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par les circonstances, et dans la réalité des choses, une foule

ques n'ont été ni enlevées ni changées, et que les marchandises n'ont subi en nature et quantité ni changement ni altération.

581. Pourront être revendiquées aussi longtemps qu'elles existeront en nature, en tout ou en partie, les marchandises consignées au failli, à titre de dépôt, ou pour être vendues pour le compte de l'envoyeur dans ce dernier cas même, le prix desdites marchandises pourra être revendiqué, s'il n'a pas été payé ou passé en compte courant enire le failli et l'acheteur. 582. Dans tous les cas de revendication, excepté ceux de dépôt et de consignation de marchandises, les syndics des créanciers auront la faculté de retenir les marchandises revendiquées en payant au réclamant le prix convenu entre lui et le failli.

583. Les remises en effets de commerce, ou en tous autres effets non encore échus, ou échus et non encore payés, et qui se trouveront en nature dans le portefeuille du failli à l'époque de sa faillite, pourront être revendiquées, si ces remises ont été faites par le propriétaire avec le simple mandat d'en faire le recouvrement et d'en garder la valeur à sa disposition, ou si elles ont reçu de sa part la destination spéciale de servir au payement d'acceptations ou de billets tirés au domicile du failli.

584. La revendication aura pareillement lieu pour les remises faites sans acceptation ni disposition, si elles sont entrées dans un compte courant par lequel le propriétaire ne serait que créditeur; mais elle cessera d'avoir lieu, si, à l'époque des remises, il était débiteur d'une somme quelconque.

585. Dans les cas où la loi permet la revendication, les syndics examineront les demandes; ils pourront les admettre, sauf l'approbation du commissaire s'il y a contestation, le tribunal prononcera, après avoir entendu le commissaire.

TIT. 4.

DES BANQUERoutes.

CHAP. 1. ·De la banqueroute simple.

586. Sera poursuivi comme banqueroutier simple, et pourra être déclaré tel, le commerçant failli qui se trouvera dans l'un ou plusieurs des cas suivants, savoir: -1° Si les dépenses de sa maison, qu'il est tenu d'inscrire mois par mois sur son livre-journal, sont jugées excessives ;2° S'il est reconnu qu'il a consommé de fortes sommes au jeu ou à des opérations de pur hasard; -3° S'il résulte de son dernier inventaire que son actif étant de 50 pour 100 au-dessous de son passif, il a fait des emprunts considérables, et s'il a revendu des marchandises à perte ou audessous du cours;-4° S'il a donné des signatures de crédit ou de circulation pour une somme triple de son actif, selon son dernier inventaire.

587. Pourra être poursuivi comme banqueroutier simple, et être déclaré tel, Le failli qui n'aura pas fait au greffe la déclaration prescrite par l'art. 440;-Celui qui, s'étant absenté, ne se sera pas présenté en personne aux agents et aux syndics dans les délais fixés, et sans empêchement légitime; Celui qui présentera des livres irrégulièrement tenus, sans néanmoins que les irrégularités indiquent de fraude, ou qui ne les présentera pas tous;- Celui qui, ayant une société, ne se sera pas conformé à l'art. 440.

588. Les cas de banqueroute simple seront jugés par les tribunaux de police correctionnelle, sur la demande des syndics ou sur celle de tout créancier du failli, ou sur la poursuite d'office qui sera faite par le ministère public.

589. Les frais de poursuite en banqueroute simple seront supportés par la masse, dans le cas où la demande aura été introduite par les syndics

de la faillite.

590. Dans le cas où la poursuite aura été intentée par un créancier, il supportera les frais si le prévenu est déchargé; lesdits frais seront supportés par la masse s'il est condamné.

591. Les procureurs du roi sont tenus d'interjeter appel de tous jugoments des tribunaux de police correctionnelle, lorsque, dans le cours de l'instruction, ils auront reconnu que la prévention de banqueroute simple est de nature à être convertie en prévention de banqueroute frauduleuse. 592. Le tribunal de police correctionnelle, en déclarant qu'il y a banqueroute simple, devra, suivant l'exigence des cas, prononcer l'emprisonnement pour un mois au moins et deux ans au plus. Les jugements seront affichés en outre, et insérés dans un journal, conformément à l'art. 683 c. pr. civ.

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- De la banqueroute frauduleuse.

595. Sera déclaré banqueroutier frauduleux tout commerçant failli qui se trouvera dans un ou plusieurs des cas suivants; savoir: -1° S'il a supposé des dépenses ou des pertes ou ne justifie pas de l'emploi de toutes ses recettes-2° S'il a détourné aucune somme d'argent, aucune dette active, aucunes marchandises, denrées ou effets mobiliers; 3° S'il a fait des ventes, négociations ou donations supposées; -4° S'il a supposé des dettes passives et cellusoires entre lui et des créanciers fictifs, en faisant des écritures simulées, ou en se constituant débiteur, sans cause ni valeur, par des actes publics ou par des engagements sous signature privée; 5- Si, ayant été chargé d'un mandat spécial, ou constitué dépositaire d'argent, d'effets de commerce, de denrées ou marchandises, il a, au préjudice du mandant ou du dépôt, appliqué à son profit les fonds ou la

d'obstacles apparaissent qui ne s'étaient point présentés à la

valeur des objets sur lesquels portait soit le mandat, soit le dépôt ;:6° S'il a acheté des immeubles ou des effets mobiliers à la faveur d'ur prête-nom; - 7° S'il a caché ses livres.

594. Pourra être poursuivi comme banqueroutier frauduleux et être declaré tel, le failli qui n'a pas tenu de livres, ou dont les livres ne présenteront pas sa véritable situation active et passive; celui qui, ayant obtenu un sauf-conduit, ne se sera pas représenté à justice.

595. Les cas de banqueroute frauduleuse seront poursuivis d'office devant les cours d'assises, par les procureurs du roi et leurs substituts, sur la notoriété publique, ou sur la dénonciation soit des syndics, soil d'un créancier.

596. Lorsque le prévenu aura été atteint et déclaré coupable des délits énoncés dans les articles précédents, il sera puni des peines portées au code pénal pour la banqueroute frauduleuse.

