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-SECT. 4, ART. 2. nant, pendant 30 ans, de reconstruire le mur où les vues étaient pratiquées, il laisserait éteindre par la prescription le droit de faire revivre plus tard son droit de servitude. On en doit dire autant, par identité de motifs, de celui qui ayant acquis le droit d'ouvrir des jours sur son voisin, aurait laissé passer une année, à partir de l'acte d'acquisition, sans ouvrir les jours dont il s'agit : i pourrait être assigné en complainte lorsque, plus tard, il youdrait exercer le droit que son titre lui confère.

275. Par la même raison, si la servitude n'avait pas de terme fixe d'exercice, comme dans le cas où le propriétaire d'une usine aurait le droit de passer sur l'héritage voisin, toutes les fois qu'il y aurait nécessité de réparer cette usine, le maître de la servitude en conserverait la possession, nonobstant le non-usage pendant un nombre d'années plus ou moins considérable, et serait fondé conséquemment, en cas de contradiction, à s'y faire maintenir par l'action possessoire; à moins qu'on ne prouvât qu'ayant eu besoin de réparer son usine, il a souffert que la servitude luf fût déniée, ou l'a spontanément exercée sur d'autres fonds (V. e ce sens M. Bélime, nos 164 et suiv.).

276. La cour de cassation a jugé en ce sens que le maître d'une servitude discontinue, de nature à' n'être exercée qu'à de

274. La possession des servitudes discontinues se perd à compter du jour où l'on a cessé d'en jouir (c. civ. 707), sans qu'il soit besoin d'aucune contradiction. Cette règle est d'une juste et facile application dans le cas ordinaire où il s'agit d'une servitude pouvant s'exercer quovis momento. Mais lorsqu'il est question d'une servitude dont on ne peut user qu'à de longs inter-longs intervalles, telle que la servitude du tour d'échelle, peut valles, comme, par exemple, du droit stipulé en faveur du propriétaire d'une forêt de passer avec voitures sur le fonds d'autrui à l'époque des coupes, c'est-à-dire tous les 20 ou 25 ans, il est évident que le délai annal pendant lequel le défaut d'exercice de la servitude en fait perdre la possession, doit courir à compter, non pas du dernier acte de jouissance, mais du jour où un nouvel acte de jouissance pouvait être fait et ne l'a pas été; car jusquelà on ne saurait raisonnablement, ni supposer que le maître de la servitude y a renoncé, ni le punir pour n'avoir pas usé d'un droit dont l'exercice lui était interdit.

(1) Espèce:(Davy C. Angot.)-La maison de Davy, à Villedieu, est contigue à celle de la dame Angot. Il parait qu'elles avaient anciennement appartenu à un même propriétaire qui, par acte du 11 sept. 1750, vendit celle que possède aujourd'hui la dame Angot, en établissant à son profit la servitude suivante: «L'acquéreur, est-il dit dans l'acte, aura le » droit de faire couvrir ladite maison (vendue) par la cour du vendeur, » mais il ne pourra passer les échelles et matériaux que par la cour de » la rue Jacob qui conduit dans la grande cour du vendeur (représenté » par Davy). - La restriction donnée ainsi à l'exercice de la servitude s'explique par la circonstance qu'indépendamment de l'entrée par la rue Jacob, il existe à la maison de Davy une entrée donnant sur la rue grande du Marché. Au reste, une porte fut pratiquée du côté de la rue Jacob pour le passage des échelles et matériaux.

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Vers la fin de 1856, la dame Angot voulant faire des réparations à sa Coiture, chercha à pénétrer avec des échelles dans la cour de Davy, mais en passant par la rue grande du Marché, car, à cette époque, des constructions faites dans l'espace qui aboutissait à la rue Jacob rendaient impossible de ce côté l'exercice de la servitude de tour d'échelle. - Opposition par Davy. -12 janvier 1837, citation au possessoire devant le juge de paix.

La dame Angot invoquait son titre et sa possession, depuis plus d'un an et jour, de la servitude dont il s'agit; elle soutenait que depuis longtemps elle exerçait son droit, non plus en introduisant les échelles par la rue Jacob, mais bien par la rue grande du Marché; elle demandait à faire la preuve de ses allégations. - Davy opposait un acte de 1771 qui, selon lui, anéantissait la servitude de tour d'échelle; il déniait la possession annale; enfin il soutenait que tout changement au mode d'exercice de la servitude établi par le titre devait être proscrit.

Après avoir successivement ordonné la représentation des titres, une descente sur les lieux, et une enquête, le juge de paix, visant l'acte du 11 sept. 1750, a maintenu la dame Angot dans la possession de son droit. Toutefois son jugement constatait comme dernier acte de jouissance un fait qui s'était dejà passé depuis cinq ou six ans.

Sur l'appel, le tribunal d'Avranches a confirmé cette sentence par juge ment du 23 mai 1857, ainsi conçu: - « Attendu que le jugement dont est appel a statué sur la possession d'une servitude de tour d'échelle, établie par des titres formels et positifs;-Que cette servitude, par sa nature, est une servitude périodique, et que, comme telle, la prescription du droit de l'exercer n'a pu commencer à courir que du jour où, la nécessité et le besoin en réclamant l'exercice, il n'en aurait pas été usé;-Que, loin que cette circonstance soit constante dans la cause, il est au contraire prouvé que le droit de tour d'échelle a été exercé il y a 5 ou 6 ans; - Que si cet exercice constitue la possession du droit, cette possession est réputée de plein droit s'être perpétuée et maintenue jusqu'à l'époque où la veuve Angot a été empêchée d'en user par Davy, dès le moment qu'antérieurement il n'avait rien fait qui pût y mettre obstacle; —Que la possession plus qu'annale existant, et le trouble remontant à moins d'un an, il n'y a pas lieu, sous le premier rapport, d'infirmer le jugement; - Attendu que ee jugement ne peut pas davantage être infirmé sous le prétexte que c'était moins le tour d'échelle que le sieur Davy contestait, que le passage par la porte de la grande rue, parce que d'abord le tour d'échelle étant établi par un titre, et le propriétaire du fonds servant ayant la faculté de changer l'endroit du passage, et d'en donner un autre, ce changement est présumé avoir été opéré dans l'intérêt de ce propriétaire même, et que

