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ART. 4. Reconnaissance de l'écriture.

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56. Lorsque, sur l'assignation en reconnaissance ou vérification d'écriture, le défendeur comparaît pour reconnaître le titre, il ne peut s'élever aucune difficulté sérieuse quant à la procédure. Dans ce cas, le tribunal se borne à donner acte au demandeur de cette reconnaissance (c. pr. 194). — Il a été décidé avec raison qu'il y a contravention à cette disposition si, sur une demande en reconnaissance de la signature mise au bas d'un décompte, à laquelle il est opposé par le défendeur qu'il n'est débiteur que de partie de la somme ou qu'il est libéré, le tribunal, au lieu de donner acte de la reconnaissance ou d'ordonner qu'il sera plus amplement contesté, démet, quant à présent, le demandeur de sa demande en reconnaissance, en se fondant uniquement sur l'exception, et, par exemple, sur ce qu'il y aurait compte définitif à faire entre les parties (Cass. 12 nov. 1828)(1). 57. Aux termes de l'art. 193, § 2, lorsque le défendeur reconnaît sa signature, tous les frais, même ceux de l'enregistrement de l'écrit, sont à la charge du demandeur. Mais cette disposition a été modifiée par l'art. 2 de la loi du 5 sept. 1807, pour le cas où la procédure est introduite avant l'échéance de la dette. Cet article porte que lorsqu'il a été rendu un jugement sur une demande en reconnaissance d'obligation sous seing privé formée avant l'échéance ou l'exigibilité de ladite obligation, les frais de ce jugement ne peuvent être répétés contre le débiteur que dans le cas où il a dénié sa signature; mais les frais d'enregistrement du titre sont à la charge du débiteur tant dans ce dernier cas que lorsqu'il a refusé de se libérer après l'échéance ou l'exigibilité de la dette. Ces prescriptions de la loi de 1807 sont parfaitement équitables. En effet, quand la demande a été introduite avant l'échéance de la dette, et qu'il y a eu reconnaissance de l'écriture, il est juste que le demandeur supporte tous les frais du jugement qui en donne acte; car, d'une part, il doit payer la sécurité qu'il a voulu se procurer, et, de l'autre, on ne peut mettre par anticipation à la charge du débiteur des frais que son exactitude à se libérer rendront peut-être inutiles. -Les frais de l'enregistrement du titre doivent être aussi à la charge du créancier, puisque cet acte ne pouvait être produit en justice que revêtu de cette formalité. Seulement le demandeur pourra répéter contre le débiteur le coût de l'enregistrement de l'acte, si ce dernier ne s'est pas libéré à l'échéance. Peu importe, en effet, dans ce dernier cas, que le titre ait été enregistré d'avance, puisque le défaut de payement et la régularité des poursuites auraient, en définitive, rendu cette formalité nécessaire (Conf. M. Boncenne, t. 3, p. 462).

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58. Il a été jugé que lorsque la demande en reconnaissance d'écriture n'a été introduite qu'après l'échéance de l'obligation contenue dans l'acte, le défendeur, qui reconnaît l'écriture, doit supporter les frais de la procédure, et ce par application de la loi du 3 sept. 1807 (Req. 6 juill. 1822, aff. Dutriaux, V. no 191; Riom, 28 fév. 1824, avec Cass. 11 mai 1829, aff, Delserieys, eod.). Mais nous croyons qu'on ne saurait faire produire une pareille conséquence à cette loi qui ne nous paraît, en aucune façon, avoir eu en vue l'hypothèse dans laquelle la dette est échue. C'est l'art. 193 c. pr. qu'on doit appliquer ici et non la loi de 1807. Il semble, d'ailleurs, qu'il est peu équitable de mettre ces frais à la charge du débiteur, alors que l'aveu par lui fait de la vérité de sa signature prouve que le créancier pouvait se dispenser de recourir à la procédure de vérification. Nous pensons donc que c'est avec raison que la doctrine contraire a

(1) Espèce:(Seiler C. Betting.) - Le 19 juin 1824, Seiler assigna Betting de Lancastel en reconnaissance de la signature par lui apposée au bas d'un décompte du 8 mai 1819, par lequel il reconnaissait devoir à Seiler 30,998 fr. 42 cent. Betting signifia un autre décompte, d'après lequel il prétendait ne devoir que 12,569 fr. 14 c., et paya cette somme.-Seiler la reçut seulement à compte de sa créance, et donna suite a sa demande.-Betting soutint qu'il etait libéré, et que bien plus il était creancier de 4,635 fr. qu'il demanda. Le 25 mai 1825, jugement du tribunal de Saverne qui déboute, quant à présent, le demandeur de sa demande en reconnaissance de la signature apposée au bas du décompte du 8 mai 1819, sauf aux parties à se pourvoir, où, comme et ainsi qu'elles aviseront bon être pour la liquidation definitive de leurs comptes.-Appel; 6 déc. 1825, arrêt confirmatif de la cour de

été accueillie par un arrêt plus récent qui a décidé qu'un débiteur par acte sous signature privée n'est pas tenu des frais de l'action en reconnaissance des signature et écriture qu'il n'a pas déniées, qu'il est seulement tenu des frais d'enregistrement de l'acte, qu'à défaut d'exécution, le créancier a été forcé de produire en justice (Cass, 23 août 1843, aff. Rougeard, V. Rente viagère, n° 128).

59. Si le défendeur, tout en comparant, ne reconnait l'écriture qu'implicitement, le tribunal peut, suivant les circonstances, rendre un jugement qui tient l'écrit pour reconnu. Ce jugement met fin à la procédure comme celui qui donne acte d'une reconnaissance explicite, et il est statué sur les frais d'après les mêmes principes. Lorsqu'au contraire le défendeur se présente pour dénier ou méconnaître l'écriture, et que le tribunal croit nécessaire de la faire vérifier, il est rendu un jugement prescrivant la vérification par un ou plusieurs des modes de preuve admis par l'art. 195 et dont nous nous occuperons dans l'article suivant.-Ce jugement est interlocutoire; en conséquence, l'appel peut en être interjeté avant le jugement définitif (Bruxelles, 23 mai 1807, aff. Vanbuchen, V. Appel civ., no 182).

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60. Les modes de preuve auxquels s'applique la procédure de vérification d'écritures sont au nombre de trois. Aux termes de l'art. 195 c. pr., l'acte peut être vérifié tant par titres que par experts et par témoins. Il convient de donner quelques explications sur ces opérations diverses.

