Page images
PDF
EPUB

Le naturaliste n'est pas obligé de pénétrer tous les mystères de la biologie des insectes: qu'il se contente de noter attentivement les différentes phases de leurs évolutions, depuis le moment où l'animal sort de l'œuf, jusqu'au temps où il atteindra son complet développement sous forme d'insecte parfait.

Observons donc avec calme les phénomènes merveilleux qui s'offrent à notre esprit charmé, ne formulons de conclusions qu'avec la plus grande réserve, en ayant soin de les appuyer sur des faits bien constatés; mais gardons-nous soigneusement de vouloir trop assimiler la nature des insectes à la nôtre, de leur attribuer des sentiments humains comme la générosité, la cruauté, la crainte, et surtout ne voyons pas dans leurs actes les manifestations d'une intelligence extraordinaire.

Cette manière de procéder serait doublement regrettable parce que, loin de faire progresser nos études, elle finirait par ne faire de l'histoire des insectes qu'un tissu de fables erronées et de contes ridicules.

L'insecte est un membre de la création appelé à remplir ici-bas un rôle nettement défini; souvent nous le rencontrons sur notre route et quelquefois même nous sommes forcés de compter avec lui. Je ne puis rappeler ici quel rôle important chaque insecte remplit dans la nature. Mais je ne citerai que quelques faits qui ont à plusieurs reprises mis le monde en mouvement.

Un très petit diptère, une espèce de Cécidomye, porta l'épouvante dans toute l'Europe et l'Amérique à la fin du siècle dernier, et faillit, par ses dégâts, amener une disette générale.

La Fourmi du sucre se montra avec une grande abondance dans la province de Grenade, l'année 1770, et mit en question la continuation de la culture de la canne à sucre. Ses dégâts furent tellement grands que l'on proposa un prix de 20,000

livres sterling contre cet insecte dévastateur. La colonisation d'une partie de l'Afrique centrale est complètement entravée par une espèce de diptère, le Tzézé ou Zimb, dont la piqûre est mortelle pour les bêtes à cornes.

Les Sauterelles anéantissent les champs les plus riches en moisson et les convertissent en de vastes déserts.

La Chenille processionnaire détruit périodiquement des parties entières de forêts.

Ce sont là des apparitions passagères contre lesquelles il est souvent difficile de lutter.

Mais, d'un autre côté, des millions d'insectes qui ont encore échappé à notre observation, dévorent toutes les matières qui, par leur décomposition, pourraient vicier l'atmosphère; d'autres, en nombre aussi grand, vivent en parasites sur les espèces nuisibles et les empêchent de se reproduire en trop grande quantité.

En général, on peut regarder la présence des insectes comme un bienfait. Nous leur devons des matières employées en médecine, et il nous serait impossible d'oublier que ce sont les insectes qui nous donnent une des nourritures les plus douces, le miel; la substance qui fait les plus précieuses et les plus belles des étoffes, je veux dire la soie.

Si nous nous plaçons au point de vue de l'utilité que nous avons pu recueillir des insectes, nous serons étonnés du peu d'espèces que nous avons su asservir à nos besoins.

Peut-on croire que, parmi tant d'insectes, nous n'avons domestiqué jusqu'à ce jour que trois espèces d'abeilles, trois espèces produisant la soie, et la cochenille, en tout sept espèces. De ces sept espèces, les Grecs et les Romains en connaissaient déjà quatre.

Je suis persuadé que les dégâts que nous subissons de la part des insectes pourraient être évités, si nous connaissions mieux leur manière de vivre. Je suis convaincu également que, par des études plus approfondies, le monde des insectes

nous révèlerait encore des espèces que nous pourrions employer à notre utilité et notre bien-être.

Quand je pense aux immenses avantages que l'éducation de la chenille de Bombyx Mori a procuré à de nombreux pays, je me mets à souhaiter que l'étude de l'entomologie soit dirigée vers la recherche et la domestication des espèces utiles.

(Conférence faite devant la Société pour la vulgarisation des sciences naturelles de Vienne (Autriche), par M. le Dr J. Rud. SCHINER. Traduction libre par M. Michel DUBOIS.

Pélorie d'Orchis mascula.