être réputé en avoir la possession annale, bien qu'il n'en ait pas usé depuis plusieurs années, s'il n'a rien été fait, durant ce laps de temps, qui soit contraire à son droit (Req., 4 juill. 1838) (1). 277. La possession d'une servitude discontinue ne se perdrait pas par le non-usage qui aurait pour cause l'impossibilité résultant d'un événement de force majeure ainsi, celui qui, ayant un droit de passage sur le fonds voisin, voit ce fonds inondé par le changement de lit d'une rivière, peut, quelque temps qu'ait duré cette inondation, se faire maintenir, après qu'elle a cessé, dans la possession de son droit de passage, s'il vient à y être troublé.

cette présomption résulte des constructions faites dans l'emplacement de l'ancien passage et de l'usage du nouveau pour passer les échelles: parce que, en second lieu, le droit de tour d'échelle n'en a pas moins existé, nonobstant le changement du passage pour arriver à la cour; que le passage n'est que l'accessoire du tour d'échelle; que l'accessoire suit le sort du principal, et que le principal, sous ce second point de vue, n'étant pas contesté, il emporte avec lui la possession du passage par où le dernier état l'indique; d'autant plus qu'il est de principe qu'une servitude est réputée établie avec tout ce qui est nécessaire pour en user, et que le passage ne pouvant plus ètre exercé par la rue Jacob, la nécessité commandait de l'exercer par la grande rue. »

Pourvoi de Davy pour violation de l'art. 10, tit. 3 de la loi du 24 août 1790, des art. 3, 23 et 25 c. pr. et des art. 707, 1341 et 1353 c. civ. Ce moyen repose sur les trois propositions suivantes: 1o Le jugement attaqué a cumulé le pétitoire et le possessoire; car il ne s'est pas borné à consulter les titres de la défenderesse pour déterminer le caractère de la possession, mais il en apprécie le sens et les effets contre les prétentions du demandeur, qui opposait notamment d'autres titres détruisant, suivant lui, celui de la dame Angot. Or une pareille contestation portait sur le fond du droit, et rentrait dans le domaine du pétitoire. D'autant mieux que l'interprétation du tribunal a eu pour résultat de créer un mode d'exercice de la servitude dont il s'agit, autre que celui indiqué restrictivement par l'acte qui la constituait, ce que le juge du possessoire ne pou vait faire sans excès de pouvoir.

2o Le tribunal a méconnu les principes, en décidant que le droit de tour d'échelle a pu être exercé utilement, d'après un mode contraire à celui qu'autorisait le titre. En effet, le mode d'exercice de la servitude est distinct de la servitude: il peut se prescrire (art. 708 c. civ.); il constitue souvent une seconde servitude. C'est ce qui se rencontrait dans l'espèce il y avait d'abord servitude de tour d'échelle, ensuite servitude pour le passage des échelles et matériaux. Or, comme un lieu spécial était affecté par le titre à l'usage de cette dernière servitude, il est évident que, si le droit de tour d'échelle a été exercé par un autre lieu, pendant trente ans, l'affectation spéciale s'est évanouie, et, quant au nouveau passage, il n'a pu être l'objet d'une prescription, s'agissant d'une servitude discontinue et non apparente. On invoquait à cet égard Toullier, t. 5, p. 556, no 701; Pardessus, Servit., p. 454, 6° éd.

3o Dans tous les cas, la défenderesse éventuelle n'ayant pas une possession annale immédiatement antérieure au trouble, son action possessoire ne devait être accueillie ni relativement à la servitude, ni relativement au nouveau mode de l'exercer. — Arrêt.

LA COUR; Attendu que, pour reconnaître la réalité de la possession d'une servitude, le juge peut s'appuyer sur les titres qui lui sont représentés et les apprécier; que cette appréciation est souveraine quant à la possession;

Attendu que celui qui invoque la possession et veut la conserver, doit sans doute la prouver, mais n'est pas obligé de justifier d'actes faits dans l'année du trouble: il lui suffit d'établir qu'il a une possession d'un an au moins, paisible et non à titre précaire ;

Attendu que les juges de la cause ayant reconnu ce caractère à la possession de la dame Angot, n'ont pu violer l'art. 23 c. pr. civ.; — Rejette.

Du 4 juill. 1858.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Bayeux, rap.-Nicod, av. gén., c. conf.-Garnier, av.

Mais la possession ne se conserverait pas dans le cas où il n'y aurait point impossibilité absolue d'exercer la servitude; et, par exemple, dans le cas de démolition pour cause de vétusté, de la maison sur laquelle on a un jus tigni immittendi, puisque, dans ce cas, le maître de la servitude a le droit de faire tous les travaux nécessaires pour la conserver, aux termes de l'art. 697 c. civ.-On ne considérerait pas non plus comme des impossibilités les empêchements personnels au maître de la servitude, tels que ceux résultant d'une maladie, d'un emprisonnement, d'autant plus que la servitude pouvait être exercée par ses représentants (V. M. Bélime, nos 168 et suiv.).

278. Les servitudes discontinues se conservent, nonseulement lorsqu'elles sont exercées par le propriétaire ou en son nom, mais même lorsqu'elles le sont par un tiers détenteur qui possède en son nom propre; car il les exerce au nom du propriétaire du fonds.