61. La vérification par titres est en même temps la plus simple et la plus décisive de toutes les preuves. Elle a lieu lorsque la partie chargée de prouver qu'un acte sous seing privé émane véritablement d'une personne déterminée découvre et produit un titre authentique dans lequel cette personne a figuré et qui contient la relation du premier acte. Dans ce cas la vérité de l'écriture est démontrée (Conf. M. Boncenne, t. 5, p. 475).

62. L'expertise consiste dans un examen de la pièce contestée par des hommes de l'art désignés par les parties ou, à leur défaut, par justice. On comprend que l'inspection seule de la pièce ne peut fournir aux experts aucune lumière et qu'ils ne peuvent opérer qu'en la comparant avec d'autres titres ou pièces reconnues comme émanant de la personne à laquelle on attribue l'acte à vérifier. Aussi les experts procèdent-ils à l'aide de pièces de comparaison convenues entre les parties ou indiquées par le juge (c. pr., art. 199 et suiv., V. nos 102 et suiv.).

Lorsque les pièces de comparaison manquent, ou sont insuffisantes, l'expertise ne peut plus porter que sur un corps d'écriture tracé par le défendeur sur l'injonction du juge et dicté par les experts (c. pr., art. 206, V. no 150).-De tous les modes de preuve admis en justice en cette matière, la vérification par experts estla plus conjecturale. «Les bons esprits, dit avec raison M. Boucenne, t. 3, p. 478, sont armés de défiance contre les hasardeuses difficultés de cette espèce de preuve qui, partant de la supposition que chaque individu donne à son écriture un caractère original, aspire à conclure, par l'examen comparatif de plusieurs écritu res, qu'elles sont ou qu'elles ne sont pas de la même main. Cet argument à simili et verisimili doit être souvent trompeur, car il y a loin de la vraisemblance à la vérité et de la ressemblance à l'identité. » — - V. aussi sur ce point, Merlin, Rép. ve Compa

Colmar. Arrêt. Pourvoi pour violation des art. 193 et 194 c. pr. LA COUR, Vu l'art. 194 c. pr.;- Considérant que le sieur Betting de Lancastel a opposé, pour défense à la demande en reconnaissance de sa signature mise au bas du décompte, en date du 8 mai 1819, qu'il ne restait devoir sur la somme de 30,998 fr. 42 c. y portée, que celle de 12,569 fr. 14 c.;-Considérant que la cour royale de Colmar, au lieu de donner acte de la reconnaissance ou d'ordonner qu'il serait plus amplement contesté, a débouté, quant à présent, le sieur Seiler de sa demande en reconnaissance, ce qui est une contravention formelle à l'article précité;- Par ces motifs, donnant défaut contre le défendeur, casse.

Du 12 nov. 1828.-C. C., ch. civ.-MM. Brisson, pr.-Henry-Larivière, rap.-Joubert, 1er av. gén., c. conf.-Isambert, av,

raison d'écritures; Toullier, t. 8, nos 233 et suiv., et Carré, | mée. Ainsi, lorsque le défendeur prétend que, quand même l'acte quest. 804, à la note 2.

63. L'enquête, lorsqu'elle est possible, fournit en général au juge des éléments de décision plus sûrs que l'expertise. Il faut seulement bien déterminer quel est son objet en cette matière. Les témoins ne peuvent être reçus à déposer sur le point de savoir si l'obligation contenue en l'acte est réelle et sérieuse; ils doivent se borner à déclarer les faits tendant à établir que l'acte a été écrit ou signé par celui auquel il est attribué. L'art. 195 c. pr., en permettant la preuve par témoins en matière de vérification d'écriture, n'a donc apporté aucune modification ni dérogation au principe du droit civil qui prohibe ce genre de preuve lorsqu'il s'agit de plus de 150 fr.; car ce n'est pas sur la convention écrite dans l'acte que doit porter l'enquête, mais sur la formation matérielle de son contexte (Conf. MM. Boncenne, t. 3, p. 477; Carré et Chauveau, quest. 804; V. du reste, infrà, nos 176 et suiv.). Décidé en ce sens qu'en matière de vérification d'écritures la preuve ne peut être admise lorsqu'il s'agit d'une somme supérieure à 150 fr., qu'autant qu'on articule des faits relatifs, non à la sincérité des conventions contenues dans l'acte sous seing privé, mais à la formation matérielle de l'écriture (Bastia, 20 juill. 1842) (1). — V. aussi Req. 19 déc. 1827, aff. Ferrand, no 182.

serait vrai, il serait nul, il convient de statuer d'abord sur cette nullité, afin d'éviter aux parties des frais frustratoires, sauf à ordonner plus tard la vérification (Conf. MM. Chauveau sur Carré, quest. 803 quater; Thomine, t. 1, p. 355 et 356; Bioche, vo Vérification d'écritures, no 22).-M. Pigeau est le seul auteur qui admette, dans certains cas, la nécessité de la vérification d'un titre tout à la fois contesté quant à son écriture et argué de nullité. Selon lui, il faudrait distinguer entre les nullités absolues et les nullités relatives. Dans le premier cas, la vérification devrait être ajournée jusqu'après le jugement de la nullité, par exemple, s'il s'agissait d'une cause illicite; si, au contraire, la nullité était relative, il faudrait procéder avant tout à la vérification de l'écriture, car la partie aurait grand intérêt à ce que cette opération eût lieu, afin de se faire ensuite, de l'acte vérifié, un commencement de preuve par écrit. Le motif qui sert de base à la distinction faite par M. Pigeau ne nous paraît pas déterminant. Il est bien vrai que l'acte sous seing privé, frappé d'une nullité relative, peut servir de commencement de preuve par écrit pour prouver les obligations qu'il contient; mais il n'en résulte pas que, lorsque l'écriture de cet acte est déniée, la vérification doive précéder le jugement de la nullité: il suffirait, au contraire, de faire vérifier l'écriture au moment où, la nullité ayant été pro64. Il faut remarquer, du reste, que lorsqu'il est procédénoncée, la partie déclarerait opposer l'acte comme commencepar voie d'expertise ou d'enquête, la preuve peut embrasser tous les faits de nature à éclairer le juge. Décidé en ce sens qu'on doit admettre la preuve, non-seulement des faits qui se rattachent à la confection même de l'acte à vérifier, mais encore de ceux qui se rapportent à l'état physique et moral de la personne dont il émane, et à l'intention qui a déterminé la confection de cet acle (Caen, 20 avr. 1849, aff. Aubert, D. P. 50. 2. 39).

