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déposées à l'entrepôt sous le nom, à la disposition et aux frais de l'acheteur qui a payé ceux de transport et réglé le prix d'achat de ces marchandises, que dans ce cas les marchandises sont réputées entrées dans les magasins du failli (Bruxelles, 7 fév. 1814) (1).

1252. Que devrait-on décider dans le cas où les marchandises seraient restées dans les magasins du vendeur qui en aurait loué ou prêté l'usage à l'acheteur? Il nous semble que le vendeur devrait être considéré comme réellement dessaisi, et par suite qu'il aurait perdu le droit de revendication. Cette solution est rigoureuse, mais elle nous paraît conforme aux principes du louage et du prêt à usage. Elle est en quelque sorte consacrée par l'arrêt de la cour de Bourges que nous venons de citer. M. Pardessus, loc. cit., se prononce dans le même sens. On comprend, toutefois, qu'on déciderait autrement s'il résultait des circonstances que le vendeur a gardé les marchandises chez lui pour sûreté du payement.- Jugé ainsi que des marchandises laissées par l'acheteur dans les magasins du vendeur, pour garantir à celui-ci le payement de son prix, ne sont pas réputées livrées dans le sens de l'art. 577 c. com., encore que l'acheteur aurait reçu les clefs des magasins, et qu'il aurait même revendu une portion de ces marchandises, et que, par suite, le vendeur a le droit de retenir les marchandises, en cas de faillite de l'acheteur (Rouen, 4 mai 1847, aff. Poisson, D. P. 48. 2. 134).

1253. Peu importe, du reste, que le failli ait eu l'intention de conserver les marchandises ou qu'il les ait achetées pour une destination ultérieure, par exemple pour les expédier en pays étranger, ou les envoyer à un tiers pour les avoir à sa disposition sur une autre place. On ne doit considérer que la première mise en magasin par l'acheteur, son entrée en possession, la loi le veut ainsi. - Il a été jugé dans ce sens : 1° qu'encore bien qu'un vendeur de marchandises ait déclaré à la douane que celui auquel il les expédie les destine à l'étranger, ce vendeur ne peut revendiquer ces marchandises contre les créanciers de l'acheteur tombé en faillite, si, avant la demande en revendication, elles étaient entrées dans les magasins du failli; que la destination de ces marchandises pour l'étranger ne peut les faire considérer comme étant encore en route, si elles sont entrées dans les ma

(1) Espèce: (Payraud-Desèze et comp. C. le syndic à la faillite Charles.)-26 oct. 1843, jugement du tribunal de commerce de Bruxelles ainsi conçu: «Attendu que Payraud-Desèze et comp. demandent qu'il soit dit pour droit qu'ils sont fondés à revendiquer soixante-quatre fûts d'eau-de-vie envoyés au sieur Charles, aujourd'hui en faillite, et déposés à l'entrepôt royal de cette ville; qu'il soit ordonné que les scellés apposés sur cette marchandise seront immédiatement levés, et que le directeur de l'entrepôt remettra aux demandeurs l'eau-de-vie revendiquée; Attendu que l'agent de la faillite prétend que les demandeurs ne sont pas dans le cas de la loi qui autorise les revendications en matière de faillite; - Attendu que dès le mois de mars dernier les liquides dont s'agit ont été envoyés au sieur Charles, aujourd'hui en faillite, qui en a pris livraison et a payé les frais de transport; que ces fûts et barriques ont ensuite été déposés par lui, sous son nom, pour son compte et à ses risques et périls, à l'entrepôt de cette ville, où il a constamment et jusqu'à la déclaration de faillite payé l'entreposage; — Attendu qu'il y a donc eu tradition réelle de propriété et de possession des liquides au chef-lieu du failli, tellement qu'il y a eu règlement entre les vendeurs et l'acheteur pour le payement du prix; - Attendu que la revendication des marchandises n'est recevable en matière de faillite qu'autant que la marchandise se trouve encore en route et avant qu'elle soit entrée dans les magasios de l'acheteur;-Attendu qu'on ne saurait considérer comme étant encore en route une marchandise arrivée à sa destination et livrée à l'acheteur; qu'on ne saurait prétendre que les liquides ne sont pas entrés dans les magasins du failli, l'entrepôt n'étant qu'un magasin public où le commerce dépose ses marchandises jusqu'au payement des droits, moyennant le loyer qu'il paye à titre d'entreposage; Par ces motifs, et sur le rapport du juge-commissaire de la faillite Charles, déclare les demandeurs non recevables. » ---- Appel. Arrêt.

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Adoptant les motifs des premiers juges, Confirme. Du 7 fév. 1844.-C. d'app. de Bruxelles, 3 ch.-MM. Allard et Coopers, av.

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gasins du failli (Req., 13 oct. 1814) (2); — 2o Que la cireonstance que des marchandises (barriques de sucre), entrées dans les magasins du failli, y sont en entrepôt fictif, n'empêche pas qu'elles ne puissent plus être revendiquées par le vendeur, cet entrepôt n'intéressant que l'acheteur et l'administration de la douane, et étant étranger au vendeur...; il en doit être surtout ainsi, si l'acheteur a déjà disposé de partie des barriques de sucre (Poitiers, 23 fév. 1831) (3); — 3o Que lorsque les marchandises vendues sont arrivées à leur destination et ont élé réexpédiées par le failli à un tiers, dans les magasins duquel elles se trouvent, elles ne peuvent être revendiquées, quoique ce tiers ne soit pas un commissionnaire chargé de les vendre (Bruxelles, 4o ch., 13 avril 1822, aff. N..... C. synd. Weverberg).

1254. Réciproquement, des marchandises voyageant par mer doivent être réputées en route, dans le sens de l'art. 577 c, com. (anc.), tant qu'elles se trouvent à bord du navire où elles ont été chargées par le vendeur, sans être entrées auparavant dans les magasins du failli ou d'un commissionnaire chargé de les vendre pour son compte (Cass., 11 fév. 1840, aff. Rocca, V. n° 1262).

1255. Au surplus, nul doute que si l'acheteur, à la réception de la marchandise, l'avait emmagasinée, en déclarant toutefois qu'il la laissait pour compte, la revendication ne fût permise. La déclaration ne serait qu'un refus de prise de possession, et la masse ne pourrait tardivement prétendre que la marchandise est convenable et qu'elle est en droit de la conserver. Le consentement donné par le vendeur de reprendre sa chose annulerait la convention. — M. Bédarride, n° 1147, se prononce dans le même sens.