La pélorie, ou forme régulière de fleurs normalement irrégulières, semble se rencontrer le plus fréquemment chez les fleurs dont les pétales sont éperonnés. Chez la Linaire, qui porte un éperon, la fleur est quelquefois altérée et tous les pétales sont éperonnés. Chez l'Ancolie, d'autre part, dont, à l'état normal, tous les pétales sont éperonnés, l'on trouve parfois des formes où les éperons sont supprimés. Quant aux formes péloriques des Orchis, elles se rencontrent, toutefois, beaucoup moins souvent. Nous avons à l'état spontané, dans ce voisinage, environ trois pieds qui, chaque année, produisent ces formes curieuses. Je les ai découverts l'an dernier et j'en ai envoyé des échantillons à deux ou trois amis qui furent, comme moi, fort étonnés et ne surent les déterminer. L'un y renonça; un autre pensa que la plante pouvait être l'Epipactis purpurea, mais n'en retrouvait pas la forme de l'ovaire. Cette année, j'en ai soumis au Dr Hooker des échantillons qui l'intéressèrent beaucoup. Il dit qu'il n'avait jamais rien vu de semblable et déclara que c'était une forme pélorique de l'Orchis Morio ou du mascula. Après examen et recherche, il décida pour

l'Orchis mascula. Je regrette de n'en avoir pas un échantillon à envoyer pour être dessiné, et ma description faite de mémoire devra nécessairement manquer de précision. J'espère, toutefois, suppléer à ces défauts l'an prochain. La différence la plus frappante tient à la forme du pétale du bas. Au lieu d'être beaucoup plus grand que les deux du haut, et muni d'un éperon, il est semblable à eux, comme dimensions et comme forme, et ne porte pas d'éperon. Les deux pétales du haut sont plus grands que dans les formes ordinaires de ces fleurs; tous les trois sont rouges et sans taches. Le calice est coloré comme la corolle, et les trois sépales sont de dimensions ordinaires, de telle sorte que les six parties de la fleur sont identiques de couleur et de forme et il s'en suit un périanthe régulier. Comme il n'y a pas d'éperon et par suite pas de réceptacle apparent pour le nectaire, il semble difficile de s'expliquer comment cette forme peut se reproduire. Un de mes amis me dit, sur la foi du professeur Babington, de Cambridge, que des orchis sans éperon n'ont jamais, à sa connaissance, été trouvés en Angleterre. J'espère que mes observations auront, comme je le désire, pour effet de faire rechercher, l'an prochain, avec un soin plus grand, parmi les Orchidées, si ces formes sont réellement aussi rares qu'elles paraissent l'être jusqu'ici (1).

Août 1885.

John RASOR.
Traduit de « Science Gossip ».
Ch. COPINEAU.

(1) La flore française de Mutel signale la pélorie des O. bifolia, laxiflora, Morio et latifolia avec avortement des éperons; dans sa flore de la Côte-d'Or, Royer signale la pélorie encore plus curieuse d'un 0. maculata dénué de labelle et d'éperon, et présentant quatre pièces seulement du périanthe et deux étamines à anthères bilobées.

Ch. C.

BIBLIOGRAPHIE

Par le Président de la Société.

Il me semble qu'à l'approche des vacances on se soit pressé d'expédier les volumes en distribution, si nous en jugeons par le nombre que nous avons reçu et dont plusieurs ont une haute valeur et mériteraient des rapports de la part des membres compétents. Je ne fais, en effet, vous le savez, que vous indiquer les travaux d'histoire naturelle qui se trouvent dans des recueils consacrés à des études sur divers sujets des connaissances humaines.

Je trouve dans le Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles de Nîmes, le commencement d'un catalogue de coléoptères du département du Gard, par M. Clément. Nîmes n'a point encore de local convenable pour y disposer ses collections. Elle avait acquis, en 1863, la collection de M. Ecoffet, qui contenait 11,000 espèces. Mais un grand nombre d'espèces rares et précieuses ont été perdues, faute des soins qui ne pouvaient leur être donnés dans l'endroit. où on les avait reléguées. M. Clément a ajouté à ce calalogue des espèces du Gard, 1450 espèces environ, que ses recherches personnelles lui ont procurées.

-Les comptes rendus des séances de la Société des naturalistes de Modène nous montrent une Société active, travaillant utilement. Les botanistes y liront de nombreuses et curieuses communications sur des hybrides et des anomalies observées dans les plantes de la flore modénèse.

[ocr errors]

MM. Gibelli et Pirota publient dans les Mémoires un supplément à la flore de Modène et des environs, qui porte le nombre des espèces de 1730 à 1871, et dont un certain nombre ont une grande importance au point de vue de la géographie botanique. M. Penzig étudie quelques faits tératologiques dans la Scabieuse maritime et dans les Dipsacés, et rappelle les observations faites antérieurement aux siennes sur ces mêmes plantes. M. Andrea donne un catalogue des coléoptères de la région de Modène, comprenant les Dytiques, les Gyrins, les Hydrophiles, les Staphilins, les Psélaphides et les Scydménides. M. Picaglia n'a point l'intention de publier un catalogue des Orthoptères de Modène,

« PreviousContinue »