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sait que le charbon renferme toujours des quantités considérables de soufre, qui est généralement accompagné de traces d'arsenic. Dans un schiste, trouvé à Linz sur le Rhin et que l'on emploie en grand pour la manufacture du photogène et de la paraffine, on a trouvé des quantités fort appréciables de cette substance délétère. Lorsqu'on en distille de grandes quantités, le tuyau qui recueille les produits contient souvent, à sa jonction avec la cornue, une croûte cristalline brillante, qui n'est soluble dans l'eau qu'en partie et qui consiste principalement en acide arsénieux uni à du sulfure d'arsenic et à de l'arsenic. En retirant les résidus de la cornue, on perçoit parfaitement l'odeur alliacée propre à l'arsenic. Les ouvriers qui chargent les cornues se plaignent fréquemment de coliques; ils souffrent aussi d'inflammation de la peau ou d'ulcères à la racine du nez et dans les articulations. Il est probable qu'il faut en attribuer la cause à l'inhalation de vapeurs arsenicales. Ces vapeurs proviennent évidemment de la décomposition de pyrites arsenicales, qui accompagnent toujours les pyrites sulfureuses soit à l'état de particules tenues disséminées dans la masse du schiste, soit à l'état de cristaux isolés.

Puisque l'arsenic, ainsi que nous l'avons dit, accompagne toujours le soufre, toute l'huile de vitriol fabriquée avec ce dernier corps doit contenir de l'arsenic; et par l'huile de vitriol, l'arsenic pénètre dans un grand nombre de produits agricoles et industriels, dans la fabrication desquels cet acide est employé. Le phosphate acide de chaux connu sous le nom de superphosphate ou de poudre d'os préparée, et que l'on emploie si fréquemment aujourd'hui comme fertilisant, est fabriqué à l'aide d'acide sulfurique brut. L'arsenic de l'acide se rend tout entier dans ces engrais artificiels. Les réactifs usuels démontrent la présence de l'arsenic dans la poudre d'os préparée.

Une question se présente naturellement: les plantes qui

poussent sur un terrain amendé par ces substances ne vontelles pas absorber l'arsenic? Davy a entrepris de répondre à cette question. Dans ce but, il a planté quelques pieds de choux dans un mélange d'une partie de poudre d'os contenant de l'arsenic, et de quatre parties de terreau. Au bout de quatre semaines, il a fait l'analyse des plantes, au point de vue de l'arsenic. La quantité appréciable d'arsenic trouvée dans ces plantes a montré ce qui était facile à prévoir que l'arsenic de l'engrais chimique passe réellement dans les végétaux.

Une question non moins importante est celle-ci de telles plantes ne peuvent-elles pas produire des effets nuisibles sur l'économie animale? A cet égard, Davy a remarqué que des moutons nourris avec des navets de Suède obtenus avec un engrais de poudre d'os (et qui, par là, contenaient de l'arsenic) n'ont pas voulu en manger assez pour qu'on pût les engraisser. Cependant, il ne faut pas oublier que c'est là une observation unique. Il reste à prouver si l'arsenic contenu dans la plante est sous une forme qui le rende dangereux pour les hommes et les animaux, et si la quantité en est suffisante pour être nuisible. Au point de vue de la médecine légale, ces observations sont très importantes, puisqu'il s'en suit que la constatation d'une trace d'arsenic dans les viscères ne permet pas de conclure avec certitude que la personne ait été empoisonnée.

Les traces d'arsenic trouvées dans le gaz d'éclairage et dans les fertilisants artificiels sont si faibles que, à mon avis du moins, il n'est guère possible d'admettre qu'un cas d'empoisonnement direct ou indirect provienne de cette cause. Toutefois, il est fâcheux que le fait indéniable de la présence de ce poison dans les fertilisants vienne altérer la confiance dans les engrais chimiques, qui avaient commencé à devenir si importants pour l'agriculteur.

Pour mettre à l'aise l'esprit de nos fermiers, faisons re

marquer ici que l'économie animale s'accomode très bien d'une certaine quantité d'arsenic. L'expression <«< poison >> est, en général, un terme d'une valeur relative, car, en certaines circonstances, tout est poison; et, d'autre part, une substance qui, prise en grandes quantités, tuerait infailliblement, peut être employée en médecine à doses modérées. Les exemples les plus ordinaires montrent que l'administration d'un médicament qui n'est pas habituellement regardé comme un poison, pourra empoisonner, dans quelques circonstances, si la substance est donnée à une personne malade. Une cuillerée d'alcool est évidemment un poison dans les cas d'inflammation; d'autre part, l'acide prussique ou la belladone, à des doses qu'un médecin ordonnerait à une personne hydropique produirait des symptômes alarmants chez une personne en bonne santé. La quantité d'opium qu'absorbe un turc mangeur d'opium, n'est pas un poison pour lui, parce que son corps n'est pas dans un état normal. L'organisme peut, d'ailleurs, s'habituer aux poisons. Nous savons que les ouvriers employés dans les mines d'arsenic, bien que respirant une atmosphère arsenicale, jouissent fréquemment d'une excellente santé et parviennent à un âge avancé. Des chevaux auxquels on fait prendre 1 décigramme, et même plus, d'arsenic par jour, se portent bien et acquièrent de l'embonpoint.

