'action; avec ce fil conducteur, il est difficile de s'égarer.

7. En reprenant successivement les cinq ou six principales espèces d'actions personnelles, nous dirons d'abord qu'on doit considérer comme telles les actions qui naissent des obligations imposées par les lois pour le payement des impôts, le service militaire et en général de toutes les charges publiques personnelles auxquelles les citoyens sont obligés de contribuer.—Il faut reconnaître le même caractère aux actions dérivant des obligations que la loi établit entre les individus à raison de leurs rapports de famille, comme, par exemple, des devoirs entre époux, de ceux des pères ct des enfants, des devoirs de tutelle, ou de faire partie du conseil de famille, des dettes alimentaires et autres.—Il en est de même des actions nées des obligations que la loi et les règlements locaux établissent parfois à raison du voisinage, lorsque ces obligations sont purement personnelles et indépendantes de la contiguïté des héritages, sinon elles constitueraient des servitudes et appartiendraient à la classe des droits et actions réels.

78. A l'égard des obligations et par suite des actions qui naissent des contrats, il faut distinguer entre les obligations de faire et celles de donner une chose fongible, et les obligations de délivrer un corps certain et déterminé. Les premières ne constituent évidemment qu'une action personnelle, car elles ne produisent aucun droit de propriété ni aucun droit réel, mais seulement une faculté d'obtenir de la personne obligée la chose promise ou son équivalent. C'est ce qui a été jugé par la cour de cassation à l'égard d'une obligation de faire qui consistait à édifier des constructions sur un immeuble (Rej., 10 janv. 1809, aff.

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(1) Espèce (Teutsch C Metzger.) - Le 12 nov. 1807, Metzger souscrivit, en faveur de Teutsch, un billet de 67 fr. 40 cent., payable en six termes. Metzger ne s'exécutant pas, fut cité, devant le juge de paix de son domicile, en payement de trois termes échus, montant à 28 fr. Metzger soutint qu'il avait contracté une obligation sans cause, attendu qu'elle avait eu pour objet le rachat d'une redevance féodale. Le juge de paix, sans égard à cette exception, condamna Metzger à payer les 28 fr.-Sur l'appel, ce jugement fut déclaré nul et incompétemment rendu; - Pourvoi par Teutsch. Arrêt.

LA COUR ; — Vu l'art. 9 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790; Et attendu que la demande formée par Teutsch devant le juge de paix, n'avait pour objet que le payement d'une somme de 28 fr., ce qui constituait l'exercice d'une action purement personnelle; qu'à la vérité, l'obligation souscrite par le défendeur portait sur une somme plus forte; mais que cette Bomme n'étant que de 67 fr. 40 cent., n'excédait pas la compétence du juge de paix; qu'il suit de là que, sous le premier rapport, le juge de paix tait compétent pour connaître de l'affaire en premier et dernier ressort; et que, dès lors, le tribunal de Schelestadt ne pouvait déclarer nul et incompétent le jugement qui lui était déféré, sans violer l'art. cité de la loi du 24 août 1790;- Attendu que l'allégation faite par le défendeur, ❘

suite une action de même nature qui se joint à l'action personnelle lorsqu'elle s'exerce contre l'obligé. A la vérité, si le corps certain qui a été promis est un objet mobilier, l'action qui dérivera du contrat n'en devra pas moins être portée devant le tribunal du domicile de l'obligé, comme s'il s'agissait d'une action purement personnelle; mais ce résultat, qui tient à ce que dans les principes de notre droit les meubles suivent la personne, n'altère pas le caractère réel de l'action sous les autres rapports, comme on le verra plus bas.

80. Ceci nous conduit à examiner le caractère de l'action en exhibition ou restitution de titres prétendus remis à la personne de laquelle on les réclame. Dans les principes du droit romain cette action était, comme on l'a vu plus haut, no 29, au nombre des actions personnelles dites in rem scriptæ, que nous avons considérées comme de véritables actions mixtes. En effet, celui à qui appartient un titre qui n'est plus en son pouvoir, trouve dans la propriété même qu'il a de ce titre le droit de le réclamer, non-seulement de la personne à laquelle il l'a confié, mais encore de tout individu entre les mains duquel ce titre peut être tombé. Ce motif, qui n'est pas moins vrai aujourd'hui que dans le droit romain, nous porte à regarder comme mixte l'action dont nous venons de parler, tout en reconnaissant que cette action ayant pour objet une chose mobilière, n'en est pas moins, comme celle dont il a été parlé au numéro précédent, de la compétence du tribunal du domicile du défendeur. C'est dans ce sens et avec cette explication que nous acceptons un arrêt du 3 février 1806 (aff. de Gasté) qu'on trouvera ci-après, no 105.

