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FIXATION

PAR LE SOL & PAR LA CULTURE

DE

L'AZOTE ATMOSPHÉRIQUE

Par M. DE CAPOL, vice-secrétaire.

I

Les recherches de la chimie ont prouvé, il y a longtemps, que les plantes puisaient dans l'air et dans l'eau le carbone, l'hydrogène et l'oxygène, qui entrent dans la composition de leurs tissus. Tous les chimistes ont, en outre, reconnu que la proportion d'azote enlevée par la récolte dépasse la proportion qui lui est fournie par l'engrais. Cet excédent a semblé à tous les expérimentateurs d'autant plus notable, que l'azote d'un engrais est souvent très loin de passer entièrement dans la récolte, ou de s'ajouter dans le sol au stock qui peut y exister déjà. En effet, une partie de cet azote combiné peut s'éliminer en nature, tandis qu'une autre partie se dégage du sol sous forme d'ammoniaque, ou pénètre, dans le sous-sol et au-delà, sous forme de nitrates ou de produits organiques dissous.

D'où peut provenir cet excès d'azote?

Grave et importante question!

Les plantes profiteraient elles de l'énorme quantité d'azote qui les entoure?

N'est-il pas probable que c'est seulement lorsque le gaz azote est entré en combinaison sous l'influence de forces vives, et qu'il est présenté aux plantes sous cette nouvelle forme, que celles-ci peuvent en tirer parti pour l'élaboration de leurs tissus?

Les végétaux, au contraire, soutirent-ils l'azote à l'atmosphère? Peut-on baser un système cultural sur ce principe? M. Boussingault, MM. Lawes, Gilbert et Pugh, admettent que cette assimilation directe n'a pas lieu, et que le système de culture, la Sidération, proposé par M. Georges Ville, est une utopie?

Constatons, cependant, que des expériences de MM. Lawes et Gilbert eux-mêmes, ressort un fait très net c'est que les récoltes de trèfle et de fèves, quoique très riches en matières azotées, sont insensibles à l'action des engrais azotés: nitrate de soude ou sulfate d'ammoniaque ; et que, dans des sols épuisés pratiquement, les légumineuses ont la faculté de prendre plus d'azote que tout autre plante.

Ceci dit, nous entrons en matièrej!

QUELLES SONT LES PRINCIPALES SOURCES D'AZOTE DONT PEUVENT DISPOSER LES PLANTES?

Azote nitrique. L'électricité atmosphérique transforme l'azote de l'air en composés nitrés assimilables par la végétation, mais ce phénomème est limité; on évalue, sous le climat de l'Europe, à 2 kilos 800 grammes par hectare l'apport dû à cet azote combiné la pluie, la neige, les brouillards, les rosées sont chacun, pour une certaine part, les véhicules de cet azote nitrique.

Dans les régions équatoriales, ces phénomènes météoriques, plus fréquents, plus intenses, ont pu apporter jusqu'à 6 kilos par hectare et par an. En Europe, on peut considérer que, par suite des causes nombreuses de déperdition de l'azote combiné, la destruction et la perte de ces combinaisons assimilables sont plus grandes que la restitution par les influences électriques.

A l'origine du monde cependant, des combustions

vives, en présence d'oxygène et d'azote, ont formé des composés nitrés en grande quantité. C'est assurément, sur ce stock d'azote combiné que nous vivons. Mais il s'épuise et par nos récoltes abondantes et par les causes qui rendent à l'état gazeux l'azote qui a servi à la formation des tissus des êtres vivants qui, avant nous et maintenant encore, ont puisé et puisent dans ce stock d'azote emmagasiné!

Ainsi s'expliquerait la richesse considérable de certaines terres en azote, comme aussi la possibilité d'une restitution, très faible, par les actions météoriques. Ces phénomènes n'ont pas eu lieu et n'ont pas lieu pour le phosphore et la potasse, dont la disparition ne peut être réparée par des apports aériens.

-

Azole ammoniacal. Il y a constamment dans l'air des quantités, extrêmement faibles il est vrai, d'ammoniaque. Les organes aériens des plantes, les feuilles, absorbent directement l'ammoniaque qui se trouve à l'état gazeux ou combinée à l'acide carbonique. C'est un fait hors de doute; la mobilité de l'air d'une part, les surfaces absorbantes considérables des feuilles d'autre part, donnent à ce phénomène une activité très grande que ne font pas prévoir, à priori, les faibles quantités d'ammoniaque contenues dans l'air.

M. Schloësing a montré que la terre a la propriété de fixer l'ammoniaque aérienne et de la nitrifier rapidement. Le sol s'enrichit donc en éléments azotés, par l'intermédiaire de l'ammoniaque gazeuse de l'air. Enfin les eaux pluviales ramassent l'ammoniaque disséminée dans l'air soit à l'état de nitrate ou de nitrite, soit à l'état de carbonate et l'amènent ainsi au sol.

