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loi (Paris, 22 mars 1838) (1). - Du reste, si la majorité était obtenue par fraude ou par séduction, on comprend qu'elle n'obligerait pas la minorité, et il a été jugé à cet égard, par appliIcation des lois sardes, que pour que la minorité des créanciers soit liée par le concordat, il faut que le débiteur prouve qu'il a été consenti par la majorité des créanciers telle qu'elle est spécifiée par la loi, et que, par exemple, on doit retrancher de la majorité les voix achetées à prix d'argent au préjudice de la masse ou obtenues par séduction (Turin, 25 vent. an 12, aff. Brouzet, V. n° 758-1°).

684. Les créances admises par provision ne comptent que pour la somme fixée par le jugement d'admission. Mais la validité du concordat ne se trouverait-elle pas affectée dans le cas où la contestation serait terminée par un jugement définitif qui élèverait le chiffre de ces sommes de manière à déplacer la majorité en sommes ?-Pour l'affirmative, on peut dire qu'en définitive, dans l'espèce il n'y aura pas eu réunion des deux majorités qu'exige la loi pour que le concordat existe; que ne pas prononcer la nullité de cet acte, c'est encourager les contestations dans le but d'échapper à cette nécessité de la majorité des trois quarts en somme.-Mais la négative nous paraît cependant plus conforme au texte et à l'esprit de la loi. L'art. 507 veut, en effet, qu'on suppute les créances admises par provision: or, tous les auteurs sont d'accord pour reconnaître que ces créances ne peuvent être comptées que pour le chiffre fixé par le jugement qui prononce l'admission provisoire. On reconnaît donc que la délibération qui intervient, dans ces circonstances, est régulière. S'il en est ainsi, il nous paraît difficile de déclarer nu un acte qui a été consenti très régulièrement. En vain, on dit que si le jugement définitif reconnaît une créance supérieure à celle du jugement provisoire de manière à déplacer la majorité, on n'a pas satisfait à la condition qui exigeait la majorité en somme. Nous répondons qu'en fait, la garantie que donne le jugement prononçant l'admission provisoire est plus que suffisante, quand on la rapproche de celle qui résulte de la nécessité de l'homologation, pour qu'on ait à craindre un dommage sérieux pour l'intérêt des créanciers. En droit nous dirons aussi que la majorité en somme requise par la loi, doit évidemment se calculer au jour du vote, puisque c'est à ce moment que se reporte la remise du failli à la tête de ses affaires, et que la loi a si bien entendu qu'il en fût ainsi, qu'elle n'a pas voulu et que personne ne prétend faire annuler le concordat dans le cas où les créances des personnes domiciliées hors de France viendraient à déplacer cette majorité en somme requise par l'art. 507 c. com.-V. cidessus no 682.

685. Il a été jugé, sous le code de 1807, qu'un concor dat n'est pas nul quoiqu'il ait été passé avant qu'il eût été statué sur la validité d'une créance contestée pour partie, si le résultat, quel qu'il soit, du jugement à intervenir sur cette con

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(1) (Ardant C. Genthon.) LA COUR; Au fond considérant qu'à l'appui de son opposition, Árdant a soutenu que la troisième faillite de la veuve Genthon, déclarée le 3 fév. 1834, avait eu principalement pour objet la résolution d'une société en participation avec lui formée ;-Qu'il s'agissait par là de consommer sa ruine, en s'attribuant, à son exclusion, tous les avantages de la spéculation commune, en le privant des garanties qui assuraient le remboursement d'une créance importante, pour ne lui payer, en dernier résultat, qu'un dividende de 4 p. 100; Considérant que les plaintes d'Ardant sont justifiées par les documents les plus précis qui ont été produits dans la discussion, et particulièrement par la correspondance de la veuve Genthon et des tiers avec lesquels elle s'était frauduleusement concertée (suit l'analyse des faits de la fraude);— Considérant que des moyens d'un autre ordre, et qui seraient de nature à vicier le concordat dans son essence rendent inutile de rechercher si les faits précédemment énoncés rentrent dans la qualification légale de l'art./ 526 c. com., et quelle pourrait être l'influence des décisions rendues au criminel, par lesquelles ces faits auraient déjà été appréciés; - Considérant que la loi, en soumettant la minorité au vœu de la majorité en nombre et en sommes des créanciers, a nécessairement voulu que ce vœu fût librement et volontairement emis, et que les sacrifices que s'imposait la masse, eu égard à la bonne conduite et à la confiance que lui inspirait le failli, fussent également supportés par tous les créanciers; - Considérant qu'il est établi que la veuve Genthon, pour se procurer la majorité en nombre et en sommes, exigée par l'art. 519 c. com., a eu recours à des pactes que la loi réprouve; Qu'elle a usé, en effet, d'un genre de

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testation ne peut avoir pour effet de changer la majorité en sommes exigée par la loi (Bordeaux, 26 mai 1836, aff. Apiau sous Cass., 24 mars 1840, V. no 687).— Dans l'espèce, il n'y avait pas eu d'admission provisionnelle par jugement, mais bien une admission provisoire amiable. On disait dans l'intérêt du créancier qu'il ne peut être consenti de traité entre les créanciers délibérants et le débiteur failli, qu'après l'accomplissement des formalités prescrites par l'art. 508, et dont l'art. 519 exige l'observation, à peine de nullité; que, dans l'espèce, le concordat a été passé avant que le renvoi fait à l'audience eût été vidé par le tribunal; que ce renvoi et le jugement par lequel il devait y être statué, étaient bien évidemment des formalités prescrites par la loi; qu'on devait donc y satisfaire, à peine de nullité, avant de passer outre à la signature du concordat. Mais la cour de Bordeaux a très-bien compris que l'intérêt étant la mesure des actions, comme l'objet de la contestation ne pouvait porter aucune atteinte aux trois quarts en somme exigés par la loi, on avait régulièrement procédé et que les dispositions invoquées par l'appelant n'avaient aucunement été violées dans le fait.

Au surplus, lorsqu'une créance n'est contestée qu'en partie, elle se trouve vérifiée pour le reste, et le créancier peut, dès lors, se présenter dans l'assemblée, si d'ailleurs il a satisfait à l'affirmation, et se faire comprendre dans l'état des créances vérifiées jusqu'à due concurrence. Cette proposition, contestée sous le code, par Locré, t. 6, p. 336, ne nous paraît pas susceptible de doute, en présence d'une loi qui admet tous les créanciers, quelle que soit l'importance de leurs droits. — Et, nous ne croyons pas qu'on puisse tirer contre lui, quant au surplus de la dette, aucune induction de la circonstance qu'il n'aurait pas fait des réserves lors de son vote: ce n'est pas là, en effet, le lieu de les manifester le créancier a dû le faire ailleurs.