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279. Quelle doit avoir été la durée de la possession pour autoriser la complainte? - Le droit romain n'exigeait, comme on l'a vu plus haut, no 9, qu'une courte possession, et parfois même se contentait d'une possession d'un jour au moment du trouble. La coutume de Paris et l'ordonnance de 1667 ne déterminaient pas la durée de la possession; elles se bornaient à prescrire au possesseur de se pourvoir dans l'année. Quelques auteurs induisirent de cette disposition que le demandeur devait avoir une possession annale (V. Grand coutumier, liv. 2, ch. 21 et 32; de Laurière et Brodeau, sur l'art. 96 de la cout, de Paris; Bourjon, Dr. commun de la France, t. 2, ch. de la Compl., sect. 1). D'autres jurisconsultes estimaient, au contraire, que Pordonnance accordant la complainte à tout possesseur public et actuel, pourvu qu'il agît dans l'année du trouble, il en résultait que la possession annale n'était pas nécessaire pour intenter cette action contre un tiers qui n'avait pas la possession de la chose, et que la possession non annale n'était insuffisante que contre le possesseur d'an et jour, qui venait troubler le possesseur du moment (Boucheul, Cout. de Poitou, art. 399, no 19; PoullainDuparc, t. 10, p. 704; Merlin, Q. D., v° Complainte). Le code de procédure, art. 23, semble condamner formellement cette dernière opinion; il n'accorde l'action possessoire qu'à celui qui est en possession depuis une année au moins. Néanmoins, quelque positive que soit cette disposition, Carré, dans son Droit français appliqué aux justices de paix, Pigeau, dans son Commentaire posthume, et M. Bélime, no 345, ont voulu l'éluder. « Il faut, dit Carré, entendre ces mots de l'art. 23 c. pr., depuis une année au moins, dans ce sens que le possesseur qui n'a pas encore une année de possession ne peut intenter la complainte s'il est troublé par celui qui possède encore civilement depuis un an au moins, mais qu'il le pourra contre tout autre, s'il agit dans l'année du trouble. >>

On ne saurait nier que cette distinction ne soit très-raisonnable et parfaitement conforme à l'ancienne maxime qualiscumque possessor, hoc ipso quod possessor est, plus juris habet quàm ille qui non possidet (L. 2, D., Uti possid.); on peut regretter, dès lors, que le législateur ne l'ait pas consacrée; mais elle heurte si directement le texte de la loi, que nous inclinons à la repousser, à l'exemple de MM. Poncet, Aulanier, Carou et Garnier, tout en Smettant le vœu que l'art. 23 soit réformé dans le sens de cette distinction.

Au surplus, comme on l'a vu plus haut, la condition d'une possession annale n'est point exigée par la jurisprudence pour l'exercice de la réintégrande.

280. Autrefois la possession devait être d'un an et un jour, probablement pour écarter toute difficulté sur le mode de supputer l'année; il suffit aujourd'hui qu'elle ait duré pendant toute l'année antérieure au trouble. C'est ce qu'a implicitemeut jugé le tribunal du Havre, dans l'affaire Boucherot ci-dessus rapportée, 192. Telle est aussi l'opinion de Toullier, t. 9, no 127. 281. Il a été décidé par le même jugement du tribunal du Havre, que la possession à partir d'une époque annuelle et solennelle jusqu'au retour de la même époque plus un jour, suffit pour autoriser la complainte, encore bien qu'entre ces deux époques ou périodes, il se soit écoulé moins d'une année.-Mais, à notre

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avis, cette décision ne saurait être suivie. La loi exige une année de possession, une année au moins. Cette disposition est précise et doit être rigoureusement appliquée. Autant vaudrait autoriser les tribunaux à créer la loi, que de leur permettre de l'interpréter avec une latitude telle qu'ils puissent substituer un délai à un autre, et prétendre que onze mois peuvent équivaloir à une année dans l'esprit du législateur. J'ai fait sur un terrain les actes les plus continus et les plus caractéristiques d'une possession animo domini, pendant douze mois, moins un jour, moins quelques heures, et si l'ancien possesseur annal vient m'enlever ma possession avant l'expiration du douzième mois, on me refuse, et avec raison, contre lui, l'action possessoire, sur le motif que je n'ai pas une possession annale; et on m'accorderait au contraire cette même action dans un cas infiniment moins favorable, dans un cas où ma possession, caractérisée par les mêmes actes, n'aurait duré que onze mois et peut-être moins! Fourquoi cette interprétation si stricte de la loi dans le premier cas, si peu rigoureuse dans le second? Qu'est ce qui rend ma possession si favorable dans la deuxième hypothèse? Par sa nature cette possession est la même que dans le premier cas; par sa durée, elle est moindre; pourquoi donc lui attribuer plus d'avantages, lui faire produire plus d'effets? —Mais, d'ailleurs, faut-il ne considérer que l'intérêt du possesseur actuel, défendeur à l'action en complainte, et ne pas avoir égard à la possession immémoriale peut-être du possesseur précédent, par qui l'action est intentée? Quand la loi veut que la trace de sa possession ne soit effacée qu'après une année au moins, est-il permis de hâter sa ruine en abrégeant ce délai? est-il permis de le punir, avant l'expiration du terme fixé par la loi, d'une inaction qui peut-être n'est point l'effet de la négligence, mais de circonstances imprévues, d'une absence forcée?

282. Il est néanmoins des cas où une possession de moins d'un an peut être réputée annale. Cela a lieu quand une chose accessoire vient s'unir à la chose principale qu'on possède depuis une année au moins; et, par exemple, en cas d'agrandissement d'un immeuble par suite d'alluvions.

283. De même, le riverain d'une rivière non navigable, ni flottable, du côté duquel il s'est formé une île, est recevable à se pourvoir en complainte, en cas de trouble dans la possession de cette ile, alors même que celle-ci est née depuis moins d'un an.

284. Mais il en serait autrement dans le cas où une rivière aurait enlevé par une force subite une partie reconnaissable d'un champ riverain, et l'aurait portée vers un champ inférieur : ce n'est pas par accession, mais seulement par la prise de possession, que le propriétaire de ce dernier champ acquiert alors la partie enlevée à l'héritage supérieur (c. civ. 559); ce n'est donc qu'après une possession annale qu'il pourrait former complainte à raison de cette partie. (V. en ce sens, M. Bélime, no 350) 285. L'année de possession requise comme condition de l'exercice de l'action possessoire doit être antérieure au trouble et non pas seulement à l'action qui en est résultée; elle doit même être antérieure au jour où le trouble a commencé, s'il a consisté en plusieurs actes successifs qui ont duré plus d'un jour. La loi exige une possession tout à la fois annale et paisible; or la possession qui n'était pas encore annale quand le trouble a commencé, a cessé d'être paisible dès cette époque (Cass., 20 jany. 1824, aff. Gaide-Roger, V. n° 87).