1256. Comme nous l'avons dit, la prise de possession par le commissionnaire préposé par le failli pour faire la vente et l'entrée dans les magasins de ce mandataire, mettent obstacle à la revendication. Mais il n'en est pas de même de tous les agents employés par le failli; la loi est restrictive. — Il a été décidé : 1° que les marchandises livrées par le vendeur au commissionnaire de roulage désigné par l'acheteur, expédiées par ce commissionnaire à un autre commissionnaire de roulage, et par ce dernier à une maison d'une autre place indiquée par l'ache

le vœu du sieur Jue, qui avait apparemment l'intention de les envoyer en Angleterre, mais que cette opération était étrangère au sieur Bérard; que la mission de ce dernier s'est bornée et devait se borner, en effet, à expédier les marchandises en question pour le Havre, et que, respectivement à lui, ce port était le lieu de leur destination; qu'ainsi, puisqu'elles étaient entrées dans les magasins du sieur Jue, au Havre, elles n'étaient plus en route: d'où il suit qu'aux termes du code de commerce, les marchandises dont il s'agit n'étaient pas susceptibles de revendication, et qu'en le décidant ainsi, loin de violer la loi, l'arrêt attaqué en a fait une juste application; Rejette, etc.

Du 13 oct. 1814.-C. C., sect. req.-MM. Botton, pr.-Favard, rap.

(3) (Ligneau-Grandcour C. faillite Berthault.) — LA COUR; - Considérant qu'il est constant, au procès, et reconnu par le sieur LigneauGrandcour lui-même, que les vingt-trois barriques de sucre par lui revendiquées, et dont il s'agit au procès, étaient dans les magasins du sieur Berthault, failli, lorsqu'il les a fait saisir-revendiquer; — Que, malgré que lesdites barriques de sucre fussent en entrepôt fictif dans les magasins du sieur Bertbault, elles n'en étaient pas moins à sa disposition; qu'il avait même disposé d'une partie des sucres provenant du sieur LigneauGrandcour, puisque celui-ci lui en avait expédié vingt-cinq barriques, et qu'il n'en avait trouvé et fait saisir-revendiquer que vingt-trois barriques; - Que l'entrepôt fictif a seulement pour objet de suspendre, dans l'intérêt du marchand, acheteur de pareilles marchandises, le payement des droits de douane auxquels elles sont soumises, jusqu'à ce qu'elles soient livrées à la consommation de l'intérieur de la France; que ce mode d'entrepôt n'intéresse que le marchand détenteur des marchandises et l'administration de la douane à laquelle seule il en doit compte ;-Considérant qu'aux termes de l'art. 577 c. com., la revendication ne peut avoir lieu que pendant que les marchandises expédiées sont encore en route soit par terre, soit par eau, et avant qu'elles soient entrées dans les magasins du failli; Que la revendication, en matière de faillite, est de droit purement exceptionnel, et qu'elle ne peut s'exercer que dans le cas et avec les conditions spécialement prévus par ledit code de commerce; - Considérant que, par les motifs précédemment établis, il y a lieu de confirmer le jugement dont est appel; - Met l'appel au néant, ordonne que le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de la Rochelle, in 11 déc. 1830, et dont est appel, sortira son plein et entier effet, etc. Du 25 fév. 1831.-C. de Poitiers, 1 ch.-Barbault de la Motte, pr.

teur, pouvaient être revendiquées dans ce dernier trajet, la faillite de l'acheteur arrivant (Rouen, 15 mars 1822; Req., 6 nov. 1823) (1): — Ces marchandises voyageaient d'ordre de l'acheteur, elles étaient entrées dans les magasins de deux commissionnaires, mais l'acheteur n'en avait pas pris possession ni son mandataire chargé de vendre: on s'est, dès lors, vainement opposé à la revendication; 2° Qu'il n'y a pas tradition dans le

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(1) 1 Espèce (Joyeux C. Fauvel.) Le 10 déc. 1820, Joyeux vend aux sieurs Valentin et Truchot, négociants à Bordeaux, quarantebuit barriques de vin, qui sont à l'instant embarquées et adressées à Rouen, à la consignation de Fauvel, et en destination pour la Villette près de Paris. - Valentin et Truchot tombent en faillite les vins abordent au port de Rouen, et là, Joyeux, se fondant sur l'état de faillite des acheteurs, les revendique, ayant préalablement fait défense au capitaine du navire de les décharger. Le 23 mai 1822, jugement qui déclare Joyeux non recevable et mal fondé. - Appel. - Arrêt.

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LA COUR ; - Attendu, d'une part, qu'il est établi que Joyeux était propriétaire des quarante-huit barriques de vin revendiquées...; Altendu, d'autre part, que l'identité desdites pièces de vin est constatée au procès; que les vins n'ont point été livrés dans le sens des art. 576 et 577 c. com., puisqu'ils ne sont point entrés dans les magasins de l'acheteur ni du commissionnaire de l'acheteur, et qu'ils ont été arrêtés sur le navire qui les transportait de Bordeaux à Rouen, en destination pour la Villette près de Paris;-Met l'appellation et ce dont est appel au néant... Du 15 mars 1822.-C. de Rouen, 2 ch.-M. Aroux, pr.