65. Ces explications préliminaires étant données, nous avons à rechercher si les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire pour prescrire les opérations diverses que nous venons de passer en revue, et s'ils peuvent procéder eux-mêmes à la vérification sans avoir recours à ces opérations.

66. Remarquons d'abord que le tribunal saisi n'est pas obligé d'ordonner la vérification de l'écriture d'un titre sous seing privé par cela seul que cette écriture est contestée, si cette mesure paraît inutile ou inopportune au moment où elle est récla

(1) Espèce (Forcioli et cons. C. Follacci.) Forcioli et consorts, assignés par la femme Follacci en payement d'une somme de 2,000 fr. résultant d'une obligation de leurs auteurs, et dont la femme Follacci est devenue cessionnaire, ont produit une quittance du créancier (sous seing privé) qui a été déniée. Après une expertise contraire, jugement qui condamne Forcioli et consorts au payement de la somme réclamée. Appel. Arrêt de défaut qui confirme. Sur l'opposition, la cour ordonne successivement deux expertises qui ne leur sont pas favorables. Ils ont demandé à prouver par témoins la sincérité de cette quittance au moyen de divers faits tendant à établir le payement de la créance réclamée. - Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'on n'articule aucun fait précis de nullité du rapport des experts en date du 12 fev. 1842, et que d'ailleurs il est régulier en la forme; Attendu que les appelants, en excipant de leur libération au moyen d'une quittance, dont l'écriture a été déniée, sont devenus acteurs dans leur exception et soumis par conséquent à l'obligation de prouver la vérité de la quittance par eux produite; - Attendu que par les expertises auxquelles il a été procédé devant les premiers juges, ainsi que par l'autre expertise faite d'autorité de la cour, l'écriture et la signature contestées non-seulement n'ont pas été reconnues véritables, mais elles sont indiquées comme ne paraissant pas émaner de la même main qui a écrit les pièces de comparaison; - Attendu que si, aux termes des art. 195 et 211 c. pr., la preuve testimoniale peut être admise en matière de vérification d'écriture, et si l'on peut faire entendre comme témoins non-seulement ceux qui ont vu écrire et signer l'écrit en question, mais aussi les témoins qui ont connaissance de faits pouvant servir à découvrir la vérité, toujours faut-il que ces faits soient concluants, c'est-à-dire qu'ils aient pour objet la vérité de l'écriture et la formation matérielle de l'acte ;- Attendu que les faits articulés par les appelants n'ont aucun rapport avec la matérialité de l'acte que le premier fait tend à établir que les appelants pouvaient avoir les moyens de réaliser le payement qu'ils allèguent, et que par le second fait ils veulent constater le fait du payement et arriver ainsi, malgré la prohibition de l'art. 1341 c. nap., à prouver par témoins qu'ils se sont libérés d'une somme excédant 150 fr,, sans qu'il existe

ment de preuve par écrit.

67. Par application du principe que le juge peut refuser d'ordonner la vérification lorsque cette mesure paraît inutile, il a été décidé: 1° que le tribunal civil saisi par renvoi du tribunal de commerce, sur la demande de l'héritier, de la vérification des écritures et signatures des billets souscrits par le défunt, a pu, sans excès de pouvoir, au lieu de procéder à la vérification et sans s'en occuper, statuer sur la nullité de ces billets pour dol et simulation, si cette nullité lui a été demandée par action principale et s'il y a été défendu (Req. 10 juin 1813, MM. Lasausade, pr., Babille, rap., aff. Detorcy C. Richard fils); - 2o Qu'une cour d'appel peut, sans être tenue d'ordonner la vérification demandée, par suite d'une méconnaissance d'écriture de la part des héritiers, déclarer nulle la pièce qu'elle reconnait, par appréciation des actes produits et des circonstances de la cause, être le fruit du dol et de la fraude (Req. 14 mars 1837) (2).

68. De même, lorsque la sincérité d'un acte sous seing

aucun commencement de preuve par écrit, car on ne saurait regarder comme tel un acte méconnu et non encore vérifié (art. 1347 c. nap.); -Attendu que la sincérité de la quittance n'étant pas justifiée, ce titre ne peut être opposé à la demande fondée sur une créance dûment établie; Adoptant au surplus les motifs des premiers juges; - Sans s'arrêter à l'opposition des parties de Me Nicolini, déclare non pertinents ni admissibles les faits par elles articulés, maintient par conséquent son arrêt de défaut, en date du 23 mai 1842, et en ordonne de plus fort l'exécution.

Du 20 juill. 1842.-C. de Bastia.-MM. Colonna d'Istria, 1r pr.D'Aiguy, av. gen., c. conf.-Bradi et Suzzoni, av.

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(2) Espèce:-- (Goublin C. Bouvard.) En 1825, obligation notariée de 17,000 fr. est consentie par Goublin au profit du sieur Bouvard. Les héritiers de celui-ci, décédé, en ont demandé le payement. Goublin leur oppose en compensation divers billets qui paraissent souscrits depuis par feu Bouvard. Les héritiers les arguent de fraude et déclarent en méconnaître l'écriture et la signature.. Goublin conclut, devant la cour d'appel, à ce qu'il soit procédé à leur vérification.- 30 janv. 1856, arrêt de la cour de Nancy qui, sans ordonner, conformé➡ ment au code de procédure, cette verification qu'elle considère comme facultative, trouvant d'ailleurs dans les faits la preuve de la fraude ou de la fausseté des prétendus billets, les declare nuls, et condamne Goublin à payer l'obligation de 1825. Pourvoi pour contravention aux art. 1524 c. civ. et 195 c. pr. civ., en ce que la cour royale n'a pas ordonné la vérification d'écriture. Arrêt.

LA COUR Attendu que l'art. 1524 c. civ., en ordonnant la vérification en justice des écritures qui sont désavouées, n'ôte point aux juges le droit de faire eux-mêmes cette verification;-Que l'art. 195 c. pr. déclare que la vérification des écritures en pourra être ordonnée tant par titres que par experts, et que l'art. 325 du même code déclare que les juges ne sont point astreints à suivre l'opinion des experts, si leur conviction s'y oppose; qu'il résulte de ces dispositions de la loi que les juges peuvent, à l'aide de leurs lumières, en appréciant les actes produits et les circonstances qui se présentent dans une contestation, admettre le désaveu d'une écriture, sans avoir recours à l'expertise;

privé est démontrée par les faits de la cause, et notamment par l'exécution donnée à l'acte par la partie qui dénie sa signature, le juge peut, nonobstant cette dénégation, tenir l'acte pour reconnu, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une vérification préalable (Rennes, 2o ch., 12 avr. 1825, M. Denis-Duporzon, pr., aff. le Solleux C. le Boudher).