286. Le premier jour du terme, celui à quo, ne compte pas, quand même on pourrait constater l'heure où la possession a commencé; l'année ne serait pas expirée à l'heure et au jour correspondants. Par exemple, si la prise de possession a eu lieu le 51 oct. 1845, la possession annale ne sera acquise qu'après l'expiration du 31 octobre 1846.

287. Il a été jugé qu'on est censé reconnaître que l'on n'a pas la possession annale lorsque, troublé dans sa jouissance, on se pourvoit au pétitoire au lieu d'agir au possessoire (Limoges, 19 janv. 1831, com. de Peyreladas, V. Prescrip.); mais cette décision n'est pas à l'abri de toute objection, comme on le verra plus bas.

288. Celui qui prouve avoir anciennement possédé, doit-il être présumé posséder encore? Cette question est controversée. Elle nous semble devoir être résolue affirmativement. Nous no déduisons pas toutefois cette solution de l'art. 2234 c. civ., portant que « le possesseur actuel, qui prouve avoir possédé an

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tion qu'elle résout ne semble pas devoir se présenter souvent
dans la pratique, puisque, s'agissant d'une servitude fondée en
titre, le propriétaire du fonds servant ne lutterait au possessoire
qu'avec la certitude de succomber plus tard dans l'instance pétitoire.
292. La possession est un fait que décide souverainement
le juge du fond (Req., 20 avril 1808, aff. Binet, V. no 675).
Le jugement rendu au possessoire par un juge de paix étran-
ger, quoique non exécutoire en France, suffit pour rendre certain
le fait de la possession en faveur de celui qui a obtenu ce juge-
ment. - Spécialement, l'adjudicataire d'une forêt ne peut s'ap-
puyer sur sa possession, pour prétendre un droit exclusif sur
les haies et arbres servant de limite entre sa forêt et celle d'un
propriétaire contigu, lorsque celui-ci a été déclaré possesseur
par jugement rendu par un juge de paix étranger entre lui et le ré-
clamant (Req., 21 fév. 1826, aff. de Grelle, V. Vente administ.).
SECT. 5. DES CHOSES QUI PEUVENT ÊTRE L'OBJET DES AC-
TIONS POSSessoires.

ciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermé- | logique de ce qui a été dit plus haut, no 289. Du reste, la quesdiaire, sauf la preuve contraire »; car, d'une part, cet article suppose que la possession actuelle est prouvée, ainsi que la possession ancienne; il prévoit donc un cas différent de celui qui nous occupe, et le résout en consacrant la maxime probatis extremis præsumuntur media. D'un autre côté, il semble résulter, comme le fait très-bien remarquer M. Bélime, no 424, et comme on le verra vo Prescription, des circonstances dans lesquelles cet article a été rédigé, que par ces mots, le possesseur actuel, il a entendu désigner celui qui est reconnu avoir la possession annale actuelle; de sorte qu'il ne paraît pas pouvoir être invoqué dans les instances possessoires, puisqu'il prend pour base de la présomption qu'il établit le fait même qui, dans les instances de cette nature, est l'objet de la contestation. Ce qui nous fait admettre que la possession ancienne fait présumer la possession présente, c'est que cette décision découle nécessairement du principe incontesté que la possession se conserve animo solo; il est évident, en effet, d'après ce principe, combiné avec la règle suivant laquelle on ne peut être légèrement réputé abandonner ses droits, que si je prouve avoir fait, il y a peu d'années, des actes de possession, et si aucun indice grave ne vient démontrer que depuis j'aie tacitement abdiqué cette possession, je dois être considéré comme l'ayant intentionnellement conservée; il serait tout à fait injuste, d'ailleurs, qu'une longue possession effective, suivie d'une possession animo solo de plus d'une année, ne fût pas un titre suffisant pour me faire maintenir en jouissance contre un adversaire qui ne justifie point m'avoir dépossédé. — Cette doctrine, soutenue aussi par M. Garnier, p. 135, était, au surplus, généralement admise, comme l'atteste Dunod (Prescript., p. 18), par les anciens auteurs, qui la formulaient en ces termes : Olim possessor, hodie possessor præsumitur; et c'est à tort, à notre avis, qu'elle a été contredite par MM. Vazeille et Troplong (Prescript., nos 632 et suiv.).

289. Mais il devrait y être fait exception, suivant la juste observation de M. Bélime, no 426, dans le cas où il s'agirait de servitudes discontinues, puisque la possession de ces sortes de droits ne se conserve pas animo solo au delà d'une année, et se perd par le non-usage., C'est donc au maître de la servitude à prouver qu'il l'a exercée dans la dernière année, et non au propriétaire du fonds assujetti à fournir la preuve du fait négatif contraire. Du reste, ce que cette solution pourrait avoir de trop rigoureux, dans certains cas, se trouve atténué par cette considération que le complaignant ne devrait pas être nécessairement condamné, par cela seul qu'il serait dans l'impossibilité d'établir par témoins qu'il a joui de la servitude dans la dernière année; il lui resterait la ressource de suppléer à l'absence de preuve orale par les présomptions résultant des circonstances de la cause, présomptions qui pourraient suffire, si elles étaient graves et précises, pour lui faire obtenir gain de cause.

290. La possession actuelle fait-elle présumer la possession annale? Non, celui qui justifie de sa possession ancienne est réputé l'avoir conservée jusqu'au moment où se sont opérés les premiers actes de jouissance dont son adversaire peut administrer la preuve; de sorte que celui-ci doit succomber s'il ne justifie que d'une détention actuelle. Peu importerait même que ce dernier fùt défendeur dans l'instance: dès que le demandeur a prouvé sa précédente possession, celle-ci s'étant continuée d'ellemême jusqu'à ce qu'elle ait été interrompue par le fait d'un tiers, L'est au défendeur à établir qu'il a opéré cette interruption deDuis une année au moins. Que si cependant, il produisait un Ltre de propriété, il faut reconnaître qu'il s'élèverait alors en sa faveur une forte présomption que sa possession remonte à la date de ce titre (V. en ce sens, M. Bélime, no 427).

