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CHAP. 4, ART. 2, § 2. certains cas, d'occasionner un préjudice à autrui; elle est une garantie qui peut entraîner un tiers à faire ce que, sans elle, il n'aurait pas fait. - Peu importe aussi, dans le cas d'usurpation du nom d'une personne existante, que la signature de cette personne ait été plus ou moins exactement imitée : la criminalité d'un fait ne saurait être subordonnée au plus ou moins d'habileté employée dans sa perpétration. Il peut y avoir crime de faux, bien que la signature usurpée ait été très-grossièrement contrefaite, et alors même que la fausse signature n'est nullement imitative de la vraie.-V. les arrêts cités nos 232 et suiv.

pas les parties, ne prend pas la précaution de se les faire certifier. »Ainsi, c'est seulement comme inutile que l'amendement de la commission a été rejeté. Le notaire qui, même par l'effet de sa négligence, a ignoré la supposition de personnes, n'est passible que de peines de discipline et d'une action civile en dommages-intérêts de la part des parties. — V. Responsabilité.

200. Le faux par altération des actes, écritures ou signa- | tures existe de la part des fonctionnaires publics, toutes les fois que, dans une intention frauduleuse, ils font subir aux actes de leur ministère des modifications matérielles, de nature à détruire ou à altérer, au préjudice d'autrui, les faits ou conventions que ces actes ont pour objet de constater. Cette règle est, par exemple, applicable au cas où un avoué a substitué une fausse date à un dire par lui fait au greffe (Crim. rej., 23 sept. 1842, aff. N... C. min. pub.).

201. Il y a crime de faux en écriture par supposition de personnes, de la part d'un fonctionnaire ou officier public, lorsque, dans un acte de son ministère, il suppose sciemment la comparution de telle personne, tandis que cette personne n'y a pas réellement été présente. S'il n'a pas agi sciemment, et lors même qu'il n'aurait pas pris toutes les précautions pour s'assurer de l'identité de la personne, il encourt des peines disciplinaires, mais ne peut être déclaré coupable de faux. Cela résulte de la discussion élevée au conseil d'État sur l'art. 145 c. pén. La commission du corps législatif demandait qu'à ces mots : par supposition de personnes, ou ajoutât ceux-ci; frauduleusement par lui faite ou de lui connue. « Lorsqu'un notaire, a dit le rapporteur, reçoit un acte, il arrive que, malgré les précautions par lui prises pour s'assurer de l'identité de l'un des individus contractants, d'autres lui présentent et lui certifient un · individu supposé; alors la supposition n'est point connue de lui et n'est point de son fait. En laissant le cas tel qu'il est exprimé, il pourrait donner à entendre que la seule supposition de personnes constituerait un crime de la part de cet officier public, et il pourrait se trouver des juges qui ne considéreraient pas l'art. 145 comme suffisamment explicatif du cas dont il s'agit, quoiqu'il s'y trouve implicitement compris. » L'amendement fut jugé inutile par le conseil d'État. « Il ne peut y avoir supposition de personnes, dit M. Berlier, que lorsque l'auteur de la fausse désignation a agi sciemment; si lui-même était trompé, il n'y aurait qu'erreur. D'ailleurs, l'addition demandée semblerait absoudre totalement le notaire imprudent qui, lorsqu'il ne connaît

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Attendu que

gnature d'une personne réellement existante et connue;
l'art. 403 même code, en donnant le caractère de simple escroquerie à
l'usage d'un faux nom, ne doit, dans son vrai sens, et pour les délits
qui y sont spécifiés, être jugé applicable, que lorsque le délinquant a fait
usage verbalement et non par écrit, d'un nom faux et supposé; qu'en déter-
minant pour cette espèce de délits une peine correctionnelle, ce même
article réserve expressément les peines plus graves qui doivent avoir lieu,
s'il y a crime de faux; exception qui, conformément au principe consa-
cré par la loi du 7 frim. an 2, s'applique à tous los cas où le nom sup-
posé est employé par écrit ; Qu'il suit de la que, dès que la cour spé-
ciale déclarait Antoine Ravaglioli convaincu d'être l'auteur des lettres
adressées à Coquis, sous le nom supposé de Pierre Conti, et d'avoir,
par cette fausse signature, frauduleusement obtenu une somme de 164 fr.,
elle devait nécessairement le juger coupable du crime de faux en écriture
privée; Qu'en considérant ce fait comme ne constituant qu'un délit
correctionnel, sur le seul motif que, dans la signature de Pierre Conti il
n'y avait eu contrefaçon ou imitation de l'écriture d'aucune personne con-
nue, la cour spéciale extraordinaire a contrevenu aux dispositions des
art. 147 et 150 c. pén., el a fait une fausse application de l'art. 405 du
même code; Casse dans l'intérêt de la loi.
Du 16 juill. 1813.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Lamarque, rap.
(1) (Min. pub. C. Rouvière.) — LA COUR; - Vu l'art. 456, no 6, c.
des del. et des peines; - Considérant que Rouvière, notaire, est prévenu
d'avoir, à l'aide de surcharges apposées sur les dates de plusieurs contrats,
altéré les véritables dates de ces contrats, et d'avoir substitué des dates
différentes de celles que ces contrats avaient réellement; - Qu'il est pré-
venu d'avoir commis ces altérations, afin de frauder les lois fiscales;
Que néanmoins la cour spéciale du département de l'Hérault s'est décla-

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202. Le faux commis par des écritures faites ou intercalées sur des registres ou d'autres acles publics, depuis leur confection ou clôture, est l'objet du dernier paragraphe de l'art. 145. Il ne nous paraît pas essentiellement distinct de celui qui se commet par altération des actes et écritures, car c'est évidemment allérer un acte que d'y faire, après coup, des additions (V. plus haut n° 200). Bien entendu que l'addition faite après coup dans un acte ne saurait être réputée crime, lorsquelle n'a pas pour cause une intention criminelle, ou lorsqu'elle est par sa nature hors d'état de préjudicier à qui que ce soit (Crim. cass., 18 fruct. an 13, aff. Martin, no 208; 24 prair. an 13, aff. Mazac, no 141). 203. Les surcharges au moyen desquelles un notaire a changé la date d'un contrat, afin de frauder les lois fiscales, constituent le crime de faux, et non une simple contravention à l'art. 16 de la loi du 25 vent. an 11. Les surcharges et interlignes que cette loi interdit sous peine d'amende sont celles qui ne contiennent rien de contraire à la vérité. Quant à celles qui ont pour objet d'altérer la substance d'un acte dans un dessein frauduleux, elles ont le caractère de crime (Crim. cass., 24 fév. 1809) (1). Il y a pareillement crime de faux dans le fait du notaire qui surcharge de parenthèses et de virgules la minute d'un testament qu'il a reçu, après la confection de l'acte, si, par ce fait, il a dénaturé la substance de cet acte, en en modifiant le sens. - Cependant il a été jugé, mais à tort, que le simple changement opéré dans la ponctuation d'un acte, ne peut en altérer le contenu et la substance ( Crim. rej., 22 oct. 1812, min. pub. C. N..., arrêt rapporté par Carnot, t. 1, p. 468, no 8).