81. Que faut-il penser de l'action en délivrance d'un titre nouveau? Un arrêt de la cour de Paris, du 18 janvier 1823 (aff. de Polart, vo Rente), a regardé cette action comme purement personnelle, dans une espèce où il s'agissait du titre d'une rente garantie par une hypothèque. Cela paraît exact si l'on s'est borné à demander un titre nouveau. Mais si le droit est contesté et si ce n'est qu'accessoirement que le titre nouveau est requis, ne faudraitil pas alors consulter la nature de l'obligation que le nouveau titre aurait pour objet de constater et attribuer à l'action le caractère de cette obligation? D'après cette idée', l'action serait personnelle ou réelle suivant que l'obligation résultant du titre nouveau aurait l'un ou l'autre de ces caractères, et elle serait mixte si elle les réunissait tous.

82. On doit incontestablement regarder comme personnelle l'action en payement d'un billet, alors même que le défendeur prétendrait que l'obligation est sans cause, comme ayant eu pour objet le rachat d'une redevance féodale; car cette exception ne peut évidemment changer la nature de l'action qui n'a rien de réel (Cass., 2 fév. 1814) (1).

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qu'il n'avait contracté son obligation que pour le rachat d'une redevance
féodale, ne changeait rien à la compétence du juge de paix, qu'en effet,
tout tribunal qui est juge de l'action, l'est nécessairement de l'exception,
sauf le cas où il y aurait une question préjudicielle à décider, mais sauf à
revenir devant lui lorsqu'elle aurait été jugée; - Que dans l'espèce il n'y
avait pas même de question préjudicielle à décider, puisque la défense
fournie par Metzger, ne faisait pas sortir l'affaire de la compétence de la
justice de paix, les fonds affectés à la prétendue redevance ne pouvant ja-
mais devenir l'objet d'une discussion; ce qui résultait de ce que, quelle
que fût ou pût être la décision, lesdits fonds ne pouvaient en demeurer
grevés car, si la redevance était réellement féodale, comme le préten-
dait le défendeur, ses fonds s'en trouveraient libérés sans bourse délier;
et que si elle était foncière, elle se trouverait éteinte par le rachat;
Que toute la question gisait dès lors dans le point de savoir si Metzger
payerait ou s'il ne payerait pas le montant de son billet, et qu'une pareille
question n'a rien de réel, ni même de mixte;-Qu'ainsi, sous ce second
rapport comme sous le premier, il y a eu violation de la loi citée; — Par
ces motifs, casse.

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Du 2 février 1814.-C. C., sect. civ.-MM. Muraire, 1′′ pr. - Carnot, rap.

88. L'action en résolution d'une transaction relative à des 'droits dérivant d'obligations personnelles est aussi une action personnelle; et c'est ce qu'a décidé un arrêt de la cour de Liége, du 23 déc. 1816; aff. Defavereau, vo Transaction.

84. Mais il en serait autrement, du moins à notre avis, si la résolution tendait à faire rentrer un droit réel, immobilier, entre les mains du demandeur dans ce cas, l'action serait mixte.

85. Faut-il admettre la même distinction relativement à l'action paulienne, ou demande en nullité des aliénations et des actes faits par le débiteur en fraude des droits de ses créanciers? Si les actes dont la nullité est demandée ne contiennent aucune aliénation de droit immobilier, l'action sera purement personnelle; elle devra être intentée devant le tribunal du domicile du débiteur, ou de ceux qui auront participé à la fraude, alors même que ces actes contiendraient aliénation de corps certains mobiliers, en vertu du principe rappelé plus haut, que les meubles suivent la personne du défendeur. C'est ce qu'a décidé un arrêt du 13 juil. 1818 (Rej., aff, Wetter, vo Compét.).—Mais si l'acte dont l'annulation serait poursuivie avait pour objet une aliénation d'immeubles ou de droits immobiliers, la question devient très-grave. On peut dire, en effet, que, dans ce cas même, l'action reste purement personnelle, parce qu'elle ne tend pas à faire entrer l'immeuble dans le domaine des créanciers qui intentent l'action, mais uniquement à obtenir l'annulation de l'acte qui a fait sortir cet immeuble du patrimoine de leur débiteur; qu'ainsi aucune revendication n'est jointe à l'action des créanciers, qui semble dès lors n'avoir qu'un caractère d'autant plus exclusivement personnel que ces créanciers agissent de leur chef, jure proprio, d'après l'art. 1167, et non en exerçant, aux termes de l'art. 1166, les droits de leurs débiteurs.-Malgré ces raisons, nous pensons que, dans le cas proposé, l'action paulienne doit conserver la caractère de l'action mixte, c'est-à-dire d'action personnelle contre

(1) Espèce (Dubaret C. Paillet.)- Paillet, créancier de Dubaret, est informé que, pour soustraire ses biens immobiliers à ses créanciers, son débiteur en a fait donation à la dame Dubaret. En 1838, Dubaret était en prison a Soissons se fondant sur ce qu'il n'a ni domicile ni résidence connus en France, Paillet fait assigner lui et sa femme devant le tribunal de Soissons, pour voir déclarer nulle, comme faite en fraude des droits des créanciers, la donation dont il s'agit. Les sieur et dame Dubaret soutiennent que l'action qui leur est intentée est réelle; que les biens qui font l'objet de la donation sont situés hors de l'arrondissement de Soissons, et que, dès lors, le tribunal de cet arrondissement est incompétent.— Paillet répond que l'action est mixte, en ce qu'elle tend à la revendication d'immeubles, et qu'elle est fondée sur l'obligation légale que le quasi-délit impose à son auteur de réparer le préjudice qu'il a causé. -25 nov. 1838, jugement du tribunal de Soissons qui se déclare compétent.-Appol.-Arrêt.