69. Mais lorsqu'il est nécessaire de statuer sur la sincérité ou la fausseté de la pièce, le tribunal a-t-il le droit de se prononcer sur ce point sans prescrire aucune vérification par titres, par experts ou par témoins? Peut-il se déterminer uniquement par l'impression qu'il reçoit des faits de la cause?-Si, pour résoudre cette question, on se référait uniquement au texte de l'art. 1324 c. nap., on pourrait penser que le juge ne peut, dans aucun cas, échapper à l'obligation d'ordonner la vérification de l'écriture contestée, car, ainsi que nous l'avons vu no 6, cet article dispose qu'en cas de déni ou méconnaissance d'écriture, la vérification en est ordonnée, rédaction qui paraît avoir un caractère impératif. Mais l'art. 195 c. pr., qui n'est pas conçu dans les mêmes termes, porte que, dans les mêmes cas, la vérification pourra être ordonnée. Ces deux textes étant inconciliables et la disposition de l'art. 195 c. pr. étant la plus récente, il semble qu'on doit en conclure que cette disposition a modifié l'art. 1324 c. nap. en substituant à une obligation pour le juge une simple faculté. Telle est en effet la théorie adoptée sur ce point par la plupart des auteurs (V. MM. Bioche, no 16; Pigeau, Comm., t. 1, p. 427; Favard, t. 5, p. 918; Thomine, t. 1, p. 55 et 356, Berriat Saint-Prix, p. 268, no 13; Chauveau sur Carré, no 803 ter.; Boncenne, t. 3, p. 486).—Cette opinion, à laquelle nous nous rallions, s'appuie non-seulement sur le texte de l'art. 195 c. pr., mais sur une considération qui paraît décisive. Il est de principe qu'en matière de vérification d'écritures comme en toute autre matière, le juge n'est pas obligé de conformer sa décision à l'avis exprimé par les experts (V. infrà, nos 182 et suiv.): l'on ne comprend pas, dès lors, comment il pourrait être contraint d'ordonner une opération longue et coùteuse aux résultats de laquelle il serait toujours libre de n'avoir aucun égard. Aussi, le code de Genève veut-il (art. 250 et suiv.) que la vérification de la pièce contestée soit faite par le tribunal lui-même toutes les fois que cela est possible (V. suprà, no 5). Cependant MM. Rauter, Cod. proc. civ., p. 208, no 198; Demiau, p. 157; Rigaud et Championnière, t. 3, no 1826; Trouillet, vo Débiteur, no 40, enseignent, mais à tort suivant nous, que le juge ne peut se dispenser d'ordonner la vérification par experts de l'écriture contestée. Suivant ces auteurs, l'art. 195 c. pr., en disant que la vérification de l'écriture pourra être ordonnée tant par titres que par experts et témoins, a voulu, non permettre au juge de vérifier l'acte lui-même, mais seulement l'autoriser à choisir entre les trois modes de vérification dont parle l'article. Cette interprétation nous parait inacceptable.

70. La plupart des arrèts ont, du reste, consacré la doctrine qui laisse le juge maître de vérifier lui-même l'écriture, lorsqu'il

Sur le deuxième moyen: Attendu que l'arrêt attaqué énumère, dans ses motifs, les circonstances de fait et les preuves morales qui ont convaincu les magistrats que les pièces présentées par le demandeur étaient le produit du dol et de la fraude; que, dès lors, l'arrêt n'a violé ni l'art. 1324 c. civ., ni l'art. 195 c. pr., ni enfin l'art. 1116 c. civ.; Rejette.

Du 14 mars 1857.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Joubert, r. (1) (Tueux C. Lucas.) LA COUR; Attendu qu'en thèse générale, et d'après l'art. 325 c. pr. civ., les juges ne sont jamais lies par les avis des experts, et peuvent, en négligeant l'opinion de ceux-ci, la remplacer par celle qui résulte pour eux de l'examen des documents du procès; Attendu que l'art. 1324 c. civ., en ordonnant la vérification en justice des écritures désavouées, n'a point ôté au juge le droit de la faire lui-même, et porté d'une manière expresse atteinte au principe général; Attendu qu'il résulte, au contraire, des termes formels de l'art. 195 c. pr. civ., que la vérification des écritures pourra être ordonnée tant par titres que par experts: ce qui prouve que le législateur a voulu seulement qu'en cas de désaveu, on ne condamnât point sans vérification, et qu'il s'en est rapporté, à cet égard, à la sagesse et aux lumières du juge;- Attendu que, dans l'espèce, les juges ont reconnu que l'écriture des testaments était celle de la dame Lucas, non-seulement d'après la vérification et comparaison qu'ils ont faite des caractères de son écriture, mais encore d'après l'examen de tous les faits et circonstances de la cause; - Que cette décision, loin de violer l'art.