597. Seront déclarés complices des banqueroutiers frauduleux et seront condamnés aux mêmes peines que l'accusé, les individus qui seront convaincus de s'être entendus avec le banqueroutier pour recéler on soustraire tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles; d'avoir acquis sur lui des créances fausses; et qui, à la vérification et affirmation de leurs créances, auront persévéré à les faire valoir comme sincères et véritables. 598. Le même jugement qui aura prononcé les peines contre les complices de banqueroutes frauduleuses, les condamnera: -1° A réintégrer à la masse des créanciers, les biens, droits et actions frauduleusement soustraits;-2° A payer, envers ladite masse, des dommages-intérêts égaux à la somme dont ils ont tenté de la frauder.

599. Les arrêts des cours d'assises contre les banqueroutiers et leurs complices seront affichés, et de plus insérés dans un journal, conformément à l'art. 683 c. pr. civ.

CHAP. 3.- De l'administration des biens en cas de banqueroute. 600. Dans tous les cas de poursuites et de condamnations en banqueroute simple ou en banqueroute frauduleuse, les actions civiles, autres que celles dont il est parlé dans l'art. 598, resteront séparées; et toutes les dispositions relatives aux biens, prescrites par la faillite, seront exécutées sans qu'elles puissent être attirées, attribuées ni évoquées aux tribunaux de police correctionnelle ni aux cours d'assises.

601. Seront cependant tenus les syndics de la faillite, de remettre aux procureurs du roi et à leurs substituts toutes les pièces, titres, papiers et renseignements qui leur seront demandés.

602. Les pièces, titres et papiers délivrés par les syndics, seront, pendant le cours de l'instruction, tenus en état de communication par la voie du greffe; cette communication aura lieu sur la réquisition des syndics, qui pourront y prendre des extraits privés ou en requérir d'officiels qui leur seront expédiés par le greffier.

603. Lesdites pièces, titres et papiers seront, après le jugement, remis aux syndics, qui en donneront décharge, sauf néanmoins les pièces dont le jugement ordonnerait le dépót judiciaire.

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604. Toute demande en réhabilitation, de la part du failli, sera adressée à la cour royale dans le ressort de laquelle il sera domicilié. 605. Le demandeur sera tenu de joindre à sa pétition les quittances et autres pièces justifiant qu'il a acquitté intégralement toutes les sommes par lui dues en principal, intérêts et frais.

606. Le procureur général près la cour royale, sur la communication qui lui aura été faite de la requête, en adressera des expéditions, certifiées de lui, au procureur du roi près le tribunal d'arrondissement, et au président du tribunal de commerce du domicile du pétitionnaire; et, s'il a changé de domicile depuis la faillite, au tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel elle a eu lieu, en les chargeant de recueillir tous les renseignements qui seront à leur portée, sur la vérité des faits qui auront été exposés.

607. A cet effet, à la diligence tant du procureur du roi que du président du tribunal de commerce, copie de ladite pétition restera affichée, pendant un délai de deux mois, tant dans les salles d'audience de chaque tribunal qu'à la bourse et à la maison commune, et sera insérée par extrait dans les papiers publics.

608. Tout créancier qui n'aura pas été payé intégralement de sa créance en principal, intérêts et frais, et toute autre partie intéressée, pourront, pendant la durée de l'affiche, former opposition à la réhabilitation, par simple acte au greffe, appuyé de pièces justificatives, s'il y a lieu. Le créancier opposant ne pourra jamais être partie dans la procedure tenue pour la réhabilitation, sans préjudice toutefois de ses autres droits.

609. Après l'expiration des deux mois, le procureur du roi et le président du tribunal de commerce transmettront, chacun séparément, au procureur général près la cour royale, les renseignements qu'ils auront recueillis, les oppositions qui auront pu être formées, et les connaissances particulières qu'ils auraient sur la conduite du failli; ils y joindront leur avis sur sa demande.

610. Le procureur général près la cour royale fera rendre, sur le tout,

pensée du législateur, ou qu'il avait facilement aplanis. En France, l'administration de la justice est environnée de formes protectrices; et ce sont précisément la lenteur et la multiplicité des formes qui rendent la justice si redoutable à ceux qui sont obligés de l'invoquer. Les auteurs du code de commerce avaient multiplié les précautions pour empêcher la distraction du gage des créanciers; mais, pour le soustraire aux déprédations du failli ou de mandataires infidèles, ils l'avaient livré aux gens d'affaires. Ils avaient voulu arrêter les progrès toujours croissants des faillites, cette grande plaie du commerce, et par la sévérité des peines, ils avaient assuré l'impunité du débiteur de mauvaise foi. Ils avaient placé le failli dans un état de suspicion, au lieu de le considérer comme un débiteur honnête et malheureux, digne, jusqu'à preuve contraire, de la commisération de ses créanciers. En parcourant la loi qu'ils avaient faite, on sent trop qu'elle avait été délibérée dans un moment d'irritation, produit par le grand nombre de banqueroutes qui s'étaient manifestées vers ce temps-là. Mais à toutes les époques, ce fléau a désolé le commerce, et il a servi de prétexte aux rigueurs excessives de nos anciennes ordonnances (V. ci-dessus, no 5 ets.). « Il vint un temps, dit Savary, Parfait négociant, préface de l'édit. de 1675, où le commerce était tellement affaibli, et les banqueroutes si fréquentes, qu'il n'y avait aucune sûreté de prêter son bien. » Il n'en est pas moins certain cependant, comme le remarque cet auteur (part. 1, liv. 1, ch. 3), « que l'ignorance, l'imprudence et l'ambition des marchands causent plus de faillites que le dessein de s'enrichir aux dépens de leurs créanciers. » —— Loin donc de considérer la banqueroute comme la règle, il fallait la considérer comme l'exception. Dès lors le législateur ne devait point débuter par ordonner l'arrestation provisoire du failli (c. com. anc., art. 455). Cette mesure n'était propre qu'à le porter à se soustraire par la fuite à une si grande humiliation. S'il était coupable, la mesure était inutile; car il avait su, avant l'éclat de la banqueroute, se mettre hors des atteintes de la justice. S'il était innocent, la mesure était injuste, et sans avantage pour les créanciers, puisque le dessaisissement qu'opère la faillite fait cesser et doit nécessairement faire cesser toute contrainte par corps. On sent pourtant combien la présence du débiteur, au moment où sa faillite se déclare, peut éviter de frais aux créanciers et accélérer la liquidation. Quel autre donnera un état plus exact de ses affaires, une liste plus complète de ses créanciers? quel autre les convoquera plus diligemment? quel autre est plus à portée de discuter leurs titres et de négocier avec eux un concordat?