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LA COUR; Considérant que la dame Dubaret, propriétaire apparente des biens dont il s'agit, est défenderesse principale à l'action introduite par Paillet; - Que cette action a pour but de faire rentrer ces biens dans le domaine de Dubaret, et de donner au demandeur les moyens d'exercer sur eux les droits qu'il a acquis contre ledit Dubaret; Qu'ainsi elle est réelle, et qu'elle ne pouvait, à ce titre, être portée devant le tribunal de la résidence de Dubaret,-Infirme; -Déclare la demande incompétemment formée devant le tribunal de Soissons.

Du 16 mars 1839. C. d'Amiens. - MM. Boullet, 1er prés. - Souef, av. gen.

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(2) Espèce (Hyncelin, Dugast, etc. C. d'Aigneaux, Hutteau d'Origny, etc.) 22 avril 1839, la dame de Lavilleurnoy fait donation à la dame Hutteau d'Origny, sa fille, et à la demoiselle d'Aigneaux, sa petitefille, de divers immeubles situés dans l'arrondissement de Bayeux. Par le même acte, elle fait une donation mobilière à Lavillcurnoy fils.-24 mars 1840, elle assigne les donataires devant le tribunal de Bayeux, en nullité de la donation. Le 30 avril suivant, les sieur et dame Hutteau actionnent, au contraire, la dame de Lavilleurnoy, devant le tribunal de la Seine, en exécution de la donation.-Le 11 mai, Hyncelin et d'autres créanciers de la donatrice interviennent devant le tribunal de Bayeux, pour soutenir que la donation est nulle, ou du moins qu'elle ne peut profiter aux donalaires qu'à la charge par eux de payer les dettes de la donatrice.

Le 30 mai, pourvoi par les époux Hutteau en réglement de juges; et le 3 juin, arrêt de soit-communiqué, que les époux Hutteau font signifier aux parties en cause devant le tribunal de Bayeux.

Postérieurement à cette signification du 27 juin, Hyncelin et autres demandent au tribunal de Bayeux qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils persistent dans leur intervention, et obtiennent, le 23 juill. 1840, un Jugement conforme à ces conclusions. - Les époux Hutteau s'étant dé

la chose que nous avons vu plus haut, no 29, lui appartenir dans le droit romain. Il est très-vrai, et nous nous empressons de le reconnaître, que, dans l'action paulienne, les créanciers exercent un droit propre et non le droit de leur débiteur; mais ce droit n'at-il pas également pour cause l'obligation personnelle qui pèse sur le tiers détenteur par suite de sa participation à la fraude, et pour objet la rentrée de l'immeuble en là possession du débiteur, où elle redeviendra le gage de ses créanciers? La revendication existe par cela qu'elle fait sortir l'immeuble des mains du tiers acquéreur : peu importe que cet immeuble revienne au pouvoir des créanciers ou de leur débiteur; celui-ci le possédera sans doute, mais comme un dépôt qui forme le gage de ses créanciers. C'est pour cela qu le droit romain qualifiait l'action paulienne action personnelle donnée sur la chose, personalis in rem scripta; c'est parce qu'elle suivait la chose entre les mains de tout détenteur, qu'on lui reconnaissait un caractère réel autant que personnel, c'est-àdire le caractère mixte, qu'à nos yeux elle conserve encore aujourd'hui.

Si c'est une erreur de ne voir qu'une action personnelle dans l'action paulienne, quand elle a pour objet l'annulation d'une aliénation de droits immobiliers, c'est une erreur aussi de n'y voir qu'une action réelle, comme l'a fait la cour d'Amiens, en qualifiant telle la demande en nullité d'une donation d'immeubles formée coutre le donateur et le donataire (Amiens, 16 mars 1839) (1).— La cour de cassation, dans un arrêt récent (Req., 27 déc. 1843) (2), sans se prononcer nettement sur le caractère de l'action qui nous occupe, action qu'elle qualifié personnelle, ou au moins mixte, paraît cependant pencher pour la première opinion, sil'on en juge par le soin qu'elle met à reproduire l'objection à laquelle nous avons répondu déjà, et qui se tire de ce que l'immeuble aliéné ne rentre pas dans les mains des créanciers demandeurs, mais dans celles de leur débiteur. Mais encore une fois, l'action en a-t-elle moins pour

sistés de leur demande en règlement de juges, ce désistement fut accepté par la dame de Lavilleurnoy, qui le signifia le 22 juin suivant, par acte d'avoué à avoué, à Hyncelin et autres, créanciers intervenants. - Le 13 nov. 1841 la dame de Lavilleurnoy se désiste de sa demande en nullité. Ce désistement, accepte par les époux Hutteau, est refusé par Lavilleurnoy fils, qui, le 27 janv. 1842, assigne les époux Hutteau et le sicur d'Aigneaux devant le tribunal de Bayeux, pour voir dire qu'il prendra part à la donation immobilière faite à sa sœur et à sa nièce. -- Le 19 fév. 1842, le sieur Dugast, créancier des sieur et dame de Lavilleurnoy, intervient devant le tribunal de Bayeux, aux mêmes fins que Hyncelin et

autres.