croit pouvoir le faire sans le secours d'experts ou de témoins.— La jurisprudence de la chambre des requêtes de la cour de cassation s'est, notamment, prononcée dans ce sens avec une persistance qui ne s'est jamais démentie; ainsi elle a décidé: 1o que les juges ne sont pas obligés d'ordonner la vérification de l'écriture et de la signature d'un acte sous seing privé; qu'ils ont à cet égard un pouvoir discrétionnaire et qu'ils peuvent tenir un acte pour reconnu, s'il leur paraît émané de la main de celui à qui il est attribué (Req. 3 déc. 1839 (1); 3 avr. 1823, MM. Lasaudade, pr., de Ménerville, rap., aff. Rifflart C. Lefebvre; 9 fév. 1850, aff. Bossard, V. Interdict., no 184-2°; 24 mai 1837, MM. Zangiacomi, pr., Faure, rap., aff. Desescures C. Roche; 9 déc. 1839, aff. Druyer, V. Obligation, no 4152); -2° Que les juges peuvent refuser d'ordonner la vérification d'un testament dont l'écriture ou la signature est contestée, si des circonstances de la cause résulte la preuve de la sincérité de ce testament (Req. 23 fév. 1819, M. Botton, rap., aff. Lecorju C. Fizel); -3° Que les juges peuvent déclarer réguliers des billets produits devant eux, sans ordonner que l'écriture en soit vérifiée, bien que cette écriture eût été méconnue et la vérification demandée par l'héritier de la personne à laquelle ces billets sont attribués (Req. 13 avr. 1824, MM. Lasaudade, pr., Favard, rap., aff. Formé C. Ragon et Miolane); - 4° Que lorsque des héritiers déclarent méconnaître l'écriture et la signature de leur auteur, l'art. 1324 c. nap., qui ordonne en ce cas la vérification en justice des écritures méconnues, n'enlève pas aux juges le pouvoir de faire eux-mêmes celle vérification; que d'ailleurs, d'après l'art. 195 c. pr., cette vérification est un mode d'instruction purement facultatif pour le juge (Req. 14 mars 1837, aff. Goublin, V. no 67; 3 juill. 1850, aff. Circourt, D. P. 50. 1. 209);-5° Qu'un testament peut être déclaré non sincère sans que la vérification de l'écriture de ce testament soit ordonnée, si les juges déclarent que, quel que soit le résultat de cette vérification, il ne s'ensuivrait pas que le testament produit fût bien réellement émané de celui auquel il est attribué (Req. 27 mai 1856, aff. Quatrefage, D. P. 56. 1. 249). Plusieurs cours impériales ont embrassé la même doctrine (Besançon, 30 avr. 1812, aff. N..... C. N.....; Rouen, 6 mai 1823, aff. Vallée-Villy; 17 janv. 1828, M. Carel, pr., aff. héritiers Berr C. hér. de Courcelle; Paris, 2 ch., 14 janv. 1832, M. Dehérain, pr., aff. Gerfaud C. Gerfaud; Bordeaux, 10 juin 1834, aff. Ducaule C. Cazeaux; Paris, 3e ch.. 27 déc. 1858, M. Hardoin, pr., aff. Tueux C. Lucas; Paris, 30 ch., 31 juill. 1852, M. Poultier, pr., aff. Demy C. hér. Lenoir). 71. Toutefois, il a été jugé: 1° que les dispositions des art. 1324 c. nap. et 195 c. pr. sont impératives et non pas simplement facultatives (Rennes, 3 mars 1825) (2);—2o Que lorsque des héritiers déclarent ne pas reconnaître la signature de leur auteur apposée au bas de billets ou récépissés, la vérification, si le demandeur néglige de la requérir, peut non-seulement être demandée par voie d'exception, mais elle doit même, dans le silence des parties, être ordonnée d'office (Agen, 6 août 1812) (5).

1324 c. civ., est la plus juste application de l'art. 195 c. pr. civ.; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la cour de Paris, du 27 dec. 1838. Du 3 déc. 1839.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.- Bayeux, rap. (2) (Le Corvez C. Couativy.) La Cour; Considérant, en droit, que les art. 1324 c. civ. et 195 c. pr. portent, le premier, que « dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature, la verification en doit être ordonnée en justice; » et le second, que, « dans la même bypothèse, cette vérification pourra être ordonnée tant par titres que par experts et par témoins; » — Considérant que ces dispositions de la loi sont impératives et non facultatives sur la nécessité de la vérification; Considérant, en fait, que les appelants ont constamment dénié devant les premiers juges, comme ils dénient devant la cour, les signatures maintenues apposées par eux au pied de l'acte de vente du 14 flor. an 10, et de trois quittances des 19 vend. et 6 germ. an 11 et 25 vend. an 12; d'où il suit qu'il a été précipitamment jugé par les premiers juges; Par ces motifs, dit, etc.

Du 3 mars 1825.-C. de Rennes, 20 ch.-M. Duporzon, pr.

(3) (N... C. hér. Bargnères.) LA COUR; Attendu, en fait, que les parties de Lamer ont formellement déclaré ne pas reconnaître la signature apposée au bas des billets, ou récépissés, produits par la partie de Gladi, au soutien de sa demande, et attribuée à feu Bargnères, leur père; Attendu, en droit, que, suivant les dispositions des art. 1322, 1523 et 1324 c. civ., les écritures privées, déniées ou non avėrées, ne font pas foi entre les parties, et ne peuvent, par conséquent

72. Quelques arrêts de la chambre civile de la cour de cassation sembleraient, au premier abord, contraires à la jurisprudence de la chambre des requêtes. - La chambre civile a décidé en effet 1° que les tribunaux doivent nécessairement et même d'office ordonner la vérification des écriture et signature d'une obligation sous seing privé, lorsque les héritiers du souscripteur, contre lesquels l'exécution en est demandée, déclarent ne pas reconnaître cette obligation; et cela, encore bien qu'ils

servir de base à aucune condamnation judiciaire; que les héritiers ou ayants cause peuvent se contenter de déclarer qu'ils ne connaissent point l'écriture et la signature de leur auteur, et que dans ce cas la vérification en est ordonnée en justice; d'où la conséquence que la vérification peut, si le demandeur néglige de la requérir, non-seulement être poursuivie par voie d'exception, mais encore que dans le silence des parties elle doit être ordonnée d'office, etc.

Du 6 août 1812.-C. d'Agen.-M. Lacuée, 1er pr.

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(1) Espèce : — (Hér. Paret C. Dextre.) — Les époux Dextre, porteurs d'un billet de 4,000 fr. souscrit par Paret, interdit, avaient fait assigner les dames Meunier et Brunet, héritières de Paret, en payement de cette somme. Celles-ci soutinrent que ce billet, quoique daté avant le jugement d'interdiction, n'en était pas moins nul, n'ayant pas acquis date certaine avant cette époque; elles déclarèrent en même temps qu'elles n'entendaient nullement approuver les écritures et signatures du billet. Le tribunal de Saint-Amand accueillit cette défense; mais, sur l'appel, la cour de Bourges, par arrêt du 4 janv. 1831, déclara que le billet avait date certaine vis-à-vis des héritiers (V. Interd., no 219-1o), et prononça en ces termes sur le point de savoir s'il y avait lieu d'ordonner la vérification des écriture et signature du billet, etc.:«Considérant, sur la deuxième question, qué les héritiers Paret ont eu le temps nécessaire pour vérifier les écriture et signature du billet; que, s'ils ne les reconnaissaient pas comme étant de leurs frère et beau frère, ils devaient le déclarer in limine litis; que, dans ce moment, ils ne s'expliquent pas encore, et se contentent de faire des réserves qui ne peuvent pas suspendre le cours de la justice; Par ces motifs, les condamne à payer, etc. » — Pourvoi pour violation, entre autres, des art. 1322, Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.).