30. La première condition de toute bonne loi sur les faillites est d'économiser le temps et les frais. Et certes, le code était prodigue de délais et de formalités qui fatiguaient les créanciers et achevaient de consommer leur gage. C'était là le vice radical du système, celui qui appelait le plus instamment une réforme qui a été opérée, en partie du moins, par la loi de 1838. Dans notre précédente édition, nous avions signalé ces vices et beaucoup d'autres qu'on pouvait faire à une loi, d'ailleurs si supérieure à la législation qu'elle avait remplacée. Nous avions insisté principalement sur l'excessive élévation du tarif et sur l'énormité des droits de timbre, qui, joints aux frais de postulation devant les tribunaux, rendent la justice si coûteuse. Il nous semblait que la part du fisc serait encore assez large, si tous les titres à produire à la faillite devaient être enregistrés moyennant un simple droit fixe; car ils consistent, pour la plupart, en effets de commerce ou autres sous seings privés, qui n'eussent jamais été soumis à l'enregistrement, sans l'événement malheureux qui appelle l'intervention de la justice. A la vérité, une instruction de la régie, du 28 juillet 1808, regardant la vérification des créances, quoique faite en présence du juge-commissaire, comme une opération purement privée, déclarait, d'après une décision du ministre des finances, du 28 juin

arrêt portant admission ou rejet de la demande en réhabilitation; si la demande est rejetéo, elle ne pourra plus être reproduite.

611. L'arrêt portant réhabilitation sera adressé tant au procureur du roi qu'au président des tribunaux auxquels la demande aura été adressée. Ces tribunaux en feront faire la lecture publique et la transcription sur leurs registres..

612. Ne seront point admis à la réhabilitation, les stellionataires, les

précédent, que les vérifications et affirmations pouvaient être faites et reçues, sans que les titres représentés, et sur lesquels les créances étaient établies, eussent été préalablement enregistrés; mais c'était, ajoutait-elle, sans préjudice de la perception ultérieure du droit exigible pour le concordat, et de celui de l'obligation préexistante, si, à défaut de traité, il était rendu un jugement de condamnation (V. v° Enregistrement, no 729).—La même raison de faveur demandait aussi que le concordat fût assujetti à un simple droit fixe, au lieu d'emporter le droit proportionnel de demi pour cent, sur les sommes que le débiteur s'obligeait de payer (L. 22 frim. an 7, art. 69, § 2, no 4, V. eod., no 732); de 2 pour 100, s'il abandonnait des marchandises ou des effets mobiliers (Cass., 30 janv. 1809, vo Enregistrement, no 2019), et de 1 pour 100, s'il payait ses créanciers en effets de commerce ou en délégations de créances (L. 22 frim. an 7, art. 69, § 3, no 3, col., no 736). - A défaut de concordat, le jugement de collocation donnait lieu au droit de demi pour 100 sur les sommes colloquées, indépendamment du droit de titre, comme le faisait observer l'instruction précitée du 28 juillet 1808 (V. aussi vo Enregistrement). Il y avait même nécessité de dispenser les créanciers de l'acquittement de ce droit proportionnel. Ce n'est pas tout la loi du 28 avril 1816 (art. 73) assujettissait au timbre tous les livres de commerce, et elle prononçait une amende de 500 fr. par chaque contravention, c'est-à-dire pour chaque livre non timbré. Cette amende, en cas de faillite, était acquittée par la masse; car l'art. 74 défendait toute production ou dépôt en justice, et tout concordat avec le failli, avant que les livres eussent été présentés au timbre et les amendes acquittées. Nonobstant que les droits de timbre eussent été diminués par l'art. 9 de la loi du 16 juin 1824, et l'amende de 500 fr. réduite à 50 fr. par l'art. 10 de la même loi, cette amende, laissée sur le compte de la masse, était encore une injustice; c'était, comme le dit M. Roullion (p. 27), en appliquant ce mot à toutes les perceptions de l'enregistrement sur les faillites, le droit insensé de naufrage qu'on avait fait revivre au profit du fisc. On verra que pendant l'élaboration de la loi de 1838, des améliorations importantes sont venus au secours des faillites en adoucissant les lois fiscales. Par la loi du 24 mai 1834, on a abaissé les droits d'enregistrement sur beaucoup des actes nécessaires dans le cours de la procédure des faillites. La loi du 20 juillet 1837 a affranchi les livres de commer ce des droits de timbre (V. Enreg., no 720 et suiv., 6070). 31. Les vices que l'on pouvait justement reprocher à la loi de 1808, avaient amené, dans la pratique, l'habitude de régler un grand nombre de faillites en arrière de la loi, malgré les pertes et les fraudes que ces transactions secrètes entraînent. « De ce fait seul, dont l'évidence était incontestable, on pouvait hardiment, dit M. Renouard, Traité des faillites et banqueroutes, t. 1, p. 191, tirer l'affirmation que la loi ne suffisait pas à son rôle. Une loi sur les faillites n'est point appelée à exercer sur le nombre des faillites réelles une influence appréciable; leur diminution ou leur accroissement se lie à d'autres causes, dépend d'autres faits économiques et sociaux; mais une loi de faillite sera bonne si elle inspire au commerce l'habitude de préférer le règlement légal et judiciaire des faillites à tout autre mode de les terminer. >> 32. Toutes ces causes avaient multiplié les réclamations sur la réforme du livre 3 c. com. Par une circulaire du 22 mai 1826, adressée aux cours d'appel, aux chambres de commerce, aux tribunaux et au conseil général du commerce, le ministre de la justice (M. de Peyronnet), leur demandait des « observations motivées et développées touchant les modifications que la loi sur les faillites serait susceptible de recevoir dans l'intérêt général du commerce » (Gillet, Analyse des circul., instr. et décis. du ministre de la justice, p. 281). — Ces observations furent recueillies avec soin au ministère de la justice. Ce n'est qu'en 1833 que ces matériaux furent mis en ordre et analysés. Un arrêté, pris le

banqueroutiers frauduleux, les personnes condamnées pour fait de vol ou d'escroquerie, ni les personnes comptables, telles que les tuteurs, administrateurs ou dépositaires, qui n'auront pas rendu ou apuré leurs comptes. 613. Pourra être admis à la réhabilitation le banqueroutier simple qui aura subi le jugement par lequel il aura été condamné.