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204. Le notaire qui, dans une intention de fraude contre le fisc, insère dans un acte de cession mobilière, après sa confection, la mention d'un prix inférieur à celui dont les parties sont convenues, commet également un faux, dont la criminalité ne saurait disparaître par la considération que cette mention ne liait pas l'enregistrement : « Attendu qu'aux termes des art. 14 et 16 de la loi du 22 frim. an 7, la déclaration des parties sur la valeur des objets mobiliers cédés est la base de la perception; qu'en l'insérant après coup dans l'acte, on force la régiè à recourir aux chances d'une contestation, chances d'autant plus incertaines que ❘ les objets cédés ont pu disparaître; qu'une telle altération de l'acte peut donc déterminer un préjudice pour le fisc; que cette possibilité, jointe à l'intention de nuire, donne à ce fait le caractère

rée incompétente, sous prétexte qu'il ne résultait de ces surcharges aucune modication, ni de la forme substantielle des contrats ni des conventions des parties; - Que cette cour a déclaré, sous ce rapport, que la répression des faits imputés audit Rouvière rentrait dans les dispositions de l'art. 16 de la loi du 25 vent. an 11, qui défend les surcharges, les interlignes et les additions dans le corps des actes, sous peine d'une amende de 50 fr. contre les notaires; - Considérant que cet article était évidemment sans application à la cause; Qu'en effet le législateur, en défendant aux notaires, sous peine d'amende, les surcharges, les interlignes et les additions, a uniquement consacré, pour la rédaction des actes, une mesure d'administration générale, propre à prévenir le crime de faux et à opposer des obstacles à l'exécution de ce crime; - Que la peine prononcée par cet article est encourue par le fait de la seule existence des surcharges et des interlignes, quoique ces surcharges et ces interlignes ne contiennent rien de contraire à la vérité; qu'il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de surcharges qui ont pour objet d'altérer la vérité et de substituer à des contrats une date différente de celle qu'ils ont réellement, ou de tout autre faux de la même nature; Que cette substitution, soit qu'il s'agisse d'antidate, soit qu'il s'agisse de postdate, constitue véritablement le crime de faux, lorsqu'il a été procédé mécbamment et à dessein de nuire à autrui; - Considérant que la compétence était délerminée par l'art. 2 de la loi du 23 flor. an 10, dès que ladite cour reconnaissait que Rouvière était prévenu d'avoir, à dessein de frauder les lois fiscales, altéré, à l'aide desdites surcharges, les dates desdits contrats, et d'avoir substitué des dates différentes; Que, par conséquent, ladite cour, en se déclarant incompétente, a violé les règles de compétence établies par la loi et fait une fausse application de l'art. 16 de la loi du 25 vent. an 11; Casse.

Du 24 fév. 1809.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.- Vergès, rap.

CHAP. 4, ART. 2, § 2. établie, a méconnu les principes de la matière et a formellement violé l'art. 145 c. pén.» (Crim. cass., 7 juil. 1848, aff. Ollier, Voy. D. P. 48. 1. 134).

d'un crime de faux. » (Crim. cass., 7 juil. 1848, aff. Ollier, D. P. 48.1.134,V.toutefois l'arrêt du 31 mai 1839, rapporté no 149). 205. Le notaire qui, dans des actes de la nature de ceux pour la validité desquels l'art. 2 de la loi du 21 juin 1843 exige la présence des temoins à la lecture età la signature, ajoute après coup la mention de cette présence, commet un faux dont la repression ne peut être arrêtée sous le prétexte du défaut de preuve d'intention frauduleuse de la part du notaire : « Attendu que la disposition de l'article précité dé la loi de 1843 est fondée sur ce que les actes dont il est question, donnent lieu plus facilement à la captation et engagent les intérêts non-seulement des parties qui y ont figuré mais aussi des tiers; que la nullité de ces actes est donc acquise à ceux qui, ultérieurement, peuvent avoir intérêt à les faire tomber; que le fait par lequel l'officier public qui en est resté dépositaire fait disparaître cette nullité, peut donc causer préjudice à autrui; que l'intention de cet officier public doit être considérée comme frauduleuse, puisqu'elle a pour but et pour effet, non-seulement d'éluder la surveillance du législateur, mais aussi de faire disparaître la responsabilité à laquelle le notaire aurait pu être tenu; que l'arrêt attaqué, en se fondant, pour décider qu'il n'y avait lieu à suivre relativement à ces actes, sur ce que l'intention criminelle d'Ollier n'était pas suffisamment

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(1) (Fournier et Micheli.) LA COUR ; Vu les art. 146 et 147 c. pén.; Attendu que Fournier et Micheli avaient été poursuivis devant la cour royale d'Orléans comme prévenus, le premier, d'avoir opéré sur l'original d'un commandement en expropriation, après sa signification et son enregistrement, un changement qui établissait que le nouveau domicile du sieur Desportes était connu de la partie poursuivante; le second, d'avoir fait opérer ce changement par l'huissier sur l'original, et de l'avoir fait lui-même sur la copie; Que ces préventions constituaient une addition et altération de faits que l'acte de commandement en expropriation avait pour objet de constater, et un changement et une suppression de la vérité de cet acte, puisque la vérité d'un acte est dans sa forme el son contenu au moment où il a été signé et signifié; - Que cette altération et addition de faits dans un acte public, après sa signification et sa pose, avait essentiellement le caractère de faux prévu et puni par les susdits art. 146 et 147 c. pén.; Que néanmoins la chambre d'accusation de la cour d'Orléans, saisie de la poursuite, a déclaré qu'il n'existait au procès ni crime ni délit, et qu'il ne pouvait y avoir lieu conséquemment à accusation; En quoi elle a violé les art. 146 et 147 c. pén. précités; Casse, dans l'intérêt de la loi seulement.

