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LES CHAMPS DE DÉMONSTRATION

Les agriculteurs de l'arrondissement d'Angers ont répondu avec le plus grand empressement à l'appel qui leur a été adressé par la Société Industrielle et Agricole de Maine-et-Loire, en vue de créer des champs de démonstration pour l'emploi des engrais complémentaires et des semences sélectionnées.

A la date du 7 octobre, limite fixée pour la production des demandes, le bureau de la Société Industrielle et Agricole avait reçu cinquante-deux demandes réparties entre vingt-sept communes et huit cantons de l'arrondissement d'Angers.

Les ressources applicables aux champs de démonstration étant limitées à la somme de 1,000 fr., n'ont pas permis de faire porter utilement les essais d'engrais complémentaires et de semences sélectionnées sur plus de seize hectares de superficie. Aussi le bureau de la Société Industrielle et Agricole a-t-il dû procéder à l'élimination d'un certain nombre de demandes par voie de tirage au sort entre les communes d'un même canton et les agriculteurs d'une même commune, de façon à répartir aussi également que possible les champs de démonstration dans les différents centres agricoles de l'arrondissement d'Angers.

Le Conseil d'administration de la Société Industrielle et Agricole s'était d'ailleurs imposé de n'admettre que les demandes des fermiers, estimant que les propriétaires agriculteurs peuvent avec leurs propres ressources reproduire sur leurs domaines la démonstration de l'utilité des engrais complémentaires et les avantages des semences sélectionnées, que la Société Industrielle et Agricole a pour mission de faire devant les cultivateurs.

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Les expériences porteront, pour chacun des seize champs de démonstration, sur un hectare, lequel recevra dans son entier les façons de culture et la fumure habituelles du pays.

Après avoir reçu la quantité de fumier ordinairement employée sur un hectare, le champ de démonstration sera divisé en trois parcelles égales:

La première ne recevra aucun engrais complémentaire et sera emblavée avec le blé du pays;

La seconde parcelle recevra, au moment des semailles, 150 kilos de superphosphate et 50 kilos de nitrate de. soude en couverture au printemps, elle sera également emblavée avec le blé du pays;

La troisième parcelle recevra aussi 150 kilos de superphosphate, au moment des semailles, et 50 kilos de nitrate de soude en couverture, au printemps, mais elle sera emblavée avec 70 kilos de blé rouge inversable de Bordeaux, semence sélectionnée choisie, après enquête, auprès des cultivateurs pour la démonstration.

Les cultivateurs qui ont été admis par voie de tirage au sort seront avisés par les soins de l'agent général de la Société Industrielie et Agricole du moment prochain où ils pourront se livrer des engrais complémentaires et des semences qui seront mis gratuitement à leur disposition.

Angers, le 8 octobre 1888.

Le président,

A. BLAVIER, sénateur.

NOTE

SUR LA

RECONSTITUTION D'UN VIGNOBLE

DE LA CHARENTE-INFÉRIEURE

AVEC DES CÉPAGES AMÉRICAINS

Par M. A. BLAVIER, président.

Les ravages du phylloxéra s'étendent de plus en plus sur les vignobles de l'Anjou et, dans sa séance du 18 février de cette année, la Commission supérieure du phylloxéra a dû ajouter, aux arrondissements de notre département contaminés depuis plusieurs années déjà, ceux de Baugé et de Segré, où la présence de l'insecte destructeur a été officiellement constatée par notre honorable secrétaire, délégué départemental du service phylloxérique. Aussi, dans la carte dressée par l'Administration de l'agriculture, conformément au décret du 25 février 1888, le département de Maine-et-Loire se trouve-t-il recouvert, sur toute sa superficie, de la teinte grise, qui annonce l'envahissement général de notre vignoble; mais nous en sommes encore au gris clair, qui est appliqué aux arrondissements phylloxérés dans lesquels l'introduction des vignes étrangères ou des vignes provenant des arrondissements phylloxérés n'est pas autorisée.