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291. Quant à celui qui établirait à la fois sa possession ancienne et sa possession actuelle, même sans titre, il est évident, d'après ce qui précède, qu'il serait réputé avoir la possession annale. Néanmoins, M. Bélime estime qu'il faudrait excepter de cette règle le cas où il s'agirait de servitudes discontinues; et qu'ainsi, par exemple, celui qui, ayant droit à un passage en vertu d'un titre, prouverait avoir passé il y a dix ans, et encore dans les temps qui ont précédé immédiatement la complainte, ne Justifierait pas suffisamment par là qu'il est possesseur annal. Cette décision semble rigoureuse, mais elle est la conséquence

293. L'ordonnance de 1667 autorisait la complainte pour trouble en la possession et jouissance 1o d'un héritage, 2o ou d'un droit réel, 3° ou d'une universalité de meubles. Nos lois nouvelles n'ont point reproduit cette disposition; elles ont omis de déterminer les espèces de biens dont la possession peut être l'objet d'une action possessoire; mais il a été suppléé, comme on va le voir, à leur silence sur ce point, par la jurispru dence et la doctrine des auteurs.

ART. 1. - Des actions possessoires en matière d'immeubles corporels.

294. Il y a lieu à l'action possessoire pour trouble apporté à la possession des biens immeubles par leur nature et leurs dépen dances (V. Henrion, ch. 42).

295. En général, cette action ne peut résulter que d'une possession capable d'opérer la prescription. Ainsi, le trouble à la possession d'un bien imprescriptible, ne peut donner ouverture à la complainte (Req., 6 juill. 1825, aff. Lalouel, V. no 575; Cass., 7 juin 1820, aff. synd. de Salies, V. no 204; Cass., 25 juill. 1837, ville de Grasse, V. no 318; Cass.,, 10 janv. 1844, com. de Perrigny, V. no 332). — Néanmoins ce principe n'est point unanimement considéré comme absolu; nous indiquerons plus bas la limitation dont il nous paraît susceptible.

296. La question de savoir quelles choses sont, ou non, prescriptibles, sera plus particulièrement examinée au mot Prescription; mais la connexion intime qui existe entre cette question et celle de savoir quelles choses peuvent être la matière de l'action possessoire, nous obligera à rappeler ici succinctement quelques-unes des règles dont l'article Prescription présentera plus tard le complet développement. Nous allons considérer successivement, dans leur rapport avec les actions possessoires, 1° les biens composant le domaine public, c'est-à-dire les biens qui servent à l'usage commun, comme les fleuves, les chemins; 2o les biens du domaine de l'État (lequel est, comme on sait, distinct du domaine public, et comprend les diverses choses que l'État possède à peu près comme les particuliers), les biens des départements et des communes; -3° et enfin ceux des particuliers qui sont frappés d'imprescriptibilité.

§ 1.-Des biens du domaine public.

297. Ces biens, comme on vient de le dire, sont ceux qui sont consacrés à un service public perpétuel les uns sont hors du commerce par leur nature, par exemple, les fleuves, et ne peuvent en conséquence jamais donner lieu à l'action possessoire ; les autres ne sont hors du commerce que parce qu'ils sont actuellement consacrés à des usages publics, et perdent, dès lors, leur imprescriptibilité quand ils sont détournés de cette destination par l'autorité compétente; telles sont, par exemple, les routes et les rues.

298. Les rivières navigables ou flottables font partie du domaine public (c. civ. 538). Une rivière n'est-elle réputée navigable que lorsqu'elle a été déclarée telle par l'autorité administrative, de sorte que, jusque-là, quoique navigable de fait, elle reste dans la classe des cours d'eau ordinaires? Sans nous prononcer ici sur une question qui doit être traitée ailleurs

(V. Eau), nous dirons que l'affirmative, enseignée par MM. Pardessus, Servitude, n° 77, et Carou, no 112, a été consacrée par un arrêt du cons. d'État du 6 déc. 1820 (arrêt cité par M. Lepec, dans son Bulletin des lois, sur l'art. 2 de la loi des 22 nov.-1er déc. 1790). L'opinion contraire est néanmoins soutenue par M. Garnier, Régime des eaux, p. 190.

299. L'administration qui déclare une rivière navigable peut faire détruire sans indemnité les travaux antérieurement faits sur cette rivière par des particuliers: la jouissance que ceux-ci ont eue des eaux était précaire, conditionnelle, insusceptible de fonder aucun droit contre l'État (Ord. du cons. d'État, 22 oct. 1830 et 20 juill. 1832, aff. Ricord; Conf. Garnier, t. 1, p. 191; Proudhon, t. 5, p. 15).- Il en serait ainsi, alors même que la rivière déclarée navigable ou flottable ne serait devenue telle que par des travaux de main d'homme (Ord. du cons. d'État, 23 avril 1823. Conf. Garnier, p. 5; Augier, Encyclop. des juges de paix, vo Eaux, n° 2; Carou, no 113). — V. Eaux.

300. Les rivières déclarées navigables ne sont réputées telles et n'entrent dans le domaine public qu'à partir de l'endroit qui a été fixé par l'administration; la partie supérieure conserve sa nature de cours d'eau ordinaire (Ord. du cons. d'État, 30 avril 1828. Conf. Aulanier, Act. poss., no 141).