686. Tout créancier vérifié et affirmé, ou admis provisoirement, a droit de prendre part aux délibérations du concordat, et d'y voter s'il ne prétend d'ailleurs aucune qualité privilégiée. Il est bien certain qu'on ne pourrait exclure un créancier à cause de sa parenté avec le failli, quelle qu'elle fût. En effet, la justice est rassurée, dit M. Pardessus, no 1237, par la vérification qui a eu lien. En conséquence, si le failli est débiteur d'une succession qu'il avait acceptée sous bénéfice d'inventaire ou dont les créanciers ont obtenu la séparation des patrimoines, le curateur peut se présenter au concordat, au nom de cette succession.— | Conformément à notre théorie, il a été jugé: 1° que, nonobstant la proximité du degré de parenté ou d'alliance des créanciers avec le failli, s'ils sont créanciers sérieux et légitimes, ils peuvent prendre part aux assemblées générales et au vote du concordat, et l'on doit, pour supputer la majorité des trois quarts en sommes, faire compte de leurs créances(Dijon, 21 mai 1844)(2). —2o Que la femme du failli peut participer à l'assemblée et au vote

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fraude d'autant plus dangereux, que, par son aide, les faillis parviennent trop souvent à tromper la prudence des magistrats qui sont chargés par la loi de surveiller leurs actes;-Qu'en effet il a été justifié, notamment, que l'un des créanciers qui ont adbéré avait traité, moyennant 1,000 fr., de sa créance de 2,300 fr.; qu'un autre, dont la créance était de 2,000 fr., avait reçu l'engagement d'être payé intégralement, à raison de 500 fr. par année; qu'un troisième, quoiqu'il se prétendit privilégié pour une somme de 10,000 fr., avait participé au concordat, mais que, pour l'introduire dans l'assemblée des créanciers, il avait fallu le faire renoncer a son privilége en lui garantissant l'entier payement de la dette; sidérant qu'il suit de là que le concordat du 13 sept. 1837 n'a été consenti ni légalement ni de bonne foi; qu'il ne présente pas même la majorité en sommes voulue par la loi, et ne peut, dès lors, subsister; infirme; Déclare le concordat nul, et renvoie à former le contrat d'union. Du 22 mars 1838.-C. de Paris, 3 ch.-M. Jacquinot-Godard, pr. (2) (Auloy C. de Digoine et autres.) - LA COUR; Considérant que le concordat a été établi, suivant le vœu de l'art. 507 c. com., par la réunion d'un nombre de créanciers formant la majorité et représentant en outre les trois quarts de la totalité des créances vérifiées et affirmées ;Que les opposants, qui reconnaissent eux-mêmes ce point de fait, se bornent seulement à prétendre qu'il faut retrancher du nombre des votants le sieur Beck, beau-frère du failli, le sieur Labaille, dont la créance doit être attribuée par prélèvement jusqu'à concurrence de 40,000 fr. à la femme et aux enfants Auloy, et les veuve et enfants Brémond, qui ont pour coobligé solidaire le sieur de Digoine; Mais que cette exclusion,

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du concordat. Il suffit, en effet, de recourir à ce que nous avons rapporté de la discussion soulevée devant le conseil d'Etat au sujet des droits des femmes (V. sect. 12, art. 4), pour se convaincre qu'on n'a entendu leur enleve. Le bénéfice du droit commun, quant aux moyens de preuve, qu'autant qu'elles demandent à exercer un droit privilégié dans la faillite de leur mari, et qu'on a conséquemment voulu les remettre sous l'empire de ce droit alors qu'elles ne réclament que la qualité de créancières ordinaires. —Il a été jugé également qu'un créancier dont la créance est garantie par le cautionnement solidaire d'une personne qui est elle-même, à un autre titre, créancière du failli, a le droit de prendre part au concordat et de faire compter sa créance (même arrêt de Dijon, 21 mai 1844, aff. Auloy).- Aucune raison sérieuse ne peut faire écarter ce créancier, car la garantie solidaire qu'il a contre un tiers ne lui enlève pas sa qualité de créancier du failli.

687. Celui qui est propriétaire de plusieurs créances a-t-il autant de voix qu'il réunit de créances distinctes? - Tout le monde est d'accord pour adopter la négative dans le cas où la réunion de plusieurs créances dans la même main est antérieure à la faillite. La raison en est que la loi, en admettant deux bases de majorité, a eu en vue pour l'une de ces majorités la personne des créanciers, pour l'autre la quotité des créances. Elle ne s'est pas préoccupée de l'origine des titres pour la supputation des personnes créancières. MM. Renouard, t. 2, p. 17, Bédarride, t. 2, no 533, Esnault, t. 2, no 403, Pardessus, n° 1236, et Boileux, sur Boulay-Paty, no 550, n'hésitent pas à soutenir cette doctrine.-Mais le même accord n'existe pas dans l'hypothèse où la réunion de plusieurs titres dans la même main est postérieure au jugement déclaratif de faillite. Ainsi, il a été jugé : 1° que si quand des cessions ont été consenties antérieurement à la faillite, tous les titres de créances cédées se confondent, et le cessionnaire ne peut prétendre qu'à une seule voix dans les délibérations relatives au concordat, dans le cas, au contraire, où le créancier d'une faillite n'est devenu cessionnaire que postérieurement à l'ouverture de la faillite, il peut exercer les droits qui lui ont été transmis par ses cédants, comme étant subrogé en leur lieu et place; de sorte que, dans le concordat passé entre le failli et les créanciers, il peut exiger que, `pour la composition de la majorité en nombre et des trois quarts en sommes, l'on compte chacun des titres de créance qu'il a acquis (Bordeaux, 26 avril 1836, aff. Appiau, V. l'arrêt qui suit); 2° Que le créancier d'une faillite peut se rendre cessionnaire