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Du 25 juin 1819.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Ollivier, rap. (2) Espèce : Garoteau était prévenu (Min. pub. C. Garoteau.) d'avoir commis un faux par addition dans un acte extrajudiciaire fait par l'buissier Cassereau, le 11 vent. an 6. Ce faux consistait en ce que la dernière ligne de la première page, contenant ces mots dûment patenté à Champdeniers, no 176, a été ajoutée après coup, et postérieurement a la signification de l'exploit. Le prévenu a été traduit devant la cour spéciale de la Vendée. Le 29 frim. an 14, arrêt par lequel cette cour, — Considérant que Garoteau n'est prévenu que d'avoir ajouté postérieurement à sa dale, sur l'original de l'exploit du 11 vent. an 6, la mention de la patente de l'huissier Cassereau, et que cette mention ne pouvait produire aucun effet, d'après les lois civiles alors existantes; et qu'ainsi, en supposant qu'il soit l'auteur de cette mention, il n'aurait point commis un faux de la nature de ceux prévus par les lois; S'est déclarée incompétente. Pourvoi. Arrêt.

LA COUR; Considérant qu'Antoine-Alexandre Garoteau a été prévenu d'avoir ajouté après coup, sur un exploit du 11 vent. an 6, la mention de la patente de l'huissier Cassereau; Considérant que, d'après les jois civiles en vigueur à cette époque, le défaut de mention de la patente n'entraînait pas la nullité de l'exploit; — Que, par conséquent, l'addition après coup de cette mention ne présentait pas un faux de la nature de celui prévu par le code pénal; Et qu'en le décidant ainsi, la cour spéciale de la Vendée a fait une juste application de la loi; - Rejette. Du 9 janv. 1806.-C. C., sect. crim.-MM. Viellart, pr.- Vergés, rap. (3) (Martin C. min. pub.) — La couR; Vu les pièces apportées au greffe de la cour, en exécution de son arrêt du 22 frimaire; Vu l'art. 456 du code des délits et des peines; Et attendu que l'arrêt de compétence rendu par la cour spéciale de l'Aude, le 16 brum. dernier, n'ayant pas suffisamment précisé les prétendus faux reprochés au notaire Martin, et n'ayant pas même déclaré qu'en faisant lesdits faux, ce notaire avait agi mécbamment et à dessein de nuire, il est devenu pour la cour d'une indispensable nécessité, avant de statuer sur ledit arrêt, de se livrer à l'examen des pièces arguées, et du résultat de l'instruction; — Attendu qu'il est résulte de cet examen, sur le premier genre de faux dont le notaire Martin est prévenu, et qui est relatif à de prétendues fausses dates par lui mises à plus de mille des ac'es qu'il a reçus depuis 1791 jusqu'à TOME XXIV.

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206. Enfin, le fait d'avoir opéré, sur l'original d'un commandement en expropriation, après sa signification et son enregistrement, un changement qui établit que le nouveau domicile de l'exproprié est connu de la partie poursuivante, constitue un faux punissable des peines portées aux art. 146 et 147 c. pén., selon qu'il a été commis par l'huissier auteur de cet acte, ou par une autre personne (Crim. cass., 25 juin 1819) (1).

207. Mais il n'y a pas crime de faux dans l'addition faite après coup, sur un exploit, de la mention de la patente d'un huissier, le défaut de cette mention n'entraînant pas la nullité de l'exploit (Crim. rej., 9 janv. 1806) (2).

208. Pour que les surcharges qui se trouvent aux actes d'un officier public, et les nuances d'écriture qui s'y remarquent, puissent faire supposer l'existence d'un véritable faux, il faut qu'il soit prouvé que ces surcharges ont eu lieu postérieurement à la rédaction des actes (Crim. cas., 18 fruct. an 13) (3), sinon, les parties en ayant eu connaissance, elles ne sauraient avoir le caractère d'un faux matériel.

209. De même, il est essentiel, pour constituer le crime de

l'an 10, que le motif tiré de quelques surcharges qui se trouvent auxdites dates, et de quelques nuances d'écritures plus ou moins fortes qui se remarquent dans quelques-uns, a été le seul qui en ait fait suspecter la véracité; mais que rien n'annonce que ces surcharges aient eu lieu postérieurement à la rédaction des actes, ni que les dates aient été mises après coup; ce qui a été formellement dénié par Martin, et ce qui serait toutefois nécessaire pour que l'on pût supposer l'existence d'un véritable faux; Que s'il ne résulte pas de ces seules circonstances, dénuées de toute autre preuve, l'existence d'un véritable faux, l'on peut encore moins supposer son existence, lorsqu'il est acquis que le notaire Martin rédigeait ses actes sur des cahiers écrits de suite et sans lacune; cahiers qui passaient chaque jour entre les mains du receveur de l'enregistrement, lequel n'éleva jamais sur la date d'aucun la plus légère suspicion; lorsqu'il est également acquis qu'aucune des parties ne s'est jamais plainte que son acte portât une autre date que la véritable, c'est-à-dire, celle du jour où cet acte aurait été reçu; lorsque l'on voit surtout le nombre infini de faux qu'il faudrait supposer avoir été commis dans ce genre par le notaire Martin; supposition qui ne pourrait être faite sans s'écarter de la vraisemblance;

Attendu, sur le second genre de faux imputé au notaire Martin, et que l'on fait résulter de quelques renvois qui ont été relevés aux procès-verbaux du vérificateur de l'enregistrement, qu'à la réserve seulement de deux de ces renvois, tous les autres ne présentent absolument aucun intérêt, ni pour le notaire, ni pour les parties, et ne pouvaient porter préjudice à qui que ce fut, ne se rapportant qu'a quelques mots insignifiants et d'une inutilité frappante ;- Attendu qu'aux deux de ces renvois qui, pris isolément, pourraient peut-être présenter quelques présomptions du crime de faux, en ce qu'ils auraient pu avoir pour objet de frustrer une partie du droit de l'enregistrement, s'ils avaient été faits postérieurement à la présentation au bureau des actes qui les contenaient, le notaire Martin a opposé et expressément soutenu aux procès-verbaux de contravention rédigés par le vérificateur de l'enregistrement, que ces renvois avaient été faits à l'instant même de la rédaction des actes qui les renfermaient, et que l'arrêt de compétence ne prévient pas le notaire Martin d'avoir fait ces renvois depuis, et que cela ne résulte pas non plus des pièces de l'instruction;- Attendu qu'en ce qui concerne particulièrement l'un desdits renvois qui se trouvent au contrat de vente du 4 mars 1791, et qui porte réserve d'une faculté d'élection d'ami dans l'année, l'adjonction n'aurait pu en être faite que pour favoriser cette élection, et conséquemment lorsqu'elle aurait été d'accord entre les parties; que cependant le notaire Martin a soutenu, en fait, que jamais il n'y avait eu élection d'ami faite, à raison de la vente dont il s'agit; qu'au contraire, et dans un temps rapproché, il y avait eu rétrocession pure et simple de la part de l'acquéreur au vendeur, ce qui n'a été contesté ni par le vérificateur de l'enregistrement, ni par le ministère public;- Attendu que, quant à l'autre renvoi inscrit en marge de l'acte de vente du 29 pluv. an 5, et qui en portait le prix à 420 fr. au lieu de 80, il est naturel de penser, en l'absence de toutes preuves, que si le receveur de l'enregistrement ne perçut ses droits que sur 80 fr., au lieu de les percevoir sur 480, ce fut parce qu'il ne fit pas attention au renvoi qui se trouve effectivement placé d'une manière très-peu remarquable, ou que l'ayant aperçu, et n'en ayant pas vu la réalisation la marge ni à la fin de l'acte, il n'aura pas pris la peine de recourir au recto, où il se trouvait placé;- Que des circonstances puissantes font un devoir de le présumer ainsi; car, 1° le crime ne se présume pas; 2° le signe indicatif du renvoi se trouvait au verso, à l'extrémité de la ligne, tandis que la stipulation du renvoi se