De ce fait, on a évalué de 3 k. 500 (Boussingault) à 7 kilos (Lawes et Gilbert), l'apport possible, mais non constant d'azote, par hectare. Cette quantité est loin d'équivaloir à ce qu'enlève la plus faible récolte; elle excuse, en partie, l'emploi ruineux de la jachère. Mais la culture ne pourrait maintenir ses rendements, et arriverait rapidement à la ruine, si elle comptait sur un apport sérieux aussi bien d'azote ammoniacal que d'azote nitrique, provenant des causes précédentes.

Azote du sol. le sol, évidemment, renferme de l'azote nitrique et de l'azote ammoniacal provenant des sources dont nous venons de parler. Mais il renferme aussi des quantités souvent très importantes, nous le verrons plus loin, d'azote à l'état organique, résidu de la vie végétale ou animale.

Il faut que cet azote soit ramené à l'état minéral, pour être assimilé par les plantes. Le talent de l'agriculteur est d'activer cette transformation. Mais il dispose de peu de moyens, connus suffisamment et pratiques, pour atteindre ce résultat. Pour rémédier à cette difficulté momentanée, espérons-le, il a recours à des engrais de ferme et à des engrais chimiques azotés, pour suffire aux besoins urgents de la végétation et de la culture intensive, la seule rémunératrice.

Les terres sont plus ou moins riches en azote organique; celles qui sont riches en humus en renferment plus que les autres; une bonne terre arable doit contenir un minimum de 2 grammes d'azote, sous quelque forme que ce soit et, de préférence, en azote minéral.

L'indication fournie, par l'analyse, de la richessse en azote, quand on ne spécifie pas à quel état est cet azote, ne signifie absolument rien. Il faut considérer, avant tout, la faculté que peut avoir cet azote de se transformer en ammoniaque et en nitrate. Or, la chimie ne peut encore nous renseigner sur ce point, d'une façon suffisante.

Nous savons que c'est au sein de la terre végétale que la transformation très lente, trop lente, de l'azote organique en nitrates a lieu. Cette transformation se fait sous l'action des ferments du sol, qui nitrifient l'azote organique. Alors seulement les végétaux peuvent l'assimiler. Activer l'action de ces ferments, les multiplier, tel est le but à atteindre et qu'étudient et les chimistes et les praticiens!

FIXATION DE L'AZOTE PAR LES MATIÈRES ORGANIQUES DE LA TERRE ET LES ARGILES

Dehérain (Annales des sciences naturelles, Botanique, t. XVIII 1873); Simon, directeur de la station agronomique

de Gand (Annales agronomiques t. I, p. 212); M. Brelschneider; M. Armsby (Annales agronomiques t. II, p. 141); M. Plicque, avaient fait de nombreuses expériences prouvant que les matières carbonées du sol peuvent fixer l'azote de l'air. Mais ces expériences, que n'avaient pas confirmées les travaux de MM. Boussingault, Reiset, Lawes, Gilbert, Pugh et Schloësing, laissaient la question indécise, lorsque les travaux de M. Berthelot, mettant en jeu les forces électriques, sont venus donner raison aux premiers expérimentateurs.

Aujourd'hui donc, on peut affirmer que tous les travaux accumulés depuis quarante ans sur cette question ont amené tous les chimistes agronomes à reconnaître que: l'excès d'azote que présentent les récoltes sur les fumures, est déterminé par un gain que fait directement la terre arable, gain dont les matières carbonées paraissent être l'intermédiaire nécessaire.

Voici quelles sont les importantes découvertes qu'a faites M. Berthelot.

M. Berthelot a dernièrement trouvé que l'électricité détermine, par son action inductive sur le sol, la fixation de l'azote de l'air sur les matières organiques de la terre. Cette quantité d'azote, prise ainsi à l'air, serait à peu près comparable à la quantité des produits herbacés que la végétation produit, dans le même espace de temps, et sans engrais. Découverte importante et de la plus haute portée, qui pourrait expliquer: 1° les résultats divergents obtenus, en soustrayant ou non les végétaux à l'influence électrique de l'air; 2° l'excédent très inégal, suivant la nature des plantes cultivées, que présente l'azote de celles-ci sur la diminution finale de l'azote du sol; les unes enrichisssant le sol d'azote, tandis que les autres l'appauvrissent.

Ces premières recherches de M. Berthelot, qui expliquent ainsi les résultats divergents obtenus par divers expérimentateurs, viennent d'être suivies d'une découverte plus importante encore. M. Berthelot a signalé, dernièrement, des faits qui jettent un jour lumineux sur certaines opérations agricoles, dont on ne voyait pas complètement la nécessité ou le but.

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