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2e Espèce (Les synd. Aymard C. Imbert et Château.)- Au mois d'août 1821, le sieur Aymard père, chef de la maison Aymard d'Avignon, se trouvant à Marseille, acheta douze balles de galles, par l'entremise des sieurs Imbert et Château, négociants dans cette ville. La facture s'éleva à la somme de 8,016 fr., que la maison Aymard paya aux sieurs Imbert et Château, par un mandat tiré sur Pascal fils et comp., négociants dans la même ville de Marseille, payable au 20 sept. alors prochain. Le sieur Aymard père fit déposer les marchandises chez les sieurs Panfin et comp., commissionnaires de roulage, auxquels il donna l'ordre de les expédier à la maison Siéber-Saint-Sauveur, à Paris. Panfin et comp. se conformèrent à ce mandat, et envoyèrent à la maison Aymard, à Avignon, le duplicata de leur lettre de voiture. - Aymard père et comp. donnèrent ensuite l'ordre à la maison Sieber-Saint-Sauveur de faire passer les mêmes marchandises aux sieurs Salavy, Aymard fils et comp., à Rouen; ce qui fut exécuté. Les marchandises arriverent à Rouen le 19 sept. 1821; mais, avant qu'elles fussent entrées dans les magasins de la maison Salavy et comp., elles furent saisies à la requête des sieurs Imbert et Château, vendeurs originaires, qui venaient d'apprendre la faillits de la maison Aymard père et comp., d'Avignon. De Ja, question entre les sieurs Imbert et Château, et les syndics de la faillite Aymard, de savoir si la revendication des marchandises était admissible. Le tribunal de commerce de Rouen, auquel cette question a été soumise, l'a résolue négativement par jugement du 15 fév. 1822, dont voici les motifs : « Considérant que les douze balles de galles dont il s'agit ont été vendues aux sieurs Aymard et comp., étant alors à Marseille, le 21 août dernier; que la facture lui en a été remise le même jour, et que, ce même jour, il a été fourni aux sieurs Imbert et Château réglement de ces marchandises, en un mandat de 8,016 fr., somme égale à la facture; - Considérant que le sieur Aymard, en commettant, par lettres du 10 août dernier, datée d'Avignon, l'achat de cette partie de marchandises, ne s'était pas expliqué sur l'expédition, et qu'il marquait aux sieurs Imbert et Château: « Après vos avis d'achat, nous vous entretiendrons de sa destination ultérieure ; » qu'à raison de la présence du sieur Aymard à Marseille, les sieurs Imbert et Château n'ont point été chargés d'expédier, mais qu'ils ont remis, le même jour, aux sieurs Panfin et comp., à Marseille, les deux balles de galles, pour les tenir à la disposition des sieurs Aymard et comp. ; — Que, le lendemain 22, Jesdits Panfin, d'ordre du sieur Aymard d'Avignon, les ont expédiées aux sieurs Siéber-Saint-Sauveur, à Paris, à la disposition des sieurs Salavy et Aymard de Rouen; Mais que, dès le 22, ils avaient remis anx sieurs Aymard d'Avignon le duplicata de la lettre de voiture adressé aux sieurs Siéber-Saint-Sauveur, lequel n'étant pas parvenu, ils en remirent un deuxième duplicata audit Aymard, le 30 dudit mois d'août;Que, dans cet état, les sieurs Imbert et Château ont livré purement et simplement, absolument et sans réserve, les douze balles de galles aux sieurs Panfin et comp., pour compte des sieurs Aymard et comp., comme ils les auraient livrées au sieur Aymard lui-même ; que lesdits Panfin, mandataires du sieur Aymard pour les recevoir, les ont expédiées aux sieurs Sieber-Saint-Sauveur, à Paris, pour les sieurs Salavy et Aymard de Rouen, mais d'ordre et pour compte des sieurs Aymard et comp., Comme ledit Aymard les eût expédiées lui-mêmo; qu'ainsi les sieurs Imbert et Château ont été totalement dessaisis des marchandises à la sortie de leurs magasins; que ces marchandises ont été acheminées à Rouen par une disposition ultérieure de l'acheteur mis en possession, disposition évidemment étrangère auxdits Imbert et Château, et qui a même dessaisi les sieurs Panfio, mandataires du sieur Aymard et comp.; que l'art. 577 | TOME XXIV.

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sens de l'art. 576 c. com., mettant obstacle à la revendication des marchandises expédiées à l'acheteur, depuis tombé en faillite, lorsqu'à l'époque de cette faillite elles se trouvaient encore déposées, même sur la demande du failli, dans les magasins du voiturier, ces magasins ne pouvant être considérés comme ceux du failli ou du commissionnaire chargé de vendre pour son compte (Paris, 16 juill. 1842) (2);— 3o Qu'il ne suffit pas que c. com. autorise la revendication des marchandises expédiées, tant qu'elles sont en route par terre ou par eau; que l'article se rapporte à l'expédition faite par les vendeurs qui n'ont pas connu la mainmise par l'acheteur; mais qu'il n'a pu, après livraison consommée au lieu de la vente, étendre le droit de revendication aux transport et expédition que peut en faire l'acheteur irrévocablement livré. >>

Sur l'appel, ce jugement a été infirmé et la revendication admise, par arrêt de la cour royale de Rouen, du 15 juin 1822, dont les motifs suivent: « Attendu que le vendeur peut, en cas de faillite de l'acheteur, revendiquer les marchandises par lui vendues et même livrées, et dont le prix ne lui pas été payé, lorsque la livraison n'a pas été faite, ou la revente effectuée, ainsi que le determinent les art. 577 et 578 c. com. ; Attendu que les douze sacs de galles expédiées étaient encore en route; que ces marchandises n'étaient point entrées dans les magasins du failli, et que, d'une autre part, elles n'étaient point payées, le mandat d'Aymard n'ayant point été accepté par Pascal fils et comp.; Attendu que lesdites marchandises n'ont point été vendues ni par l'acheteur ni par son correspondant, avant l'arrivée à leur destination; qu'elles ont été reven diquées lorsqu'elles étaient encore en route, puisqu'elles n'étaient point parvenues dans les magasins de Salavy et Aymard de Rouen, consignataires; Attendu que si la revendication, dans l'espèce, était écartée,

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il en résulterait qu'Aymard d'Avignon, à la veille de sa faillite, aurait pu dépouiller les vendeurs de leur propriété pour la faire passer dans les mains d'Aymard et Salavy de Rouen, à l'effet, par ces derniers, de se remplir des sommes prétendues dues; Met l'appellation et ce dont est au néant. >>>

Pouvoi des syndics Aymard. 1° Violation des art. 576 et 577 c. com., en ce que la cour d'appel a admis la revendication de marchandises livrées à l'acheteur, et qui voyageaient par son ordre. Suivant les demandeurs, quand l'art. 577 parle de marchandises expédiées encore en roule, il entend évidemment les marchandises envoyées par le demandeur, et qui ne sont pas encore parvenues à la destination que ce vendeur leur a donnée. Tant que les marchandises vendues et non payées ne sont pas arrivées à cette destination, on peut les regarder comme n'étant pas irrévocablement livrées, et permettre au vendeur de les revendiquer, en cas de faillite de l'acheteur; mais il est impossible d'étendre ce droit indéfiniment sur les marchandises qui, au moment de la faillite, voyagent d'après un ordre de l'acheteur, postérieur à la livraison de ces marchandises. Ainsi, pour citer un exemple qui présente la plus grande analogie avec l'espèce de la cause, un négociant achète, sur un port, des marchandises qui lui sont immédiatement livrées; si, sans les faire entrer dans ses magasins, il les charge sur des navires qui doivent les transporter aux extrémités du monde, croit-on qu'en cas de faillite de l'acheteur, les vendeurs auront le droit de revendiquer ces marchandises, même après plusieurs années, sous le prétexte qu'elles sont encore en route, et qu'elles ne sont point entrées dans les magasins du failli. — 2o Violation des art. 1234, 1271 et 1278 c. civ. et de l'art. 576 c. com., en ce que l'arrêt dénoncé a admis la revendication, quoiqu'il y eût eu novation dans la créance des sieurs Imbert et Château, vendeurs des marchandises. Les syndics de la faillite Aymard soutiennent que la novation résulte de ce que les sieurs Imbert et Château ont reçu en payement du prix de leurs marchandises un mandat payable à terme, et tiré sur la maison Pascal, établie dans la ville même qu'ils habitent. Les demandeurs disent qu'il importe peu que ce mandat ait été ou non accepté au moment de la faillite Aymard; et ils invoquent deux arrêts, l'un de la cour de Colmar, du ✯ janv. 1806, l'autre de la cour de Douai, du 5 août 1818. — Arrêt. LA COUR; Sur le premier moyen : - · Attendu que l'arrêt dénoncó constate que les douze sacs de galles expédiés étaient encore en route; que ces marchandises n'étaient point entrées dans les magasins du failli ni dans ceux du commissionnaire chargé de les vendre pour le compte du failli; - Qu'il résulte de ces faits que la cour royale de Rouen, en admettant la revendication, loin d'avoir porté atteinte aux dispositions des art. 576 et 577 c. com., en a fait une juste application dans la cause ;Sur le deuxième moyen : Attendu que le mandat donné en payement des marchandises n'ayant point été accepté, il ne s'est opéré aucune novation dans l'origine et la cause de la dette; d'où il suit que la faculté de revendiquer accordée au vendeur non payé lui est toujours acquise; Que, dans ce cas, la délivrance d'effets de commerce n'est pas considéréo comme un mode de libération définitive, le créancier De les recevant, suivant le langage de la banque, que sauf encaissement; - Rejette. Du 6 nov. 1823.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Liger, rap.Lebeau, av. gén., c. conf.-Roger, av.