Le 17 mars, jugement qui, en accordant une provision à Lavilleurnoy, reçoit Dugast intervenant et ordonne qu'il régularisera la procédure à l'égard de toutes les parties. Le 27 juill. suivant, autre jugement qui tient P'instance pour reprise.

Cependant, les 8 et 18 avril 1842, Hyncelin et autres avaient assigné devant le tribunal de la Seine les dames de Lavilleurnoy et Hutteau, et le sieur d'Aigneaux, déclarant se désister de toute intervention dans l'instance engagée devant le tribunal de Bayeux. Leur assignation ne comprenait pas les sieurs Dugast et Lavilleurnoy.

La dame Hutteau et le sieur d'Aigneaux, se fondant sur la litispendance qui résultait du procès porté devant le tribunal de Bayeux, proposèrent un déclinatoire, qui fut repoussé par jugement du 9 août 1842.

Le 17 nov. suivant, jugement par défaut du tribunal de Bayeux, qui donne acte du désistement de la dame de Lavilleurnoy, déclare la donation valable, en ordonne l'exécution même à l'égard des créanciers intervenants, et accueille la demande en partage formée par Lavilleurnoy fils. - 15 fév. 1843, opposition à ce jugement par Hyncelin et autres, qui demandent leur renvoi devant le tribunal de la Seine.—6 et 28 avril, jugements qui rejettent ce déclinatoire et ordonnent l'exécution de la sentence par défaut du 17 nov. 1842.

Cependant la dame Hutteau et le sieur d'Aigneaux ayant appelé da jugement du tribunal de la Seine, du 9 août 1842, l'affaire allait être soumise à la cour de Paris, lorsque Hyncelin et autres se pourvurent, le 11 avril 1843, en règlement de juges.

Les défendeurs à ce pourvoi soutinrent que le tribunal de Bayeux, valablement saisi par la demande de la dame de Lavilleurnoy et par l'intervention d'Hyncelin et autres, n'avait pas été dessaisi par le désistement de la dame Lavilleurnoy; qu'il y avait encore litispendance devant ce tribunal, lorsque Hyncelin et autres avaient porté leur action devant le tribunal de la Seine, en avril 1842, action qui n'avait pu dessaisir le tribunal de Bayeux; et, qu'enfin, les sieurs Hyncelin et autres ne pouvaient se prévaloir de la demande en règlement de juges, formée en 1840, par les époux Hutteau. — Arrêt.

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objet de faire sortir cet immeuble de la possession du tiers détenteur, pour redevenir ce qu'il n'aurait pas dû cesser d'être, le gage des créanciers? L'action qui a pour objet un déplacement de la propriété, que peut-elle être autre chose qu'une véritable revendication? et lorsque à cette revendication se joint une action personnelle, comment contester à une de ces actions réunies qui tendent vers le même but le caractère d'une action mixte?

86. Cependant il ne faudrait pas confondre avec une telle action celle par laquelle, soit l'acquéreur d'un immeuble ou d'un droit réel, soit ses créanciers, demanderaient la résolution du contrat et la restitution du prix contre le vendeur, une telle action, qui est précisément le contraire d'une action réelle immobilière, tend uniquement à obtenir une somme d'argent et n'offre aucun mélange de réalité; elle ne peut dès lors être regardée comme mixte : elle est purement personnelle, et c'est avec raison qu'un arrêt de la cour de Riom, du 30 déc. 1825, a décidé qu'elle devait être portée devant le tribunal du vendeur ou de ce

LA COUR;

Attendu que l'application des art. 111 c. civ. et 59 c. pr. civ. doit être restreinte aux parties contractantes, relativement aux effets de l'élection de domicile. Les parties prévoient des difficultés sur l'exécution de leurs conventions; elles élisent domicile pour les actes a signifier; elles ne modifient pas les droits des tiers; elles ne le peuvent même pas sans leur concours; elles ne renoncent pas non plus à leur égard aux règles du droit commun: c'est donc entre les parties contractantes, et pour elles seulement, que l'élection de domicile est stipulée. Ainsi la cause actuelle n'est pas identique avec la précédente demande en règlement de juges formée par les donataires contre la dunatrice; il est donc inutile d'examiner si les demandeurs actuels ont le droit de faire revivre la demande des sieur et dame Hutteau d'Origny en règlement de juges, malgré leur désistement de celte demande; Allendu que, si les intervenants (aujourd'hui demandeurs en règlement de juges), dans l'instance en nullité de la donation devant le tribunal de Bayeux, avaient le droit ou de continuer l'instance malgré le désistement de la demanderesse, ou de provoquer la condamnation aux dépens par eux fails, ils avaient aussi le droit de se désister de leur intervention dans une instance qu'ils pouvaient considérer comme n'existant plus par l'effet du désistement de la demanderesse, et ce droit était d'autant plus certain dans l'espèce, qu'il n'y avait pas même eu de jugement de jonction ;