614. Nul commerçant failli ne pourra se présenter à la bourse, à moins qu'il n'ait obtenu sa réhabilitation.

13 novembre 1835, par le garde des sceaux, M. Barthe, nomma une commission chargée de préparer un projet de loi. Elle était composée de MM. Bérenger, ancien conseiller d'État, de Fréville, ancien tribun, Aubé, Dubois-Daveluy, Ganneron, Horson, Martin (du Nord), Odier, Quénault, Renouard, Teste, Vincens, Zangiacomi. « Cette commission, dit M. Renouard, qui en faisait partie, eut sous les yeux l'analyse des travaux provoqués en 1827. Elle consacra dix-sept séances, dont les procès-verbaux sont conservés aux archives du ministère de la justice, à examiner et à discuter, article par article, tout le troisième livre du code de commerce. Elle désigna dans son sein une sous-commission qui fut chargée de rédiger ses résolutions. Le projet fut ensuite communiqué à chacun des membres de la commission, qui furent invités à fournir leurs observations par écrit; puis la rédaction définitive fut discutée et arrêtée par la commission entière. » →→ M. Persil qui, le 4 avril 1834, succéda à M. Barthe, fit un travail personnel sur le projet de la commission. La principale amélioration qu'il apporta au projet fut de supprimer les agents que le code de commerce avaient institués comme les premiers administrateurs de la faillite.

33. C'est le 1er décembre 1834 que le projet de loi fut présenté à la chambre des députés par le garde des sceaux (M. Persil). Cette chambre nomma, pour l'examen de ce projet, une commission composée de MM. Bignon, Caumartin, Dazon, Ducos, Dufaure, Hébert, Jobard, Renouard et Saglio. M. Renouard fut nommé rapporteur. Il présenta son rapport le 26 janvier 1833. Dans ce travail, recommandable par son extrême lucidité et par les rapprochements historiques qui s'y trouvent, M. Renouard s'attachait surtout à faire ressortir les améliorations que le projet apportait à la loi de 1808. Au fur et à mesure qu'il exposait les dispositions principales du projet, il combattait les objections qui avaient déjà été soulevées, de telle sorte qu'après la lecture de son rapport, le terrain était assez déblayé pour qu'on pût se livrer à une discussion immédiate. · Cette discussion s'ouvrit à la chambre des députés le 9 février 1835. Elle se continua les 10, 11, 12, 13, 16, 18, 19, 23, 24 et 25 du même mois. Le projet fut adopté, avec de nombreux amendements, dans le cours de cette dernière séance, par 193 voix contre 78. Le 28 mai 1835, M. Persil présenta le projet de loi à la chambre des pairs. Mais la session fut close le 11 sept. 1835, avant que la commission de cette chambre eût fait son rapport. Le même ministre présenta de nouveau son projet à la chambre des pairs, le 26 janvier 1836. Cette chambre en renvoya l'examen à la commission qu'elle avait précédemment nommée et dont les membres étaient : Abrial, le président Boyer, Cambon, Davillier, Gautier, Gilbert de Voisins, Girod (de l'Ain), Siméon, Tripier. Ce dernier, nommé rapporteur, présenta son rapport dans

(1) Rapport fait au nom de la commission chargée de l'examen du projet de loi sur les faillites et les banqueroutes, par M. Quénault, député de la Manche (séance du 17 mars 1838).

1. Messieurs, le projet de loi sur les faillites et les banqueroutes, préparé et mûri par une suite de travaux proportionnés à l'importance et à la difficulté du sujet, a déjà obtenu pour la plus grande partie de ses dispositions l'assentiment des deux chambres. La haute confiance que doivent inspirer ces suffrages ne pouvait dispenser votre commission de remplir dans toute son étendue la tâche qui lui était imposée. Elle s'est livrée à un examen consciencieux et approfondi de toutes les parties du projet, en interrogeant, pour mieux connaître l'intention et la portée de ses dispositions, les rapports lumineux des commissions qui l'ont précédée et les discussions qui ont eu lieu dans le sein des chambres. Cet examen a eu pour résultat l'approbation de l'ensemble du projet et de l'esprit dans le quel il a été conçu.

2. L'esprit de la réforme qu'appelle notre législation sur les faillites et banqueroutes doit être, en effet, un esprit de protection et de faveur pour les intérêts du commerce. Cette législation embrasse deux objets, le règlement des intérêts civils on commerciaux compromis par la faillite et la répression des crimes ou délits qui peuvent imprimer à la faillite le caractère de banqueroute. L'intérêt de la vindicte publique est sans doute supérieur à tous les autres, mais seulement dans la sphère légitime de son action. Le législateur qui croirait voir dans toute faillite cet intérêt à satisfaire aux dépens des intérêts privés, oublierait un des objets de sa mission, et risquerait même de n'en atteindre aucun : car tous les intérêts privés se soulèveraient contre la loi et se ligueraient pour conspirer à son inexécution. C'est ce qui est arrivé jusqu'à un certain point à la législation de 1807. Une réaction provoquée par le scandale impuni de

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la séance du 10 mai 1836. Cette œuvre, remarquable par la nelleté et la profondeur de ses développements, contient la justification des nombreux amendements apportés par la commission au projet voté par la chambre élective, et dont plusieurs avaient une haute portée. Mais le projet de loi ne put encore être discuté à la chambre des pairs dans le cours de cette session, qui fut close le 12 juillet 1836. M. le garde des sceaux Sauzet, qui avait remplacé M. Persil le 22 février 1836, profita de la latitude que lui donnait l'intervalle de deux sessions pour soumettre à une révision complète, dans chacun de ses articles, le projet tel qu'il avait été amendé par la chambre des députés et par la commission nommée par la chambre des pairs. Cette révision contribua sensiblement à améliorer la rédaction de la loi. La pensée primitive d'un certain nombre de dispositions s'était perdue ou altérée à travers les changements successifs qu'avait subis le projet; des améliorations incontestables introduites dans la loi n'étaient pas suffisamment ajustées avec son ensemble; des idées nouvelles avaient surgi; des écrits de jurisconsultes avaient soulevé de nombreuses critiques. Il était bon, en conséquence, de coordonner ces amendements à l'effet de pouvoir présenter aux chambres un projet homogène et dégagé de ces défauts d'ensemble qu'on remarque trop souvent dans nos lois.

