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cultivateurs, dont les granges sont partout insuffisantes, de construire des abris pour leur chanvre en paille?

Les industriels d'Angers pourront-ils, d'une façon quelconque, arriver à vaincre les difficultés et le coût des transports d'une matière aussi encombrante? Nous en doutons.

Par contre, verrons-nous s'installer, au milieu des centres de production, des usines agricoles modestes qui, évitant ainsi un transport trop onéreux, travailleront les chanvres rouis sur les lieux de production? L'importance de chacun de nos centres de production est-elle assez grande pour motiver une telle installation, toujours bien coûteuse? Ces usines ne devront-elles pas se borner à piquer et à teiller le chanvre, par la machine Cardon, se privant ainsi des avantages sérieux d'un peignage immédiat, parce que les trois opérations ne seront pas interrompues? Nous pensons qu'il n'en devra pas être ainsi. Ce peignage n'est-il pas, en effet et avant tout, l'œuvre du filateur, qui a ses fins et son objectif, et non celle d'un intermédiaire.

La solution ne serait-elle pas dans l'installation, au centre de chaque pays producteur, de presses hydrauliques puissantes qui, comprimant le chanvre en paille, en permettraient le transport et l'emmagasinement, en les rendant moins onéreux? Ce sont là des questions que nous laissons à l'avenir le soin de résoudre.

Disons, en terminant, qu'en Amérique on est arrivé à comprimer, sous presses hydrauliques, des foins et des pailles, de façon à en rendre le transport facile et peu onéreux, sur des navires disposés spécialement pour ces transports.

En France, nous recevons déjà ces produits qui vont encore venir faire concurrence à nos produits indigènes. C'est à la culture et à l'industrie d'aviser et de prendre les meilleures mesures.

LE SUCRAGE DES VENDANGES

Par M. A. BOUCHARD, Secrétaire

Depuis une huitaine de jours, il nous est arrivé de tous les points du département des demandes de renseignements sur le sucrage des vendanges.

Cela se comprend facilement en présence des désastres que l'invasion du mildew occasionne au vignoble de l'Anjou.

Rappelons tout d'abord qu'une loi française autorise le sucrage de la vendange, autrement dit le vinage des moûts. Ce n'est donc point se rendre coupable d'une fraude, que d'introduire dans un moût une quantité déterminée de sucre, dans le but d'obtenir un vin potable. Seulement nous croyons que le vigneron, qui pratique le vinage, fera acte louable, en déclarant à l'acheteur qu'il a viné le produit de sa vendange. Disons encore, qu'une autre loi à dégrevé des droits de régie le sucre qui sert au vinage.

Le vinage s'obtient, soit en ajoutant directement de l'alcool dans le moût du raisin à la cuve, soit en déposant dans la cuve, avant la fermentation, une quantité de sucre cristallisé, par chaque hectolitre de moût.

Le premier procédé est condamnable, parce que l'alcool n'entre pas en combinaison avec le moût, il y reste à l'état de mélange. Le vin contenant de l'alcool

surajouté constitue une boisson dangereuse; ainsi l'a jugé, avec grande raison, la savante Académie de médecine.

Du reste, il est absolument facile de reconnaître lorsqu'un vin a été viné au moyen de l'alcool. On met audessus d'une lampe une petite coupelle remplie du vin à essayer. Si le vin contient de l'alcool surajouté, il s'enflamme vers soixante degrés, tandis qu'au contraire lorsque l'alcool est le vin à l'état de combinaison, il ne s'en sépare qu'à la température de l'ébullition.

Laissons donc de côté le procédé du vinage par l'alcool surajouté et occupons-nous exclusivement du sucrage des moûts au moyen du sucre cristallisé qui, seul, peut donner un produit hygiénique, lorsque les jus de raisin sont trop acides.

Pour qu'un moût puisse donner du vin potable et commerçable, il faut qu'il pèse au moins sept degrés à l'aréomètre. Lorsqu'il pèse moins de sept degrés, il ne peut fournir un vin transportable; de plus, ce vin subira les effets d'une fermentation spéciale, qu'on appelle la fermentation lactique, qui occasionnera la graisse du vin.

Lorsqu'un vin est devenu gras, il faut, pour le ramener, y introduire une solution alcoolique de tannin. Cela devient de la cuisine.

La chimie pratique nous a montré que, pour augmenter la richesse d'un moût d'un degré alcoolique, c'est-àdire d'un litre d'alcool absolu en volume, il fallait par chaque hectolitre de moùt 1,800 grammes de sucre cristallisé pur.

