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de deux vastes vaisseaux qui flottent à des millions de lieues de sa surface; depuis le soleil jusqu'au moindre atome, tout se maintint dans un admirable équilibre il n'y eut plus que le cœur de l'homme qui manqua de contre-poids dans la nature.

Qui l'auroit pu penser? le moment où l'on découvrit tant de nouvelles preuves de la grandeur et de la sagesse de la Providence fut celui-là même où l'on ferma davantage les yeux sur la lumière : non toutefois que ces hommes immortels, Copernic, Tycho-Brahé, Képler, Leibnitz, Newton, fussent des athées; mais leurs successeurs, par une fatalité inexplicable, s'imaginèrent tenir Dieu dans leurs creusets et dans leurs télescopes, parce qu'ils y voyoient quelques-uns des éléments sur lesquels l'Intelligence universelle a fondé les mondes. Lorsqu'on a été témoin des jours de notre révolution; lorsqu'on songe que c'est à la vanité du savoir que nous devons presque tous nos malheurs, n'est-on pas tenté de croire que l'homme a été sur le point de périr de nouveau pour avoir porté une seconde fois la main sur le fruit de la science? Et que ceci nous soit matière de réflexion sur la faute originelle les siècles savants ont toujours touché aux siècles de destruction.

Il nous semble pourtant bien infortuné, l'astronome qui passe les nuits à lire dans les astres sans y découvrir le nom de Dieu. Quoi! dans des figures si variées, dans une si grande diversité de caractères, on ne peut trouver les lettres qui suffisent à son nom! Le problème de la divinité n'est-il point

résolu dans le calcul mystérieux de tant de soleils ? une algèbre aussi brillante ne peut-elle servir à dégager la grande Inconnue ?

La première objection astronomique que l'on fait au système de Moïse se tire de la sphère céleste : << Comment le monde est-il si nouveau! s'écrie-t-on. La seule composition de la sphère suppose des millions d'années. »

Aussi est-il vrai que l'astronomie est une des premières sciences que les hommes aient cultivées. M. Bailly prouve que les patriarches avant Noé connoissoient la période de six cents ans, l'année de 365 jours 5 heures 51 minutes 36 secondes; enfin, qu'ils avoient nommé les six jours de la création d'après l'ordre planétaire 1. Puisque les races primitives étoient déjà si savantes dans l'histoire du ciel, n'est-il pas très probable que les temps écoulés depuis le déluge ont été plus que suffisants pour nous donner le système astronomique tel que nous l'avons aujourd'hui ? il est impossible, d'ailleurs, de rien prononcer de certain sur le temps nécessaire au développement d'une science. Depuis Copernic jusqu'à Newton, l'astronomie a plus fait de progrès en moins d'un siècle qu'elle n'en avoit fait auparavant dans le cours de trois mille ans. On peut comparer les sciences à des régions coupées de plaines et de montagnes : on avance à grands pas dans les premières; mais quand on est parvenu au pied des secondes, on perd un temps infini

I

BAIL., Hist. de l'Astr. anc.

GÉNIE DU CHRIST.

T. I.

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à découvrir les sentiers et à franchir les sommets d'où l'on descend dans l'autre plaine. Il ne faut donc pas conclure que, puisque l'astronomie est restée quatre mille ans dans son âge moyen, elle a dû être des myriades de siècles dans son berceau : cela contredit tout ce qu'on sait de l'histoire et de la marche de l'esprit humain.

La seconde objection se déduit des époques historiques liées aux observations astronomiques des peuples, et en particulier de celles des Chaldéens et des Indiens.

Nous répondons, à l'égard des premières, qu'on sait que les sept cent vingt mille ans dont ils se vantoient se réduisent à mille neuf cent trois ans 1.

Quant aux observations des Indiens, celles qui sont appuyées sur des faits incontestables ne remontent qu'à l'an 3102 avant notre ère. Cette antiquité est sans doute fort grande, mais enfin elle rentre dans des bornes connues. C'est à cette époque que commence la quatrième jogue, ou âge indien. M. Bailly, en dépouillant les trois premiers âges et les réunissant au quatrième, démontre que toute la chronologie des brames se renferme dans un intervalle d'environ soixante-dix siècles 2, ce qui s'accorde parfaitement avec la chronologie des Septante. Il prouve jusqu'à l'évidence que les fastes des Égyptiens, des Chaldéens, des Chinois, des

Les tables de ces observations, faites à Babylone avant l'arrivée d'Alexandre, furent envoyées par Callisthène à Aristote. Voyez BAILLY.

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Perses, des Indiens, se rangent avec une exactitude singulière sous les époques de l'Ecriture 1. Nous citons d'autant plus volontiers M. Bailly, que ce savant est mort victime des principes que nous avons entrepris de combattre. Lorsque cet homme infortuné écrivoit, à propos d'Hypatia, jeune femme astronome, massacrée par les habitants d'Alexandrie, que les modernes épargnent au moins la vie, en déchirant la réputation, il ne se doutoit guère qu'il seroit lui-même une preuve lamentable de la fausseté de son assertion, et qu'il renouvelleroit l'histoire d'Hypatia!

Au reste, tous ces calculs infinis de générations et de siècles, que l'on retrouve chez plusieurs peuples, ont leur source dans une foiblesse naturelle au cœur humain. Les hommes qui sentent en euxmêmes un principe d'immortalité sont comme tout honteux de la brièveté de leur existence; il leur semble qu'en entassant tombeaux sur tombeaux ils cacheront ce vice capital de leur nature, qui est de durer peu, et qu'en ajoutant du néant à du néant ils parviendront à faire une éternité. Mais ils se trahissent eux-mêmes, et découvrent ce qu'ils prétendent dérober; car plus la pyramide funèbre est élevée, plus la statue vivante placée au sommet diminue, et la vie paroît encore bien plus petite quand l'énorme fantôme de la mort l'exhausse dans ses bras.

'BAIL., Astr. Ind., Discours préliminaire, part. xi, p. 126, etc.

CHAPITRE IV.

SUITE DU PRÉCÉDENT.

HISTOIRE NATURELLE; DÉLUGE.

L'astronomie n'étant donc pas suffisante pour détruire la chronologie de l'Écriture1, on revient à l'attaquer par l'histoire naturelle : les uns nous parlent de certaines époques où l'univers entier se rajeunit; les autres nient les grandes catastrophes du globe, telles que le déluge universel; ils disent : « Les pluies ne sont que les vapeurs des mers; or, toutes les mers ne suffiroient pas pour couvrir la terre à la hauteur dont parlent les Écritures. » Nous pourrions répondre que raisonner ainsi, c'est aller contre ces mêmes lumières dont on fait tant de bruit, puisque la chimie moderne nous apprend que l'air peut être transmué en eau : alors quel effroyable déluge! Mais nous renonçons volontiers à ces raisons, empruntées des sciences qui rendent compte de tout à l'esprit, sans rendre compte de rien au cœur. Nous nous contenterons de répondre que pour noyer la partie terrestre du globe il suffit

'On rit de Josué qui commande au soleil de s'arrêter. Nous n'aurions pas cru être obligé d'apprendre à notre siècle que le soleil n'est pas immobile, quoique centre. On a excusé Josué en disant qu'il parloit exprès comme le vulgaire; il eût été aussi simple de dire qu'il parloit comme Newton. Si vous vouliez arrêter une montre, vous ne briseriez pas une petite roue, mais le grand ressort, dont le repos fixeroit subitement le système.

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