que l'on voudrait établir à l'égard de certains créanciers, n'est pas mieux fondée en droit qu'en équité; Qu'en effet, d'une part, s'il est juste de reconnaître que les proches parents d'un failli, à raison des liens qui les unissent à ce dernier, sont peut-être plus facilement disposés que des étrangers à souscrire au concordat, il n'en est pas moins vrai qu'en leur qualité de créanciers sérieux et légitimes, ils ont un intérêt puissant à participer à toutes les opérations de la faillite, et que l'on ne pouvait, sans une souveraine injustice, les priver, par un motif de suspicion, de la faculté d'assister aux assemblées, de veiller à la conservation de leurs droits, et de prendre à cet égard des déterminations dont la sincérité sera toujours suffisamment garantie par la mesure de leur intérêt personDel; qu'aussi il n'existe dans le code de commerce aucune disposition probibitive qui exclue des assemblées générales et du vote au concordat les créanciers parents du débiteur, quelle que soit la proximité du degré de parenté ou d'alliance; - Que, d'une autre part, en ce qui concerne la veuve et les enfants Brémond, s'il est vrai que le sieur de Digoine, qui est obligé solidairement, comme caution, à payer leur créance, avait avec eux un intérêt commun, il n'est pas moins certain que tant que ces créanciers n'étaient pas payés, ils avaient le droit d'agir pour eux personnellement comme ils le jugeaient convenable, de se présenter en conséquence aux assemblées de leur débiteur principal qui était en faillite, et de souscrire à un concordat; sauf au sieur de Digoine à les éliminer par un remboursement qui, lui procurant la subrogation légale, lui permettait d'exercer leurs actions de la manière la plus conforme à ses intérêts; -Considérant, dès lors, que tous les créanciers qui ont été convoqués à l'assemblée du 2 mars dernier avaient qualité pour y comparaître, et qu'ainsi, sous ce rapport, le concordat a été régulièrement formé ; Considérant que le concordat du 2 mars est avantageux pour la masse, et qu'aucun motif d'intérêt public ne s'oppose à son homologation: — - Infirme, et homologue purement et simplement le concordat. Du 21 mai 1844.-C. de Dijon, 2o cb.-M. Saverot, pr. (1) Espèce: - (Apiau C. la faillite Sainte-Marie et Santos. TOME XXIV.

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des droits d'autres créanciers du failli, alors même qu'il représenterait ainsi un nombre de créanciers formant la majorité, et que les créances cédées s'élèveraient aux trois quarts en sommes des créances vérifiées, et que de telles cessions sont valables, sauf le cas où il serait prouvé qu'elles sont frauduleuses et faites au préjudice des autres créanciers (même arrêt).— Pour justifier la solution qui précède, la cour de Bordeaux a considéré que la majorité et le nombre des créanciers doivent être calculés à l'époque de l'ouverture de la faillite, que si postérieurement à. l'ouverture, un créancier devient cessionnaire d'autres créan ciers, ils lui transmettent les droits qu'ils avaient. Mais ces motifs sont loin d'être concluants, et la loi nous paraît exiger une solution en sens contraire. S'il est de principe, en effet, que la cession ou le transport d'une créance comprend tous les accessoires de la créance cédée, d'où il suit qu'un cessionnaire est subrogé dans les droits du cédant d'assister à l'assemblée des créanciers, d'y voter pour la formation du concordat, et même d'y concourir jusqu'à concurrence des créances cédées à la composition des trois quarts en somme, il ne s'ensuit pas que pour la formation de la majorité numérique, le cessionnaire puisse avoir un nombre de voix égal aux cessions qui lui ont été faites, puisque le droit de voler dans une assemblée est un droit individuel qui ne peut être exercé qu'une seule fois par la même personne, quel que soit le nombre des titres qu'il invoque, à moins | qu'une disposition expresse n'ait décidé autrement. Soutenir l'opinion contraire, c'est vouloir que chaque créancier ait autant de voix qu'il a de titres distincts, même de son chef, ce qui est inadmissible évidemment. Aussi, tous les auteurs précités se rangent-ils à la doctrine que la cour de Bordeaux a rejetée, et il a été jugé que, sans distinguer entre le cas où les cessions sont postérieures à la déclaration de faillite et le cas contraire, le droit de voter dans l'assemblée de créanciers pour le concordat est un droit individuel qui ne peut être exercé qu'une seule fois par la même personne, quel que soit le nombre des créanciers qu'elle représente comme cessionnaire; qu'ainsi, à supposer que celui qui s'est rendu cessionnaire de plusieurs créanciers du failli, depuis la faillite, puisse, lors du concordat, faire concourir le montant intégral des créances cédées pour la formation de la majorité des trois quarts en sommes, exigée par l'art. 519 c. com., il ne peut, pour la formation de la majorité numérique, qui est aussi exigée par le même article, prétendre à un nombre de voix égal au nombre des cessions qui lui ont été faites (Cass., 24 mars 1840) (1).-Cette décision, rendue sur le pour

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maison Sainte-Marie et Santos ayant été déclarée en faillite, soixante et un créanciers se présentèrent pour faire vérifier et affirmer leurs créances. - L'un d'eux, la dame Apiau, porteur d'une créance de 34,510 fr. 45 c. provenant de diverses causes, fut admise pour 28,310 fr. 45 c. seulement et renvoyée à l'audience pour le restant de sa créance, qui ne parut pas suffisamment établi. — Avant que le tribunal eût statué sur cet incident, un concordat eut lieu entre les autres créanciers. Il est à remarquer que cinquante-deux signatures étaient apposées à ce traité, dont trente-quatre par le sieur Etchevaria, l'un des créanciers, savoir : une en son nom personnel et trente-trois comme fondé de pouvoir. Les dix-huit antres étaient celles des créanciers qui avaient signé, soit par eux mêmes, soit par des fondés de pouvoir.- La dame Apiau forma opposition à ce concordat. Deux jugements rejetèrent cette opposition, et un nouveau jugement prononça l'homologation du concordat et ordonna qu'il serait obligatoiro pour tous les créanciers, conformément à l'art. 524 c. com. Appel par la dame Apiau. On soutient, dans son intérêt, d'abord que le concordat est nul pour violation des art. 508 et 519 c. com. On s'attache, en outre, à établir, à l'aide de divers fails et présomptions, que le concordat est entaché de simulation et de fraude. —Arrêt.