301. L'entreprise sur les eaux d'une rivière navigable peutelle donner lieu à l'action possessoire? La négative semble résulter de ce que ces eaux ne sont pas susceptibles d'une propriété privée, ni par conséquent de s'acquérir par la possession (c. civ. 538, 644). — La loi du 25 mai 1858, sur les justices de paix, n'a d'ailleurs rien changé à ces principes, car, en accordant l'action possessoire pour les entreprises commises dans l'année sur les cours d'eau servant à l'irrigation des propriétés et au roulement des usines et moulins, elle n'a certainement entendu parler que des cours d'eau proprement dits, c'est-à-dire non navigables. Cependant la doctrine des auteurs tend à faire fléchir en ce point la rigueur de la loi. Tout en reconnaissant le droit de l'administration de réprimer les entreprises sur les rivières qui nuisent à l'intérêt général, droit que ne peut altérer aucune possession contraire, on admet généralement que, lorsque l'administration se tait, l'usage que l'un des riverains fait des eaux de la rivière est présumé légitime, et que, pour faire respecter sa possession en cas de trouble de la part d'un autre riverain, il a le droit de recourir à l'action possessoire (V. M. Carou, noo 119 et suiv.). M. Garnier décide aussi, p. 245, que le trouble dans la possession des eaux navigables ou de leurs accessoires, qui ne donne pas ouverture à la complainte entre l'État et les particuliers, rend au contraire cette action généralement recevable entre ces derniers.

enseignée par M. Carou, eod. Mais cette solution est contredite par la jurisprudence du conseil d'État, qui attribue exclusivement aux conseils de préfecture la répression des travaux pratiqués sur les rives des cours d'eau navigables, travaux qui intéressent toujours plus ou moins le régime des eaux (V. Ord. c. d'État, 20 juin 1821, aff. Lescaille; 22 janv. 1824, aff. Hache; 19 oct. 1825, aff. Château-Renard; 15 sept. 1831, aff. Bertrand, etc. V. Eau). 303. Ce qui vient d'être dit relativement aux rivières navigables s'applique également, soit à celles qui sont simplement flottables, soit aux canaux de navigation intérieure (c. civ. 538; L. 29 flor. an 10, art. 1), même à ceux exécutés par des entrepreneurs, en vertu de concession du gouvernement, ou concédés après leur confection, les concessions, dans ce cas, n'ayant pour objet, comme le dit Proudhon, que la possession et la jouissance de l'octroi de navigation, sans aliénation du canal lui-même. 304. Quant aux canaux de desséchement, l'application des règles ci-dessus doit être restreinte à ceux qui sont en même temps canaux de desséchement et de navigation; l'administration a droit de veiller à ce qu'il n'y soit fait aucune prise d'eau sans son autorisation. Les canaux de desséchement qui ne servent point à la navigation restent propriétés privées, soumises aux règles du droit commun (L. 16-26 sep. 1807, art. 26, 27; arrêté du 19 vent. an 6, art. 11). — V. Carou, no 133.

305. C'est une question très-controversée que celle de savoir si les rivières non navigables ni flottables sont des propriétés publiques. Les uns soutiennent l'affirmative, en se fondant principalement sur l'art. 663 c. civ., qui, dans le cas où la rivière vient à changer de lit, attribue, à titre d'indemnité, l'ancien lit aux propriétaires des fonds nouvellement envahis, ce que la loi n'aurait pu faire si cet ancien lit eût appartenu aux riverains (V. en ce sens, Merlin, Rép., vo Rivière; Foucart, Droit admin., t. 2; Proudhon, t. 3, p. 330; Bélime, no 244 bis). D'autres, au contraire, décident que le lit des cours d'eau non navigables et flottables, et, par suite, les cours d'eau eux-mêmes, appartiennent aux riverains (V. Toullier, t. 3, no 144; Pardessus, Tr. des serv., no 107; Daviel, Tr. des cours d'eau, t. 2, no 165 et suiv.; Garnier, Régime des eaux, t. 2, p. 85). — Sans discuter ici une question dont l'examen approfondi sera mieux placé au mot Eau, nous nous bornerons à faire observer que dans le cas où le premier système, vers lequel nous inclinons, viendrait à prévaloir, il en résulterait que l'action possessoire ne serait pas ouverte aux riverains contre les entreprises des tiers qui extrairaient du sable de la rivière ou qui y couperaient des herbes, à moins que les travaux nécessités pour ces opérations n'occasionnassent quelque préjudice aux fonds riverains.

306. Il y a aussi controverse sur le point de savoir si les simples ruisseaux appartiennent ou non à l'Etat. La première opinion est soutenue par M. Carou, la seconde par la majorité des auteurs, notamment par MM. Proudhon, Bélime et Foucart, qui, tout en comprenant les petites rivières dans le domaine public, en excluent néanmoins les simples ruisseaux. « On conçoit, en effet, dit très-bien M. Foucart, qu'à l'égard des rivières, le cours d'eau soit considéré comme la chose principale, tandis que, pour les ruisseaux, il reste l'accessoire du terrain sur lequel il coule. » D'après cette opinion, il faudrait considérer les ruisseaux comme soumis aux actions possessoires, dans les termes du droit commun.

Nous estimons pareillement que les prises d'eau faites sur une rivière navigable, même sans concession expresse de l'administration, peuvent procurer l'action possessoire contre les tiers. A l'objection, d'ailleurs très-grave, tirée de ce que la possession du complaignant, dans le cas dont il s'agit, doit être réputée délictueuse, et partant inefficace, ainsi que le serait sans contredit celle d'un meunier qui aurait élevé son barrage sans autorisation, on peut répondre, avec M. Bélime, no 245, qu'ici la loi n'a pas indiqué de forme à suivre pour obtenir l'autorisation du préfet, comme elle a eu soin de le faire en ce qui concerne les usines, et que dès lors cette autorisation peut être présumée tant que l'administration ne réclame pas. Une ordonnance du conseil d'État, du 28 mars 1858 (aff. Guyot, V. Eau), paraît avoir statué en ce sens. Dans un rapport fait à la chambre des députés le 12 juin 1842 sur le projet de loi relatif au retrait des concessions des canaux, chemins de fer et autres voies de communication,tés, du droit de pêche, etc. Et à supposer qu'il y ait lieu de distinnous croyons avoir établi que l'État peut concéder certains droits réels sur des dépendances du domaine public, malgré le principe de l'inaliénabilité de ce domaine, ce qui justifie du plus en plus notre opinion sur la recevabilité de l'action possessoire.