(2) Espèce (Noël C. syndics Lesage.)- Le sieur Noël, maître de forges dans le département de la Côte-d'Or, avait expédié au sieur Lesage

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la marchandise soit entrée dans le magasin d'un commissionnaire chargé seulement de l'expédier au failli pour que la revendication ne soit plus recevable; il est nécessaire qu'elle soit entrée dans les magasins d'un commissionnaire chargé de la vendre pour le compte du failli (Bordeaux, 4 mars 1834 (1); Toulouse, 19 déc. 1826, aff. Foussac, V. no 1261); -4° Que les marchandises expédiées à un commerçant tombé en faillite peuvent être revendiquées, nonobstant la tradition qui en a été faite dans les magasins de son commissionnaire, si ce commissionnaire ne les a reçues que pour les lui réexpédier (Req., 7 mars 1848, aff. Rignaud, D. P. 49. 1. 83); - 5° Que celui qui, dans l'ignorance de la faillite d'un commerçant, expédie à ce dernier

par l'administration des coches de Rotrou et comp., 28,000 kilog. de fer, qui, sur la demande de l'acheteur, restèrent déposés dans un emplacement concédé à cette administration par le préfet de la Seine. Deux jours après, le sieur Lesage tomba en faillite. Le sieur Noël, considérant que les marchandises par lui vendues n'avaient point encore été livrées au failli, en exerça la revendication. Le syndic de la faillite opposa que les marchandises ayant été déposées dans un emplacement appartenant au voiturier, sur la demande même du destinataire, celui-ci devait être réputé en avoir pris immédiatement livraison, et le voiturier considéré comme son commissionnaire entrepositaire desdites marchandises. Jugement du tribunal de commerce de la Seine, qui déclare la revendication mal fondée par le motif que, dans les circonstances qui précèdent, les magasins du commissionnaire et du voiturier devaient être considérés comme ceux de Lesage, en sorte que la marchandise y eût péri pour le compte de ce dernier. Appel. Arrêt. LA COUR; - Considérant qu'aux termes de l'art. 576 c. com., les marchandises expédiées peuvent être revendiquées tant que la tradition n'en a pas été effectuée, soit dans les magasins du failli, soit dans ceux du commissionnaire chargé de les revendre pour son compte ;-Considérant, en fait, que Noël à vendu à Lesage 28,000 kil. de fer; que Noël en a fait l'expédition à Lesage par l'administration de coches des Rotrou et comp.; que les fers sont restés depuis sur le port du quai Sant-Bernard, à une place concédée par le préfet de la Seine à l'administration des coches; Que l'on ne peut considérer les magasins de Rotrou et comp. comme ceux du failli Lesage ou ceux du commissionnaire chargé de vendre pour son compte ; Par ces motifs, infirme.

Du 16 juillet 1842.-C. de Paris, 3° ch.-M. Lechanteur, pr.

(1) Espèce: (Courtois et Lusseaud C. Tyranty.) - En 1831 et 1832, Tyranty, de Nice, expédia aux sieurs Lusseaud frères, négociants à la Réole, six pièces d'huile d'olive; il les adressa à Coste et Roumieux, commissionnaires à Adge. A leur tour ceux-ci les envoyèrent à Courtois et comp., à Toulouse, qui les reçurent les 11 déc. 1831 el 14 janv. 1832, sur l'ordre des sieurs Lusseaud frères, qui leur avaient écrit pour les prévenir des envois qui devaient leur être faits. Les marchandises n'avaient pas encore été adressées de Toulouse à leur destination dernière, lorsque les frères Lusseaud furent déclarés en état de faillite. A la nouvelle de cet événement, Tyranty, qui savait que les marchandises se trouvaient encore à l'entrepôt de Toulouse, forma, contre les syndics de la faillite, une demande en revendication. Les commissionnaires de Toulouse, intéressés à faire considérer les marchandises revendiquées comme étant la propriété définitive des frères Lusseaud, afin de recouvrer, par privilége, les avances qu'ils prétendaient avoir failes, se joignirent aux syndics et soutinrent avec eux que ces marchandises étant entrées, avant toute revendication, soit dans les magasins des sieurs Coste et Roumieux, à Agde, soit surtout dans ceux du sieur Courtois et comp., à Toulouse, chargé de les recevoir par les sieurs Lusseaud eux-mêmes, devaient, par cela même, être considérées comme étant entrées dans les magasins de ces derniers, et par suite susceptibles d'être maintenant revendiquées (art. 577 c. com.). Ils ajoutaient, en supposant la revendication possible, qu'elle ne devait pas avoir lieu au préjudice de leur privilége, qui leur était garanti, à raison de leurs avances, par l'art, 93 c. com.; que, d'ailleurs, le revendiquant était obligé de payer personnellement les frais de commission quand ils n'ont pas encore été acquittés (c. com. 579).-Jugement du tribunal de la Réole qui admet la revendication.- Arrêt.

LA COUR ; — Considérant, en ce qui touche l'appel principal de Cour tois, qu'il soulève la question de savoir si Tyranty, vendeur de six barriques d'huile revendiquées, se trouvait dans la situation qu'indique le code de commerce, comme pouvant seule autoriser une demande en revindication; que, pour résoudre cette difficulté, il faut commencer par consulter les art. 576, 577 et 580 c. com.; que les deux premiers articles décident qu'en cas de faillite, aucune revendication de marchandises vendues et livrées ne peut avoir lieu, si les marchandises ne sont plus en route et si elles sont entrées, soit dans les magasins du failli, soit dans ceux d'un commissionnaire chargé de les vendre; que l'art. 580 dispose que la revendication ne peut être exercée que sur des marchandises dont les ballots, barriques et enveloppes n'auront pas été ouverts; que, pour sa

des marchandises, conserve le droit de les revendiquer, si, d'une part, la demande de ces marchandises, qui se trouvent encore dans la masse, lui a été faite dans les dix jours qui ont précédé la faillite; si, d'autre part, la lettre par laquelle l'expéditeur an nonce qu'il accepte la commission et qu'il va expédier les marchandises, n'est arrivée au domicile du failli qu'à une époque où il était déjà absent, et postérieurement à l'ouverture de la faillite, et cela, bien que les marchandises soient entrées dans le magasin du commissionnaire du failli, où elles sont restées, non pour être vendues, mais en attendant l'embarquement qui en serait fait par le failli (Caen, 7 août 1820) (2); - 6° Que la revendication peut être exercée, encore que les marchandises

voir si les conditions imposées par le code de commerce à quiconque voudra revendiquer se rencontrent dans la cause, il devient indispensable de consulter les faits;-Que les six pièces d'huile dont il s'agit avaient été vendues et expédiées par Tyranty, de Nice, aux frères Lusseaud, de la Réole; Que le prix de ces six pièces était dû à Tyranty au moment de la faillite;