Le 26 avril 1836, arrêt de la cour de Bordeaux qui confirme par les motifs suivants : -« Attendu qu'il ne résulte pas de l'art. 508 c. com. combiné avec l'art. 519 que, dans aucun cas, il ne puisse être consenti de traité entre les créanciers d'un failli, lorsqu'une créance est contestée et que les parties ont été renvoyées devant le tribunal de commerce, avant qu'il ait été préalablement statué sur cette contestation; qu'il ne doit en être ainsi que dans le cas où le litige laisse la majorité des créanciers incertaine, ou lorsqu'il met en doute la quotité des trois quarts en sommes exigés pour un concordat, parce qu'alors les conditions essentielles du traité ne sont pas accomplies; — Attendu que, dans la cause actuelle, l'appelante, qui se portait créancière de 34,310 fr. 54 c., avait été admise au passif de la faillite pour 28,310 fr. 45 c., et avait été renvoyée à l'audience pour - La 6,000 fr.; que, par conséquent, elle avait qualité pour assister au con

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voi formé contre l'arrêt de la cour de Bordeaux précité, nous paralt avoir fait une très-juste application des vrais principes.

qui

cordat et y stipuler; - Attendu, d'autre part, que les signatures apposées sur le concordat excèdent de plus de 242,000 fr. les trois quarts en sommes de la totalité des créances vérifiées; que, dès lors, la décision à intervenir, quant aux 6,000 fr., objet de la contestation, ne pouvait, sous aucun rapport, porter atteinte aux trois quarts en sommes exigés par la loi, de sorte que, soit à raison de sa qualité de créancière reconnue, lui a donné le droit de participer aux délibérations des créanciers, soit à raison de l'importance relative de la portion de sa créance contestée, l'appelante n'a pas été fondée à faire suspendre la stipulation du concordat, et qu'il y a été régulièrement procédé, nonobstant le renvoi fait devant le tribunal de commerce, quant à la somme de 6,000 fr., et avant qu'il y eût été statué; - Attendu que la majorité et le nombre des créanciers doivent être considérés à l'époque de l'ouverture de la faillite; que si, & antérieurement, un créancier est devenu cessionnaire de plusieurs titres de créances, ces titres se confondent sur sa tête, et qu'il ne peut avoir qu'une voix dans les délibérations; mais qu'il en est autrement après l'ouverture de la faillite; que si, postérieurement à cette ouverture, un créancier devient cessionnaire d'autres créanciers, ils lui transmettent les droits qu'ils avaient, et qu'il peut les exercer comme étant subrogé en leur lieu et place, en vertu du transport qui lui a été consenti;

» Atlendu, en fait, que les soixante et un créanciers avaient affirmé leurs créances; que le concordat porte la signature de cinquante et un, dont trente-trois ont été représentés par M. Etchevaria; que, déduction faite de cos trente-trois créanciers ainsi représentés, il en reste vingt-huit, sur soixante et un, dont les créances avaient été affirmées; que la majorité de cos vingt-huit est quinze; que le concordat, indépendamment des trentetrois signatures données par Etchevaria, en porte dix-huit autres; d'où il suit que, même sous ce rapport, il y a une majorité de trois créanciers en nombre, et que le traité remplit les deux conditions principales exigées par l'art. 819 c. com., puisqu'il est établi par le concours d'un nombre de créanciers formant la majorité et représentant, en outre, plus des trois quarts en sommes; - Attendu que la fraude ne se présume pas; qu'il est naturel qu'Etchevaria, qui avait un grand intérêt dans la faillite de SainteMarie et Santos, ait cherché à mettre un terme aux lenteurs que cette affaire a éprouvées, et que si, pour y parvenir, il a pris cession de plusieurs créances et s'il a fait des conventions avec quelques autres créanciers intéressés comme lui, il a usé de son droit et a traité de bonne foi; que, notamment, dans des conventions que l'on dit avoir eu lieu le 2 sept. 1833, les parties n'auraient eu l'intention de blesser en rien les droits de qui que ce soit. »

La dame Appiau ne se bornait pas devant la cour d'appel à alléguer simplement que le sieur Echevarria s'était rendu cessionnaire des créances de cinquante-trois créanciers de la faillite Sainte-Marie et Santos; mais elle articulait formellement ce fait et offrait de le prouver par des conclusions subsidiaires qui furent rejetées sans motiver ce rejet.

Pourvoi, en cassation de la dame Appiau: elle a proposé deux moyens : 1° Violation de l'art. 519 c. com., en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'un créancier qui est cessionnaire de plusieurs autres a le droit de voter dans le concordat autant de fois qu'il représente de créanciers. résulte des termes de l'art. 519, dit-on, que, pour qu'un concordat soit valable, il doit être délibéré par des créanciers dont les créances soient affirmées et admises; de plus, l'assemblée délibérante doit se composer d'un concours de créanciers formant la majorité en nombre et représentant par leurs titres, les trois quarts en sommes des créances vérifiées et enregistrées ou admises. Ainsi, deux majorités sont nécessaires, celle du nombre de personnes et celle du nombre des intérêts. Celui qui est devenu le cessionnaire de plusieurs créanciers est peut être admissible à faire concourir le montant intégral des créances cédées à la formation de la majorité d'intérêts. Mais pour former la majorité des personnes, il ne peut avoir qu'une seule voix. Chaque cédant n'a pu lui transmettre le droit de voter en son nom, car le vote est un droit personnel et incessible. Nulle part la loi n'a dérogé à ce principe. Elle n'autorise pas davantage la distinction faite par la cour royale entre les cessions antérieures ou postérieures à la faillite. Le système de l'arrêt attaqué favoriserait des spéculations monstrueuses. En effet, un seul créancier pourrait devenir le maitre absolu des deux majorités exigées, et sûr d'imposer sa loi aux créanciers qui n'auraient pas traité avec lui, il pourrait, au moyen d'un accord collusoire avec le failli, stipuler une remise énorme dans le concordat, et détourner à son profit personnel l'actif de la faillite. Dans l'espèce, sur soixante et un créanciers de la faillite, cinquante et un avaient cédé leurs droits au sieur Echevarria. Le concordat ne pouvait donc avoir lieu qu'à la majorité des dix créanciers restant. L'arrêt allaque constate qu'il a été signé par dix-neuf créanciers; mais dix-sept d'entre eux se trouvaient désintéressés comme ayant aliéné leurs créances a Echevarria. C'est ce que la dame Appiau demandait à prouver par des conclusions subsidiaires, et cette preuve ne pouvait être rejetée; 2* Excès de pouvoir, violation de l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810, en ce que l'arrêt attaqué n'a pas motivé le rejet des conclusions subsidiaires dont ilsient d'être parlé;-3 Violation des art. 508 et 519 c. com., en

M. Renouard qui l'approuve, estime toutefois qu'il se rencontre une époque, celle de l'affirmation et de la vérification des créan

ce que la cour d'appel a déclaré qu'un concordat délibéré et souscrit, avant qu'il n'eût été statué sur le renvoi à l'audience, prononcé par le juge-commissaire, d'un créancier dont la créance était contestée en partie, devait néanmoins produire son effet à l'égard de ce créancier que la contestation avait eloigné de la délibération. - De la combinaison des art. 508 et 519, il résulte, dit-on, que le concordat ne peut obliger que les créanciers dont les créances ont été admises, puisqu'eux seuls peuvent concourir au traité. Dans l'espèce, une partie de la créance de la dame Appiau était contestée et cette dame avait été renvoyée devant le tribunal de commerce, pour le jugement des difficultés élevées contre elle, lorsque le concordat est intervenu. En cet état, on ne saurait done lui opposer un traité auquel il ne lui a pas été libre de prendre part.