1325 et 1324 c. civ..

LA COUR;

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Vu les art. 1522, 1323 et 1324 c. civ.;-Attendu que si celui auquel on oppose un acte sous seing privé est obligé d'avouer ou de désavouer formellement sa signature ou son écriture, il en est autrement lorsqu'un pareil acte est opposé à des héritiers comme la preuve d'une obligation qu'aurait contractée celui dont ils recueillent l'hérédité; que ceux-ci peuvent se contenter de déclarer qu'ils ne reconnaissent pas l'écriture et la signature de leur auteur, que, dans ce cas, la preuve de l'obligation par la vérification d'écriture doit être nécessairement ordonnee préalablement a toute condamnation, et d'office lors même qu'il n'y aurait pas eu de conclusions prises à ce sujet; Que, dans l'espèce, ainsi que le constatent les qualités de l'arrêt attaqué, les hé ritiers de Faret ont déclaré qu'ils ne reconnaissent ni ne méconnaissent l'écriture de leur auteur; qu'en cet état, la cour royale de Bourges devait ordonner la vérification de l'écriture et de la signature de Paret, et qu'en se dispensant de prescrire cette vérification et en ordonnant le payement du billet litigieux, en l'absence de cette preuve, elle a expressement violé les lois précitées, et sans qu'il soit besoin de s'expliquer sur le premier moyen, casse.

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Du 15 juill. 1834.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Chardel, rap.-De Gartempe fils, av. gén., c. conf.-Piet et Jouhaud, av. (2) Espèce: (Loudun C. hérit. Peyre-Ferry). Le sieur PeyreFerry, pere, possédait à la Martinique plusieurs maisons, lorsqu'il vint s'établir à Marseille. Le 11 avr. 1810, il écrivit à l'un de ses fils, François-Kené, qui habitait les Etats-Unis, de passer à la Martinique, et de vendre toutes ses maisons, au prix le plus avantageux. Dans cette lettre, il rappelait à son fils qu'il lui avait dejà donné, en l'an 10, une procuration notariée pour vendre d'autres immeubles, mais à l'exception des maisons dont il autorisait aujourd'hui l'aliénation. En vertu de ces pouvoirs, François-René mit en vente, par adjudication publique, une maison. Le sieur Loudun en devint acquéreur, le 3 sept. 1810, et la céda à son fils. En 1823, quatre des neuf enfants de PeyreFerry, père, décédé, assignèrent au nom de leur auteur, le sieur Loudun fils, en qualité de tiers détenteur, en nullité de la vente du 5 sept. 1810, se fondant sur ce que la procuration notariée de l'an 10, susmentionnée, interdisait à leur frère, François-René, de vendre les maisons el que cette interdiction n'avait pu être levée par une simple lettre missive. Action en garantie de la part de Loudun fils; il oppose aux demandeurs la lettre du 11 avr. 1810. Les héritiers Peyre-Ferry déclarent qu'ils ne reconnaissent pas, comme émanant de leur auteur, la signature apposée au bas de la lettre du 11 avr. 1810; ils prétendent, d'ailleurs, que la prohibition de vendre la maison achetée par le sieur Loudun, prohibition qui se trouvait dans une procuration authentique, n'avait pu être levée par simple lettre. Le sieur Loudun oppose d'abord que, si les héritiers Peyre-Ferry ne reconnaissent pas la signature

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n'auraient pas pris des conclusions expresses (Cass. 10 juill. 1816, aff. Miquel, V. Compét. civ. des trib. d'arrond., no 419, 2e espèce; 15 juill. 1834 (1); — 2° Que lorsqu'il y a méconnaissance par les héritiers d'une signature apposée au bas d'une lettre missive et attribuée à leur auteur, le juge doit, avant de rejeter la pièce, en ordonner, même d'office, la vérification (Cass. 6 fév. 1837) (2). Toutefois, il est à remarquer que, dans les deux premières affaires, les cours de Montpellier et de Bourges

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23 déc. 1828, jugement du tribunal du Fort-Royal, ainsi conçu :« Sur la demande en vérification d'écriture ou de signature: — ALtendu que les parties ne sont point d'accord sur le point de savoir laquelle doit poursuivre la vérification; que la partie intéressée à faire reconnaître la signature devrait devenir demanderesse pour poursuivre cette vérification, puisqu'aux termes de l'art. 1323 c. nap., les héritiers peuvent se contenter de dire qu'ils ne reconnaissent pas la signature de leur auteur, ce qu'ils ont fait dans l'espèce; qu'au surplus, le tribunal ne peut ordonner cette vérification, puisque ce serait juger par un interlocutoire que la décision du procès dépendrait du fait de la vérité ou la fausseté de la signature apposée à la lettre du 11 avr. 1810, tandis qu'il convient de juger d'abord si la vente ne peut être attaquée, en droit, indépendamment de ce fait;.......... — A l'égard de la lettre du 11 avr. 1810: Attendu que si, aux termes de l'art. 1985 c. nap., le mandat peut être donné par acte sous seing privé, par lettre ou même verbalement, il n'est point dérogé par cet article aux principes généraux sur les obligations conventionnelles; que le mandat sous seing privé n'est donné, en général, que pour administrer ou vendre des objets mobiliers de peu de valeur; qu'il serait contraire aux principes du droit, qu'une simple lettre devint non-seulement la base d'un acte public, mais qu'elle pût anéantir, par une disposition vague, la probibition formelle d'un acte authentique, lorsque surtout cet acte portait qu'il conserverait toute sa force jusqu'à révocation expresse et nonobstant surannation; d'où il suit que cette lettre, prise isolément, n'était pas un mandat suffisant pour vendre une maison que le père de famille, mandant, avait très-formellement défendu dans un acte authentique de vendre; Attendu que la lettre opposée aux demandeurs, comme ayant opéré un titre légal pour opérer la vente, n'est pas écrite de la main du mandant, ne porte aucun approuvé d'écriture, et n'est revêtue d'aucune formalité qui puisse inspirer la confiance, tandis que toutes les circonstances de la cause font craindre qu'elle ne soit le produit de la fraude; — Attendu que, s'il est vrai de dire qu'on ne peutêtre tenu de prouver son innocence, et que la fraude ne se présume pas, il n'en est pas moins constant, aux termes de l'art. 1323 c. nap., que celui auquel on oppose un acte sous seing privé, peut désavouer formellement la signature, et que les héritiers Peyre-Ferry peuvent se contenter de dire qu'ils ne reconnaissent pas la signature de leur auteur, ce que les demandeurs ont fait dans l'espèce ;..... Déclare qu'il n'y a lieu d'ordonner la vérification d'écriture et signature, et annule la vente, etc. »

Appel.