Qu'il est reconnu que les huiles n'étaient pas entrées dans les magasins des frères Lusseaud, à la Réole; que le sieur Courtois a vainement imaginé de soutenir que les magasins des sieurs Coste et Roumieux, a Agde, devaient être considérés comme les magasins des acheteurs; que celte prétention du sieur Courtois ne pourrait être admise sans blesser la vérité; que les faits de la cause établissent que Coste et Roumieux n'étaient que des commissionnaires de transit; que le contraire ne résulte point du connaissement; qu'il est tellement vrai que les commissionnaires d'Agde n'étaient pas chargés de vendre, qu'ils se sont empressés d'expédier les huiles à Toulouse, prouvant ainsi qu'ils ne se considéraient que comme de simples transitaires; qu'il n'est pas possible de s'arrêter à co premier moyen ;-Qu'on ne saurait non plus admettre qu'à Toulouse les six pièces fussent entrées dans les magasins de Lusseaud, puisqu'il est constant que Courtois les recut dans les siens; mais que, par les raisons déjà développées, la demande du sieur Tyranty ne pourrait se soutenir, si Courtois était investi du droit de vendre les builes; que la cour est ainsi naturellement amenée à rechercher si Courtois avait ou non mandat pour vendre les marchandises dont il s'agit; - Considérant que de la correspondance qui a existé entre les frères Lusseaud et Courtois, il résulte qu'il fut d'abord question d'autoriser Courtois à vendre, pour se couvrir de ses avances, douze pièces d'huile fine, mais que plus tard le mandat se réduisit à huit grosses pièces; que quatre pièces provenant des envois de Tyranly furent d'abord vendues par la maison de Toulouse ; qu'ensuite un certain nombre de tonnes d'huile à quinquet ayant été acceptées par Courtois en échange de quatre pièces d'huile fine, ces tonnes furent également vendues; que, par conséquent, Courtois ayant disposé de huit pièces d'huile, ainsi que cela avait été convenu, le mandat s'est trouvé épuisé par cette double vente, d'où il suit qu'il n'a jamais porté sur les six pièces d'huile objet du litige; que, devant ces reflexions, tombe évidemment l'objection du sieur Courtois; Considérant que la tardive allégation de l'appelant, que les six pièces d'huile avaient été ouvertes au moment de leur introduction dans les magasins du mandataire des frères Lusseaud, n'est nullement justifiée; qu'aucun document, aucun indice, aucune ligne de la volumineuse correspondance placée sous les yeux de la cour, ne vient établir cette circonstance qui trancherait la question en faveur du sieur Courtois ; que ce moyen ne reposant que sur l'allégation intéressée du défendeur, doit encore être rejeté ; Considérant qu'après avoir reconnu que Tyrauty, en invoquant les articles précités du code de commerce, était fondé à revendiquer les six pièces d'huile, il devient inutile d'examiner si la vente, du moins en ce qui touche quatre barriques, devait être résolue;

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Considérant que la question du privilége établi par l'art. 93 en faveur du commissionnaire qui a fait des avances, est maintenant tout à fait oiseuse; que les marchandises une fois allouées à Tyranty comme n'ayant jamais cessé d'être sa propriété, puisqu'il les a saisies en route, il est impossible qu'on les adjuge à Courtois en vertu de l'art. 93: — Consi dérant au surplus que la question du privilége n'est que celle de la revendication présentée sous une autre face, puisqu'il faudrait encore se livrer à un examen préalable, qui serait celui-ci: Courtois avait-il fait les avances qu'il réclame sur des marchandises à lui expédiées pour être vendues; et que sur ce point la cour vient d'embrasser la négative; Ordonne que le jugement renda par le tribunal de commerce de la Réole, le 24 août 1832, sortira son plein et entier effet.

Du 4 mars 1834.-C. de Bordeaux, 4 ch.-M. Dégranges, pr. (2) Espèce: (Syndics Nourry C. Durand.) - Le sieur Nourry, né. gociant à Caen, écrit, le 28 mai 1817, au sieur Durand, de Vire, pour demander à celui-ci s'il peut lui fournir une certaine quantité de papier. Sur la réponse affirmative de Durand, Nourry écrit le 1er juin : « Faitesmoi un assortiment de 5 à 6,000 fr. au plus, pour que je reçoive au plus tard jeudi ou vendredi 6 juin, avant midi. » — Le 4, lettre de Durand ainsi conçue : « Je vous remets facture de la demande que vous m'avez faite du 1er courant; elle se compose de... que vous recevrez ven

solent entrées dans les magasins du commissionnaire du failli, et que les cordes des balles y aient été coupées, si, d'une part,

dredi, 6 juin, à midi, ou plutôt à l'adresse de MM. Mérille et Plaisant fils, comme vous paraissez le désirer. » Le 5 juin, envoi des marchandises; elles arrivent à Caen, le 6, chez ces derniers.

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A cette époque, Nourry ne se trouvait déjà plus dans cette ville; il l'avait quittée, après avoir donné l'ordre aux sieurs Mérille et Plaisant de lui expédier les papiers pour le Havre, à l'adresse de la dame Grégoire et fils; ce qui fut effectivement exécuté. Instruit de ce départ, le sieur Durand se met en route, le 1er juin, pour le Havre; il trouve Nourry à londeur, et en obtient, le 11, une autorisation de reprendre ses marchandises qui étaient déposées chez la dame Grégoire, en attendant le moment où elles devaient être embarquées; mais celle-ci refuse de les Nourry. rendre, sous prétexte qu'elle a fait des avances Le même jour, 11 juin, jugement du tribunal de commerce de Caen, qui déclare la faillite de Nourry, et en reporte l'ouverture au 5.

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Dans cet état, le sieur Durand assigne la dame Grégoire devant le tribunal de Caen, pour obtenir la restitution de ses papiers. Celle-ci ne s'y oppose pas; mais les syndics de la faillite interviennent dans l'instance, et prétendent que la revendication est inadmissible, soit parce que_la vente a été parfaite dès le 4 juin, époque à laquelle le sieur Durand a écrit qu'il acceptait la commission et qu'il allait faire l'envoi, soit parce qu'au moment de sa réclamation, les marchandises étaient déjà entrées dans les magasins du failli, ou, ce qui revient au même, dans ceux de son commissionnaire, où elles ont été déballées.