On répond, sur le premier moyen, que les allégations sur lesquelles il repose sont impuissantes contre la déclaration, en fait, de l'arrêt altaqué, qu'il y a eu dix-huit voix utiles pour la formation du concordat, ef et que ce nombre constituait plus que la majorité numérique des créanciers qui avaient conservé le droit d'y concourir. On ajoute qu'à supposer que, sur les dix-huit votants dix-sept eussent cédé leurs créances an sieur Echevarria, celte circonstance pouvait être considérée comme indifférente par la cour d'appel, sans que sa décision à cet égard fût ea opposition avec aucun texte de loi. En effet, il n'est dit nulle part dans la loi que le créancier qui aliénera sa créance à un tiers et le subrogera dans ses droits ne pourra pas voter dans le concordat. L'art. 519 c. com. ne dit pas comment la majorité numérique devra se déterminer, dans le cas où les droits de plusieurs créanciers se trouveront réunis dans une seule main, par des cessions obtenues depuis l'ouverture de la faillite. Il est même naturel de penser que le cessionnaire peut exercer tous les droits de son cédant, même celui de vote, le droit commun le voulant ainsi. D'ailleurs, la majorité numérique n'est qu'une garantie secondaire dans l'esprit du code de commerce, ainsi qu'on le voit par la discussion qui a précédé la rédaction de l'art. 519; c'est à la majorité des trois quarts en sommes que le législateur a attaché le plus d'impor tance.. Sur le deuxième moyen, on soutient que l'arrêt attaqué contient des motifs implicites et suffisants. Sur le troisième moyen on convient que la vérification des créances est une des formalités essentielles, dont l'accomplissement doit précéder l'intervention du concordat; mais on soutient que le code de commerce n'a pas entendu qu'elle dût étre nécessairement terminée, et tous ses incidents jugés, pour qu'il y eût eu lieu à la passation d'un traité entre les créanciers et le failli. Les art. 512, 514 et 515, dit-on, supposent le contraire. Il résulte de leur ensemble que l'assemblée se composera, trois jours après l'expiration des délais fixés par les art. 502, 503 et 507, de tous les créanciers reconnus, à l'exclusion de ceux qui, alors, ne le seront pas; et, à l'égard de ceux-ci, aucune distinction n'est faite entre ceux qui ne se seront point présentés du tout ceux dont la créance aura été contestée en tout ou partie, et sera en ce moment l'objet d'une discussion devant le tribunal de commerce ou la cour d'appel. On invoque en ce sens l'arrêt du 12 janv. 1831, et le rapport de M. Pardessus, recueilli en note, vol. 31, 1re part., p. 126.

Arrêt.

LA COUR; Sur le moyen fondé sur la violation de l'art. 508 combiné avec l'art. 519 c. com.; Attendu, en droit, qu'on ne saurail induire du rapprochemeul des art. 508 et 519 c. com. que, par cela seul que la créance d'un créancier aurait été contestée en tout ou en partie, il doive être sursis à la convocation des créanciers, qui doit avoir lieu aux termes de l'art. 514; qu'il résulte, au contraire, de la disposition de cet article que la convocation doit être faite dans le délai qu'il prescrit et que le retard qui y serait apporté pourrait être Buisible aux créanciers dont les créances ont été vérifiées et admises par le juge-commissaire; - Altendu, en fait, qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que la dame Appiau, qui se portait créancière de 34,310 fr., avait été admise pour 28,310 fr.; qu'ainsi, elle avait qualité pour assister à l'assemblée dans laquelle lo concordat a été souscrit et y stipuler, et que, d'ailleurs, les signatures y apposées excédaient de plus de 240,000 fr, les trois quarts en sommes; Rejette ce moyen.

Mais, vu l'art. 519 c. com. el l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810; Attendu que, s'il est de principe, consacré par l'art. 1692 c. civ. que la cession où le transport d'une créance comprenne tous les accessoires de la créance cédée, et si l'on peut induire de cette disposition que celui qui acquiert par la voie du transport un nombre plus ou moins considérable de créances, sur un débiteur failli, soit par l'effet de la cession ou transport, subrogé dans le droit qu'aurait eu chacun des cédants d'assister à l'as semblée des créanciers, tenue en conformité de l'art. 545 c. com., d'y voler pour la formation du concordat et même d'y concourir jusqu'à concurrence des créances cédées à la composition des trois quarts en sommes, exigées par l'art. 519 c. com., on ne saurait en induire que, pour la formation de la majorité numérique qui est aussi exigée par le mème article, le cessionnaire puisse avoir un nombre de voix égal au nombre des cessions qui lui ont été faites;— Qu'en effet, le droit de voter dans une assemblée est un droit individuel qui ae peut être exercé qu'une seule

ciers distincts, ou, au contraire, ne compter qu'une voix pour
ces divers ayants droit, tout comme si la cession n'était pas in-
tervenue ? Lorsque les cessions ont eu lieu avant le jugement
déclaratif de faillite, il n'est pas douteux que chaque cession-
naire sera compté comme créancier distinct, puisque la loi në se
préoccupe pas de l'origine des créanciers pour former la majó-
rité en nombre. Quand les cessions sont postérieures à la faillite,
si elles sont sérieuses et exemptes de fraude, on doit décider do
même par le même motif. Il est vrai que cette possibilité de cé -
der ainsi des portions de créances et de changer par là la majo- •
rité facilite les fraudes, mais la loi ne s'oppose pas à cette cession
de tout ou partie d'une créance sur une faillite, et l'homologa-
tion du tribunal est une garantie contre les fraudes. Ajoutons que
pour une cession postérieure à la faillite la fraude se présumera