-

Attendu qu'il s'agit d'une donation d'immeubles situés dans l'arrondissement de Bayeux, faite à Paris les 22, 25 et 29 avril 1839, par la dame de Lavilleurnoy à la dame Hutteau d'Origny, sa fille, et à la demoiselle d'Aigneaux, sa petite-fille; Attendu que, d'une part, par exploit du 8 avril 1842, les demandeurs en règlement de juges, créanciers de la dame de Lavilleurnoy, formèrent devant le tribunal de la Seine, contre la dame de Lavilleurnoy et ses enfants, une action en nullité de la donation, soit comme irrégulière en la forme, soit comme faite en fraude des créanciers; et que, d'une autre part, Jules de Lavilleurnoy, fils de la dame de Lavilleurnoy et donataire d'une portion d'argenterie, avait formé, le 27 jany. 1842, contre les sieur et dame Hutteau d'Origny, devant le tribunal de Bayeux, une demande en participation à la donation, demande laquelle les sieur et dame Hutteau d'Origny, ne déclinant plus la juridiction du tribunal de Bayeux, adhérèrent le 14 mars, instance dans laquelle intervint un créancier de Lyon; mais ce fut seulement le 8 juin, c'est-à-dire deux mois après le désistement de leur intervention el après leur action devant le tribunal de la Seine, que les demandeurs en règlement de juges furent appelés devant le tribunal de Bayeux en reprise d'instance, comme s'il n'y avait eu désistement ni de la demanderesse, ni des intervenants; Attendu dès lors que la question de validité de la donation était pendante devant le tribunal de Bayeux et devant le tribunal de la Seine; que les deux tribunaux s'étaient déclarés compétents les 9 août 1842 et 6 avril 1843; d'où il suit que la demande en règlement de juges formée le 21 avril 1843 a été formée dans les termes du droit; cette demande n'a pu recevoir aucune atteinte par la continuation de l'instance devant le tribunal de Bayeux ou devant le tribunal de la Seine, ni même par aucun jugement qui aurait pu être rendu soit à Bayeux, soit à Paris, ni même par aucun appel devant les cours de Caen et de Paris;

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Attendu qu'aux termes de l'art. 59 c. pr. civ. le défendeur doit être, en matière personnelle, assigné devant le tribunal de son domicile; s'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, au choix du demandeur; en matière réelle, devant le tribunal de la situaLion de l'objet litigieux; en matière mixte, devant le juge de la situation ou devant le juge du domicile du défendeur; - Attendu que l'action formée contre les demandeurs en règlement de juges, créanciers de la dame de Lavilleurnoy, devant le tribunal de Bayeux, est purement personnelle et mobilière, et qu'aucun d'eux ne demeure dans l'arrondissement de Bayeux; celte action ne peut pas être considérée comme une action en reprise d'instance, puisqu'ils s'étaient désistés de leur intervention deux mois auparavant;

Attendu que l'action des demandeurs en règlement de juges devant

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lui qui a vendu en se portant fort pour lui, et non devant le tribunal de la situation des biens (1).

87. Par le même motif, l'action en garantie résultant d'un contrat de vente, soit mobilière soit immobilière, constitue toujours une action purement personnelle, alors même qu'elle tend à la résolution du contrat; car elle ne peut jamais avoir pour objet que la restitution d'une somme d'argent. C'est aussi ce qu'a jugé un arrêt de la cour de Paris, du 22 mars 1825, aff. Picart, vo Vente.

88. Il faut en dire autant de l'action formée par le propriétaire d'un immeuble contre l'usurpateur qui aurait transmis cet immeuble à un tiers qui l'a preserit par une possession de dix ou vingt ans. Cette action ne pouvant plus avoir pour objet qu'une simple indemnité, n'est plus qu'une action personnelle. Tel est, au reste, l'avis de M. Carré, Tr. de la compétence, t. 1, p. 403. 89. Le même auteur enseigne avec raison, no 214, qu'il faut considérer aussi comme action personnelle, l'action tendante à co