M. Sauzet dirigea d'abord les travaux de la commission qu'il avait instituée. Mais ayant été remplacé, le 6 sept. 1836, par M. Persil, ce dernier présida les séances de la commission. A l'ouverture de la session, son travail de révision était terminé, et le garde des sceaux put présenter le projet à la chambre des pairs dans la séance du 17 janv. 1837. Ce nouveau projet contenait de notables améliorations que M. Persil fit ressortir dans son exposé des motifs. MM. Vincens et Quenault furent nommés commissaires du gouvernement pour soutenir le projet. La même commission qui avait été chargée, dans la session précédente, d'examiner le projet de loi, fut de nouveau investie par la chambre des pairs. Cette commission choisit encore M. Tripier pour son rapporteur. Celui-ci présenta son rapport le 13 avril 1837. Cette œuvre, qui reproduit en grande partie le rapport de l'année précédente, préparait convenablement la discussion qui s'ouvrit le 8 mai 1837 à la chambre des pairs, M. Barthe étant garde des sceaux. Cette discussion fut courte, car elle n'occupa que les séances du 8 et du 9 mai. Le 11, ce projet de loi fut adopté à la majorité de 86 voix contre 1. La chambre des députés ayant été saisie de ce projet le 15 janv. 1838, on renvoya l'examen à une commission composée de MM. Cunin-Gridaine, Dalloz, Démonts, de Golbéry, His, Legrand, Quénault, Salveton et Stourm. Elle choisit M. Quénault pour son organe. Celui-ci présenta son rapport, au nom de la commission, le 17 mars 1838 (1). La chambre des députés ouvrit la discussion le 27 mars,

quelques banqueroutes fameuses eut trop de part à l'œuvre de cette époque. Le code de commerce considère toute faillite comme une présomption de crime, et veut que tout failli soit d'abord emprisonné. Qu'a-t-on recueilli de cet excès de sévérité ? Plutôt que de s'exposer par une déclaration de faillite, à tant d'humiliation, le débiteur s'efforce, en consumant ses dernières ressources, de prolonger un état d'agonie qui le livre à toutes les tentations du désespoir, et lorsqu'il lui devient impossible de dissimuler plus longtemps sa situation, il s'enfuit ou se cache, privant ainsi la justice et les créanciers des premières indications que lui seul pourrait fournir sur l'état de ses affaires. La mainmise s'étend à la fois sur la personne et sur tous les biens du failli. Par le principe du dessaisissement, le code de commerce a comblé sans doute une grave lacune de la législation antérieure qui laissait les faillis en possession de leurs biens, sans même les obliger d'appeler immédiatement leurs créanciers; mais les auteurs du code de commerce se sont jetés dans un autre excès. En ordonnant que les scellés seront apposés sur les magasins et sur tous les effets mobiliers du failli, sans distinction, ils ont rendu inévitable, au moins pendant le temps de l'agence, l'interruption du commerce du failli. et par suite la perte de son achalandage qui, dans les petites failles, forme souvent le plus clair de l'actif. La rétroactivité donnée par le texte du code à ce principe du dessaisissement entraîne d'autres inconvénients contre lesquels la jurisprudence lutte avec peine.-Après cette mainmise qui paralyse toutes les ressources, commence une série de procédures dont la complication et la durée fatiguent les cornmerçants, en ajoutant à la perte d'une partie de leurs créances celle qui résulte pour eux de la lenteur du recouvrement. Partant du principe que les biens du failli appartiennent à ses créanciers, le code exige que les pouvoirs pour administrer émanent de ces créanciers au moyen d'une délégation plus ou

M. Vincens étant commissaire du gouvernement, chargé de sou

moins directe, selon l'époque de la faillite. De là des changements multipliés dans les rouages de l'administration. Aucun parti décisif ne peut être pris qu'après la révolution des délais établis pour la convocation des créanciers les plus éloignés, et ces délais peuvent s'étendre à plus d'une année. Des causes que le code n'a point prévues, telles que des contestations sur les créances, viennent augmenter ces retards. Les frais qu'entraine la multiplicité des formes absorbent tout l'actif liquide. Aucun créancier ne veut, au risque de les perdre, avancer les fonds nécessaires pour faire marcher la faillite. La faillite s'arrête, et les créanciers demeurent privés tout à la fois de l'exercice de leurs droits individuels et du résultat des poursuites collectives. Les inconvénients pratiques de cette législation ont produit le plus fâcheux de tous les effets, c'est sa fréquente inexécution. Trop souvent les créanciers préfèrent à des poursuites interminables et dispendieuses, tous les arrangements que le failli leur propose, et ces arrangements qui sont des occasions de fraudes échappent à toute surveillance.

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3. Le projet de loi a pour objet de remédier à ces inconvénients. Avant tout il faut rendre le règlement des faillites moins onéreux pour les créanciers. Déjà la loi de finances du 24 mai 1834 a notablement diminué les droits du fisc sur les actes qu'entraîne le règlement des faillites. Des dispositions inspirées par le même esprit veulent que les frais de poursuite criminelle ou correctionnelle contre le failli soient, en cas de condamnation, mis à la charge du trésor public. Une autre disposition charge le trésor public, en cas d'insuffisance des deniers appartenant à la faillite, de faire l'avance des premiers frais. Au moyen de cette avance, la mise en faillite sera toujours provoquée, elle sera réalisée, et la loi ne demeurera plus sans exécution. D'un autre côté, le failli, s'il est de bonne foi, sera lui-même intéressé à faire une prompte déclaration de sa faillite. A ce prix il obtiendra d'être affranchi de l'emprisonnement. Des mesures sont prises afin de pourvoir, s'il y a lieu, à la continuation non interrompue du commerce du failli. Une plus grande latitude de pouvoir, conférée au tribunal de commerce, permet de simplifier les rouages de l'administration. Au moyen d'un expédient qui offre toutes les garanties nécessaires aux intérêts des créanciers domiciliés hors du territoire continental de la France, on satisfait à l'intérêt commun de tous les créanciers présents ou absents, qui veut que la conclusion de la faillite soit rapprochée. C'en est assez pour vous donner une idée de la tendance et de l'esprit général du projet de loi. En parcourant les diverses parties de ce projet, nous allons avoir l'honneur de vous faire connaître avec plus de détails les améliorations apportées à l'état actuel de la législation, et les amendements, dictés par le même esprit, que votre commission vous propose d'adopter.