ces, à laquelle la pluralité des créances, même réunies dans une seule main, donne une pluralité de voix. Il faut, dit cet auteur, ordinairement si judicieux, que le calcul des voix ait une base certaine et parte d'un point fixe. La supputation des créanciers et de la majorité ne doit pas flotter au gré de conventions particulières. Malgré ces raisons spécieuses, nous sommes sur ce point en dissentiment avec M. Renouard, qui est, du reste, le seul des jurisconsultes précités qui fasse une pareille distinction, après avoir repoussé celle que proposait la cour de Bordeaux. Il nous semble que cette opinion aurait pour effet d'introduire la raison du plus fort dans les délibérations de la faillite et d'en écarter l'examen et la discussion. Ce serait, en effet, permettre à un créancier de faire, en dehors de l'assemblée, une majorité arrétée à l'avance et mettre les petits créanciers à sa merci, les obliger à subir des conditions onéreuses, ou à être privés du bé-facilement, et que les tribunaux se montreront peu sévères dans néfice d'un concordat qu'ils ont intérêt de faire avec leur débiteur. M. Renouard objecte, il est vrai, qu'il sera facile d'éluder le droit rigoureux que nous voulons appliquer, en simulant un mandat donné par plusieurs créanciers à l'un d'entre eux, auquel cas on ne peut refuser à ce créancier l'exercice des voix de ses divers mandants. Cette objection ne peut rien prouver en droit, surtout dans le système de M. Renouard, car elle peut être faite aussi bien dans l'hypothèse où la cession a eu lieu avant la vérification, ce qui n'empêche pas cet auteur de repousser la prétention du cessionnaire de voter autant de fois qu'il représente de cédants.

688. Nous avons dit incidemment qu'une même personne, fåt-elle créancière elle-même, pouvait être investie du mandat de plusieurs créanciers. Rien ne s'oppose, en effet, à ce que des créanciers différents choisissent le même mandataire et à ce que ce dernier vote successivement pour plusieurs créanciers. Chaque vote qu'il émet n'est toujours que l'exercice d'un droit individuel, pour lequel il a dû recevoir des instructions séparées, en vertu desquelles il peut voter en faveur du concordat comme représentant de certains créanciers, et, en sens contraire, comme le mandataire d'autres créanciers.

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689. Il faut reconnaître que la possibilité de faire, comme mandataire, ce que la loi interdit à celui qui serait cessionnaire ou qui réunirait sous une autre dénomination des titres distincts, rendra souvent illusoire la théorie que nous avons présentée au n° 687. Mais c'est le droit rigoureux qu'on retrouve ici; et d'ailleurs comme le tribunal n'est pas tenu d'homologuer le concordat qu'on lui soumet, il existe, par la seule force de la règle, dans la pratique, une garantie sérieuse contre les fraudes à l'aide desquelles celui qui, réunissant plusieurs titres, voudrait se faire considérer comme le simple mandataire des propriétaires de ces divers titres. En cas semblable, les tribunaux doivent rechercher le motif qu'on peut avoir d'en agir ainsi. Nous n'entendons plus dire que la constitution d'un seul mandataire par plusieurs créanciers soit une cause de suspicion; on conçoit, en effet, que le même individu peut être investi de la confiance de plusieurs, surtout lorsqu'il s'agit, comme ici, d'opérations qui ont un caractère tout spécial et de fouctions pour lesquelles certaines personnes sont particulièrement signalées à l'attention publique. Tout ce que nous voulons dire, c'est que la fraude pouvant se cacher sous la couleur d'un mandat, les juges doivent donner une attention particulière aux réclamations des créanciers.

€90. Supposons, à l'inverse de l'hypothèse que nous venons d'examiner, qu'un créancier ait transporté des parties de sa créance à plusieurs personues; devra-t-on, pour supputer la majorité en nombre, compter les cessionnaires comme créanfois par la même personne, quel que soit le nombre des titres qui lui conferent le droit de l'exercer, et que, pour qu'il en fût autrement, il fau1. drait qu'il existât dans la loi une disposition qui n'existe pas dans le code de commerce; -Attendu qne la distinction faite par l'arrêt attaqué entre les cessions faites avant l'ouverture de la faillite et celles faites postérieurement à celle ouverture est une distinction arbitraire qui n'est ⚫également fondée sur aucune disposition de loi; — Qu'il suit de là qu'ep décidant que les trente et une signatures apposées par Echevarria sur le concordat dont il s'agit, formaient autant de votes dont le nombre avail pu former la majorité prescrite par l'art. 519 c. com., l'arrêt attaqué a commis un excès de pouvoir et a formellement violé l'article précité; · (Attendu, d'un autre côté, qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que la

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l'admission des preuves invoquées pour écarter les cessionnaires qui ne seraient que des prête-noms des cédants. M. BoiJeux, no 551, se prononce dans le même sens.

691. Aux termes de l'art. 508, « les créanciers bypothécaires Inscrits ou dispensés d'inscription, et les créanciers privilégiés ou nantis d'un gage n'auront pas voix dans les opérations relatives au concordat pour lesdites créances, et elles n'y seront comptées que s'ils renoncent à leurs bypothèques, gages ou priviléges. — Le vote au concordat emportera de plein droit cette renonciation. » Cet article a mis fin à plusieurs difficultés auxquelles l'art. 520, qu'il remplace, avait donné lieu. Ainsi *ce dernier ne parlait que des hypothécaires inscrits et des créanciers nantis d'un gage, d'où il paraissait résulter qu'il ne s'appliquait ni aux créanciers hypothécaires dispensés d'inscription, ni aux privilégiés. La nouvelle rédaction ne permet plus qu'on élève cette question, puisqu'elle met dans la même ligne les hypothécaires soumis à l'inscription et ceux qui en sont dispensés, ainsi que les privilégiés.

692. De l'art. 508, il résulte clairement que les créanciers qui n'ont d'hypothèques que pour quelques-unes de leurs créances, peuvent, pour les autres, prendre part à la délibération et au vote. Il est toutefois prudent qu'ils fassent, dans ce cas, leurs réserves, pour éviter l'application du § 2 de notre article. L'ancien texte ne faisait pas cette sage distinction, et semblait, par sa généralité, exclure des délibérations au concordat tout créancier ayant hypothèque pour une de ses créances, alors même qu'il avait d'autres droits, purement chirographaires, à faire valoir dans la faillite.-Il suit de là que l'arrêt duquel il résulte que, sous le code de 1807, les créanciers hypothécaires ne doivent pas concourir avec les créanciers chirographaires pour former la majorité en nombre, et les trois quarts en sommes dues et vérifiées, double condition nécessaire à la validité du concordat (Besançon, 25 août 1812, aff. Sybille, V. no 731), que cet arrêt, disons-nous, ne fait qu'exprimer ce que l'art. 508 décide positivement et qu'il ne doit être compris dans sa solution générale, que sous les modifications dont il va être parlé.

