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jours. Ce qui démontre que l'humus ou terreau, résidus de l'oxydation des matières végétales, possède la propriété d'exciter la combustion de l'ammoniaque, sinon de fixer l'azote de l'air.

C'est à M. Muntz, collaborateur de M Schloësing que revient l'honneur d'avoir découvert que l'eau d'égoût ne se nitrifie que sous l'influence de ces matières organiques, contenant des ferments invisibles et vivants, dont la respiration produit cette oxydation.

Toutes les terres renferment-elles ces ferments? Les ferments qui proviennent de l'engrais humain, ou du fumier des bêtes à cornes, agissent-ils de la même façon? Autant de questions à résoudre, comme celle de la rapidité avec laquelle s'opère cette nitrification.

Pour échapper à ces incertitudes et à ces lenteurs, car en agriculture le temps est aussi de l'argent, l'agriculture moderne a recours à des produits azotés complètement oxidés, et les expériences que notre viceprésident, M. Deperrière, a si savamment conduites dans les champs d'expérience de Saint-Georges, ont confirmé les expériences de Lawes et Gilbert en Angleterre, et de Risler en France, à savoir que le nitrate de soude est préférable au sulfate d'ammoniaque pour la culture des céréales, à quantité égale d'azote. Cela tient à ce qu'il est à l'état dernier d'oxydation, et que son action est immédiate.

Mais, le nitrate de soude offre, dans son histoire, quelques particularités intéressantes à connaître et qui vont nous conduire à des observations importantes concernant l'emploi des engrais chimiques, dans la culture.

Dans l'action des nitrates.... leur acide n'est pas fixé dans le sol; une grande partie peut être entraînée dans le sous-sol et échapper ainsi à l'absorption des racines. Aussi doit-on, de préférence, employer cet engrais quand

les plantes ont déjà un certain degré d'activité végétative; leur épandage en couverture vers le mois de mars ou d'avril, pour les céréales, permet d'éviter, en grande partie, cette déperdition Pendant les années de sécheresse, le nitrate de soude, plus soluble que les sels ammoniacaux, provoque un rendement plus élevé; il agit probablement sur le sous-sol, de manière à augmenter la surface susceptible d'absorber et de retenir l'humidité au profit des racines.

Il en résulte donc de ces faits, qu'il est imprudent de mettre sur le sol, avant l'hiver, les sels azotés, les nitrates notamment qui, par les pluies d'hiver, sont lavés et entraînés dans les ruisseaux ou dans les eaux de drainage, principalement dans les sols légers et perméables.

Il n'y a aucune autre raison bien spécieuse qui donne aux nitrates, en général, la suprématie sur le sulfate d'ammoniaque.

Ce dernier sel offre comme particularité que son ammoniaque est immédiatement fixée par le sol, et protégée contre le lessivage et l'enlèvement provoqué par les pluies. Le sulfate d'ammoniaque nitrifie lentement pendant l'hiver quand on le dépose lors des labours d'automne; il est moins sujet aux déperditions que le nitrate de soude, mais son action, en tant qu'elle est mesurée par les nécessités de la nitrification, est plus. lente.

Phosphates.

Les phosphates peuvent impunément se mettre en tout temps, et surtout au moment des labours d'automne; il est préférable de les enfouir à ce moment, parce que s'il est vrai qu'en mélangeant et en semant, vivement, au printemps de superphosphates ou mieux encore des phosphates fossiles avec des nitrates, on peut ne pas avoir à craindre une réaction entre ces deux substances, il est certain que l'action des phosphates n'étant pas

immédiate, on pourrait éprouver des déceptions. Leurs effets ne se feront sentir que sur les récoltes de l'année suivante. Voilà donc une première nécessité de ne pas mélanger ces deux espèces d'engrais. Nous y reviendrons.

Les phosphates doivent donc s'enfouir par les labours d'automne; if en est de même des sels de potasse dont on n'a pas à craindre l'entraînement par les eaux pluviales.

Le phosphate en poudre, répandu au printemps, n'aura que très peu d'action sur la céréale; il n'agira que sur les récoltes postérieures. C'est un intérêt d'argent perdu.