le tribunal de la Seine n'a pas pour objet de les faire déclarer propriétaires des immeubles donnés, mais seulement de faire annuler l'acte qui a dépouillé leur débitrice de la propriété, de rendre ces immeubles saisissables par les créanciers de la donatrice; c'est la solvabilité entière de leur débitrice qu'ils veulent rétablir, et si leurs créances étaient payées soit par des offres réelles, soit sur le prix de la vente du mobilier, ils n'auraient aucun droit de poursuivre la débitrice sur ses immeubles; c'est donc une action purement personnelle et mobilière, ce serait au moins une action mixte, et dans l'un comme dans l'autre cas, l'action a pu être régulièrement fornée devant le tribunal de la Seine, dans le ressort duquel demeurent plusieurs des défendeurs; Attendu enfin que, sous le rapport de la priorité de date, l'action des demandeurs en réglement de juges devant le tribunal de la Seine a précédé de deux mois celle qui a été formée contre eux; Donne défaut contre les non-comparants, et sans avoir égard aux iastances, jugements et arrêts qui ont eu lien, et ont été ou pu être rendus soit au tribunal de Bayeux, soit à la cour de Caen, lesquels sont déclarés non avenus, SVET Ordonne que les parties procéderont devant le tribunal de la Seine,

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Du 27 déc. 1843.-C. C., ch, req. - MM. Zangiacomi, pr. - Mestadier, rap. - Chegaray, ay, gén. - Josselin et Mandaroux, av,

-

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(1) Espèce (De Bryon C. Bertrand.)-Les créanciers de Bertrand, tombés en faillite, ont demandé la nullité d'une vente d'immeubles consentie au failli par Fabre, comme se portant fort de Bryon. Leur demande a été portée au tribunal de la situation de l'immeuble. - Bryon est intervenu, et les défendeurs ont demandé le renvoi au tribunal de leur domicile,Les créanciers répondaient que le déclinatoire était mal fondé, puisqu'ils intentaient une action réelle ou au moins mixte, respectu rei et non persona, — Le tribunal de Murat rejette le déclinatoire. ·Appel, Arrêt. LA COUR; Attendu que l'action dont il s'agit a pour objet la résolution d'une vente pour cause de nullité, demandée par un acquéreur ou le repré sentant d'un acquéreur, et la restitution des sommes payées sur le prix de la vente; Qu'une pareille action est, de sa nature, purement personnelle; qu'elle est entièrement opposée à une demande qui tendrait au désistement d'un immeuble, ce qui seul donne le caractère de réalité à une demande; - Allendu que, dès lors, la demande dont il s'agit a dù être formée devant le tribunal du domicile du vendeur; qu'à la vérité, elle a pu l'être contre celui qui a figuré dans la vente pour le propriétaire ou prétendu propriétaire, et qui s'est fait fort pour lui; mais qu'alors même elle aurait dû être formée devant le tribunal du domicile de celui qui a vendu, comme se portant fort; ce qui n'a pas été fait, puisque ce dernier est domicilié dans l'arrondissement d'Issoire, et qu'au lieu d'avoir été assigné au tribunal ciyil de cet arrondissement, il l'a été au tribunal civil de l'arrondissement de Murat; que, si celui qui a vendu comme se portant fort, eût été domicilié dans l'arrondissement de Mural, le sieur de Bryon y ayant été appelé en cause avec son fondé de pouvoir, et ayant déclaré qu'il prenait son fait et cause, l'instance aurait été liée tant envers l'un qu'envers l'autre, et le tribunal de Murat serait devenu compétent pour statuer sur la demande envers toutes les parties; mais que le fondé de pouvoir ayant été assigné devant un tribunal autre que celui de son domicile, et le sieur de Bryon n'y ayant comparu et n'ayant été appelé en cause que pour décliner immédiatement la juridiction du tribunal, il l'a prétendu incompétent, soit pog statuer sur la demande directe formée contre son fondé de pouvoir, soit sous le rapport de la demande en garantie formée contre lui-même, en sorte que le tribunal dont est appel a été absolument incompétent pour sta tuer sur la demande; Dit qu'il a été incompétemment el nullement juge par le jugement dont est appel, bien appelé; déclare ledit jugement nul et de nul effet; sauf à la partie de Godemel (les créanciers Bertrand) à se ponvoir, ainsi qu'elle avisera, par-devant un tribunal compétent,

Du 30 déc, 1825.-C, de Riom, 1 ch.- MM. Grenier, pr.- Bergier et Godemel, ay.

qu'un débiteur soit tenu de désigner un immeuble sur lequel un créancier puisse prendre inscription, en vertu d'une stipulation d'hypothèque sans désignation spéciale d'immeuble. Il est évident, en effet, qu'en pareil cas l'action, quoiqu'elle tende à l'accomplissement d'une formalité nécessaire pour la conservation d'un droit réel, n'a pourtant pour objet que l'exécution d'une obligation personnelle; car à quel tribunal autre que celui du domicile du débiteur le créancier pourra-t-il s'adresser dans l'ignorance où il est de l'immeuble que le débiteur entend soumettre à l'hypo- | thèque par suite du choix qu'il s'est réservé?