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faux commis par intercalation d'écritures sur des actes publics, que l'intercalation ait eu lieu depuis la confection ou clôture desdits actes. En conséquence, le fait par un notaire d'avoir substitué un feuillet à un autre dans un acte de son ministère, non encore signé par toutes les parties, à l'effet, par exemple, de remplacer un cessionnaire par un autre, même à l'insu du cédant, ne constitue pas le crime de faux, si l'intercalation n'a pas eu lieu depuis la clôture de l'acte primitif (Crim. cass., 15 juin 1843, aff. Lebon, V. l'arrêt qui suit). — Toutefois, le fait par un notaire d'avoir frauduleusement dénaturé la substance d'un

trouvait au recto, ce que le notaire n'aurait certainement pas été assez maladroit pour faire, s'il l'avait écrit postérieurement à l'enregistrement, puisqu'il restait assez de place au verso et en face du signe au corps de l'acte, pour y encadrer ce renvoi; 3° ce renvoi se trouve signé des témoins instrumentaires de l'acte; et ces témoins ne sont pas suspectés de complicité de faux; tandis qu'ils en seraient véritablement les complices, s'ils s'étaient portés a signer le renvoi après la rédaction de l'acte et son enregistrement; Attendu que de tous ces faits il résulte, non pas simplement que si le faux avait été réellement commis, il ne l'eût pas été méchamment et à dessein de crime, mais même l'absence de tout crime de faux; de sorte qu'il ne peut y avoir lieu à renvoyer par-devant autre tribunal pour y être procédé à une nouvelle instruction, et pour être statué de nouveau sur la compétence ;- Casse.

Du 18 fruct. an 13.-C. C., sect. crim.-MM. Vermeil, pr.-Carnot, rap. (1) Espèce: (Lehon C. min. pub.)-Suivant acte passé devant M Lebon, madame d'Orvilliers avait prété 50,000 fr. sur hypothèque à Piol. A l'échéance de l'obligation, l'emprunteur demanda une prorogation à laquelle la dame d'Orvilliers se refusa. Piot avait prié Lehon de lui trouver des prèteurs. Lebon les avait trouvés dans la personne de Hippolyte Fessard, son client, pour 30,000 fr., et dans celle de Charles Fessard, client de Me Bournet-Véron, pour 20,000 fr. Un transport par la dame d'Orvilliers, au profit de ces messieurs, contenant prorogation par eux au profit de Piot, débiteur, fut donc rédigé, et, comme la dame d'Orvilliers n'était pas à Paris, un externe de Lebon alla le lui faire signer à son château de Couperay. Hippolyte Fessard ne put réaliser ses fonds, et un client de l'étude de Lehon, le sieur Moy, prit sa place dans le transport. L'acte était fait sur deux feuilles; la feuille du milieu, parafée par la dame d'Orvilliers, fut retirée et remplacée par une autre, et l'acte fut signé en cet état par Charles Fessard et par Moy. -L'acte fut présenté à la signature de Me Bournet-Véron, conseil de Charles Fessard, qui demanda une justification concernant Piot; elle ne fut point faite, et Charles Fessard, qui avait versé 20,000 fr. au caissier de Lehon, les retira. — Il fut alors proposé à Moy, qui accepta, de se ren ire cessionnaire de la somme entière de 50,000 fr. La nouvelle feuille qui avait remplacé la première, parafée par la dame d'Orvilliers, fut encore retirée et remplacée elle-même par une feuille où figura Moy comme seul cessionnaire. L'acte conserva la date du 12 déc. 1840, et prit, comme seconde date, celle du 29 janv. 1841. En cet état il fut signé par Lebon, par le notaire en second, et présenté à l'enregistrement. Les fonds versés par Moy ne furent pas remis à la marquise d'Orvilliers. Ces faits motiverent, de la part de la chambre d'accusation de la cour de Paris, un arrêt du 24 fév. 1843, qui renvoya Lebon devant la cour d'assises de la Seine, comme accusé : 1° d'avoir, en décembre 1840 et en janvier 1841, étant notaire, commis le crime de faux en écriture authentique et publique, dans un acte de son ministère contenant cession d'une créance de 50 000 fr. par la veuve d'Orvilliers aux frères Fessard, en intercalant, ou faisant intercaler, à la place des deux feuillets supprimés par lui, deux autres feuillets substituant un nouveau cessionnaire aux premiers à l'insu de la veuve d'Orvilliers, et en introduisant ainsi dans cet acte des conventions autres que celles qui avaient été dictées par l'une des parties; 2 d'avoir, a la même époque, fait usage de ladite pièce fausse, sachant qu'elle était fausse, crimes prévus par les art. 145, 146, 148, 164 et 165 c. pén.