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9 déc. 1830, arrêt de la cour de la Martinique qui confirme en adoptant ces motifs. Pourvoi. 1o Fausse application de l'art. 1323 c. nap., et violation des art. 1315 et 1324 même code, en ce que l'arrêt attaqué a jugé que, pour autoriser le rejet de la lettre du 11 avril 1810, dont la signature se trouvait méconnue par les héritiers Peyre-Ferry, il n'était pas nécessaire de procéder à uue vérification d'écritures. 20 Violation de l'art. 1985 c. nap., en ce que l'arrêt attaqué a jugé qu'un mandat par lettre ne pouvait ni modifier un mandat précédemment donné par acte authentique, ni autoriser à vendre un immeuble.— Arrêt. LA COUR; Vu les art. 1322, 1323, 1324 et 1985 c. nap.; Altendu, qu'aux termes de l'art. 1985, une procuration peut être valablement donnée par acte sous seing privé, même par lettre; - Que, suivant l'art. 1322, l'acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a la même foi que l'acte authentique; Attendu qu'il résulte des art. 1325 et 1524 que lorsqu'un héritier déclare ne pas connaître la signature attribuée à son auteur, la vérification en est ordonnée en justice, expressions impératives qui annoncent que cette verification doit être ordonnée d'office, alors même qu'il n'y a pas de conclusions prises à ce sujet; Attendu, en fait, que, dans le contrat de vente du 3 sept. 1810, passé au profit du sieur Loudun père, le sieur Francois-René Peyre-Ferry, fils, a agi comme mandataire du sieur Peyre-Ferry, son père, suivant la lettre du 11 avr. 1810;-Que la signature de cette lettre n'ayant pas été reconnue par les défendeurs, la cour royale de la Martinique n'en a pas ordonné la verification; Attendu qu'en rejetant cette lettre, sans en avoir préalablement ordonné la vérification, et en considérant la vente du 3 sept. 1810 comme faite par une personne sans qualité, par le motif qu'une

avaient admis comme vrais des actes sous seing privé dont l'écriture était méconnue et en avaient autorisé la mise à exécution sans rien statuer sur leur sincérité; elles avaient donc violé les principes de la matière, et à ce point de vue, leurs arrêts ne pouvaient échapper à la cassation. Il en est de même de l'arrêt du 6 fév. 1837; la cour de la Martinique avait rejeté du procès une pièce dont, dans l'espèce, on méconnaissait l'écriture sans avoir soumis cette pièce à aucune vérification préalable. Il suit de là que ces arrêts doivent être considérés comme ayant décidé, non pas que le juge est obligé d'ordonner une vérification par experts toutes les fois que l'écriture d'un acte est déniée ou méconnue, mais seulement qu'on ne peut admettre ou rejeter, sans vérification préalable, une pièce contestée quant à son écriture.

73. Passons maintenant au cas où le juge, ne trouvant pas dans la cause des éléments qui lui permettent d'apprécier par lui-même la vérité de l'écriture, croit devoir en ordonner la vérification, conformément à l'art. 195 c. pr. Quel est le pouvoir du tribunal dans ce cas? Peut-il avoir recours en même temps aux trois modes de preuve indiqués par cet article? Cette simultanéité est-elle pour lui une obligation? Il faut répondre que sur ces deux points la loi laisse au juge la plus grande latitude, et qu'elle lui confère une entière liberté d'appréciation.

74. D'abord il résulte des termes mêmes de l'art. 195, que la vérification peut être ordonnée simultanément, tant par titres que par experts et par témoins (Conf. Liége, 15 déc. 1810 et 29 mars 1811 (1); Besançon, 5 août 1819, aff. N...).

5. Mais de ce que les trois modes de preuve peuvent être employés simultanément, il ne résulte pas que leur concours

procuration pour vendre un immeuble ne pouvait régulièrement résulter d'une simple lettre, l'arrêt attaqué a violé les articles du code Napoléon ci-dessus cités; Par ces motifs et sans qu'il soit nécessaire de s'occuper du moyen tiré de l'art. 2005 c. nap., casse.

Du 6 fév. 1837.-C. C., ch. civ.-MM. Boyer pr.-Thil, rap. (1) (Groenendaels C. Daris.) — LA COUR; Attendu qu'il s'agit, dans l'espèce, de vérifier des signatures apposées à un acte de vente sous seing privé, portant date du 9 frim. an 14; - Que, par jugement du 8 mars 1810, l'appelant a été admis à faire cette vérification, tant par titres que par experts et par témoins; - Qu'à cet effet, il a entrepris une enquête, et qu'ensuite il a porté la cause à l'audience du tribunal de première instance, et y a conclu à ce que les signatures contestées fussent tenues pour dúment vérifiées, se réservant en même temps de pouvoir procéder à la vérification des mêmes signatures par les autres voies de droit indiquées par le jugement du 8 mars précédent;

Attendu que, sur la notification de cette conclusion, l'intime y a formé opposition, et que par acte d'avoué à avoué, du 17 avril 1810, il a conclu à ce que l'appelant fût, quant à présent, déclaré non recevable, par le motif que le juge ayant ordonné de procéder à la vérification par experts, et que l'appelant étant en défaut de satisfaire à ce jugement, il n'avait pu porter la cause à l'audience sans avoir achevé la vérification ordonnée; Attendu que sur ces conclusions, le juge de première instance a décidé, par le jugement dont est appel, que l'appelant était, quant à présent, non recevable, parce que la vérification d'écriture par témoins pourrait seulement avoir lieu lorsqu'il n'existerait pas de pièces de comparaison; - Attendu qu'il résulte de cet exposé que les parties et le premier juge ont commis des erreurs qu'il importe de relever et de corriger: erreur de la part de l'appelant, en ce qu'en portant la cause à l'audience pour faire prononcer sur la vérification, il a fait une réserve contraire à sa demande; Erreur de la part de l'intimé, en ce qu'au lieu de demander à l'appelant l'explication que celui-ci a donnée à l'audience de la cour, savoir qu'il renonce à toute autre preuve relative à ladite vérification, ledit intimé a soutenu que l'appelant ne pouvait se dispenser de proceder à l'expertise; Erreur de la part du premier juge, en ce qu'il met en principe que la vérification par témoins ne peut avoir lieu qu'à défaut de pièces de comparaison, ce qui mettait l'appelant dans la nécessité absolue de procéder malgré lui à une expertise à laquelle il voulait renoncer; Altendu, en droit, que l'appelant ayant été admis à vérifier lesdites signatures par titres, par experts et par témoins, il a pu employer ces trois genres de preuve à la fois, mais qu'il lui a été également libre de se borner à un seul genre de preuve; Attendu qu'après la déclaration faite à l'audience par l'appelant, la cause se trouve disposée à recevoir une décision définitive sur la question de la vérification, et qu'à cet effet il y a lieu de l'évoquer ; Par ces motifs, donne acte de la déclaration de l'appelant qu'il renonce à la preuve par experts; met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, évoquant et sans avoir égard à la conclusion de l'intimé, reprise dans l'avenir signifié le 17 avril dernier, ordonne aux parties de plaider au fond sur le point de la vérification, etc.