693. Au surplus, il était reconnu que les hypothécaires et les privilégiés pouvaient, en renonçant à leurs hypothèques ou priviléges, prendre part aux opérations de la faillite, notamment participer au concordat. Il avait été jugé, en conséquence, qu'un concordat n'était pas nul par cela que les créanciers bypothécaires avaient pris part à la délibération, et avaient été comptés pour former la majorité voulue par la loi, si', dans le concordat même, ces créanciers avaient renoncé au privilége résultant de leurs titres et de leurs inscriptions, se réduisant à la même répartition que les chirographaires, et ne se réservant de faire valoir leurs droits qu'après l'acquittement de cette rédame Appiau a pris, devant la cour royale de Bordeaux, des conclusions par lesquelles elle a articulé et mis en fait que cinquante-trois créanciers qu'elle a dénommés, avaient cédé leurs créances au sieur Echevarria, et a demandé, en cas de dénégation, à faire preuve de ces cessions; - Attendu que, sans avoir égard à ces conclusions, et sans en donner les motifs, l'arrêt attaqué a décidé que, déduction faite des trente-trois créan ciers représentés par le sieur Echevarria, il restait un nombre de signatures suffisant pour former la majorité exigée par la loi, et que, par cette disposition, la cour d'appel de Bordeaux a contrevenu à l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810; Par ces motifs, casse.

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Du 24 mars 1840.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1" pr.-Moreau, rap.Tarbó, av. gén., c. conf.-Nicod, Delaborde et Piet, av.

partition à tous les créanciers. (Nimes, 18 mai 1813) (1). — Le nouvel art. 508 a, comme on l'a vu, confirmé cette jurisprudence, en avertissant les créanciers privilégiés ou hypothécaires que le seul fait de voter au concordat imprime de plein droit à leur créance le caractère purement chirographaire

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(1) Espèce: (Les créanciers C. le failli Valescure.) - Au mois de join 1811, faillite du sieur Valescure. Un concordat est signé le 27 janv. 1812, par les trois quarts en sommes de ses créanciers. Postérieurement à la délibération, deux autres créanciers signent également. Le failli | poursuivant l'homologation de ce traité, plusieurs créanciers y forment opposition, sur les motifs 1° que le concordat n'avait pas été signé séance tenante, comme le veut l'art. 528 c. com., par tous les créanciers qui y ont accédé; 2o que les créanciers hypothécaires ont pris part à la délibération. Ils alléguaient en même temps des faits de dol et de fraude qui tendaient à constituer le failli en état de banqueroute. 1 juillet 1812, jugement qui passe outre à l'opposition, et homologue le concordat. En appel, les faits de fraude allégués ayant éveillé l'attention du ministère public, il provoque contre le failli une instruction criminelle, pendant laquelle il est sursis au jugement de l'action civile. Par ordonnance du 10 avr. 1813, le tribunal civil du Vigan déclare qu'il n'y a lieu à poursuivre Valescure ni comme banqueroutier frauduleux, ni comme banqueroutier simple. L'instance d'appel est reprise. Les créanciers opposants reproduisent, contre la demande d'homologation du concordat, les mêmes moyens qu'ils ont fait valoir en premièro instance. Ils soutiennent qu'on ne peut exciper contre eux de l'ordonn. de nou-lieu du 10 avr. 1813, qu'ils n'ont point attaquée, d'une part, parce qu'elle n'a rien de définitif, et qu'elle n'empêcherait pas que le prévenu ne pût être recherché pour le même crime; en second lieu, parce qu'à supposer même qu'elle soit une véritable décision, c'est res inter alios acta, puisqu'ils n'y ont point été parties; en troisième liéu enfin, parce que lors même qu'il en résulterait qu'il n'existe pas contre le failli des charges 'assez fortes pour donner suite à l'instruction, il resterait toujours à examiner s'il ne s'élève pas sur sa conduite des préventions telles qu'elles - doivent faire refuser l'homologation du concordat. Arrêt.

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LA COUR; Attendu que l'opposition des appelants au concordat est fondée sur les dispositions des art. 520, 521 et 522 c. com.; · Allendu que l'art. 521 porte: « que si l'examen des actes, livres et papiers du failli, donne quelque présomption de banqueroute, il ne pourra être fait aucun traité entre le failli et les créanciers, à peine de nullité; que la cour aurait pu, d'après les dispositions de l'art. 526, prononcer sur ces présomptions de banqueroute, refuser l'homologation du concordat, et renvoyer devant le procureur général qui aurait été tenu de poursuivre d'office; mais lors de la première plaidoirie de la cause, le ministère public s'apercevant, par les faits qui en résultèrent, que Valescure était en présomption de banqueroute, demanda le sursis et le renvoi au tribunal du Vigan à l'effet de la poursuite; que, le 10 avril dernier, le tribunal du Vigan, sur les conclusions conformes du substitut, a déclaré à l'unanimité qu'il n'y avait pas de présomption de banqueroute; que cette déciaration n'ayant point été attaquée, constitue, sur ce fait l'autorité de la chose jugée; qu'il n'est pas permis aux tribunaux civils d'examiner de nouveau les mêmes faits qui ont été jugés au criminel; qu'il importe peu - que les appelants n'aient pas été parties civiles dans les poursuites criminelles; qu'ayant pris la voie civile, ils avaient évidemment renoncé à I la voie criminelle; que la loi leur imposait l'obligation d'attendre qu'il eût été statué sur l'action publique pour reprendre la suite de leur action civile qui avait été suspendue; que c'est ainsi que la cour de cassation l'a jugé, le 18 mess. an 12, sur l'application de l'art. 8 du code de brum. an 4; que l'art. 3 du code d'inst. crim. étant conçu dans les mêmes termes que l'était l'article relatif du code de brum. an 4, la jurisprudence établie par cet arrêt trouve nécessairement son application; que cet art. 3 porte: « que l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique.