De la cessation de payements, de la déclaration de faillite,
et de leurs effets.

4. Le projet de loi conserve la disposition empruntée par le code aux plus anciens statuts des marchands, qui a pour objet de déterminer le caractère auquel on reconnait la faillite. La ponctualité dans l'exécution des engagements commerciaux est si essentielle qu'une maison ne peut cesser ses payements sans que son existenee commerciale, privée du crédit qui en est l'âme, ne soit par cela même interrompue. Un résultat si important, qui affecte l'état du débiteur, n'est point sans doute attaché à quelques protêts isolés, et l'art. 441 c. com. a l'inconvénient de présenter, comme des symptômes de la faillite, un certain nombre de circonstances extérieures sur la portée desquelles les tribunaux ont pu quelquefois se tromper. La loi risque d'égarer en cherchant à décomposer, dans ses éléments, le fait complexe de la cessation de payements, qui, sans être absolue, doit être assez générale pour caractériser la situation du commerçant qu'il s'agit de déclarer en faillite. Il vaut mieux laisser le tribunal juge de l'ensemble des circonstances, que son expérience commerciale le met à portée d'apprécier sainement.

5. Proclamer que la cessation des payements caractérise la faillite, c'est avoir implicitement repoussé la proposition de reconnaître un état de suspension de payements auquel certaines immunités seraient attachées par la loi. Comment, en effet, les tribunaux pourraient-ils distinguer la cessation des payements de leur simple suspension? On voudrait que cette situation nouvelle fût réservée au négociant qui ne serait point insolvable. Mais, pour s'assurer de sa solvabilité, il faudrait se livrer à toutes les vérifications établies par la procédure de faillite, et même aller jusqu'à la vente des biens, qui peut seule faire connaître leur valeur. Autrement, on ne peut apprécier la solvabilité d'un négociant que par son crédit, qui a pour mesure la confiance que ses créanciers lui accordent. Il faut donc abandonner au libre consentement des créanciers ces arrangements qui supposent le crédit et la solvabilité du débiteur. Si quelques-uns des créanciers s'y refusent, on ne peut leur imposer des sacrifices qu'après toutes les épreuves qui en démontrent la nécessité. Suspendre les droits individuels des créanciers, sans leur assurer les garanlies qui résultent du régime de la faillite, ce serait renouveler les abus des anciennes lettres de répit et des arrêts de surséance.

tenir le projet. La discussion continua les 28, 29, 30 mars, 2,

6. La cessation de payements, par cela même qu'elle caractérise la faillite, confère des droits aux créanciers, ouvre en leur faveur des actions révocatoires, et les autorise à provoquer un ensemble de mesures établies dans leur intérêt. Il s'ensuit que, lorsqu'un négociant est décédé après avoir cessé ses payements, ses créanciers ne peuvent perdre, par l'événement de son décès, la faculté qui leur était acquise de faire déclarer sa faillite, et de réclamer toutes les conséquences attachées à cette déclaration. Votre commission a maintenu la disposition qui consacre leur droit à cet égard; mais elle a pensé qu'il fallait le concilier avec le droit des héritiers du débiteur, qui ont besoin de savoir sous quel régime la succession sera placée, avant de prendre qualité dans cette succession. En conséquence, votre commission vous propose de décider, par une disposition additionnelle, que les créanciers du négociant décédé en état de cessation de payements, auront trois mois, à partir de son décès, pour faire déclarer sa faillite.

7. Quoique la cessation de payements ait d'importantes conséquences, ces conséquences ne sont point les mêmes que celles de la déclaration judiciaire de faillite. Votre commission applaudit aux dispositions qui ont pour but de rapprocher l'une de l'autre ces deux époques, soit en intéressant le débiteur lui-même à faire spontanément une déclaration de faillite qui sera récompensée par l'affranchissement du dépôt, soit en punissant celui qui tarde à déclarer sa faillite, soit en faisant cesser l'obstacle qui résultait pour les créanciers de l'absence des fonds nécessaires pour subvenir aux premiers frais. Mais quelle que soit, à cet égard, la sollicitude du législateur, il pourra s'écouler un certain intervalle entre la cessation de payements et le jugement déclaratif de faillite. Durant cet intervalle, quelle sera la position du débiteur, quel sera le sort des actes qu'il aura consentis, des payements qu'il aura faits?

8. Plusieurs membres de votre commission auraient désiré que la cessation des payements qui, dans le système du projet, caractérise la faillite, produisit une autre conséquence attachée à la première, savoir le dessaisissement immédiat et l'incapacité générale du failli. Ils auraient voulu qu'on déclarât nuls de droit tous ses actes, à partir de la cessation de payements, sauf à admettre quelques exceptions en faveur des actes du commerce courant et de deux qui auraient tourné au profit de la masse. La majorité de votre commission a pensé que l'on ne peut, sans s'exposer à commettre de graves injustices, faire remonter le dessaississement du débiteur à une époque où il était encore saisi, de fait, de l'administration de ses biens et de l'exploitation de son commerce. La disposition rétroactive qui placerait à cette époque prématurée le dessaisissement du failli, établirait une fiction de droit en contradiction avec les apparences, avec les faits, et tendrait à la confiance des tiers un véritable piége. S'il importe que les créanciers de la faillite ne restent point désarmés et impuissants contre la fraude, il importe aussi que le respect dû à la bonne foi des tiers, qui est l'âme du commerce, ne reçoive point d'atteinte. Jusqu'au jugement déclaratif, qui donne à la faillite la publicité légale et réalise le dessaisissement, l'état du débiteur peut être ignoré des tiers ou du moins de plusieurs d'entre eux, Aussi, quoique la rédaction du code de commerce semble autoriser à penser qu'il a voulu faire remonter à l'époque de la cessation de payements, et même plus loin encore le dessaisissement du failli, la jurisprudence, d'abord incertaine, a fini par incliner pour une interprétation favorable qui place en dehors de la présomption légale de fraude les actes à titre onéreux antérieurs à la déclaration judiciaire de la faillite. Lorsque l'on a essayé, dans le projet de loi présenté en 1834, de reproduire avec quelques modifications cette présomption légale de fraude contre tous les actes faits par le failli à partir de l'époque où sa cessation de payements serait devenue notoire, la chambre des députés s'est formellement prononcée contre ce système. La plupart des faillites n'ont point, en effet, ce caractère de notoriété générale, universelle, indépendante des lieux et des circonstances, qui seule pourrait justifier, dans ses rapports avec les intérêts des tiers, le principe du dessaisissement du débiteur, avant toute déclaration de sa faillite. La majorité de votre commission, adoptant ces idées, a donné son approbation au système du projet qui ne répute le failli dessaisi de l'administration de ses biens qu'à partir de la date du jugement déclaratif de faillite.