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Le sieur Durand répond d'abord que la vente n'a jamais été parfaite, puisque, le 5, époque à laquelle l'envoi a eu lieu, Nourry était en faillite et se trouvait dessaisi de l'administration de ses biens; qu'en supposant que Nourry ait pu contracter après sa faillite (V. M. Pardessus, Droit comm., t. 3, p. 252, et M. Locré, Esprit du code de comm., sur l'art. 442, § 3, n° 2), on doit admettre qu'il a pu résilier le contrat qu'il avait formé; que, sous ce rapport, l'ordre donné par lui, le 11, de restituer les marchandises au vendeur, est à l'abri de toute critique de la part de ses créanciers, dont la position n'est nullement changée, et qui, dans ce cas, ne sont que les ayants cause du failli; que, d'ailleurs, les marchandises ne sont jamais entrées dans les magasins de ce dernier ou de ses commissionnaires pour y être vendues.

Le 12 juin 1819, jugement qui accueille la revendication des papiers. Ce jugement porte, en substance, qu'encore bien que les marchandises, une fois sorties des magasins du vendeur, voyagent aux risques et périls de l'acheteur (art. 100 c. com.), la vente n'en est cependant parfaite, Aorsqu'elles ne sont point vendues en bloc, mais au poids, au compte, à 'la mesure, qu'après que l'acheteur a été à même d'en faire la vérification (c. civ., art. 1585); que cela est tellement vrai, que si, à l'arrivée, il reconnait que les marchandises ne sont pas de la qualité qu'il a demandée ou qui lui a été annoncée, il a le droit de les laisser pour le compte du vendeur; qu'elles ne lui appartiennent donc que du moment où elles lui sont délivrées; que, de ce principe e de l'art. 577 sainement entendu, il s'ensuit que toutes les marchandises dont le prix n'a pas été payé, qui se trouvent en route, et qui, au moment de la déclaration de faillite, ne sont point entrées dans les magasins du failli ou dans ceux des commissionnaires chargés de les vendre, ne font point partie de son actif; que l'apposition des scellés ayant dû être faite immédiatement après la déclaration de faillite, il ne peut plus y avoir de confusion, et les syndics n'ont nullement le droit de s'attribuer pour la masse, des objets qui ne sont pas encore le propre du failli; que ces principes sont si bien consacrés, que toutes les maisons honnêtes qui se trouvent dans la nécessité de cesser leurs payements, ont grand soin, du moment de cette cessation, de séquestrer et de tenir à la disposition des envoyeurs toutes les valeurs qui leur arrivent, venant de personnes qui ne leur doivent point; que les papiers expédiés ne sont arrivés que le 6 juin; qu'ils n'éLaient donc pas acquis le 5 à la masse des créanciers de Nourry; que, dès lors, la remise qu'il en a consentie le 11 ne leur a point préjudicié, et ne peut être qualifiée d'acte fait en fraude de leurs droits; qu'il serait hors de raison de prétendre qu'un failli ait le droit de faire des marchés dans les dix jours qui ont précédé le jour de sa faillite, et qu'il n'ait pas celui de résilier ces mêmes marchés; que, d'ailleurs, les papiers expédiés n'étaient pas entrés dans les magasins du failli ou de ses commissionDaires, dans le sens de l'art. 577, puisqu'ils étaient destinés à être embarqués; que s'il est vrai que ces papiers aient été déballés, ç'a été par une sorte de prévarication de la pari des commissionnaires, indépendante de la volonté de Nourry.

Appel de la part des syndics. Ils font remarquer que la vente, pour etre parfaite, n'exige que le consentement des parties sur la chose et sur le prix; qu'ainsi, on ne peut rien conclure contre sa perfection de ce que, dans l'espèce, l'acheteur aurait eu le droit de refuser les marchandises si elles n'avaient pas eu les conditions requises; qu'on ne peut tirer aucun argument de l'art. 1595, parce que, dans l'espèce, les papiers du sieur Durand ont été comptés par lui, ainsi que cela résulte de sa lettre, désignant le nombre de rames qu'il envoyait, et que la loi ne dit pas qu'elles aient dû être complées par l'acheteur plutôt que par le vendeur; que, d'un

cette section des cordes n'est qu'un acte abusif du commissionnaire, et sí, d'autre part, les marchandises ont été placées chez

autre côté, l'art. 1585 n'exprime pas d'une manière absolue quo, tant qu'aucune vérification n'a eu lieu, la vente est nulle; mais seulement qu'elle est imparfaite, c'est-à-dire que les marchandises restent toujours aux risques du vendeur;- Qu'il n'existe aucune disposilion de loi de laquelle il résulte que les marchandises arrivées après l'ouverture de la faillite doivent être gardées pour être remises à l'envoyeur; qu'il est, au contraire, certain que les syndics doivent les recevoir, parce qu'il pourrait arriver que les marchandises venant à se déteriorer, le vendeur aurait plus d'intérêt à se présenter devant la faillite, comme créancier du prix, qu'à exercer la revendication; que, dans ce cas, la masse serait lésée par la faute des créanciers; qu'en fait, c'est le 4 juin, et non le 5, que les marchandises ont été chargées; mais qu'en admettant que l'expédition ait eu lieu seulement le 5, c'est-à-dire postérieurement à la faillite, il ne s'ensuivrait pas que l'ordre donné le 11 de remettre les marchandises ait pu résilier l'engagement formé par le failli; qu'en effet, cette prétendue résiliation est frappée d'une présomption de fraude à l'égard des créanciers par l'art. 447 c. com., et que, de ce que le failli a contracté un engagement valable, parce qu'il n'y a eu aucune fraude de sa part, il serait déraisonnable de prétendre qu'il ait pu également révoquer cet engagement, puisqu'il rentrait dès lors sous l'empire de l'art. 447, qui porte: « Tous actes ou payements, faits en fraude des créan ciers, sont nuls. » — Arrêt.