Elle peut aussi l'être séparément. Dans ce cas, l'exercice en est suspendu, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile; » que l'action publique est donc devenue préjudicielle à l'action civile; que l'action civile n'est plus alors qu'un accessoire de l'action publique; que le jugement de l'action publique a, sur le jugement de l'action civile, comme le dit M. Merlin sur le mot Chose jugée du Nouveau Répertoire de jurisprudence, toute l'influence qui appartient à l'autorité de la chose jugée; que ce jugement forme une fin de non-recevoir contre la reproduction des mêmes faits; que, suivant la pensée de l'auteur de l'Esprit du code de commerce, si la présomption de banqueroute qui atteignait le failli s'est dissipée à l'examen, s'il n'a pas paru devoir être mis, soit en prévention, soit en accusation, ou s'il a été absous, on ne peut plus invoquer contre lui l'art. 321; que cette absolution, dans les termes de la déclaration du tribunal du Vigan, s'étend, tant au fait de banqueroute frauduleuse qu'au cas de banqueroute simple; que l'art. 521 est général, s'il y a présomption de banqueroute; qu'ainsi le tribunal du Vigan ayant jugé que ces présomptions n'existaient pas, il y aurait injustice à rendre le failli vicLine de simples apparences qu'un esatoen sévere a détruites; qu'il n'est

694. Non-seulement les hypothécaires peuvent assister aux assemblées relatives au concordat, mais il a même été jugé qu'ils doivent y être appelés (Rej., 24 août 1836) (2). — V. no 645, ce que nous disons sur l'art. 501 comparé à l'art. 508.

695. Cette disposition de la nouvelle loi a l'avantage de

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plus au pouvoir de la cour d'examiner les faits qui tendraient à faire déclarer Valescure banqueroutier; qu'ainsi, par cette fin de non-recevoir, se trouvent élagués de la cause les motifs sur lesquels les appelants ont fondé leur opposition, d'après le contenu aux art. 8, 9, 10, 11, 13, 70, 586, 587, 590 et 594 c. com., et tous les moyens de fraude et de dol dont jis ont étayé leur opposition; - Attendu que l'art. 520 inhibe bien aux créanciers hypothécaires inscrits la voix délibérative dans les opérations concernant le concordat; mais ces dispositions ne sont point applicables dans l'espèce, puisque les créanciers hypothécaires abandonnent, par le concordat, le privilége résultant de leurs titres et de leurs inscriptions, se réduisent à la même répartition que les créanciers chirographaires, et ne se réservent à faire valoir leurs droits qu'après l'acquittement de cette répartition à tous les créanciers; qu'ainsi ils ont pu délibérer et concourir aux opérations relatives à ce concordat; qu'ils n'avaient plus, d'après leur renonciation, d'intérêt différent de celui des créanciers chirographaires; qu'ils avaient abandonné leur gage, que tel est l'esprit de la loi et l'esprit qui a présidé à la discussion du code de commerce, d'après M. Locré; Attendu que l'art. 522 porte que « le concordat, s'il est consenti, sera, à peine de nullité, signé séance tenante, » et le second alinéa de l'art. 519, que « le traité ne s'établira que par le concours d'un nombre de créanciers formant la majorité et représentant en outre, par leurs titres de créances vérifiés, les trois quarts de la totalité des sommes dues; » qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée des créanciers sur lo concordat, tenue, les 27 et 28 janv. 1812, par le commissaire de la faillite, que ce commissaire n'ayant pu se rendre au Vigan, et étant retenu à Aulas, à peu de distance de cette ville, par une attaque de goutte, y avait convoqué les créanciers; que deux porteurs de procurations de deux créanciers, dont les créances réunies s'élèvent à 5,497 fr. 50 c., n'ayant pu s'y rendre, avaient écrit qu'ils adhéraient aux propositions faites dans l'assemblée; que leurs signatures furent admises; que ce fut une contravention à la loi, qui seule suffirait pour faire annuler le concordat, si leur présence eût été nécessaire pour sa validité; mais comme les résultats des opérations du commissaire établissent que la délibération a été passée par plus de la majorité des créanciers, et pour des sommes qui s'élèvent audessus des trois quarts des créances vérifiées, de 6,361 fr. 41 c.; qu'en élaguant ces deux créanciers et les sommes qui leur sont dues, il reste encore majorité dans le nombre et un excédant de somme sur les trois quarts de la totalité, de 803 fr. 89 c.; qu'il est vrai de dire que le concordat, passé en présence du commissaire, a rempli le vœu de la seconde partie de l'art. 519, et qu'il a été signé, séance tenante, par ceux qui pouvaient le former; - Dit bien jugé.

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Du 18 mai 1813.-C. d'appel de Nimes.

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(2) Espèce :-(Lavollée-Boyer C. Turpin.) -En 1828, les sieur et dame Lavaquerie consentirent, au profit de la dame veuve Turpin, uve obligation hypothécaire de 5,000 fr. Il fut stipulé qu'en cas de vente des immeubles affectés, le capital et les intérêts seraient immédiatement exigibles. En 1830, vente des immeubles hypothéqués au sieur LavoliéeBoyer, avec charge de payer immédiatement l'obligation des héritiers Turpin. Faillite du sieur Lavo!lée. Il porte à son passif les immeubles acquis pour 8,000 fr. restant dus sur le prix; mais il n'indique sur son bilan, comme créanciers, ni les héritiers Turpin, ni même les époux Lavaquerie; aussi, ni les uns ni les autres ne furent appelés à aucune des opérations de la faillite. Le 13 juin 1831, concordat qui fait remise au sieur Lavollée de 85 p. 100. Les héritiers Turpin ignoraient l'état de faillite du sieur Lavollée, et, d'ailleurs, ils n'eurent connaissance de la vente qui lui avait été faite par les époux Lavaquerie, et de la délégation qui y était stipulée, que vers la fin de 1831. Ils acceptèrent cette délégation, sous la réserve de leurs droits hypothécaires. Ils notifièrent celle acceptation au sieur Lavollée, et lui firent commandement de se libérer, sous peine d'y être contraint, tant par la vente de ses mepbles et effets, que par celle des immeubles hypothéqués. Alors seulement le sieur Lavollée leur fit connaitre qu'il avait fait faillite et obtenu un concordat, qu'il opposa à leur action personnelle et mobilière.、

Le 10 mai 1839, jugement du tribunal de Joigny qui démet le sieur Lavollée en ces termes: «Considérant que les héritiers Turpin sont créanciers bypothécaires des sieur et dame Lavaquerie; Considérant que le sieur Lavollée n'a pu ignorer cette hypothèque sur les biens qu'il avait acquis de Lavaquerie; qu'il n'a pu ignorer aussi qu'il était debiteur des héritiers Turpin, puisqu'il avait acquis les biens de Lavaquerie, à la charge de ce que ce dernier devait aux héritiers Turpin, puisque l'état des charges délivrées sur cette acquisition contenait l'inscription des héritiers Turpin sur les biens qu'il avait achetés, puisqu'il avait dans son bilan mentionné cette acquisition et le prix qu'il devait, même plus haut de 1,388 fr. 20 cent, que la réalité de ce qui restait dù; que, néanmoins, les héritiers Turpin, n'ont point été appelés, ni pour la vérification de

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