Page images
PDF
EPUB

Devenu, comme il a si bien su l'écrire dans Dix ans d'agriculture, agriculteur malgré lui, M. de Falloux s'attacha un jeune homme, M. Lemanceau, qui sortait tout frais émoulu de l'Ecole d'agriculture et qui arriva au Bourg-d'Iré avec toutes les croyances de la jeunesse.

M. Lemanceau avait foi dans l'avenir du Durham, il croyait au succès de son élevage sous le climat tempéré et un peu humide de l'Anjou. Il ne se trompait pas. Ses convictions, ses espérances passèrent dans l'esprit de M. de Falloux. Et dès lors, le châtelain du Bourg-d'Iré, ainsi que le jeune directeur de la ferme modèle, se mirent à l'œuvre.

Si le père de M. de Falloux avait introduit le sang Durham dans son étable, il n'avait guère eu souci de lui porter intérêt, étant presque constamment cloué sur son lit par la maladie. Vendredi, Laure et Surah restèrent donc abandonnés aux mains de palefreniers qui leur préféraient de beaucoup la race du pays.

Lorsque M. Lemanceau prit en mains les rênes de l'exploitation, les choses changèrent de face. Il songea tout de suite à utiliser Vendredi. Il choisit, parmi les vaches du pays, les plus grandes et les mieux conformées entre toutes et leur infusa le sang pur du Durham; il fit du demi-sang.

Dès 1852, M. le comte de Falloux remportait, au premier concours régional d'Angers, un deuxième et un quatrième prix avec les animaux de demi-sang nés et élevés dans sa ferme modèle.

Il n'en fallut pas davantage pour que tous les regards se tournassent vers les animaux de la race Durham. Tout le monde s'extasiait devant cette race nouvelle qui prenait possession du sol de l'Anjou.

M. de Falloux ne tarda guère à avoir des émules; les Boutton, les d'Andigné, les de Jousselin, les Parage, etc., eurent bientôt une vacherie de Durham.

Il est vrai de dire qu'au moment où M. le comte de Falloux se faisait agriculteur, la situation était bien préparée pour le progrès agricole. Dès 1842, sous l'influence des voies stratégiques et de l'amélioration du réseau des chemins vicinaux, un mouvement agricole avait commencé à se faire sentir.

!

D'un autre côté, les fermiers généraux qui prenaient à prix de ferme les domaines délaissés par leurs propriétaires, pour les exploiter en colonage partiaire, étaient arrivés à codifier les usages ruraux, qui différaient, non seulement de commune à commune, mais de village à village dans une même commune. Avec l'unification des usages ruraux dans un arrondissement, les fermiers généraux devenaient maîtres de la situation, ils pouvaient modifier la tradition culturale, mais il leur manquait une bonne race d'animaux de rente.

M. de Falloux montra aux agriculteurs de son entourage qu'avec le Durham, on pouvait modifier du tout au tout la race bovine locale, défectueuse dans sa forme, disproportionnée dans son ossature, corriger chez elle les défauts de nature; de tardive à se faire, la rendre précoce. En un mot, étant donné un taureau de pur sang Durham et une vache de race mancelle, obtenir par leur conjonction un produit de demi-sang vendable avec profit à trois ans, alors que, dans le passé, un boeuf manceau n'était bon à livrer au marché qu'entre cinq et sept ans.

C'est la fabrication, s'il nous est permis de nous exprimer ainsi, du demi-sang à l'étable du Bourg d'Iré qui a été le point de départ de la grande influence agricole que M. de Falloux ne devait cesser d'exercer durant toute sa vie dans l'arrondissement de Segré.

Faire deux bœufs en sept ans, au lieu d'un seul, c'était mettre l'argent en mains aux fermiers généraux qui, louant les terres à bail, les exploitaient avec un métayer qui souvent n'apportait, pour tout avoir dans l'exploitation, que ses deux bras et sa bonne renommée de travailleur. Aussi, métayers et propriétaires exploitant leur sol s'adonnèrent-ils à l'élevage des demi-sang à l'envi des uns des autres.

Sans doute, c'était bien de donner à son pays les éléments de création d'une race bovine nouvelle. Mais, si la recette de doubler le cheptel d'une ferme était trouvée, il fallait réaliser le moyen de nourrir cette nouvelle famille.