Cet enfouissement des phosphates, en automne, est d'autant plus utile que les phosphates, renfermant une notable proportion de chaux et pouvant, de ce fail, remplacer dans une certaine mesure le chaulage, il faut que pendant l'hiver cette chaux se délite et produise son action qui est toujours lente.

Sels de potasse.

Les engrais potassiques ne sont pas entraînés par les eaux pluviales; on doit donc les enterrer par le labour quand on le peut; il est évident que dans les prairies on est obligé de les semer en couverture, on n'a pas d'autre choix.

On peut employer indifféremment le chlorure de potassium, le sulfate de potasse ou les sels de kaynite; c'est une question de prix.

On peut enfouir, en même temps, le phosphate et le chlorure de potassium. Les sels de potasse doivent être placés à la portée des racines; semés en couverture, ils sont retenus par le pouvoir absorbant du sol et 'cheminent lentement vers le sous-sol.

Dans les sols qui ne sont point par trop meubles, les sels de Strassfurt, le sulfate de potasse, le chlorure de potassium, les phosphates précipités et les phosphates

fossiles peuvent être répandus et enfouis de préférence en automne, de façon qu'ils puissent s'incorporer intimement au sol, sans nuire aux plantes.

Il résulte de ces premiers faits qu'il est imprudent de mettre sur la terre un mélange formant un engrais complet, puisque certains éléments peuvent disparaître.

Donc, et c'est notre première conclusion, la fabrication d'un engrais complet est une erreur; il faut épandre séparément les éléments trop diffusibles et ceux qui ne le sont pas.

II

Des expériences récentes de M. Audouard, de Nantes, sont venues accentuer encore cette nécessité de ne pas employer, ou préparer à l'avance des engrais chimiques complets.

Ce savant directeur de la station agronomique de Nantes a prouvé que des mélanges de nitrates et de superphosphates donnent lieu à une déperdition considérable d'azote, déperdition accusée par une odeur nitreuse caractéristique qui, jusqu'en ces derniers temps, était considérée comme une mesure de la richesse de l'engrais en azole.

Il a pu constater que certains de ces mélanges avaient perdu de 6 à 20 0/0 de leur azote initial, et de 17 à 33 0/0 de leur azote organique.

D'autres mélanges additionnés de sulfate d'ammoniaque ont accusé une perte d'azote ammoniacal variant de 5 à 15 0/0, sans préjudice d'une diminution d'azote organique ou nitrique supérieure, en général, à celle qu'avait donnée les produits précédents.

Ces pertes seraient encore plus désastreuses si, sortant d'expériences de laboratoire, on recherchait ce que doivent perdre les engrais fabriqués en grand, remués et

mélangés à l'air, et exposés à l'ardeur des rayons solaires.

C'est donc une erreur d'associer les nitrates aux superphosphates dans les engrais. C'est une autre erreur de mélanger le sulfate d'ammoniaque avec les scories, car la chaux libre qui existe en forte proportion dans ces dernières peut, entraîner des pertes d'ammoniaque. Il faut répandre les deux matières séparément ou bien les enfouir immédiatement.

Nous verrons, dans un autre mémoire, quelle erreur du même genre on commet lorsque, sous prétexte d'empêcher les déperditions considérables d'azote que subit le fumier de ferme, on y ajoute du sulfate de fer et du plâtre, ou de l'acide sulfurique, ou bien encore des superphosphates, voire même des phosphates fossiles.

Pour le moment, nous nous bornons à constater que les résultats du travail de M. Audouard sont dans ses conclusions, d'accord avec ceux que nous avons indiqués dans la première partie de ce travail, en considérant les pertes qui résultent de la dissolution des matières solubles dans les eaux de pluie. On ne doit donc pas fabriquer d'engrais complets à l'avance, afin d'éviter des déperditions, soit par des réactions chimiques, soit par des dissolutions dans l'eau de pluie et des entraînements dans le sous-sol.

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Cette solution simplifie beaucoup la question de l'emploi des engrais chimiques, car nous pouvons maintenant établir comme principe, que c'est une erreur de fabriquer à l'avance des engrais complets, dans lesquels on associe des éléments réagissant l'un sur l'autre. C'est commettre une faute que d'acheter des engrais provenant de pareils mélanges, car pendant le transport, puis dans les magasins de l'acheteur, des déperditions se produiront, préjudiciables à la richesse de l'engrais et à la bourse du cultivateur.

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