A la vérité, je ne m'explique pas très bien cette res

triction qu'apporte l'Administration à la reconstitution de nos vignobles par le procédé qui, d'après le dernier rapport de M. le Directeur de l'agriculture à la Commission supérieure du phylloxéra (17 février 1888), a été le plus généralement adopté et, par suite, reconnu le plus avantageux dans les départements du Midi, les premiers frappés par le fléau.

Ce rapport, en effet, constate qu'à la fin de l'année 1887, les cultures de vignes américaines s'étendaient sur plus de 166,000 hectares; alors que le traitement par les insecticides n'était appliqué qu'à 75,000 hectares, et le traitement par submersion à 26,000 hectares environ.

Je comprends d'autant moins cette interdiction d'introduire librement les cépages américains de toute provenance, dans notre département : 1° que, par sa situation topographique, celui-ci se trouve absolument à la limite de la région viticole et qu'il ne peut, en conséquence, communiquer, à aucun de ses voisins, le virus phylloxérique, si je puis m'expliquer ainsi, dont il est lui-même infesté; et 2° que, par suite de l'emplacement le plus généralement occupé par les vignes situées principalement sur les coteaux de la Loire et du Layon, les traitements curatifs par les insecticides ou la submersion sont d'une application souvent impossible, et toujours exceptionnellement dispendieux.

Il y a lieu d'espérer que, dans un avenir prochain, cette interdiction sera levée sur la demande des intéressés et sur l'avis favorable du Conseil général; l'étude des résultats qu'on peut obtenir par l'emploi des cépages américains présente donc un intérêt réel et d'actualité.

C'est en m'inspirant de cette pensée que j'ai saisi avec empressement l'occasion, qui m'était offerte, d'aller dans la Charente-Inférieure vérifier les résultats obtenus par un viticulteur distingué qui, le premier, au milieu du désastre qui a si rapidement anéanti une des richesses agricoles les plus incontestables de notre beau pays de France, a tenté la reconstitution des vignobles de l'Aunis et la Saintonge sur son domaine de Clavier, aux portes de La Rochelle. M. Godet, président de la Chambre de commerce de cette ville, a, depuis cinq ans, importé les

vignes américaines dans ce domaine; il a expérimenté la plupart des cépages connus, en vignes rouges et blanches; enfin, il a opéré par greffage et par producteurs directs sur des surfaces importantes.

C'est le résultat de ces expériences multiples et conduites avec une grande intelligence pratique des nécessités de la culture viticole que j'ai pu constater sur place, le 4 octobre dernier, sous la très obligeante direction du propriétaire lui-même et qu'il m'a paru intéresssant de vous communiquer.

Le sol, sur lequel opérait M. Godet, appartient géologiquement à l'étage moyen du système oolithique qui, comme vous le savez, Messieurs, s'appuyant, d'une part, sur le massif granitique et silurien de la Bretagne et de la Vendée, d'autre part, sur le massif de terrains primitifs du centre de la France, vient émerger dans le département de la Charente-Inférieure. C'est donc dans un terrain essentiellement calcaire recouvert d'une couche arable ferrugineuse de 20 à 40 centimètres de profondeur, et se profilant en plaines immenses présentant de faibles ondulations, qu'il a planté les vignes américaines.

Il y a vingt ans à peine, ces plaines étaient couvertes de luxuriants vignobles d'où sortaient les vins blancs dont la distillation produisait ces eaux-de-vie qui portaient, dans le monde entier, la renommée si justifiée des Cognacs français. Aujourd'hui, le voyageur attristé n'en peut plus constater l'existence qu'en comptant les amas de souches noircies qui représentent, comme des jalons lugubres, les dernières vignes détruites par le phylloxéra.

Sur tout le parcours de la ligne ferrée, que l'on suit d'Aigrefeuille à La Rochelle, l'œil le plus attentif ne pourrait apercevoir un seul cep ayant résisté à cette destruction complète. Je dois constater toutefois que cette région si éprouvée n'a plus l'aspect désolé qu'elle présentait au moment de l'invasion du fléau phylloxérique. Les populations agricoles se sont résignées à leur malheureux sort et, reprenant courage, ont remis ces terrains phylloxérés en culture. On y voyait, à l'époque de mon passage, les récoltes d'automne sur pied, les

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