Traduit par R. VION.

Le Rédacteur en chef:
R. VION.

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Imp. Delattre-Lenoel, rue de la République, 32.

SOCIÉTÉ LINNÉENNE DU NORD DE LA FRANCE.

BULLETIN MENSUEL.

N° 104. - - 1er Février 1881. — 10o Année. -T. V.

ADRESSER: Les Ouvrages, Manuscrits et Communications intéressant la rédaction du Bulletin, à M. René VION, place au Feurre, 16, à Amiens.

Les demandes d'abonnement et les Cotisations (en timbres-poste), à M. Edmond Delaby, Trésorier, rue Neuve, 40, Amiens.

Le Bulletin est envoyé gratuitement à tous les Membres payants; il est adressé aux Sociétés scientifiques par voie d'échange.

Prix de l'abonnement, 3 fr. par an (2 fr. pour les Ecclésiastiques, les Instituteurs et les Institutrices).

SOMMAIRE.

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Extrait des Procès-Verbaux Séance générale du 8 janvier 1880, p. 209. Ouvrages recus, p. 214. Chasse d'hiver dans les fourmilières, par M. L. Carpentier, p. 212. Quelques mots sur les Têtards de grenouille et sur les Conferves, par M. Alph. LEFEBVRE, p. 245. Le Rouge-gorge, par M. A. CODEVELLE, p. 216. Chronique et Faits divers, par M. R Vion, p. 218. Bibliographie, par M. J. GARNIER, p. 220. Correspondance, par M. Jules TRIPIEK, p. 223.,Erratum, p. 224.

EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX.

SÉANCE GÉNÉRALE DU 8 JANVIER 1881.

Présidence de M. GARNIER.

CORRESPONDANCE: 1° M. le Secrétaire de la Commission française des Échanges internationaux annonce l'envoi de volumes venant de Russie et d'Allemagne.

2o La Société des Sciences naturelles et médicales de la Hesse supérieure demande l'échange des publications. Cette proposition est acceptée.

3o La Société autrichienne des Sciences naturelles à Linz envoie le 11° vol. de ses Mémoires.

4° M. Daullé devant quitter Amiens demande à échanger son titre de membre résidant contre celui de membre non résidant.

10° ANNEÉ.

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M. le Président donne lecture de notes bibliographiques relatives aux ouvrages reçus depuis la dernière séance.

M. Jules Tripier, présenté dans la séance du 11 décembre dernier est admis comme membre non résidant.

L'Assemblée procède ensuite au vote pour le renouvellement partiel du bureau.

M. Garnier est nommé président en remplacement de M. de Beaussire, non rééligible.

M. Demailly est nommé secrétaire adjoint, en remplacement de M. Dubois, non rééligible.

MM. Delaby, trésorier, et Pisson, bibliothécaire-archiviste, sont confirmés dans leurs fonctions.

En conséquence le bureau est composé comme suit pour l'année 1881.

Président M. Garnier.

Vice-Président : M. Michel Vion.

Secrétaire M. Carpentier.

Secrétaire-Adjoint: M. Demailly.

Trésorier M. Delaby.

Bibliothécaire-Archiviste: M. Pisson.

Rédacteur du Bulletin: M. R. Vion.

M. Garnier remercie l'Assemblée du nouveau témoignage de confiance qu'elle vient de lui accorder.

Il dit que, lorsque le nouveau Conseil municipal sera installé, il conviendrait de lui présenter un mémoire détaillé sur l'état des collections d'histoire naturelle de la ville, afin de décharger la responsabilité de la Société Linnéenne, et pour bien faire apprécier aux nouveaux administrateurs la nécessité de sauver de la ruine ce qui reste des collections.

M. Vion dit que l'achèvement de l'aile gauche de l'Hôtelde-Ville va permettre de donner prochainement aux collections un local convenable.

M. Gonse ajoute que, si le délai devait se faire attendre encore plus d'une année, la Société Linnéenne serait obligée

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