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soit obligatoire. Ainsi le juge peut, suivant les circonstances, ne prescrire qu'un seul ou deux des trois modes de preuves dont parle l'art. 195 c. pr.― Jugé en conséquence; 1° que les tribunaux peuvent autoriser là vérification d'une écriture seulement par experts et par témoins (Colmar, 12 juill. 1807, aff. Guillemot, V. Dispos. entre-vifs et test., no 2736; Cass. 13 nov. 1816, aff. Lafont, eod., no 2736-3°; Besançon, 28 juill. 1818, aff. N... C. N...; Req. 20 juin 1820, MM. Henrion, pr., Dunoyer, rap., aff. Dujardin C. Bizet); 20 Qu'ils ne sont pas tenus d'ordonner cumulativement la vérification par titres, par experts et par témoins, s'il leur paraît suffisant d'ordonner une expertise (Angers, 15 déc. 1819) (2); 3o Qu'on peut, à défaut de pièces de comparaison, procéder à la vérification d'écriture uniquement par témoins (Rennes, 24 juill. 1812, aff. Mehonas C. David 22 avr. 1816, aff. Ñ... C. N...; Angers, 5 juill. 1820, aff.; Lemoy, V. Disposit. entre-vils et test., no 2760-2o).

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76. Le tribunal peut aussi, suivant les nécessités de chaque cause, n'admettre d'abord qu'un mode déterminé de vérification, et si l'opération prescrite n'a pas produit les résultats qu'on espérait, ordonner par un second jugement qu'il sera procédé à la preuve par une autre voie (Conf. MM. Thomine-Desmazures, t. 1, p. 557; Rauter, p. 209; Carré et Chauveau, no 804 et 855; Favard, t. 5, p. 919). Ainsi, quand un tribunal a, par un premier jugement, ordonné la vérification par experts de l'écriture d'un acte, il peut, par un second jugement, prescrire la vérification de cet acte par témoins (Paris, 22 flor. an 11, aff. Lamaison, n° 81; Nimes, 2 déc. 1806, aff. Giraud C. Gramidon). C'est ce qui été jugé spécialement à propos de la vérification

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Du 15 déc. 1810.-C. de Liége, 2 ch.

En exécution de cet arrêt, la cause ayant été plaidée au fond, il intervint l'arrêt définitif suivant :- Arrêt. LA COUR;

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- Attendu que la partie Fréson (Groenendaels) a avoué avoir signé une convention faite avec la partie Deponthière (Daris); mais qu'elle a dit que cette convention était confidentielle, et que, d'un autre côté, elle a ajouté qu'elle était dans un état d'ivresse lorsqu'il s'est agi de cette convention; - Attendu qu'il résulte de l'enquête que trois témoins, contre les dépositions desquels on n'a élevé aucun reproche fondé, attestent d'une manière uniforme: 1° que la partie Fréson n'était point dans un état d'ivresse lorsqu'elle a signé l'acte de vente du 9 frim. an 14, et 2° que les trois signatures Jean Groenendaels, qui se trouvent dans ledit acte, ont été apposées par ladite partie Fréson en leur présence; qu'il résulte de là que lesdites signatures sout saffisamment vérifiées, et qu'il y a lieu d'adjuger à la partie Deponthière les demandes qu'elle a formées; - Par ces motifs, déclare les signatures dont il s'agit dûment vérifiées, etc. Du 29 mars 1811.-C. de Liége, 2o ch. (2) (Guerin C. Lointier.) LA COURS - Attendu qu'en première instance et devant la cour, le sieur Guérin n'a voulu reconnaître ni contester que l'écriture, la date et la signature composant l'acte en forme de testament olographe dont il s'agit, fussent réellement et en entier de la main de la feue dame veuve Guérin sa sœur; - Attendu que sur ce point de fait, et dans l'état où se présentait la cause à cet égard devant les premiers juges, ils se trouvaient, avec faculté d'opter, dans l'alternative de se décider dès lors par leurs propres lumières, ou d'ordonner préalablement, comme ils ont jugé convenable de le faire, même pour la satisfaction des parties, la vérification désignée par l'art. 195 c. pr.; Attendu, au fond, que cet article, bien concu, n'impose pas indispensablement l'obligation de faire concourir en ce cas les trois moyens de vérifier et de prouver qu'il désigne; qu'ils y sont présentés seulement comme étant ceux qu'on peut et doit employer de préférence en cette matière ; qu'à cet égard, cet article est purement facultatif, en sorte que si l'un de ces moyens se trouve suffisant, la partie poursuivante peut se dispenser de recourir aux deux autres; que, cela posé et justement entendu en droit, le sieur Lointier a bien pu s'attacher et s'en tenir, comme il l'a fait, à la seule vérification par experts, et avec d'autant plus de raison que le sieur Guérin, qui avait de droit la faculté d'offrir et administrer toute preuve contraire, s'est abstenu d'en proposer aucune; Attendu enfin que les deux rapports d'experts vérificateurs se sont trouvés, en résultat, bien concordants, sans énonciation de doute ni de dissentiment entre eux, sur le point de fait qui était à vérifier; que, par ces deux rapports distincts, et cependant unanimes, tous les experts successivement appelés ont reconnu et déclaré formellement que l'écriture, la date et la signature dudit acte testamentaire sont bien et entièrement de la main de la veuve Guérin, testatrice; que d'ailleurs leurs déclarations affirmatives sur ce point se trouvent en accord avee les circonstances et les présomptions établies au procès; Par ces motifs, etc.

Du 15 déc. 1819.-C. d'Angers.

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