90. Que faut-il penser de l'action intentée par un créancier hypothécaire, tant contre l'acquéreur que contre le vendeur des immeubles hypothéqués, tendante à se faire attribuer, sur le prix de vente, une somme suffisante pour éteindre sa créance? Dans notre ancien droit, qui autorisait l'action en déclaration d'hypothèques, une semblable action aurait pu être considérée comme réelle; mais dans notre législation actuelle, qui n'admet plus cette sorte d'action, la demande dont on vient de parler n'est qu'une action purement personnelle, puisqu'elle tend uniquement à l'exécution de l'obligation dont l'acquéreur est personnellement tenu

(1) Espèce:(Foucault C. Louvel de Janville.)-Le 14 févr. 1789, contrat de mariage des époux Louvel de Janville. « La future Y fait don mobile à son époux du tiers de ses immeubles.... Dans le cas, cependant, du prédécès de celui-ci, la future se réserve la reversion du don mobile, parce qu'après son décès ses héritiers payeront à ceux du futur époux 80,000 francs. >>

En 1803, s'est marié Camille Louvel de Janville, frère puîné du précédent. Les époux de Janville interviennent dans le contrat le mari donne à son puiné la terre d'Eterville pour ce qui lui en appartient, et la dame Janville déclare se réunir à son mari comme donatrice pour la propriété qu'elle peut avoir d'aucun des effets.

En 1808, décès de Louvel de Janville: il avait fait, dès 1805, un testament dans lequel, après avoir donné à ses frère et sœurs tout ce qu'il tenait de ses père et mère, il léguait à sa veuve tout ce qu'il laissait en mobilier. - La veuve a recueilli l'effet de ces dispositions, et par le prédécès de son mari a eu lieu le retour du don mobile, porté par le contrat de 1789, et en même temps, au profit des héritiers, le droit aux 80,000 fr. portés par le même contrat.-Cette veuve est décédée le 4 janvier 1810, laissant Moyria pour son légataire universel.- Le 12 mars suivant, fut passé, entre Moyria et les sieurs Foucault et la dame Terrier, neveux et nièce de la défunte, un acte sous-seing privé, qualifié transaction, et dans lequel, après diverses concessions, faites par Moyria, aux neveux et nièce de sa bienfaitrice, il est convenu que, si la prétention relative aux 80,000 fr., portés par le contrat de 1789, est élevée par les héritiers de Janville, les sieurs Foucault seront tenus d'y défendre avec leur sœur, ainsi qu'à toutes autres demandes qu'ils pourraient former; et que, si le payement en est ordonné, Moyria pourra vendre des biens dont il n'a conservé que l'usufruit, jusqu'à concurrence de cette somme.

31 déc. 1818, les héritiers Janville ont demandé, contre Moyria, en qualité de légataire universel, devant le tribunal de la Seine, le payement des 80,000 fr. mentionnés au contrat de 1789, demande motivée sur ce que ces 80,000 fr. étaient le prix du retour du don mobile réservé pour les héritiers de Janville. Moyria, en même temps qu'il prétend que la dame de Janville n'a pas repris le don mobile qu'elle avait fait, que d'ailleurs il a été dérogé à cet égard au contrat de 1789, par des actes postérieurs, a néanmoins dénoncé par exploit des 28 et 29 janvier 1819, aux sieurs Foucault, les demandes des héritiers de Janville, avec assignation devant le tribunal de la Seine, pour voir dire que, conformément à la transaction du 12 mars 1810, ils seraient tenus d'intervenir dans la contestation pour y défendre avec Moyria, sinon se voir condamner à le garantir de toutes condamnations. De leur côté, les sieurs Foucaul lont traduit Camille de Janville au tribunal de Caen, tant pour entendre prononcer la nullité de tous titres en vertu desquels il pourrait se prétendre propriétaire de la terre d'Éterville, que pour se voir débouter, ainsi que sa sœur, de leur demande en condamnation de 80,000 fr. pour laquelle un recours est exercé contre eux par Moyria. - Janville a constitué avoué près le tribunal de Caen, mais n'a pas défendu au fond.

En cet état, les sieurs Foucault et leur sœur se sont pourvus en règlement de juges leurs conclusions tendaient au renvoi au tribunal de Caen des demandes formées au tribunal de la Seine, et des contestations en dépendantes, pour y être procédé sur le tout suivant les derniers erre

ments.

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- Arrêt. LA COUR;

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Considérant

- Vu les art. 59, 171 et 363 c. proc.; que la compétence des tribunaux se règle d'après la nature des actions qui leur sont soumises; Que celle que le sieur Louvel de Janville et la demoiselle sa sœur ont formée contre le sieur de Moyria, par l'exploit du 31 décembre dernier, à fin de payement des 80,000 fr. portés par .e contrat de mariage de 1789, si elle n'est pas purement personnelle, est au moins une action mixte qui, aux termes de l'art. 59 c. proc., pouvait être

de payer son prix soit au vendeur, soit à ses créanciers. C'est ainsi, au surplus, que l'a jugé un arrêt du 9 mai 1836 (Rej., aff. Grosrenaud, vo Hypothèque).