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Pourvoi de Me Lebon, pour fausse application des art. 145, 146 c. pén., en ce que le fait incriminé n'avait pas le caractère constitutif du faux. Remarquons, dit-on dans son intérêt, qu'on reproche à Lehon d'avoir commis une intercalation frauduleuse dans un acte authentique. Orla qualification d'acte ne pouvait appartenir à l'écrit signé par madame d'Orvilliers. La signature de cette dame a été apposée sur un acte préparé, projeté, et non sur un acte parfait; elle avait seule signé le projet destiné à devenir un transport de 50,000 fr., elle l'avait signé avant l'intercalation, avant qu'elle sût que les sieurs Fessard ne fourniraient pas les fonds, avant qu'elle connût que Moy deviendrait cessionnaire unique; il n'existait donc pas de transport parfait, lorsque madame d'Orvilliers a signé, et, par suite, le fait postérieur de Lebon n'a pu constituer le crime de faux puni par l'art. 145 c. pén.- Le crime prévu par l'art. 146 c. pén. n'existe pas davantage. L'arrêt attaqué constate que Lebon s'est livré à des intercalations de feuillets dans un acte de son ministére. Mais pour que ce fait prende le caractère d'un délit, il faut que l'altération, résultant de l'interposition de feuille, soit frauduleuse or ce caractère in

acte de son ministère, en substituant un feuillet à un autre, avant que cet acte eût reçu la signature de toutes les parties, peut justement motiver la mise en accusation du notaire, lorsque l'arrêt de mise en accusation constate que l'intercalation imputée à l'accusé a eu lieu pendant que l'acte était en cours de rédaction et de confection (Crim. rej. 10 nov. 1843) (1); mais alors c'est en vertu de l'article 146 ci-après, que la poursuite a lieu.

210. Inutilité d'une déclaration du jury concernant la mo ralité du genre de faux puni par l'art. 145.-L'art. 145 n'exige pas que la question posée au jury renferme explicitement celle

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dispensable à la poursuite n'a pas été déclaré par la chambre d'accusation. Arrêt. LA COUR; Sur le moyen tiré de la fausse application des art. 145 et 146 c. pén., en ce que le fait, tel qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, n'a point les caractères du crime de faux; - Vu les art. 145 et 146.n.;-Attendu que les faits articulés par l'arrêt attaqué, comme constitutifs de l'accusation portée par ledit arrêt, ne présentent pas les caractères légaux du crime prévu par l'art. 145 c. pén., ni ceux du crime prévu par l'art. 146 du même code; qu'en effet, d'une part cet arrêt n'a pas énoncé, dans l'accusation qu'il a formulée, que l'intercalation de deux feuillets à la place de deux autres feuillets supprimés par l'accusé, dans l'acte dont il s'agit, pour substituer un nouveau cessionnaire aux premiers, ait eu lieu depuis la confection ou clôture dudit acte; ce qui est cependant une condition substantielle nécessaire pour constituer le crime de faux commis par intercalation d'écriture sur des actes publics, prévu par le cinquieme alinéa de l'art. 145 précité; - Et que, d'autre part, l'arrêt attaqué n'a articulé ni spécifié qu'en introduisant dans l'acte dont il s'agit des conventions autres que celles qui avaient été dictées par les parties, l'accusé ar agi frauduleusement, ce qui était exigé impérieusement par le texte même de l'art. 146 c. pén., pour caractériser le genre de faux prévu par ledit article; — D'où il suit que les faits ont été mal qualifiés, et que les art. 145 et 146 c. pén. ont été faussement appliqués par l'arrêt attaqué; - Casse.

Du 15 juin 1843.-C. C., ch. crim.-MM. Crouseilhes, pr.-Dehaussy, r. L'affaire ayant été portée devant la cour d'Orléans, et celte cour ayant renvoyé Lehon devant la cour d'assises du Loiret, celui-ci a formé un nouveau pourvoi. — Arrêt.

LA COUR; Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré que des faits qu'il a relevés il résulte contre Lehon charges suffisantes d'avoir, en décembre 1840 et janvier 1841, rédigé, comme notaire, un acte contenant cession d'une créance de 50,000 fr. par la dame d'Orvilliers aux frères Fessard, et d'avoir, quand ledit acte portait déjà la signature de la cédante, fran duleusement intercalé ou fait intercalor deux feuillets à la place de deas feuillets supprimés par lui, d'avoir substitué un nouveau cessionnaire aux premiers à l'insu de la dame d'Orvilliers, et constaté contrairement à la vérité : 1° cession par la dame d'Orvilliers au sieur Moy de la créance de 50,000 fr.; 2° libération du sieur Moy, par la dame d'Orvilliers, des 50,000 fr., prix du transport, et d'avoir ainsi, alors qu'il rédigeait un acte de son ministère, frauduleusement dénaturé la substance dudit acte, en écrivant des conventions autres que celles dictées par l'une des parties, et en constatant comme vrais des faits faux; Attendu qu'il appartenait à la chambre des mises en accusation de déclarer s'il existait des charges suffisantes contre Lehon d'avoir agi frauduleusement, en substituant, au moyen de l'intercalation de deux feuillets dans l'acte dont il s'agit, le sieur Moy aux sieurs Fessard avec qui le transport n'avait pu se réaliser; qu'il appartenait aussi à ladite chambre des mises en accusation de déclarer s'il était résulté un préjudice pour les parties de cette substitution;

Attendu que l'arrêt attaqué contient une déclaration explicite sur ces deux faits, et que la cour de cassation, d'après la nature de ses attributions, ne peut être appelée à juger si cette appréciation des faits est ou n'est pas fondée; - Attendu que l'arrêt attaqué déclare qu'il y a charges suffisantes contre Lehon d'avoir agi frauduleusement dans la perpétration des faits à lui imputés; que, par conséquent, cet arrêt diffère essentiellement de l'arrêt de la cour royale de Paris, chambre des mises en accusation, du 24 fév. 1843, dont la cassation a été prononcée par arrêt du 15 juin dernier, par le motif qu'il n'avait pas prononcé sur le point de savoir si Lehon avait agi frauduleusement dans la perpétration du faux prévu par l'art. 146 c. pén., ce qui était un élément substantiel de ce genre de faux;

Attendu que, s'il est vrai, en droit, que l'art. 146 c. pén a principalement pour but la répression du faux intellectuel, il n'est pas moins applicable au faux qui, ayant pour résultat de dénaturer la substance ou les circonstances d'un acte, ont été commis frauduleusement à l'aide de moyens matériels, tels que des intercalations ou substitutions de feuillets, et que, sous ce point de vue, les modes de perpétration d'un faux matériel spécifiés dans l'art. 145 ont pu servir à la consommation du crime de faux prévu par l'art. 146; d'où il suit qu'en citant seulement l'art. 146 c. pén. comme applicable au faux, objet de l'accusation, l'arrêt attaqué n'a pas fait une fausse application dudit article ; - Attendu que, dans l'espèce, l'arrêt attaqué constate que l'acte dont il s'agit a été signé par la

de savoir si l'accusé de l'un des crimes de faux spécifiés dans cet article a agi sciemment et frauduleusement. La réponse affirmative du jury sur la culpabilité de l'accusé de l'un de ces crimes, exprime suffisamment que cet accusé a agi dans une intention criminelle. Spécialement, la déclaration du jury portant que l'accusé est coupable d'avoir commis, dans l'exercice de ses fonctions de notaire, un faux par supposition de personne dans une procuration par lui retenue, contient virtuellement la déclaration que l'accusé a agi frauduleusement (Crim. rej., 13 oct. 1842) (1). V. nos 145, 214 et 229.