Le sucre cristallisé, introduit dans la cuve avant la fermentation du moût, se transforme, au contact du ferment, en sucre de raisin, et lorsque sa transmutation est complète, il prend la fermentation alcoolique.

Au cours de la fermentation, le sucre cristallisé transformé, devenu chimiquement identique au sucre de raisin, se dédouble, pour moitié à peu près en acide carbonique, qui passe dans l'air, et en alcool qui reste, non à l'état de mélange, mais en combinaison intime dans le vin obtenu. Il se produit en outre, au cours du dédou

blement du sucre, une quantité variable de glycérine, principe doux du sucre, et d'acide succinique.

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Pour faire convenablement l'opération du sucrage, 'il est donc absolument nécessaire de commencer par peser le moût d'une cuvée, au moyen des densimètres que l'on trouve chez tous les opticiens et qui, sans être des instruments rigoureusement précis, donnent cependant des renseignements suffisants. On pèse un jus de raisin, en ayant d'abord la précaution de le passer à travers un linge fin pour le débarrasser des matières étrangères qui pourraient s'y trouver; ensuite on entoure d'eau sortant du puits le récipient contenant le moût. Au bout de trente minutes, le moût est ramené à la température normale, il ne reste plus qu'à prendre son degré de richesse au moyen du densimètre.

nous

Si donc le pèse-moût indique cinq degrés, prenons ce terme pour exemple parce qu'il est souvent celui que fournissent les jus provenant de vignes atteintes par le mildew, il suffira, pour obtenir un vin contenant 7 0/0 d'alcool, d'ajouter par hectolitre sucre cristallisé, 1,800 grammes x 23,600 grammes de sucre.

Etant donnée une cuve capable de contenir trente hectolitres de vendange et donnant par conséquent vingt hectolitres de vin, il faudra ajouter sucre 3,600 x 2072 kilogrammes de sucre.

Dans le cas où l'on voudrait avoir du vin à 8 degrés, le moût initial pesant cinq, la quantité de sucre à ajouter serait 1,800 × 3 = 5 k. 400 par hectolitre, et pour une cuve de 30 hectolitres donnant 20 hectolitres de vin 5 k 400 × 20 108 kilos de sucre.

Pour un vin à 9 degrés, le moût pesant toujours 5 degrés, l'équation deviendrait sucre, 1,800 × 4

7 k. 200 × 20 144 k.

Enfin, pour faire un vin de 10 degrés, c'est-à-dire riche, avec un moût de cinq degrés, on aurait sucre, 1,800 × 59 k. 400 x 20 188 k.

Nous conseillons exclusivement l'emploi du sucre cristallisé et non celui du sucre en pain, parce que, dans les sucres agglomérés, il entre une certaine quantité de matières étrangères nécessaires pour parer la marchan

dise, qui diminuent d'autant le pouvoir sucrant du sucre en pain. Le vigneron éprouverait alors un mécompte sérieux contre lequel nous croyons devoir le prévenir. On trouve d'ailleurs aujourd'hui très facilement des sucres cristallisés dit granulés, qui ont un pouvoir sucrant de 98 0/0 et qui conviennent tout particulièrement au sucrage de la vendange.

Ces sucres, exonérés des droits de régie, sont livrés par le commerce au prix de 60 fr. les 100 kilos. Le prix de revient d'un degré alcoolique par hectolitre ressort donc à un peu moins de un franc vingt centimes sans la manipulation. Le procédé est tout à fait économique.

Deux moyens sont employés pour introduire le sucre dans la cuve 1° On mélange directement le sucre granulé avec la vendange; 2o On prend une portion du jus de raisin que l'on chauffe entre 40 et 60 degrés et l'on y fait dissoudre le sucre.

Avec le premier moyen, la transformation du sucre cristallisé en sucre de raisin se fait moins promptement, et la fermentation est retardée d'autant.

Si, au contraire, le sucre est mis dans la cuve à l'état de sirop, la fermentation marche très vite, il ne reste plus qu'à fouler la vendange et mélanger le tout ensemble.

Nous croyons avoir satisfait aux nombreuses demandes. qui nous ont été adressées sur le sucrage des vendanges, et nous sommes persuadé que, si les vignerons suivent exactement les prescriptions que nous avons indiquées dans cet article, ils obtiendront un bon vin de consommation.

D'autres demandes nous ont été faites au sujet des colorants à employer pour rougir le vin; le nombre en est restreint, mais, quel qu'il soit, nous nous refusons absolument à donner un renseignement quelconque sur cette question de la coloration artificielle des vins, parce que ce serait encourager une fraude que la loi ne saurait réprimer trop sévèrement.

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