Avec l'assolement traditionnel de l'Anjou, on avait deux récoltes en trois ans, la terre restant une année en jachère de repos.

M. de Falloux supprima la jachère, aménagea l'assolement alterne intensif sur son domaine. Il obtint trois récoltes en deux ans ; l'ordre des facteurs culturaux était absolument renversé.

Avec ce système, le revenu de l'hectare, de 50 francs qu'il était annuellement, passa progressivement à 70, 90 et 100 francs.

La rente était doublée et la valeur vénale du sol croissait proportionnellement.

L'augmentation du cheptel conduisit nécessairement à modifier l'aménagement des bâtiments d'exploitation.

D'insuffisants qu'ils étaient, tant au point de vue de l'hygiène des personnes... et des animaux qu'à celui des nécessités de l'exploitation, ils devinrent spacieux, commodes, éclairés, mieux orientés. En un mot, la face du pays changea.

Or, comme M. de Falloux bâtissait des métairies sur un modèle répondant aux besoins du nouveau régime. cultural, et cela avec une économie bien entendue, il s'ensuivit que les autres domaines s'approprièrent peu à peu les plans que M. de Falloux mettait en pratique.

Tous ces perfectionnements de race, de culture, de logement, amenèrent sur tout l'arrondissement de Segré, et par extension dans l'arrondissement d'Angers, une ère agricole nouvelle.

Les domaines, qui avaient été abandonnés par des maîtres qui préféraient la vie facile des villes à la vie rude des champs, virent peu à peu rentrer au berceau de la famille ces nouveaux enfants prodigues, qui revenaient la tête un peu neigeuse et tant soit peu désabusés.

Pour cela seul que M. le comte de Falloux a su montrer à ceux qui possédaient la terre dans l'une des plus belles parties de l'Anjou, que la vie agricole donnait, avec le revenu profitable, le calme du cœur, la considération d'autrui, il mérite que sa place soit marquée dans l'histoire de son pays.

Le domaine de Bourg-d'Iré, une fois lancé sur la route du progrès, n'a pas eu, on peut le dire, de temps d'arrêt. Après ses premiers succès au premier concours régional d'Angers, M. de Falloux a reçu tous les triomphes

agricoles, ainsi que les enfants vertueux de l'ancienne Rome. En 1863, il obtenait la prime d'honneur de la grande culture, puis, successivement, dans les concours généraux, dans les concours régionaux, il gagnait huit grands prix (objets d'art), quatre cents médailles d'or, d'argent et de bronze.

Actuellement, l'étable célèbre du Bourg-d'Iré nourrit à ses crèches cinquante animaux de race pure de Durham, et vingt boeufs de demi-sang. Nous sommes bien loin des jours où Vendredi, Laure et Sarah restaient à M. de Falloux pour 700 francs. Au dernier concours régional de Rouen, une génisse du Bourg-d'Iré partait pour le Chili, vendue 6,500 francs.

LES

PHOSPHATES ET LES SUPERPHOSPHATES FRANÇAIS

ET LES

PHOSPHATES SOLUBLES ANGLAIS

Par M. DE CAPOL, vice-secrétaire

I

La science moderne a, il y a déjà quarante ans, assigné aux divers éléments, nécessaires à la reconstitution du sol, une valeur relative. Elle s'est trop hâtée, pensonsnous, d'attribuer à l'azote un rôle prépondérant; peutêtre son affirmation, un peu prématurée, a-t-elle contribué à retarder de quelques années l'élan, qui entraîne actuellement la culture progressive et intensive vers l'emploi pondéré et judicieux des engrais chimiques.

Aujourd'hui, la science reconnaît que les matières carbonées des engrais et celles contenues dans le sol, sont l'intermédiaire nécessaire à la fixation de l'azote de l'air, et que l'excès d'azote que présentent les récoltes sur les fumiers est déterminé par un gain que fait directement la terre arable. Que des ferments interviennent dans la réaction, d'après quelques chimistes; que, selon d'autres, les éléments de l'air et de certains sels répandus dans la terre (le plâtre notamment), provoquent dans le sol une véritable nitrification, laquelle, activée par l'action du labour et du billonnage, fournit cet excès

« PreviousContinue »