9. Est-ce à dire que la cessation de payements ne produira, par ellemême, aucun effet? Loin de là, messieurs, l'époque de la cessation de payements, et même une époque antérieure dé dix jours, sera le point de départ d'une nullité de droit qui frappera tous les actes à titre gratuit, consentis par le débiteur failli ou près de faillir. Il n'est pas nécessaire, pour motiver l'annulation de ces actes, que ceux qui en profitent aient connu la situation du débiteur. Il suffit que les dispositions aient été faites à une époque où le débiteur, hors d'état de payer ses créanciers, ne pouvait consommer en libéralités les biens qui sont leur gage. Ce principe, emprunté au droit civil, qui frappe de nullité tout acte fait en fraude des droits des créanciers, doit être appliqué avec plus d'étendue et de sévérité, dans le cas de faillite, parce qu'il faut le combiner avec cet autre principe, que dans le naufrage commun, le sort de tous les créanciers doit être égal. Aussi le projet de loi a-t-il étendu la nullité prononcée contre les

3, 4 avril, et le projet fut adopté le 5 tel qu'il a été promulgué, à

actes à titre gratuit, aux payements faits par anticipation, soit en espèces, soit par transport, vente, compensation ou autrement, ainsi qu'aux droits d'hypothèque, d'antichrèse ou de nantissement, constitués depuis la cessation de payements, pour des dettes anciennes et sans versement actuel de deniers. Ce sont là, en effet, sinon des actes à titre gratuit, au moins des actes de faveur contraires à l'égalité qui doit régner entre tous les créanciers. On doit présumer aussi que celui qui se fait donner une hypothèque, au lieu d'exiger son payement, est dans le secret de la faillite, et, par conséquent, de mauvaise foi. Votre commission a pensé que la même présomption doit s'appliquer au créancier qui reçoit en payement tout ou partie des immeubles ou du mobilier du failli: elle a compris, dans l'art. 446, comme empreints du même caractère, ces actes de dation en payement. 10. Quant aux payements en espèces et à tous les actes à titre onéreux, sauf les exceptions portées dans l'art. 446, ils ne seront annulés que si, de la part des tiers qui ont reçu du débiteur ou qui ont traité avec lui, ils ont eu lieu avec connaissance de la cessation de ses payements, art. 447. L'annulation des actes et le rapport des sommes payées seront la peine de ce genre de fraude qui consiste à s'affranchir sciemment de l'égalité proportionnelle de perte à laquelle sont soumis tous les créanciers d'un failli. Seulement cette fraude ne sera point légalement présumée, comme si la notoriété de la faillite existait de droit; mais elle pourra être établie par de simples présomptions. L'intention de la loi est que les tribunaux, sans se laisser arrêter par les règles ordinaires sur la preuve, qui ne sont point applicables en pareil cas, puissent toujours démasquer la fraude et la réprimer avec sévérité.

Mais la disposition de l'art. 447, qui autorise à rechercher les payements faits par le débiteur avant la déclaration de sa faillite, reçoit une exception en faveur des tiers porteurs d'effets négociables, qui, n'étant admis par la législation ni à protester contre le payement qui leur serait offert, ni par conséquent à exercer les recours subordonnés à la condition du protêt, ne pourraient, sans injustice, être déclarés responsables de la validité d'un payement qu'ils sont tenus de recevoir. La loi ne soumet au rapport que le tireur de la lettre de change ou le donneur d'ordre qui profite en définitive du payement, et ils ne sont soumis au rapport, conformément à la règle établie dans l'art. 447, que dans le cas où ils ont eu connaissance de la cessation de payements. Le projet de loi laisse indécise la question de savoir à quelle époque cette connaissance doit avoir eu lieu pour obliger au rapport; votre commission a pensé que cette époque qu'il faut préciser, est celle de l'émission du titre; le tireur ou le donneur d'ordre n'est plus maître de ce qui arrive après, et ne doit point être responsable de ce qu'il ne peut empêcher.

11. Nous nous sommes étendus sur les effets de la cessation de payements, parce qu'il s'agit là de régler une des parties les plus difficiles de la matière. Les effets du jugement déclaratif de la faillite, énumérés dans les art. 444, 445 et 450 du projet, ont été beaucoup moins contestés. Toutefois, quelques personnes ont combattu la disposition de l'art. 444 qui, en cas de faillite du souscripteur d'un billet à ordre, de l'accepteur d'une lettre de change, ou du tireur à défaut d'acceptation, soumet les autres obligés à donner caution pour le payement à l'échéance, s'ils n'aiment mieux payer immédiatement. Il y a une excessive rigueur, a-t-on dit, à contraindre les endosseurs qui ne sont que des débiteurs subsidiaires, soit à rembourser une lettre de change avant son échéance, soit, ce qui est aussi difficile pour eux, à donner caution de son remboursement. Autoriser ces recours anticipés et imprévus, c'est s'exposer, dans les temps de crise commerciale, à augmenter la perturbation. Mais l'on a répondu que l'on ne pourrait, sans détruire les conditions essentielles au crédit de la lettre de change, supprimer, en cas de faillite, les effets de la garantie solidaire à laquelle sont tenus tous les signataires; et que la seule modification qui fût autorisée par les usages du commerce, consistait à restreindre le recours anticipé des tiers porteurs au cas de faillite des débiteurs principaux.