LA COUR; Considérant, en fait, que, par jugement du tribunal de commerce de Caen, du 11 juin 1817, Jean Nourry fut déclaré en état de faillite, et l'ouverture de sa faillite fixée au 5 du même mois; - Considérant que les marchandises dont Durand réclame la remise lui furent demandées par Nourry le 1er juin, conséquemment dans les dix jours qui précédèrent l'ouverture de la faillite; d'où suit que cette demande est présumée frauduleuse, quant audit Nourry, aux termes de l'art. 445 c. com.; que si l'acte de commerce qui a eu lieu entre Nourry et Durand, en exécution de cette demande, n'est pas nul de plein droit, d'après les dispositions du même article, parce qu'il n'y aurait pas eu fraude dans cet acte de la part de Durand, on doit examiner si ce même acte a reçu le complément d'exécution nécessaire pour que les marchandises qui en sont l'objet puissent entrer dans la masse de l'actif du failli, et que Durand doive, pour raison d'icelles, être déclaré créancier de ladite masse; - Considérant qu'il est de notoriété publique que Nourry abandonna clandestinement son domicile, le 5 juin au soir, pour se rendre au Havre, où il expédiait un navire pour le Brésil, sur lequel navire il avait chargé tout ce qu'il avait pu réunir de marchandises à crédit, dans lequel il devait s'embarquer, et lequel était au moment de son départ; qu'il résulte d'un certificat délivré par le sieur Betourné, alors commis chez Nourry, dûment enregistré, que ledit Nourry, en partant, le 5 juin 1817 au soir, ne lui laissa aucun ordre pour ses affaires et les lettres qui pourraient lui être adressées; qu'en conséquence toutes les lettres arrivées à l'adresse dudit Nourry, depuis son départ, restèrent sans être décachetées et furent remises en cet état aux agents provisoires; — Considérant qu'il a été soutenu par Durand que la lettre qu'il écrivit à Nourry le 4 juin, en réponse à celle de Nourry du 1er, par laquelle ledit Durand lui annonçait l'envoi de l'assortiment de papiers demandés, et lui en remettait facture, n'est arrivée au domicile de Nourry qu'après son départ, et que cette lettre était du nombre de celles remises cachetées aux agents provisoires; que les syndics n'ont pas méconnu que cette lettre ait été trouvée au domicile de Nourry, mais qu'ils n'ont pas reconnu qu'elle ait été trouvée cachetée; — Considérant, en droit, que si l'intérêt du commerce exige que les négociants puissent contracter toute espèce d'engagement par lettres, il faut au moins que les engagements soient parfaits et irrévocables; qu'une demande de marchandises ne peut constituer un acte parfait et irrévocable que lorsque celui auquel cette demande est faite déclare à celui qui la lui fait qu'il consent à faire l'envoi demandé, aux conditions offertes, et que le demandeur est saisi de la lettre contenant le consentement précis et non équivoque; Considérant que tout porte à croire que la lettre de Durand du 4 juin n'est parvenue au domicile de Nourry qu'après le départ de ce dernier, puisque, si elle y fût parvenue auparavant, Nourry n'eût probablement pas manqué de l'emporter avec lui, non-seulement pour vérifier les marchandises qui composaient l'envoi de Durand, sur la facture jointe à cette lettre, mais encore pour sa gouverne, lors de la vente de ces marchandises; que si cette lettre n'a pas été reçue par Nourry, celui-ci n'a pas pu sanctionner, par son acceptation, l'acte de commerce projeté entre lui et Durand; Considérant que les marchandises dont il s'agit ne sont arrivées à Caen que le 6 juin; qu'elles ne furent point déposées dans les magasins de Nourry, mais remises aux sieurs Mérille et Plaisant fils, commissionnaires de roulage, sur l'indication de Nourry, lesquels avaient, à ce qu'il paraît, élé chargés de les faire passer par la voie de terre à Honfleur, et de Honfleur au Havre par le passager; Considérant que ces marchandises furent adressées à la veuve Grégoire et fils au Havre, commissionnaires de Nourry, non chargés de les vendre pour son compte, mais bien de les faire embarquer; Considérant que la revendication est un acte favorable qui ne peut être restreint que dans les cas déterminés

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ce dernier, non pour y être vendues, mais pour y rester en dépôt jusqu'à l'embarquement que devait en faire le failli (même arrêt), et que, dans ce cas, le navire destiné à transporter ces marchandises peut seul être regardé comme le magasin du failli, dans le sens de la loi commerciale (même arrêt).

1257. D'après un arrêt, le vendeur non payé de marchandises qui sont encore déposées dans un entrepôt réel, lors de la faillite de l'acquéreur, peut les revendiquer, parce que ces marchandises ne sont pas à la libre disposition de l'acquéreur et sont considérées comme étant encore en route (Bruxelles, 25 avril 1810)(1).-Du reste, les objets saisis pour cause de fraude commise par le failli, ne peuvent être revendiqués entre les mains du gouvernement, sous prétexte que le failli n'en a pas eu la possession, et qu'ils ne sont pas entrés dans ses magasins. Il y a ici un fait répréhensible qui doit être puni suivant le mode indiqué par la loi, et qui nécessairement fait cesser le droit de revendiquer (L. 22 août 1791, tit. 12, art. 5; décr. 1er germ. an 13, art. 38). · Quid en cas de sequestre pour contumace?

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- V. D. P. 51.2.105.

1258. Si une partie seulement de la marchandise était entrée dans les magasins du failli, pourrait-on revendiquer la portion non emmagasinée ?-V. n° 1244.

1259. Si les marchandises vendues et livrées n'étaient arrivées dans les magasins du failli ou dans ceux de son commis

par la loi; que l'art. 577 c. com. n'interdit la revendication que lorsque les marchandises sont entrées dans les magasins du failli, ou dans ceux du commissionnaire chargé de les vendre pour le compte du failli; qu'ainsi la revendication de Durand pouvant être faite jusqu'au moment de l'embarquement des marchandises par lui envoyées à Nourry, le navire seul destiné à les transporter au Brésil pouvait être regardé comme le magasin dudit Nourry, lors d'ailleurs que l'identité des marchandises n'est pas contestée, et que, si les cordes des balles ont été coupées, ce n'a été que par une action abusive desdits commissionnaires; - Considérant que, si Durand était fondé à revendiquer légalement les marchandises dont s'agit, Nourry a pu, le 11 juin, l'autoriser à s'en ressaisir chez ses correspondants au Havre, sans que l'autorisation donnée par ledit Nourry puisse être regardée comme un acte fait en fraude de ses créanciers; qu'ainsi, sous quelque rapport qu'on envisage la demande de Durand, cette demande est fondée, et a dû être accueillie par le tribunal de commerce de Caen ; Confirme.

Du 7 août 1820.-C. de Caen.-MM. Bazire et Devic, av.

(1) Espèce (syndics Vandenbol C. Vanrossum.)-Les frères Vanrossum, négociants à Amsterdam, avaient envoyé des cotons à Vandenbol, négociant d'Anvers. Ces cotons furent entreposés à Anvers, et ils étaient encore dans l'entrepôt, lorsque Vandenbol, qui n'en avait pas payé le prix, tomba en faillite. Les frères Vanrossum revendiquèrent les cotons, en invoquant les art. 576 et 577 c. com. Il est vrai que les cotons revendiqués n'étaient plus en route, ni par terre, ni par eau; mais les cotons n'étaient pas encore mis à la disposition de l'acheteur.Il existe à Anvers un entrepôt réel, établi en vertu de la loi; les marchandises venant de l'étranger y sont déposées et assujetties à un droit, et doivent en être retirées dans le délai fixé. C'est un dépôt nécessaire, un magasin public; c'est le complément de l'expédition, et tant que les marchandises y restent déposées, elles sont réputées être encore en route. Il est donc permis aux vendeurs de les revendiquer. Le tribunal de commerce d'Anvers a admis la revendication. Appel par les syndics. Arrêt.