211. La déclaration du jury que l'accusé est coupable d'avoir commis, dans l'exercice de ses fonctions de notaire, un faux par supposition de personne dans une procuration par lui retenue, renferme aussi virtuellement la déclaration que le faux dont il s'agit a porté ou pu porter préjudice à autrui, car une procuration notariée contenant supposition de personne est toujours de nature à préjudicier au mandant supposé (même arrêt). V. no 169. 212. Faux intellectuel. — L'art. 145 c. pén. s'est occupe, comme on l'a vu, des faux matériels commis par des officiers publics. Dans l'art. 146, il s'agit du faux intellectuel dont ils peuvent se rendre coupables Cet article est ainsi conçu : << Sera aussi puni des travaux forcés à perpétuité tout fonctionnaire ou officier public qui, en rédigeaut des actes de son ministère, en aura frauduleusement dénaturé la substance ou les circonstances, soit en écrivant des conventions autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties, soit en constatant comme vrais des faits faux, ou comme avoués des faits qui ne l'étaient pas. »-Ainsi, les conditions constitutives du faux prévu par cet article sont: 1o que ce faux ait été commis par un fonctionnaire public; 2° qu'il l'ait été dans la rédaction d'un acte de son ministère; 3° qu'il l'ait été dans une intention frauduleuse; 4° qu'il ait consisté à dénaturer la substance ou les circonstances

dame d'Orvilliers, le 12 déc. 1840, et qu'il n'a été terminé que le 29 janv. 1841 par l'apposition de la signature des sieurs Moy et par celles des notaires instrumentaires; que, par conséquent, c'est pendant que Jedit acte était en cours de rédaction et de confection, que les intercalations imputées à Lehon ont eu lieu, et que l'arrêt attaqué, en déclarant que c'était pendant que Lehon rédigeait un acte de son ministère, qu'il en avait frauduleusement dénaturé la substance, s'est conformé aux principes posés par l'art. 146 c. pén.; Attendu, dès lors, que l'arrêt altaqué a pris pour base de l'accusation portée contre Lebon les faits relevés dans ledit arrêt, et que ces faits rapprochés des dispositions de l'art. 146 c. pén., rentrent dans la catégorie des faux prévus par ledit article ; et que, par conséquent, le fait de l'accusation est qualifié crime par la loi, et a pu motiver la mise en accusation et le renvoi à la cour d'assises prononcé par ledit arrêt contre Lebon; - Rejette.

Du 10 nov. 1843.-C. C., ch. crim.-MM. Crouseilhes, pr.-Dehaussy, r.

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(1) (Couret C. min. pub.) LA COUR; Sur le deuxième moyen, tiré de la violation prétendue de l'art. 337 c. inst. crim., et de la prétendue fausse application des art. 350 et 365 c. inst. crim., et de l'art. 145 c. pén., en ce que la circonstance constitutive de la criminalité du faux par supposition de personne, imputé à l'accusé, à savoir que cette supposition de personne a causé un préjudice à autrui, n'a pas été comprise dans l'unique question soumise au jury, et n'a pu, par conséquent, être par lui résolue, en ce qu'il y aurait eu de la part du président de la cour d'assises omission essentielle, et violation de l'art. 337 précité du code d'instruction criminelle;--Attendu que la question posée au jury est conforme à l'arrêt de mise en accusation, et au résumé de l'acte d'accusation; qu'elle est ainsi conçue : « J.-B. Touret est-il coupable d'avoir commis un faux par supposition de personne, dans l'exercice de ses fonctions de notaire, et ce, dans une procuration par lui retenue en cette qualité, le 28 nov. 1836?» - Attendu que la réponse affirmative qui a été faite par le jury à cette question renferme virtuellement la déclaration que le faux dont l'accusé s'est rendu coupable a porté ou pu porter préjudice à autrui, puisqu'elle constate que le faux a été commis dans une procuration notariée contenant une supposition de personne, et qu'un acte de ce genre est toujours de nature a compromettre les droits du mandant dont la persoane a elé supposée, et, par conséquent, à lui porter préjudice; d'où il suit, qu'il n'y a eu dans la position de la question, de la part du président de la cour d'assises, ni omission, ni violation de l'art. 337 c. inst. crim., et que la question du préjudice se trouve également résolue par la réponse du jury; Sur le troisieme moyen, tiré de la fausse application des art. 550 et 565 c. inst. crim., et de l'art. 145 c. pén., en ce que le président de la cour d'assises n'a point posé au jury la question de savoir si l'accusé avait agi sciemment dans la perpétration du faux, condition essentielle et constitutive en matière de crime de faux par supposition de personne; que,

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213. Capacité de l'agent pour rédiger l'acte incriminé, — Pour que l'attestation d'un fait faux par un officier public, dans un certificat, entraîne l'application de l'art. 146, il faut qu'il soit dans les attributions de cet officier de constater le fait dont il s'agit et d'en fournir la preuve; sans cela le certificat par lui délivré ne serait point un acte de son ministère, et le faux dont ce certificat est entaché n'aurait pas l'importance nécessaire pour lui attribuer le caractère de crime proprement dit. 214. Intention frauduleuse. L'art. 146 n'est applicable que lorsque les faits qu'il mentionne ont été commis frauduleusement (C. de Liége, 19 oct. 1842, aff. min. pub. C. Renard): en conséquence, cette circonstance doit être déclarée (Crim. cass., 15 juin 1843, aff. Lehon, no 209).—Toutefois, l'arrêt qui met en accusation un fonctionnaire pour avoir dénaturé la substance d'un acte de son ministère, ne peut être annulé comme n'énonçant pas que l'accusé a agi frauduleusement, si la moralité du fait incriminé est non-seulement appréciée et déclarée par le caractère de crime que l'arrêt lui imprime, mais encore par la désignation des circonstances qui le constituent (Crim. rej., 10 juillet 1828, MM. Bailly, pr., Mangin, rap., aff. Garcet C. min. pub.).-V. les nos 145, 2!0 et 229.