91. Il ne peut s'élever de doute sur le caractère évidemment personnel d'une demande formée par les héritiers d'un donataire d'immeubles, contre les héritiers du donateur, en payement d'une somme stipulée payable dans l'hypothèse, actuellement réalisée, de l'exercice du droit de retour réservé par le donateur. Cependant la cour de cassation semblerait, dans les motifs d'un arrêt qu'on va lire, laisser quelque incertitude sur le caractère d'une semblable action; car elle dit que si cette action n'était pas purement personnelle, elle serait mixte. Mais le motif subsidiaire qu'elle a donné pour justifier sa décision dans tous les cas, n'empêche pas que, dans la pensée de la cour, l'action n'ait le caractère évidemment personnel que nous n'hésitons pas à lui assigner (Req., 4 janv. 1820) (1).

92. La demande en payement, soit en nature, soit en argent, d'arrérages échus d'une rente foncière, dont le titre n'est pas contesté par le défendeur, tiers détenteur de l'héritage affecté à la rente, est aussi une action personnelle (Cass., 13 oct. 1813) (2);

portée devant le tribunal civil du département de la Seine, dans le ressort duquel il n'est pas contesté que le sieur de Moyria a son domicile; — Que le sieur de Moyria a reconnu lui-même la compétence de ce tribunal, lequel, ayant été légalement saisi de la demande originaire formée contro lui par le sieur Louvel de Janville et la demoiselle sa sœur, l'a été légalement aussi de celle en assistance de cause et garantie formée par le sieur de Moyria, contre les frères de Foucault et la demoiselle leur sœur, par les exploits des 28 et 29 janvier; —Que celles formées par les frères Foucault et la demoiselle leur sœur, devant le tribunal de Caen, quoiqu'elles ne soient pas dirigées contre toutes les parties appelées devant le tribunal séant à Paris, sont si évidemment connexes, qu'ils demandent, devant ce tribunal, que le sieur Louvel de Janville et la demoiselle sa sœur soient déboutés de la demande relative aux 80,000 fr., pour raison de laquelle le sieur de Moyria les a appelés en assistance de cause et garantie devant le tribunal du département de la Seine; - Qu'elles tendent, en outre, à la nullité des actes en vertu desquels le sieur Louvel de Janville possède la terre d'Éterville, ce qui comprend les donations portécs par le contrat de mariage de 1789, et par ceux du sieur Louvel de Janville, puiné; en sorte que les deux tribunaux auraient à prononcer sur les mêmes questions, le payement des 80,000 fr. pouvant dépendre de la validité ou de l'effet de ces mêmes actes; que le sieur Louvel de Janville n'a pas défendu au fond devant le tribunal de Caen; qu'il a seulement constitué avoué pour éviter une condamnation par defaut, et qu'il a d'autant moins dû être considéré comme ayant reconnu la compétence de ce tribunal, que sa sœur et lui avaient saisi le tribunal du département de la Seine, par la demande antérieurement formée par eux contre le sieur de Moyria; Qu'il ne l'aurait même pas pu au préjudice, soit de sa sœur, soit du sieur de Moyria, à l'égard desquels la compétence de ce dernier tribunal était invariablement fixée; - Statuant par voie de règlement de juges, ordonne que les parties procéderont, devant le tribunal du département de la Seine, sur les demandes respectivement formées par elles, tant devant ce tribunal que devant celui de Caen, circonstances et dépendances.

Du 4 janvier 1820.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr. d'âge.-Dunoyer, rap.

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(2) Espèce (Vandyck C. Rottering, etc.)- En 1812, la veuve Vandyck assigne divers individus en payement des arrérages échus de certaines redevances, consistant en seigle et en argent. Les défendeurs ont reconnu l'existence de la dette, et se sont bornés à demander un sursis. Les conclusions de la veuve Vandyck lui ont été adjugées. Sur l'appel, jugement infirmatif fondé sur ce que l'objet de la contestation est un droit réel, et qu'ainsi la justice de paix n'est pas compétente.

Pourvoi pour violation de l'art. 9, titre 5, de la loi du 24 août 1790, et fausse application de l'art. 4, titre 4, de la même loi. Les arrérages échus d'une rente foncière, a-t-on dit ne sont pas dus seulement par l'héritage; ils sont devenus la propre dette de celui qui l'a possédé avec connaissance de la rente. Il s'est formé par ce fait, entre le créancier et lui, un quasi-contrat qui l'oblige au payement des arrérages échus pendant sa jouissance, parce qu'ils sont une charge des fruits, et qu'il ne peut profiter des fruits, sans en supporter les charges, suivant la maxime: tributa sunt onera fructuum et fructus ipso jure minuunt. De là résulte une action qui s'attache à la personne du détenteur, et dont ses héritiers sont tenus comme lui. Il peut bien, en cessant de posséder l'héritage, se décharger de la rente pour l'avenir, mais non pas se soustraire au payement des arrérages échus; et les condamnations prononcées à cet égard contre lui, ont le même effet que toutes autres condamnations personnelles. Celle doctrine est conforme à l'opinion de Loyseau. « Nous avons, dit-il, en France, trois diverses actions pour une même rente foncière; à savoir :

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