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X. B. Saintine a puissamment contribué, avec mon Frère, à faire naitre en moi le goût de la botanique par la publication d'une œuvre vive et charmante intitulée Picciola. Ce titre est le nom d'une plante qui ne figure dans aucune Flore, il pourra faire rire plus d'un savant botaniste: pour moi, il évoque les meilleurs souvenirs à l'égal des meilleures plantes.

J'étais convaincu que les plaisirs de la botanique pouvaient, au suprême degré, s'allier avec les occupations de la vie rurale; je m'y suis adonné avec joie. Mon Frère m'accompagnait dans mes excursions, lorsque les congés lui en donnaient le loisir, et nous passions de longues heures loin du collège qui venait toujours trop tôt nous les ravir. Nous avons ainsi appris à lire ensemble dans le grand livre de la nature, cherchant ses merveilles partout où on pouvait les trouver. Nous allions nous perdre dans le dédale de nos marais où vingt obstacles s'opposant à notre marche en avant, nous obligeaient vingt fois à revenir en arrière; nous marchions toujours, allant longtemps à l'aventure, mais ne nous décourageant jamais. Nous aimions surtout à errer à l'ombre de nos grands bois et à pénétrer les taillis les plus inextricables; là, les réflexions allaient leur train avec les ailes de l'imagination, nous étions bientôt transportés dans les forêts vierges de l'Amérique septentrionale; et l'illusion était d'autant plus facile, que nous n'avions jamais visité ces lointaines contrées.

La botanique a été justement appelée par un grand maître, la science aimable; mais elle ne mérite bien ce nom, que lorsque les difficultés qu'elle présente, à son début, ont été aplanies par un guide expérimenté. Ce guide a été, pour moi, un botaniste très distingué à qui je dois rendre un public hommage de reconnaissance. Je veux nommer M. Eloy de Vicq, connu de tout le monde comme lauréat de l'Académie des sciences, et connu particulièrement des botanistes du nord de la France par son commerce éminemment

affable, sa grande érudition, et les ouvrages pleins d'intérêt qu'il a publiés sur la végétation du département de la Somme. Vraiment, je ne puis mieux faire que de me placer sous sa haute protection, pour citer quelques-unes de mes plantes; je livrerai leurs noms avec une entière certitude, attendu qu'ils ont tous été contrôlés par M. de Vicq lui-même. Joseph de Maistre disait que la France était le plus beau pays du monde, après le ciel. Eh bien, en France, je connais un petit coin de terre privilégié qui occupe dans mes affections une place toute spéciale, une place d'honneur. C'est le pays où je suis né, où j'ai longtemps vécu au milieu de parents que j'aime; et c'est aussi celui où j'ai appris la botanique. Les bois de Bray, de Fréchencourt, d'Erondelle et de Duncq, le bois de Pont-Remy, le petit bois d'Eaucourt, quelques côteaux calcaires dominés par deux moulins, voilà notre horizon; l'espace circonscrit dans ces limites fut notre jardin botanique. Nous inspirant de l'oeuvre de Saintine, nous avons longtemps porté notre attention sur une humble petite plante qui nous apparut un jour, dans les profondeurs du petit bois désigné ci-dessus. Nous avons étudié toutes les phases de sa végétation, nous avons suivi tout son développement, depuis le moment où elle sortait du sein de la terre, jusqu'à la plante adulte et à la plante mère. Auprès d'elle, nous savions trouver le plus agréable refuge, lorsque le soleil dardait ses rayons; et là, en pleine contemplation de la nature, mon Frère et moi lisions ensemble la Nuit de Mai d'Alfred de Musset. Ou bien, nous parlions de notre plante d'adoption la question était de savoir quel nom la science. allait lui donner, et si ce nom serait en rapport harmonieux avec l'idée que nous en avions; notre satisfaction a été grande car elle s'appelait : Neottia ovata (Cosson et Germain de Saint-Pierre). L'Ophrys muscifera (Coss. et Germ.) fut l'objet d'un véritable enthousiasme. A sa vue, je tendis la main pour saisir l'insecte qui était représenté par une fleur

unique, à l'extrémité de la tige. Le mouvement instinctif dont je n'avais pu me défendre, amena ce rapprochement de l'art et de la nature il nous fit penser aux raisins de Zeuxis imitant tellement bien les raisins naturels, que les oiseaux venaient les becqueter; pour nous, le comble de l'art, c'était la nature s'imitant elle-même. Toujours dans le même bois, nous trouvions l'Ophrys apifera et l'Ophrys aranifera (Coss. et Germ.) qui ne le cèdent à leur congénère ni par l'éclat des couleurs ni par la bizarerie de la forme. Ces heureuses découvertes ont encouragé nos premières recherches; un peu plus tard nous sommes revenus au même lieu et nous avons joui du même triomphe en découvrant de nouvelles et jolies orchidées Orchis militaris (Lin. Sp. excelsior varietas), Gymnadenia conopsea (Coss. et Germ.), Platanthera montana (Coss. et Germ.), Cephalanthera grandiflora (Coss. et Germ.), Epipactis latifolia, le type et la variété atrorubens ou microphylla, à la délicieuse odeur de vanille. Depuis, je n'ai jamais trouvé réunies les plantes de cette intéressante famille, en si grand nombre et dans un espace aussi restreint : 2 hectares 50 ares. J'allais encore ajouter un nom à notre avoir, mais je ne puis faire entrer en ligne de compte le Loroglossum hircinum (Coss. et Germ.) qui est une espèce introduite originaire du bois d'Epagne.

