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En admettant aujourd'hui le public à une de vos séances littéraires, vous avez voulu montrer qu'ici, pas plus qu'ailleurs, la littérature n'est morte quoi qu'on en dise; vous avez voulu prouver que, sur notre petit autel, le feu sacré ne s'est pas éteint, et que, quelque faible que soit l'étincelle,

elle peut encore ranimer ces sentiments nobles et délicats qui résident dans la partie la plus intime du cœur.

En ce temps de littérature politique qui inonde le monde de systèmes stériles ou contradictoires, en ce temps de littérature dissolvante de romans creux ou pestilentiels, qui pervertissent ou faussent les idées et les sentiments, en ce temps de poésie raboteuse qui fait un travail de mots plutôt qu'un travail d'idées, il appartient peut-être aux sociétés académiques de rappeler aux éternels principes du vrai et du beau.

Aussi avez-vous mis au concours de cette année cette question d'un intérêt manifeste: Du réalisme en littérature.

Assurément, Messieurs, la littérature, comme la peinture, doit se proposer la représentation du vrai, du réel, puisque rien n'est beau que le vrai; mais n'y a-t-il de vrai, de réel que le laid? Le beau n'existe-t-il pas aussi ? Dans notre monde où le bien et le mal se trouvent mêlés en parts heureusement inégales, s'il y a des vices et des lâchetés, n'y a-t-il pas aussi des vertus et des dévouements? S'il y a des crimes et des bassesses, n'y a-t-il pas aussi des actions nobles et généreuses? Et parmi ces réalités

diverses, pourquoi aller chercher, comme le font certains auteurs, l'idéal du laid? Quel bien peut sortir de ces peintures malsaines qui iraieut jusqu'à rendre le crime intéressant, si le crime pouvait jamais l'être. Ne vaut-il pas mieux mille fois nous attacher à la peinture du beau, du bon, du noble; et s'il faut pécher par excès, ne vaut-il pas mieux peindre l'idéal du bien pour montrer où notre nature perfectible doit tendre, ne dût-elle jamais y arriver? Les exemples ont toujours, même à notre insu, une certaine influence sur nos actions. N'ayons donc jamais sous les yeux que de beaux modèles que nous soyons naturellement portés à imiter; et si parfois nous nous arrêtons à la peinture du mal, que le mal ne soit jamais employé que comme repoussoir et pour nous faire aimer davantage le bien.

Le sujet de poésie a été laissé cette année au choix des concurrents. Cette circonstance nous a amené, comme cela devait être, un grand nombre de pièces d'étendue et de valeur différentes.

Certes, Messieurs, nous n'avons pas la prétention, avec nos modestes médailles, de faire naître des poèmes de premier ordre. Ce que nous cherchons, c'est à éveiller ou à entretenir dans les

cœurs ce feu céleste qui produit les sentiments généreux et élevés, et qui se manifeste par un langage noble et harmonieux, qu'on a appelé le langage des dieux, langue aussi vraie, aussi naturelle, quoi qu'on en dise, que l'enthousiasme ou la sensibilité dont elle est l'expression.

Aux détracteurs de la poésie, à ceux qui iraient jusqu'à la nier tout à fait, nous dirons: l'aveugle ne connaît pas la lumière, le sourd ne connaît pas les sons; les sons et la lumière en existent-ils moins? Non; à l'aveugle et au sourd il manque un organe, et voilà tout. Nous ne craignons pas une semblable infirmité chez ceux qui nous écou-tent; leur présence ici prouve le contraire.

Ils verront bientôt que, parmi les pièces qui nous ont été envoyées, plusieurs ont une valeur véritable; ils se réjouiront surtout avec nous que le poème couronné, dont il va être donné lecture dans cette séance, soit l'œuvre d'un enfant du pays.

Les autres pièces qui, à l'exception de l'Excommunication des Moineaux, que vous avez particulièrement distinguée, ne semblent pas sortir de plumes aussi exercées, ne sont pourtant pas, pour la plupart, sans mérite. Outre que nous les regar

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