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LA COUR; Attendu que l'entrepôt réel est établi par la loi comme un dépót nécessaire des marchandises étrangères, introduites sur le territoire français, jusqu'au moment de l'acquittement des droits; - Que, dans l'espèce, les appelants n'ont ni établi, ni même fait offre d'établir que les cotons dont s'agit n'auraient pas été, au moment de la faillite de Vandenbol, dans un entrepôt réel et nécessaire, et que ledit Vandenbol ne les aurait laissés dans ce dépôt que comme dans un magasin, jusqu'au moment qu'il aurait trouvé bon d'en disposer; Qu'il suit de là que ces marchandises doivent être considérées comme étant encore jusqu'ici en route, et qu'ainsi, d'après l'art. 577 c. com., les intimés ont pu les revendiquer; Met l'appellation au néant, avec amende et dépens. Du 25 avr. 1810.-C. de Bruxelles.

(2) Espèce:- (Plonévez C. Ramet père et fils.)-Le 31 mars 1857, les sieurs Ramet père et fils, négociants à Rennes, adressent la facture de diverses marchandises au sieur Plonévez, commerçant à Pontrieux, et expédition en est faite le 7 avril. Sur l'avis donné aux Ramet que Plonévez est sur le point de tomber en faillite, ils le somment, le 21 avril, de leur remettre les marchandises expédiées. Déclaration de Plonévez en ces termes : « Que, s'il avait été chez lui le 17, jour auquel les marchandises lui étaient parvenues, il ne les eût pas acceptées, et qu'il

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sionnaire chargé de les vendre, que postérieurement au jugement déclaratif de faillite, la revendication en serait-elle interdite ?— Le texte de la loi ne fait aucune distinction: il prohibe toute revendication par cela seul que les marchandises sont entrées dans les magasins en question. Néanmoins, il n'est pas douteux que la revendication est recevable dans notre hypothèse; car, suivant ce qui a été dit (no 1240), c'est la prise de possession par le failli ou par son mandataire qui empêche la revendication, et cette prise de possession n'est plus possible dès l'instant que la faillite a été déclarée : le vendeur ne peut, en conséquence, être écarté.—Telle est aussi l'opinion de M. Bédarride, t. 2, n° 1151.

1260. Que devrait-on décider dans le cas où les marchandises seraient entrées dans les magasins avant le jugement déclaratif, mais postérieurement à la cessation des payements? – Il a été jugé, dans le sens de la revendication, que les marchandises ainsi expédiées et livrées, bien que la facture en ait été envoyée avant l'époque de l'ouverture, ne peuvent être réclamées par les syndics, si elles n'ont pas été déballées et si le failli lui-même a déclaré, en remettant ces marchandises, qu'il ne les aurait pas reçues s'il s'était trouvé chez lui lors de leur arrivée (Rennes, 5 juill. 1838) (2).—Mais il faut remarquer que cet arrêt a été rendu dans une espèce régie par le code de 1807, dont l'art. 442 faisait remonter le dessaisissement du failli

offre de s'en dessaisir à l'instant, dans l'état où il les a reçues, attenda qu'elles n'ont pas été déballées. » — 9 mai 1837, déclaration de faillite de Plonévez, dont l'ouverture est reportée au 1er avril précédent.-Demande, de la part des syndics de la faillite, contre les sieurs Ramet, en restitution des marchandises, fondée sur ce qu'elles ne peuvent plus être revendiquées ; que la vente a été parfaite par l'envoi de la facture, anterieure à l'ouverture de la faillite. - 6 oct. 1837, jugement qui rejette la demande. - Appel. — Arrêt.

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LA COUR; Attendu que, dans la cause, il ne s'agit pas de la revendication proprement dite énoncée aux art. 576 et suiv. c. com. ; — Qu'ainsi, il n'y a pas lieu d'examiner si les conditions exigées pour l'exercice de cette action se rencontrent au procès; Que le jugement de déclaration de la faillite de Plonévez, non entrepris, reporte l'ouverture au 1er avril 1837, et qu'à cette époque les droits des créanciers se trouvaient déterminés et fixés; - Que si, à partir de cette époque, on n'a pu diminuer la masse de la faillite au préjudice des créanciers, il n'est pas plus possible d'admettre que, sans droit et contrairement à tout esprit d'équité, on puisse s'enrichir au détriment de tiers de bonne foi auxquels on ne reproche ni dol ni fraude; Qu'en vain, dans l'espèce, pour obtenir l'annulation de la remise des marchandises, faite aux intimés, on objecte qu'au 31 mars 1837 la vente était devenue parfaite par l'envoi des factures à Plonévez, et qu'ainsi, suivant les appelants, les créanciers de co dernier étaient en droit d'en exiger la livraison, tout aussi bien que d'en réclamer la restitution envers les vendeurs ; Que, d'abord, en principe, l'art. 447 résume, quant aux faillites, ce que la loi entend annuler, et que ce sont les actes ou payements faits en fraude des créanciers; Que, d'un autre côté, aux termes de l'art. 1613 c. civ., le vendeur n'est pas obligé à la délivrance, quand même il aurait accordé un délai pour le payement, si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix, à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme, ce qui se rencontre évidemment dans la cause; Qu'il faut en induire qu'en pareil cas les marchandises achetées ne peuvent être considérées comme réellement entrées dans les biens de l'acheteur failli;

Que, sans doute, l'action en délivrance peut bien exister, mais qu'elle est subordonnée aux conditions de payement ou de fournir caution du prix; -Que, nonobstant l'expédition des marchandises, faite dans l'ignorance de la faillite, la réclamation de la part du vendeur constitue un refus de délivrance autorisé par l'art. 1613 précité, et auquel ne peuvent équitablement s'opposer les syndics de la faillite; Que le refus de délivrance permis par la loi aux intimés, sans égard à toute prétention contraire, ils 1837, tout aussi bien que dès le jour de l'ouverture de la faillite, au ont pu, avec le concours de Plonévez, le faire, le réaliser, le 24 avril moyen de la remise faite de bonne foi et sans fraude, de marchandise s qui ne devaient pas entrer dans l'actif de la faillite; Que la remise des marchandises n'a réellement rien changé à la position des créanciers de cette faillite, dont les droits avaient été fixés dès le jour de l'ouverture, le 1er avril; Que, de ce moment même, les Ramet étaient autorisés par la loi à refuser livraison des marchandises par le seul fait de la déclaration de la faillite; Qu'à cette époque, les marchandises n'étaient point encore expédiées, ni par suite entrées dans l'avoir de Plonévez; Que si, dès le 1er avril, on ne pouvait exiger livraison des Ramet que moyennant payement ou caution, il est juste de dire que les marchandises n'ont pu entrer depuis dans les magasins de Plonéves

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