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Le sol d'Eaucourt est siliceux, calcaire ; tantôt le calcaire domine; tantôt c'est au contraire la silice qui est l'élément principal. Il est quelquefois argileux et quelquefois bieffeux. Enfin, sur certains points, dans les terres d'alluvion qui bordent la Somme, le tuf calcaire s'associe aux autres substances minérales, dans des proportions variables.

Mes collègues de la Société Linnéenne souffriront que j'énumère ici toutes les plantes que nous avons recueillies à Eaucourt-sur-Somme. Chacune d'elles est un souvenir pour nous, il pourra souvent se faire aussi qu'elle en soit un pour eux. En faisant connaître les divers éléments de la

Flore locale, j'espère offrir aux nouveaux venus dans la carrière, quelque profit, et aux plus avancés, plusieurs points de comparaison avec la Flore étrangère.

(A suivre).

BIBLIOGRAPHIE

Par le Président de la Société.

Jules TRIPIER.

Nous devons à l'Académie royale des sciences, lettres et arts de Modène, un beau volume qui forme le 19 de ses Mémoires. Vous y lirez avec intérêt un travail de M. Generali qui a pour titre Micosi delle vie aeree nei colombi. Une maladie qui a frappé les pigeons en 1876 et en 1878 est l'objet de cette étude. Après avoir décrit les symptômes de la maladie, sa marche et sa fin, et donné tous les détails des autopsies qu'il a pratiquées, il conclut au développement d'un champignon dans les voies aériennes des pigeons, et reconnaît dans ce parasite l'Aspergillus nigrescens en pleine fructification.

M. Carruccio décrit un Selenophore d'une espèce nouvelle peut-être, trouvée dans le Python Natalensis. C'est une contribution très précieuse aux recherches dont s'occupent si activement aujourd'hui les helminthologistes.

Le fascicule n° 2 du tome IV des Actes de la Société toscane des sciences naturelles de Pise doit être renvoyé aux géologues, qui les remettront à ceux de leurs collègues qui s'occupent de mollusques à cause du mémoire de M. Batelli sur l'histologie des organes sexuels de quelques mollusques terrestres.

M. Arribalzaga continue dans les Annales de la Société scientifique Argentine, sa description des Asilides, et M. Spegazzini celle des champignons qu'ils ont recueillis dans l'Argentina.

Dans les Annales de la Société espagnole d'histoire naturelle une grande part est faite aux botanistes. C'est d'abord la suite du catalogue méthodique des plantes qui croissent

spontanément dans la Navarre, par M. Ruiz Casaviella; puis les recherches botaniques de M. Masferrer, dans l'île de Tenériffe. Le concours des botanistes est souvent, vous le savez, utile aux entomologistes, ils liront ensemble l'excursion entomologique et botanique de M. Cuni dans la Catalogne.

Je recommande aux lépidoptéristes, dans Psyche, organe du Club entomologique de Cambridge, une note sur le changement de couleur des ailes des papillons, par l'action des acides. Le fait a été observé sur le Limenite Arthemis dont les ailes ont des couleurs métalliques bleues et vertes, et qui était enfermé dans une boîte où l'on avait mis un peu de coton imbibé d'acide carbolique. Mais, l'acide évaporé, le papillon avait repris ses couleurs primitives.

Comme je vous l'ai déjà dit, il y a trop de faits rassemblés, trop d'observations réunies dans le journal de la Société royale microscopique de Londres, pour que je puisse vous signaler les plus intéressants. Je préfère vous renvoyer à la table; chacun y trouvera quelque article ayant trait aux études qu'il préfère.

Notre collègue, M. Dubois, trouvera dans le bulletin de la Société entomologique Suisse, un travail sur les Gallinsectes. L'Annuaire de la Société provinciale des sciences de Westphalie, renferme un travail de M. Karsch, sur le Darvinisme. C'est un arbre généalogique montrant la descendance des animaux articulés. Puis viennent des études sur les Tipules, les Hémiptères, les Psocides, famille de la tribu des Névroptères; enfin des notes et des observations pour servir à la flore de la Westphalie.

Le second volume des mémoires de la Société Maja à Clausthal, vous donnera des renseignements sur les recherches relatives à l'industrie minière dont s'occupe tout particulièrement ce district.

La Société belge de microscopie qui poursuit ses travaux avec tant de zèle, a pris part à l'Exposition nationale del Belgique, et à pu initier le public aux merveilles du monde invisible qu'elle sait si bien dévoiler.

M. Pierre Miquel poursuit, dans Brebissonia, ses remarquables études sur les poussières organisées de l'atmosphère.

M. Lechevallier continue dans le Bulletin de la Société des

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