302. Si la contestation entre deux riverains avait pour objet, non pas, comme dans l'espèce précédente, le droit respectivement réclamé de se servir des eaux d'une rivière navigable, mais la réparation du préjudice que l'une des parties prétendrait résulter pour elle des travaux ou plantations faits par l'autre partie et dont résulte un reflux nuisible des eaux, cette réparation pourrait-elle être poursuivie par l'action possessoire? L'affirmative est

307. En considérant l'État comme propriétaire des cours d'eau non navigables, il faut du moins reconnaître que la loi laisse aux riverains la jouissance de divers droits d'usage, par exemple du droit de se servir des eaux pour arroser leurs proprié

guer, à certains égards, les rivières non navigables et les simples ruisseaux, notamment en ce que ceux-ci seraient des propriétés privées, celles-là des propriétés publiques, cette distinction s'efface sous d'autres rapports; elle disparaît particulièrement lorsqu'il s'agit de déterminer le juge qui doit connaître des entreprises commises dans l'année sur tous les cours d'eau, rivières ou simples ruisseaux, servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins; ces entreprises sont placées par l'art. 6 de la loi du 25 mai 1838 dans la compétence des juges de paix, sans préjudice toutefois des attributions de l'autorité administrative dans les cas déterminés par les lois et règlements.

308. Du reste, il a été jugé, dès avant la loi de 1858, que le trouble apporté par un propriétaire supérieur à la jouissance qu'un propriétaire inférieur avait des eaux d'une rivière non navigable, donnait lieu, de la part de celui-ci, à l'action possessoire (Req., 24 messid. an 10) (1).

309... Et que, de même, l'individu troublé dans la jouissance d'une prise d'eau sur une rivière, est fondé à former complainte, sans qu'on puisse lui opposer que sa prise d'eau constitue une servitude discontinue, et à ce titre, non susceptible de donner lieu à l'action possessoire; car une prise d'eau sur le bord d'une rivière, à l'aide d'ouvrages d'art permanents, ostensibles, ne peut s'assimiler à une servitude quelconque sur la propriété d'autrui, l'eau de la rivière étant commune entre tous les riverains et non susceptible en soi d'être la propriété exclusive d'aucun (Req., 12 déc. 1820) (2). — V. au surplus infrà, art. 2, § 1.

310. Bien qu'un cours d'eau soit placé entre deux héritages,

(1) Espèce :- (Laffitte C. Darrican.)-Laffitte posséde un moulin sur la rivière de Léchez. Il venait de faire construire une digue et récurer un canal conduisant l'eau à son établissement, lorsque Darrican, propriétaire d'un moulin inférieur, l'actionna en destruction du nouvel œuvre, à raison du trouble que sa propriété en éprouvait par suite de la diminution du volume d'eau.- 29 prair. an 8, sentence du juge de paix qui accueille celte demande. Appel. 12 messid. an 9, jugement confirmatif du tribunal de Tarbes.

Pourvoi pour violation de la loi 2, ff., De flumin., en ce que s'agissant d'une rivière non navigable, d'un cours d'eau non susceptible de propriété privée, nul ne pouvait acquérir une jouissance quelconque, aucun droit exclusif sur les eaux; que par conséquent chacun des propriétaires riverains pouvait s'en servir à leur passage. Jugement.

-

LE TRIBUNAL; Considérant que Darrican pouvait actionner Laffitte en complainte puisqu'il était trouble en sa possession; et que le juge de paix était compétent pour prononcer la réintégrande; d'où il résulte que le tribunal de première instance de Tarbes, saisi de l'appel du jugement| du juge de paix, en confirmant ce jugement, n'a violé aucune loi;... Rejette.

Du 24 mess. an 10.-C. C., sect. req.-MM. Vermeil, pr.-Minier, rap.Lamarque, subst.-Chabroud, av.

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(2) Espèce (Aureau C. Pinard et de Bu.) — Le 9 janvier 1819, Aureau forme, devant le tribunal civil de Dreux, contre Pinard d'Osmeaux, une demande tendante à la supression d'un canal d'irrigation, pratiqué à son préjudice, et conclut à des dommages-intérêts.— Pinard d'Osmeaux, n'étant que fermier, demande son renvoi. Dans l'intervalle, Pinard et de Bu, propriétaire, à qui l'action avait été dénoncée, considérant comme trouble en leur possession l'assignation donnée par Aureau en suppression du canal, assignent ce dernier devant le juge de paix. Le 29 janvier 1819, sentence qui déclare que l'assignation donnée par Aureau, devant le tribunal civil de Dreux, est un trouble à la possession des demandeurs.Appel. - 22 févr. 1819, jugement qui infirme sur le motif qu'Aureau, par sa demande en suppression d'un canal, demande toute petitoire, loin d'attaquer la possession de ses adversaires, la reconnaissait au contraire d'une manière positive; qu'ainsi cette demande n'était point un trouble qui put justifier une action en complainte. Il est à remarquer que, dès le 15 févr. 1819, dans la confiance du succès de son appel, Aureau avait assigné les proprietaires susnommés devant le tribunal civil, pour se voir condamner à détruire le canal en question, à le combler, etc. 1819, jugement qui déclare Aureau non recevable par le motif que cette demande au pétitoire a été formée, contrairement à l'art. 27 c. pr., avant que l'instance au possessoire pendante sur l'appel fût vidée. — En cet état, Pinard et de Bu croient pouvoir intenter une nouvelle complainte devant le juge de paix, fondée sur ce que la seconde action d'Aureau, du 13 fér. était un trouble à la possession.

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29 mars

9 avril 1819, jugement en dernier ressort et par défaut, du juge de paix, qui déclare effectivement qu'il y a eu trouble, condamne Aureau à 10 fr. de dommages-intérêts et aux dépens.

