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Les œufs étaient amoncelés régulièrement, et sur eux se tenait une femelle ; le mâle et l'autre femelle étaient séparément chacun sous une pierre différente. Avoir trouvé, dès le mois de janvier, les œufs de l'espèce ci-dessus, me paraît un fait d'une certaine importance, d'autant plus qu'on n'est pas encore bien sûr si la Forficule dépose ses œufs en automne ou si elle passe l'hiver avec ses œufs dans l'abdomen, et ne les dépose que le printemps suivant.

M. Maurice Girard dit, dans son nouveau traité d'entomologie: « La Forficule auriculaire paraît hiverner pleine avec ses œufs. » Et M. Fischer, dans son ouvrage Orthoptera europea, émet la proposition suivante: « Forficula auricularia, quæ gravida hibernare videtur, mense aprili ova deponit nec multo post (mense majo) larvæ ova excedunt.

Toutefois, je ne crois pas qu'avoir trouvé une fois ces œufs en janvier soit une preuve suffisante que l'insecte dépose régulièrement ses œufs en automne, d'autant plus que l'automne précédente (1876) avait été particulièrement sèche et chaude.

A ce propos je signalerai encore un autre fait. Le 28 janvier, même année (1877), je recueillis près de l'Ermitage, sur la colline de Turin, un grand nombre de Forficula auricularia au pied de quelques mùriers. Tous les individus étaient des mâles et quoique je les eusse examinés avec soin, je n'y trouvai pas une seule femelle. Peut-être qu'après l'accouplement, les deux sexes vivent séparés?

Mais je reviens aux œufs ramassés à Caselette je les emportai avec les adultes dans mon cabinet, je les mis dans une petite boîte avec de la terre un peu humide, ayant soin de couvrir la boîte avec un verre pour faciliter l'observation.

Dans la petite cassette, les œufs étaient épars çà et là ; bientôt l'une des deux femelles commença à s'occuper de leur recherche, et, les prenant les uns après les autres avec ses mandibules ou ses palpes, les amassa tous en un coin

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peu obscur de la cassette. Durant cette opération, j'observai un fait que je ne puis expliquer je vis, et cela, plusieurs fois de suite, la forficule tåter avec ses palpes un œuf, puis courir à un autre et revenir, après la même manœuvre, le prendre dans ses mandibules et l'emporter au tas. Le lendemain matin, 25 janvier, les œufs formaient un seul groupe sur lequel était une femelle. Le male et l'autre femelle circulaient çà et là dans la boite. Cette seconde femelle, autant que je pus l'observer, ne s'occupa nullement des œufs.

Je constatai, dans ce cas, ce que d'autres avaient déjà pu observer, c'est à dire que chaque fois que je démolissais le tas d'œufs et les dispersais dans la cassette, la femelle les réunissait de nouveau en un seul groupe. J'ajouterai que le passage dans une lumière trop vive la gênait et que sous son influence elle semblait moins franche et moins libre dans ses opérations.

L'œuf de la Forficule est ellipsoïdal, d'un blanc légèrement jaunâtre, translucide et non transparent son plus grand diamètre est d'environ un millimètre. L'opacité de l'œuf rend assez difficile l'étude des modifications qui, aux premiers degrés du développement, se produisent à l'intérieur. Les œufs que j'emportai étaient déjà suffisamment avancés. Dans le petit animal qu'ils contenaient, on distinguait assez bien les yeux d'un brun épais, les mandibules et les antennes qui portaient huit articles, et la fourchette postérieure. On y voyait clairement le prothorax et les anneaux de l'abdomen, lesquels présentaient de nombreux points obscurs. Puis les antennes, les palpes, les griffes se montraient comme entourés d'une pellicule transparente qui pourrait faire croire à une première mue de la peau dans l'œuf même.

Je ne crois pourtant pas que cela soit, puisque je n'ai trouvé aucune trace de cette pellicule dans l'œuf, après la sortie de la larve, non plus que sur la larve elle-même. Au matin du 30, plusieurs petites Forficules étaient déjà sorties

de l'œuf et d'autres sur le point d'en sortir. La mère se tenait toujours sur les œufs et les pressait sous ses palpes, mais je ne crois pas, autant que j'ai pu l'observer, qu'elle aidât en aucune façon le petit animal à naître.

A peine sorties de l'œuf, les larves sont de couleur presque blanche, ont les jambes débiles et ne s'en servent qu'en chancelant. La fourchette postérieure, comme je l'ai dit, est déjà bien développée et présente tantôt ses branches entortillées ensemble, tantôt recourbées. Cela disparaît vite, et la fourchette prend alors sa forme et sa disposition normale.