12. L'une des principales conséquences de la déclaration judiciaire de la faillite est de faire cesser les poursuites individuelles contre le failli. Toutefois les créanciers privilégiés et hypothécaires conservent l'exercice des voies d'exécution qui leur appartiennent sur les biens qui leur sont spécialement affectés. Le propriétaire ou locateur, encore plus favorablement traité par la jurisprudence, est considéré comme étant en dehors de la faillite pour tout ce qui tient à l'exercice de son privilége sur le mobilier garnissant les lieux loués. Il peut, sans attendre la vérification et dès le début de la faillite, saisir et faire vendre les effets mobiliers servant à l'exploitation du commerce du failli, et anéantir ainsi les seules ressources qui restent au débiteur et à ses créanciers. Le gouvernement, frappé de cet inconvénient, a pensé que, pour concilier dans une juste mesure les intérêts de la masse avec ceux du propriétaire, on pourrait suspendre, pendant l'espace de trente jours, les voies d'exécution qui lui appartiennent, afin de ménager aux créanciers le temps nécessaire pour se réunir et se concerter sur les moyens de désintéresser le locateur. Mais l'on n'a pas cru pouvoir porter atteinte au droit qui serait acquis, dans certains cas, au propriétaire, de reprendre possession des lieux loués. Si ce cas exceptionnel vient à se réaliser, la suspension des voies d'exécution sur le mobilier du failli perd son utilité. Car le mobilier du failli

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ne peut sortir des lieux loués sans que l'on accorde, tout au moins, au propriétaire le droit de le faire séquestrer pour assurer l'exercice de son privilége. Ce droit occasionnerait à la masse des frais qui seraient en pure perte, puisque l'on ne pourrait éviter l'interruption du commerce du failli. Votre commission a pensé qu'il vaut mieux déclarer franchement que, dans ce cas, les voies d'exécution cesseront d'être suspendues.

Des syndics de la faillite et de leurs fonctions.

13. Le projet de loi a déclaré le failli, à partir du jugement déclaratif de la faillite, dessaisi de l'administration de ses biens. Ce principe salutaire une fois posé, il reste à organiser une autre administration qui présente à tous les intérêts des garanties suffisantes. La difficulté d'en trouver les éléments a fait naître la pensée de créer une classe nouvelle d'officiers sous le titre de curateurs aux faillites. Dans la réalité, a-t-on dit, ce ne sont point des créanciers du failli, ce ne sont point des négociants qui peuvent donner aux affaires de la faillite un temps et des soins que réclament leurs propres affaires; si quelques créanciers recherchaient cette mission, il serait à craindre qu'un si grand zèle ne fût inspiré par leur intérêt personnel en opposition avec l'intérêt de la masse. Mais habituellement la nécessité force de confier l'administration des faillites à des agents qui, n'étant point organisés et soumis à une discipline, ne présentent point une responsabilité suffisante. Ne trouverait-on pas plus de garanties dans des curateurs institués au titre d'office, nommés par l'autorité publique, assujettis à verser un cautionnement, et soumis comme tous les officiers ministériels à la discipline de leur corps et à la surveillance du ministère public?- La majorité de votre commission, messieurs, n'a point accueilli la proposition de créer une classe nouvelle d'officiers publics pour l'administration des biens des faillis. Les faillites sont des accidents heureusement assez rares au moins dans les places de commerce de second ordre. Partout les petites faillites sont de beaucoup les plus nombreuses. Ces affaires ne suffiraient point pour occuper d'une manière assez avantageuse une classe spéciale d'officiers publics. Une corporation réduite à trouver un aliment dans ces affaires, qui sont un malheur pour tout le monde, serait environnée de défaveur, et par suite de cette défaveur elle ne serait peut-être pas assez honorablement composée. Le moindre inconvénient de cette création serait d'exclure de toutes les faillites une gestion gratuite, et de rendre l'administration trop dispendieuse, surtout pour les petites faillites.

14. Mais tout en écartant la pensée de cette institution, votre commission a recherché s'il ne serait pas possible d'introduire plus de simplicité, plus d'unité et d'esprit de suite dans l'administration de la faillite. On reproche généralement au code de commerce d'avoir trop multiplié les rouages en faisant succéder l'une à l'autre trois administrations distinctes. Les auteurs du code de commerce sont partis du principe que les biens du failli appartiennent à ses créanciers, et que si la gestion de ces biens peut, dans les premiers moments et lorsque les créanciers ne sont point encore réunis, être confiée à des agents nommés pas le tribunal, elle doit être remise ensuite à des mandataires de la masse, au moyen d'une délégation plus ou moins directe, selon qu'elle émane de créanciers simplement présumés, ou de créanciers vérifiés et unis. Déjà le projet actuel a remédié au plus grand inconvénient de ce système qui consistait à faire nommer les syndics provisoires sur une liste de candidats imposés au tribunal de commerce par une assemblée de créanciers non vérifiés, assemblée dont la composition incomplète et peu sûre offrait trop de prise à l'influence et aux manœuvres du failli. En ne donnant aux créanciers présumés que le droit de faire entendre au juge-commissaire leurs observations et leurs vœux, et en réservant au tribunal de commerce le choix entièrement libre des syndics provisoires, le projet de loi a introduit une grande amélioration. Votre commission a trouvé là le germe d'une amélioration nouvelle.

15. D'après le système qu'elle vous propose d'adopter, le pouvoir de nommer, de remplacer ou de maintenir les syndics, depuis le commencement de la procédure de faillite jusqu'à sa fin, appartiendrait exclusivement au tribunal de commerce, et le renouvellement du syndicat ne serait que facultatif, il ne serait jamais forcé. Ce principe de permanence, qui maintiendrait dans l'administration de la faillite l'unité, l'esprit de suite, l'expérience acquise, serait toutefois combiné avec le droit qu'il faut laisser aux créanciers, de provoquer toutes les modifications désirables dans la composition du syndicat Non-seulement ce droit pourrait être exercé à toute époque par voie de réclamation et de plainte, mais la masse des créanciers serait, à deux époques décisives, appelée à faire entendre ses observations et ses vœux touchant le maintien ou le remplacement des syndics, savoir les créanciers présumés, quinze jours après le jugement déclaratif de la faillite, et les créanciers vérifiés, immédiatement après le rejet du concordat. L'influence des créanciers, particulièrement à cette dernière époque, sur la direction à donner aux affaires et sur le choix des hommes propres à imprimer cette direction, sera en fait toute-puissante auprès du juge-commissaire et du tribunal de commerce. Mais les changements dans le syndicat ne seront opérés qu'autant qu'ils seront réclamés par les créanciers d'après de justes motifs. Il n'y aura

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