Pourvoi par ce dernier: 1° excès de pouvoir, en ce que s'agissant de droits non susceptibles d'une possession utile à cause de leur caractère de servitude discontinue, l'action possessoire ne pouvait avoir lieu; -2° Violation de l'art. 504 c. pr. et 1551 c. civ., en ce que le tribunal civil de Dreux ayant déclaré que la demande en suppression d'un canal était une demande pétitoire, le juge de paix n'a pu, ce jugement étant passé en force de chose jugée, décider lui-même qu'elle constituait un trouble à la possession, qu'elle était, en un mot, une action possessoire. Arrêt. LA COUR; Sur le 1er moyen Attendu que les actions possessoires sont toutes soumises à la juridiction des juges de paix; Que, de tout trouble dans la possession des choses ou droits réels, susceptibles d'ètre acquis par la prescription, peut naitre complainte et action en réintégrande;

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Qu'une prise d'eau sur le bord d'une rivière à l'aide d'ouvrages d'art permanents, ostensibles, ne peut s'assimiler à une servitude quelconque

et serve à l'irrigation de l'un et de l'autre, néanmoins le lit de ce cours d'eau est susceptible d'être possédé privativement par un seul des deux propriétaires riverains; de sorte que ce proprié taire, qui se prétend en possession exclusive du lit du cours d'eau, et notamment du droit de faire le curage et de profiter de la vase fertilisante en provenant, est fondé à se pourvoir au possessoire, s'il vient à être troublé dans sa jouissance par l'autre riverain, lequel, de son côté, a fait curer le ruisseau dans la moitié de sa largeur, et s'est emparé de la vase qu'il en a extraite. Il ne faut pas confondre, en effet, les eaux courantes servant à l'irrigation des deux propriétés qui les bordent avec la portion de terrain composant le lit dans lequel coulent ces eaux; et le jugement qui, sans rien statuer sur celles-ci, déclare que cette portion de terrain peut se prescrire par une possession caractérisée, ne viole aucune loi (Req., 7 déc. 1842) (3).

311. Les chemins de halage ne sont qu'une servitude de

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sur la chose ou la propriété d'autrui, parce que l'eau de la rivière est commune entre tous les riverains et n'est pas susceptible en soi d'être la propriété exclusive d'aucun; - D'où il faut conclure qu'il n'y eut dans le jugement dénoncé ni incompétence, ni excès de pouvoir; Sur le 2 moyen Attendu que le jugement dénoncé, intervenu sur une nouvelle action possessoire, formée après la première jugée, ainsi qu'après celle sur le pétitoire, terminée au tribunal civil de Dreux, n'a ni fait revivre celle déjà jugée ni porté atteinte virtuelle et formelle au jugement du tribunal de Dreux, intervenu pendant l'instance au pétitoire et à raison de celle-ci, tandis que le jugement attaqué a statué sur action neuve et sur le mérite de laquelle le juge de paix était seul compétent: d'où suit qu'il n'y a pas eu violation de la chose jugée; - Rejette.

Du 12 déc. 1820.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Voysin de Gartempe, rap.-Le Beau, av. gén.-Isambert, av.

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(3) Espèce: (Verny-Lamothe C. Tantillon.) - Les propriétés de Verny et Tantillon sont séparées par un ruisseau, nommé Mirabel, qui sert à leur irrigation. En 1859 et 1840, Verny fit curer le lit de ce ruisseau dans la moitié de sa largeur. De ce curage provenait un limon appelé patrais, qui constituait un avantage précieux pour l'auteur du curage. Tantillon prétendait au droit exclusif de faire ce curage, et de profiter du patrais; i alléguait être en possession dudit droit; il s'opposa au curage exécuté par Verny, et assigna celui-ci par voie de complainte. Sur l'offre de preuve de la possession annale invoquée par Tantillon, et qui portait, on l'a vu, sur la faculté exclusive de faire le curage et de profiter de la vase extraite, sentence interlocutoire qui admit la preuve demandée.

Sur l'appel, cette sentence fut confirmée par le tribunal de Riom: « Attendu que le cours d'eau dont il s'agit au procès, et qui n'est évidem ment qu'une dérivation du ruisseau principal dont le lit contourne, à deux aspects, le pré Charras, appartenant à Verny, appelant, se trouve établi entre les propriétés des parties et sert à leur irrigation; Que ce cours d'eau n'est lui-même qu'une propriété privée soumise à la règle commune, d'après laquelle toute propriété de cette nature s'acquiert ou se perd par l'effet de la prescription; Que si, par sa situation, il est censé être mitoyen entre les parties, il ne s'ensuit pas qu'il n'ait pu devenir en tout ou en partie la propriété exclusive de l'un des riverains; - Que l'art. 644 c. civ. ne déroge nullement à ces principes; qu'il dispose d'une manière générale, et que son but n'est autre que de régler des droits privés dans une situation donnée, et à défaut de possession ou de convention contraire; - Que s'il est incontestable que le lit d'un cours d'eau, considéré comme propriété privée, puisse appartenir exclusivement à l'un des riverains par l'effet d'une convention, il est également certain qu'une possession utile et suffisante produira le même résultat; - Attendu que le fait d'avoir extrait la vase fertilisante d'un ruisseau, lorsqu'il a été exercé pendant trente ans au moins d'une manière ostensible, constante et exclusive, peut suffire pour établir un droit de propriété sur le lit du ruisseau, de la même manière qu'à l'égard d'un fossé dont le recurement aurait toujours été pratiqué par le même propriétaire ; — Que la prescription trentenaire pouvant être invoquée, il ne peut y avoir difficulté d'admettre la preuve de la possession annale; que de l'ensemble des termes de l'exploit introductif d'instance et des explications données ultérieurement, soit devant le premier juge, soit devant le tribunal, il résulle clairement que la partie de Rouber a demandé à être maintenue dans la possession du droit d'extraire les vases ou portions du ruisseau dont s'agit, non à titre de servitude, mais bien comme une conséquence de son droit prétendu à la propriété du lit de ce ruisseau; -Adoptant au surplus les motifs énoncés au jugement dont est appel... >>

Pourvoi de Verny.pour: 1° Violation des art. 644, 691, 2229 et 2232 c. civ., et de la maxime in re communi nulla est possessio. On a dit: Entre deux riverains d'un cours d'eau non navigable, il existe une copropriété de l'eau qui nait de la mitoyenneté du lit dans lequel elle coule. Jouir de l'eau, s'en servir pour l'irrigation, c'est exercer l'un des attri

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