Ce n'est que six ou sept heures après sa sortie de l'œuf que l'animal plus libre dans ses mouvements commence à se rembrunir. La coloration se montre d'abord à la tête et à la fourchette, puis elle s'étend peu à peu aux segments de l'abdomen et jusqu'aux antennes. Les griffes et les parties inférieures du corps restent blanchâtres pendant un temps relativement assez long. Peu d'heures après leur éclosion les larves présentent des dimensions bien supérieures à celles de l'œuf. Cela vient de l'air qui emplit rapidement et pénètre tout le corps de la larve.

A la sortie de l'œuf, ce corps présentait les segments de l'abdomen tous égaux en diamètre, et de plus, les derniers trois ou quatre offraient une teinte jaunâtre assez marquée. Au bout de dix heures, les derniers segments de l'abdomen. perdent cette coloration et se montrent un peu plus larges que les premiers en un mot, l'abdomen a pris la forme

qu'il doit conserver toute la vie.

Toutes ces larves, à peine sorties de l'œuf, se tiennent volontiers réunies en groupes; mais, autant que j'ai pu le voir, la mère ne prend plus le moindre souci de ses enfants.

Une dizaine d'heures après leur sortie, les larves ont en moyenne environ trois millimètres de longueur, sans compter la fourchette.

J'ai nourri ces larves, dès leur éclosion, avec de petits mor

ceaux de fruits charnus et aussi pendant tout le temps de leur développement.

Je ne veux pas décrire en détail toutes les modifications qui se succèdent peu à peu dans les larves, ni leur passage à l'état d'insecte parfait, parce que cela ne peut se faire utilement qu'à l'aide de nombreuses figures; en outre, traitant d'une espèce assez commune, ces choses sont déjà en grande partie connues; je me bornerai donc à dire quelques mots touchant le nombre des mues de la peau, question sur laquelle les auteurs ne sont pas tous d'accord.

On admet, en général, que dans les Forficulides les larves muent trois fois, je ne compte pas pour une mue, comme le font quelques auteurs, la sortie de l'œuf. Parmi les larves de forficules que j'ai élevées, j'ai observé, dans le cas ci-dessus, trois mues bien distinctes, avant que la larve arrive à l'état parfait.

La première mue a lieu quand cette larve n'a qu'à peine six millimètres sans la fourchette; la seconde, quand son corps atteint huit millimètres ; et la troisième, quand sa longueur est d'environ douze millimètres, toujours sans la fourchette. Il ne serait pas impossible néanmoins qu'une mue m'ait échappé, comme je m'en doute et, cela serait arrivé, probablement, dans une période antérieure à la première mue, les larves des Forficules ayant, comme presque toutes les autres, l'habitude de dévorer immédiatement la peau qu'elles viennent de dépouiller.

Dans un second élevage de larves forficulaires que je fis en mars de la même année (1877), je remarquai, à propos de la mue, les faits suivants :

Le 10 mars, une Forficule auriculaire que j'avais prise en hiver déposa ses œufs.

Les larves issues de ces œufs muèrent du 24 au 30 mars.

Le 15 avril, j'observai une seconde mue.

Au commencement de mai, les larves changèrent de peau une troisième fois.

Le 22 mai, toutes mes larves avaient acquis leur développement et s'étaient transformées en insectes parfaits.

En terminant cette courte notice, je dirai que possédant un certain nombre de mâles dans un vase de verre, j'essayai de leur donner pour nourriture une chenille et un papillon morts depuis peu. Ils dévorèrent en grande partie ces deux proies, et je m'assurai qu'ils préféraient les insectes morts aux parcelles de fruits que j'étais habitué de leur donner.

Je n'ose tirer aucune conclusion touchant l'époque certaine où les Forficules déposent leurs œufs, ni à l'égard du nombre de mues que subissent leurs larves, parce que les faits exposés ci-dessus ne me paraissent pas suffisants pour atteindre un résultat sûr et indiscutable. A. P. ALEXANDRE.

(Turin, au Musée géologique, 23 février 1880.)

BIBLIOGRAPHIE

Par le Président de la Société.

Je reprends aujourd'hui la revue des publications que nous avons reçues et que j'avais été forcé d'interrompre. Je n'ai point, je l'ai déjà dit, la prétention de faire des comptesrendus. Je veux seulement vous signaler, dans chacun des volumes, ce qui se rapporte à nos études, pour faciliter à chacun de vous la connaissance des Mémoires qu'il désirerait lire, en vous priant de nous faire part de vos observations et de vos critiques.

Le Brebissonia de M. Huberson contient de nouvelles recherches sur les Diatomées et un mémoire de M. Crié sur les anciens climats et la flore fossile que je vous recommande tout particulièrement. Son journal de photographie et de micrographie fait connaître toutes les modifications, tous les perfectionnements que reçoit cet art dont les applications à l'étude de l'histoire naturelle et à l'industrie prennent

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