215. Nature du faux intellectuel. Le faux prévu par l'art. 146 est, on l'a déjà dit, appelé intellectuel, parce qu'il se commet sans laisser aucune trace matérielle et apparente. Il consiste dans le fait de dénaturer, en rédigeant un acte, le sens des

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par suite, la déclaration du jury se trouve incomplète sur un des éléments nécessaires pour constituer le crime de faux, et qu'elle n'a pu servir de base légale à l'arrêt de condamnation prononcé contre le demandeur; Attendu que l'art. 145 c. pén. n'exige pas que la question posée au jury renferme explicitement celle de savoir si l'accusé du crime de faux de la nature de ceux spécifiés dans ledit article a agi sciemment et frauduleusement; qu'en effet, cette question intentionnelle se trouve toujours virtuellement et implicitement comprise dans celle de savoir si l'accusé est coupable d'avoir commis un faux par supposition de personne, dans l'exercice de ses fonctions de notaire, et ce, dans une procuration par lus retenue en cette qualité le 28 nov. 1856; et que, dans l'espèce, la question ayant été ainsi posée au jury, la réponse affirmative qu'il y a faite a résolu, tout à la fois, la matérialité du fait et l'intention criminelle de l'accusé dans la perpétration du faux par supposition de personne; qu'il suit de là que la déclaration du jury est complète, et qu'elle a pu, sans violer les art. 350 et 365 c. inst. crim., et l'art. 145 c. pén., servir de base à l'arrêt de condamnation prononcée contre le demandeur; Sur le quatrième et dernier moyen, tiré de la violation prétendue de l'art. 1 de la loi des 13-14 mai 1856, aux termes duquel le jury doit, à peine de nullité, voter par scrutin distinct et séparé, d'abord sur le fait principal et ensuite sur la circonstance aggravante, en ce que l'art. 147 c. pén. qualifie faux en écriture authentique et publique toute fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges, ou leur insertion après coup dans ces actes, opérés dans un acte public par les moyens indiqués audit article, quel que soit l'auteur de la falsification, et que, par conséquent, lorsque la falsification est l'œuvre d'un officier public, la circonstance qu'il l'aurait commise dans l'exercice de ses fonctions n'est une circonstance constitutive, mais seulement une circonstance aggravante, puisqu'elle a pour effet d'autoriser l'application d'une pénalité plus rigoureuse; et en ce que, dans l'espèce, il résulte de la déclaration du jury qu'il a voté par un seul et même scrutin, sur le fait principal du faux par supposition de personne commis dans la procuration du 28 nov. 1836, et sur la circonstance aggravante que l'accusé aurait commis ce faux dans l'exercice de ses fonctions de notaire; - Attendu que le président de la cour d'assises, en posant au jury, dans une seule et même question, le crime de faux et la circonstance que le notaire avait agi dans l'exercice de ses fonctions, et le jury, en répondant à cette question par une seule et unique réponse, n'ont pas violé l'art. 1 de la loi du 15 mai 1856; qu'en effet, cette circonstance est constitutive d'une nature spéciale de crime de faux prévue et spécifiée par l'art. 146 c. pén., et n'en est pas seulement une circonstance aggravante; que, par conséquent, elle ne doit pas être séparée du fait de l'accusation de ce genre de faux, dans la question posée au jury, qui n'est pas tenu d'en faire l'objet d'un scrutin distinct et d'une réponse séparée; Rejette.

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Du 13 oct. 1842.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, pr.-De Haussy, rap.

conventions ou dispositions que les parties ou l'une d'elles entendent y insérer, ou d'y constater l'existence de faits dénués de vérité. Il est à remarquer que l'attestation d'un fait faux ne rentre pas dans les termes de l'art. 146, lorsqu'elle ne porte point sur un fait simple et absolu, mais sur un fait moral et complexe dont l'appréciation, subordonnée à l'intelligence et à l'instruction du fonctionnaire, est sujette à des erreurs de bonne foi, comme lorsqu'il s'agit, par exemple, d'une attestation relative à des infirmités alléguées comme cause de dispense du service militaire (Crim. rej., 24 janv. 1811, afi. Chevassus, V. no 218-3o).

De plus, constalation d'un fait faux, dans un acte, de la part d'un fonctionnaire chargé de le rédiger, ne constitue nécessairement le crime de faux qu'autant que cette constatation mensongère a pour objet une circonstance substantielle à l'acte; ainsi, le notaire qui, dans un acte de vente, constate faussement et frauduleusement que le prix de vente a été payé par l'acquéreur et reçu par le vendeur, qui en a donné quittance, commet le crime de faux, tandis qu'il ne se rend pas nécessairement coupable de crime en constatant faussement dans le même acte la présence des parties lors de sa rédaction (Crim. rej., 9 avril 1825) (1).

216. Mode de perpétration du faux intellectuel. Ce faux peut être commis d'abord en écrivant des conventions autres que celles qui ont été tracées ou dictées par les parties. Ainsi, le notaire qui, dans un acte qu'il reçoit, rédige d'autres conventions que celles des parties, et le revêt de sa signature, commet un faux caractérisé, encore que les parties aient signé l'acte, et qu'il ne soit pas matériellement faux, en tout ou en partie (Crim. cass., 7 janv. 1808) (2).— Et de même, le notaire qui, lors de la passation d'un contrat, y a frauduleusement introduit, de concert avec l'une des parties, des clauses préjudiciables à l'autre partie, et différentes de celles précédemment arrêtées dans un projet de contrat dont l'acte notarié ne devait être que la reproduction exacte, doit être déclaré coupable du crime de faux, ainsi que la partie avec laquelle il s'était concerté, encore bien que l'autre partie, lésée par ce nouvel acte, ait assisté à sa confection et en ait entendu la dictée et la lecture, si d'ailleurs elle n'a pas compris et accepté les modifications artificieusement apportées aux clauses primitivement convenues (Crim. cass., 31 mai 1839, aff. Humblot, V. n° 149). —Quant au notaire qui

(1) (Bourbeau C. min. pub.) — LA COUR; - Attendu que si l'imputation d'avoir faussement constaté la présence des parties à la rédaction des actes incriminés, telle qu'elle est énoncée dans l'arrêt attaqué, ne se référait pas expressément à l'une des circonstances substantielles à ces actes, et sous ce rapport ne constituait pas nécessairement le crime de faux, il n'en est pas de même des autres fails; - Que ces faits se rapportent à la déclaration soit du payement du prix des ventes par les acquéreurs, soit de sa réception par la venderesse, soit de la quittance qu'elle en avait donnée;-Que chacune de ces circonstances était substantielle aux actes intervenus entre les parties; - Que, par conséquent, l'imputation faite à un notaire d'avoir, dans des actes par lui reçus, frauduleusement dénaturé ces circonstances par une fausse constatation, réunissait à la matérialité du faux le caractère de criminalité prévu par l'art. 146 c. pén., et constituait le fait qualifié crime par la loi; Que, dès lors, le renvoi devant la cour d'assises prononcé par l'arrêt attaqué, d'après la déclaration de ces faits, l'avait été régulièrement; Rejette. Du 9 avril 1825.-C. C., sect. crim.-MM. Portalis, pr.-Ollivier, rap. (2) (Min. pub. C. Colibrant.) LA COUR; Atttendu que, par son arrêt, la cour spéciale a posé comme principe que ce n'est pas un faux de la nature de ceux soumis à la juridiction des cours spéciales, que celui qui peut résulter de ce qu'un notaire aurait rédigé d'autres conventions que celles des parties, si celles-ci avaient apposé leurs signatures à cet acte, et qu'il ne fût pas matériellement faux en tout ou en partie, ce qui est une erreur évidente en législation, et ce qui contrarie ouvertement toutes les lois de la matière et les notions les plus simples; - Déclare improuver ce motif de l'arrêt dont il s'agit.

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Du 7 janv. 1808.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Carnot, rap. (3) Espèce: (Masencal C. min. pub.) Cambon se fait céder, par Lestrapes et Laplène, une grande quantité de vins, en payement des créances qu'il a sur eux. Le 21 prair. an 13, Lestrapes et Laplène tombent en faillite. Question de savoir si la cession faite à Cambon l'a été avant les dix jours qui ont précédé l'ouverture de la fail. lite, et si elle peut, ou non, être opposée aux créanciers. Cambon prétend qu'elle a précédé cette époque de plus de dix jours, et à l'appu' de son assertion, il représente le registre de Masencal, courtier de change,

écrirait des conventions simulées, mais tracées ou dictées par les parties, par exemple une vente dans laquelle le prix serait déclaré payé comptant, bien qu'il n'en eût été payé aucun, commettrait-il un faux, dans le cas où la simulation pourrait préjudicier à des tiers? V. sur ce point ce qui a été dit aux nos 116, 117, 149 et 204.

217. Le faux intellectuel peut encore être commis en constatant comme vrais des faits faux. En effet, ces mots de l'art. 146 « ne sont pas synonymes de ceux-ci: en écrivant des conventions autres que celles dictées par les parties, mais indiquent une manière différente de commettre le crime de faux; d'où il suit qu'il n'est pas nécessaire que les conventions faites par les parties aient été inexactement reproduites par l'acte argué de faux; et qu'alors même que les conventions faites seraient exactement retracées par ledit acte, il peut y avoir faux si l'acte contient une constatation comme vrais de faits faux qui auraient évidemment empêché la stipulation, s'ils avaient été tenus pour faux, et si par là on a frauduleusement dénaturé la substance ou les circonstances de l'acte, dans l'objet de causer préjudice, soit à l'une des parties contractantes, soit à un tiers » (Crim. rej., 29 avril 1841, M. Mérilhou, rap., aff. Langlois C. min. pub.): ainsi, par exemple, «< celui qui, en faisant usage sciemment d'une procuration révoquée ou périmée, déclare stipuler dans un acte, au nom d'un commettant, qui dans la vérité a cessé de l'être, ou ne l'a jamais été, dénature la substance de l'acte en constatant comme vrai un fait faux, c'est-à-dire le consentement d'une partie qui ne l'a pas donné, consentement sans lequel l'autre partie n'aurait pas contracté » (même arrêt).

218. Tout fonctionnaire public, à qui la loi donne caractère pour constater la vérité d'un fait, commet le crime de faux, lorsque, sciemment, et dans l'exercice de ses fonctions, il déclare comme vrai un fait faux dont sa déclaration doit faire preuve.Ainsi, il y a crime de faux : 1o lorsqu'un courtier ou agent de change antidate sur son registre une vente faite ou supposée faite par son intermédiaire, pour la placer à une époque qui la rend valable vis-à-vis des tiers (Crim. rej., 11 fruct. an 13) (3);

2o Ou lorsqu'un officier de recrutement délivre à un jeune homme présenté pour remplacer un conscrit un certificat attestant que ce jeune homme est du même département que celui-ci, quoiqu'à sa connaissance il soit d'un autre département, et que,

par l'intermédiaire de qui la cession paraît avoir été faite, le 10 prair. an 13, c'est-à-dire avant les dix jours.—Mais les créanciers soutiennent que le registre est antidaté et que la cession n'a eu lieu que dans l'intervalle du 17 au 21 prair. En conséquence, plainte en faux, portée contre Masencal, Cambon, Lestrapes et Laplène; par suite, instruction criminelle dirigée contre eux, et traduction des prévenus devant la cour spéciale de la Gironde. 12 mess. an 12, arrêt par lequel cette cour s'est déclarée compétente. Cet arrêt transmis à la cour de cassation, Cambon et Masencal en demandent l'annulation. Ils soutiennent:

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1° qu'il n'y a pas de faux; que la date du 10 prairial est réelle; 2o qu'en supposant l'antidate constatée, le délit ne serait pas de la compétence des cours spéciales dont la loi du 23 flor. an 10 restreint l'attribution aux espèces de faux où le délit a consisté à contrefaire ou altérer, et que par conséquent le faussaire qui n'a ni contrefait ni altéré, mais qui a seulement antidaté un acte, n'est justiciable que de la juridiction ordinaire. Arrêt LA COUR; Attendu que l'art. 2 de la loi du 23 flor. an 10 a compris dans sa disposition la généralité de tous les crimes de faux en écritures, ce qui ne permet de faire aucune distinction entre leurs différents genres, mais seulement l'examen du fait de savoir si la prévention porte sur un véritable crime de faux, c'est-à-dire si le faux en écritures, quello que soit son espèce, a été commis méchamment et à dessein de nuire à autrui; crime de faux, sous ce point de vue, si l'antidate présumée était réelle, Que, dans l'espèce particulière, il aurait eu véritablement puisqu'elle serait le fait d'un officier public dans l'exercice de ses fonctions, et qu'elle aurait pu avoir pour objet de nuire aux créanciers de Les rapes et de Laplène; - Que s'il s'élève de fortes présomptions en faveur des prévenus et de la réalité de la date donnée à l'acte argué, tous moyens de les faire valoir pour détruire la prévention lors des debats, sont de droit réservés aux réclamants; l'arrêt de compétence no préjugeant rien sur le fond, et ne pouvant préjuger autre chose, si ce n'est que le délit qui constitue la prévention est de la nature de ceux attribués aux cours spéciales, et que des circonstances quelconques ten dent à faire présumer que les prévenus peuvent en avoir été les auteurs ou les complices; Confirme, etc.

Du 11 fru t. an 15.-C. C., sect. crim.-MM. Vermeil, pr. Carnot, ras.

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